Impact du stress thermique sur la reproduction de brebis Hamra en zone semi-aride sud méditerranéenne

H Yerou, A Homrani¹, M Rehal, H Ouldoulhadj² et B Koudad²

Département des sciences Agronomiques Université de Mustapha Stambouli, Mascara, Algérie
houariyerou@gmail.com
¹ Laboratoire sciences et techniques de production animale, Université de Mostaganem, Algérie
² Institut Technique d’élevage ITElv, Station d’Ain El Hadjar, Saida, Algérie

Résumé

L’impact du stress thermique exprimé par l’index température-humidité (THI) sur quelques composantes de la productivité ovine a été étudié chez la race locale Hamra conduite dans la station de recherche ITelv, en zone semi-aride du Sud-Ouest Algérien. Au cours de 10 saisons de reproduction successives (2010-2019), 1 870 enregistrements ont été recueillis. Les données biologiques de reproduction et météorologiques ont été analysées statistiquement pour comparer les variations des composantes de la productivité du troupeau sous l'effet du stress thermique. Les valeurs annuelles et mensuelles de la température de l'air et de l'indice de température et d'humidité (THI) tout au long des années ont connu une augmentation marquée. Un effet négatif du stress thermique sur la productivité existait avec une réduction consistante significative (P<0,05) des performances zootechniques du troupeau suite au changement climatique. Les valeurs de THI mensuelles ont oscillé d'un stress thermique sévère (23,3 ≤ THI < 25,6) à un stress thermique extrêmement sévère THI ≥ 25,6 dont la durée est passée de 122 jours en 2010 et 2018 à 184 jours en 2019. La fertilité est passée de 81,2 à 78,4 %. Le poids moyen à la naissance et au sevrage ainsi que le gain journalier moyen ont diminué de 6 %, 5 % et 17 % respectivement. Enfin, la taille de la portée à la naissance des agneaux a chuté de 7 %. Les corrélations des indicateurs de productivité du troupeau sont en relation inverse avec le THI avec les valeurs de r = -0,51 entre la taille de la portée au sevrage et le THI, de r = -0,39 entre fertilité et THI, et de r= - 0,36 pour les kilos sevrés par brebis. L’amélioration des composantes de la productivité passe par le contrôle et l’amélioration des facteurs d’ambiance dans les bâtiments d’élevage, le choix des rations alimentaires et l’initiation d’un programme d’amélioration et sélection génétique pour la résistance au stress thermique.

Mots-clés : Algérie, ovin local, productivité, THI

Heat stroke impact on reproduction of Hamra ewes in a semi-arid sub-mediterranean zone

Abstract

This contribution aims to study the impact of heat stress expressed by the temperature-humidity index (THI) on some components of sheep productivity in local Hamra breed conducted in the ITelv research station, semi-arid zone of southwestern Algeria. A total number of 1870 cumulative records were collected during 10 successive breeding seasons (2010-2019). Biological reproductive and meteorological data were statistically analyzed to compare variations in herd productivity components under heat stress. The analysis of climatic data revealed a marked increase in annual and monthly values of air temperature and temperature and humidity index (THI) throughout the years studied and a negative effect of heat stress on the components of productivity with a consistent significant (P<0.05) reduction in the zootechnical performance of the studied herd following the climatic change. The monthly THI values oscillated from severe heat stress (23.3 ≤ THI < 25.6) to extremely severe heat stress THI ≥ 25.6 during 122 days in 2010 and 2018 to 184 days in 2019. The fertility varied from 81,2 to 78,4%. Average birth, weaning weights and daily gain decrease by 6 %, 5% and 17% respectively. Also, litter size at lamb birth declined by 7%. The correlations of the productivity indicators of the flock were in inverse relation with the THI with values of r = -0,51 between litter size at weaning and THI, and r = -0,39 between fertility and THI and of r = - 0,36 for kilos weaned per ewe. The improvement of the productivity components requires the control and the improvement of the environmental factors in the breeding buildings, the choice of the food rations and the initiation of a program of improvement and genetic selection for the resistance to thermal stress.

Keywords: Algeria, local sheep, productivity, THI

Introduction

Les systèmes d’élevage ovin en zone arides et semi-arides des pays sud méditerranéens sont fortement influencés par les aléas climatiques dus à des vagues de chaleur et de sécheresse qui peuvent durer plusieurs mois (Yerou 2013, Daoudi et al 2013). Dans le contexte actuel des scénarios climatiques en constante évolution, le stress thermique est une préoccupation importante (IPEC 2014, Belhadj et al 2016). La fluctuation interannuelle des précipitations qui caractérise le climat de ces régions est prononcée avec le changement climatique qui se traduit par une diminution des précipitations, une élévation des températures et des sécheresses plus courantes (GIEC 2007, Meddi et Meddi 2009). Cette tendance climatique provoque un stress thermique avec diminution des performances de reproduction, de croissance et de production ainsi que l’augmentation des problèmes de santé et de mortalités (Abdel-Hafez 2002, Kleemann et al 2005, Palacios et al 2015, La Salles et al 2017, Wettere et al 2021). Les effets néfastes du stress thermique sont le résultat soit de l'hyperthermie associée au stress thermique, soit des ajustements physiologiques effectués par l'animal stressé par la chaleur pour réguler sa température corporelle (Hansen 2009).

La rentabilité d'un élevage ovin se mesure par la productivité de son troupeau (Boubekeur et al 2019). La productivité des troupeaux de brebis est synthétisée comme étant la production d’agneaux vivants à âge déterminé. Elle est la résultante de plusieurs paramètres, dont la prolificité, la fertilité et la mortalité des agneaux à un âge donné. C'est un critère global à signification économique, qui s'apprécie généralement au moment de la commercialisation des produits, ou à un stade repère commode, le sevrage le plus souvent. Une série d'indices ont été proposés pour décrire l'influence de l'environnement thermique sur les paramètres biologiques et physiologiques des animaux de rente. L'application de l'indice température-humidité (THI) est couramment utilisée comme indicateur du degré de stress thermique en élevage causé par les conditions climatiques, et il est encore largement considéré comme un outil utile pour prédire les effets de la chaleur environnementale sur les performances zootechniques des animaux d'élevage.

Très peu de recherches concernent les impacts du stress thermique dus aux changements climatiques sur les performances de reproduction chez l’espèce ovine en zone semi-aride sud méditerranéenne. Cette étude menée en station expérimentale relevant du Ministère de l’Agriculture ITElv d’Ain El Hadjar vise donc à faire le pointde la relation entre la variation de l’indice climatique (THI) comme facteur non génétique et les composantes de la productivité de la race autochtone Hamra conduite en conditions climatiques semi-arides algériennes, afin de fournir aux éleveurs et aux décideurs politiques des stratégies d'adaptation appropriées pour limiter les conséquences du changement climatique sur les composantes de la productivité ovine.

Matériels et méthodes

Caractéristiques de la région

Cette recherche a été effectuée dans la station expérimentale ITelv de Saida en Algérie, située à environ 11 km au sud-ouest du chef-lieu de cette wilaya de Saida à la latitude 34,8 27° 49 N et la longitude 34° 45′ 31″ N, 0° 8′ 40″ E, et à l’altitude de 1 015 m. Le climat est semi-aride de type Csa selon la classification de Köppen-Geiger, avec une température maximale de 39°C en été (août), et minimale de -2°C (janvier), une humidité relative de 58,4 % et une pluviométrie moyenne de 341 mm par an (Yerou et al 2018). L’évolution des paramètres climatiques moyens est indiquée dans Figure 1 calculée sur 10 ans.

Figure 1. Evolution mensuelle des paramètres météorologiques (2010-2019)

Enregistrement des performances zootechniques et conduite d’élevage

La race étudiée dite Hamra ou Béni Ghil est originaire de l’Est du Maroc. Malgré sa bonne conformation et sa viande d’excellente qualité, son effectif ne cesse de régresser. En effet, celui-ci était évalué à plus de 2,5 millions de têtes dans les années 80, n’est actuellement que d’environ 0,5 millions de têtes. La réduction de ses effectifs met la Hamra dans une situation de race en péril (AnGR 2003). Son aire d’extension est comprise entre le Chott Ech-Chergui à l’est, l’Atlas saharien au sud-est, le Maroc à l’ouest et les monts de Tlemcen et de Saida au nord (Lafri et al 2013, Yerou et al 2018).

Les données des agnelages de la race Hamra au niveau de la station comprenant les numéros de la mère et dates de mise bas, le sexe et le mode de naissance ont été contrôlées. Les brebis du troupeau avaient un rang d’agnelage variant de 1 à 5 avec une moyenne de 3, un âge moyen de 42 mois. Le rang d’agnelage étant défini comme étant le nombre d’agnelages pour chaque brebis sélectionnée. La lutte est contrôlée et réalisée chaque année entre le 10 avril et le 20 mai pendant 35 jours.

Une base de données relative aux événements de reproduction, de croissance et climatiques a été créée et a servi à l’analyse. Les paramètres zootechniques pris en compte ont été : la fertilité (Fert en %), la taille de la portée à la naissance (TPN), le poids de la portée à la naissance (PPN), la taille (TP S₉₀) et le poids de la portée au sevrage à 90 jours (PPS₉₀) des brebis ayant agnelé et le gain journalier des agneaux de la naissance au sevrage (GMQ_0-90).

A la naissance, les agneaux ont été identifiés par une boucle et pesés dans les douze heures après l'agnelage. Par la suite, ils ont été pesés à des intervalles de 21 jours jusqu'au sevrage qui a lieu vers 90 jours. Sur le carnet d'agnelage, ont été inscrits la date de naissance, le numéro de l'agneau, les mortalités, les numéros et le poids de la mère, le sexe, le type de naissance de l'agneau, le poids à la naissance et les poids aux différentes pesées. Des vaccins et des traitements prophylactiques ont été apportés aux animaux pour prévenir l'entérotoxémie, la clavelée ainsi que les problèmes de parasitisme. L’alimentation du troupeau était appliquée au moyen de rations équilibrées standardisées de fourrage grossier et d'un mélange d'aliments concentrés. Une complémentation en concentré de 300 g/tête/jour a été offerte pendant 2 semaines avant les luttes, et aussi en fin de gestation et début de lactation selon un calendrier alimentaire établi par la station sur la base des besoins physiologiques recommandés des brebis.

Données météorologiques et calcul du THI

Les données météorologiques relatives à la région d’étude ont été fournies par la station météorologique. Les données collectées ont été constituées d'enregistrements quotidiens de variables climatiques : température de l'air en (°C) et humidité relative de l'air (%) pour les années du suivi 2010 à 2019. Les moyennes mensuelles de la température sèche (Ta) et de l'humidité relative (RH) ont été calculées à partir des enregistrements météorologiques quotidiens. Les valeurs de l'indice température-humidité (THI) ont été calculées en utilisant la formule conçue pour la plupart des races ovines élevées dans des environnements semi-arides et tropicaux (Marai et al 2007).

L'approche adoptée pour évaluer la dynamique annuelle du THI au cours des années étudiées était basée sur la comparaison des valeurs moyennes annuelles du THI. En outre, une évaluation supplémentaire des valeurs de l'indice THI a été réalisée en tenant compte de la saison estivale de chaque année étudiée, car la saison estivale représente le principal défi.

Le THI a été calculé sur la base de données relatives à la température et à l’humidité relative telles que décrites par l’équation donnée par Marai et al (2007) : THI = T– (0,31– 0,0031*RH) (T-14,4) où T est la température ambiante (°C) et RH est l’humidité relative (%).

Les classes de seuil THI utilisées pour caractériser l’état du stress thermique étaient celles indiquées par Marrai et al (2007) : absence de stress thermique THI < 22,2 ; stress thermique modéré 22,2 ≤ THI < 23,3 ; stress thermique sévère 23,3 ≤ THI < 25,6 et stress thermique extrêmement sévère THI ≥ 25,6.

Analyses statistiques

Les données collectées sur les performances de zootechniques de reproduction et productivité des brebis des troupeaux étudiés ont été analysées statistiquement afin de comparer la variabilité des performances des troupeaux sous l'effet du stress thermique au cours des années du suivi et les contrôles de performances. Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS, avec un modèle à plan randomisé complet : Yij= μ + S_i+ E_ij, oùY_ij représente l’observation de la variable dépendante,μ la moyenne de la population pour la variable,S_i l’effet du stress thermique et E_ij l’effet aléatoire associé à l’observation.

Résultats et discussion

Variations des paramètres météorologiques

Les niveaux potentiels de stress thermique en zone semi-aride ont été évalués au moyen de l'indice de température et d'humidité (THI). L’évolution de la distribution de la température moyenne mensuelle de l'air ambiant et des valeurs THI correspondantes au cours des années contrôlées est indiquée dans le Tableau 1.

L'analyse des résultats météorologiques a révélé qu'il y a une variabilité irrégulière marquée des valeurs Ta et du THI tout au long des années et en fonction de la période physiologique (luttes, gestation et agnelage et l’allaitement). La moyenne des valeurs THI était supérieure au seuil minimum de stress thermique (THI< 22,2 unités) selon la classification adoptée avec une moyenne de 30,9 unités de THI durant le cycle productif des brebis. Les valeurs du THI étaient positivement corrélées avec la température et négativement corrélées avec l'humidité relative. Par ailleurs, la période allant de mai à la fin d’octobre a montré une augmentation réelle de la température de l’air et du THI durant la période analysée avec un dépassement du seuil minimal du stress thermique toléré pour l’espèce ovine. La variation annuelle moyenne des valeurs du THI pendant les mois d'été a montré qu'un stress thermique important (THI ≥ 23,3 unités) a été observé, ce qui peut être dû à des vagues de chaleur pendant ces mois. L’analyse a révélé un net passage à des catégories supérieures surtout en été et les valeurs THI maximales ont été identifiées pour les mois de juin, juillet, août et septembre où THI > 30 unités.

Les résultats obtenus sont considérés comme une preuve réelle du changement climatique, qui va d'un stress thermique sévère (23,3 ≤ THI < 25,6) à un stress thermique extrêmement sévère (THI ≥ 25) (Figure 2). Le nombre de jours moyen à stress extrêmement sévère a été de 171 jours durant la période allant de 2010 à 2019 (maximum de 214 jours et minimum de 122 jours) soit un pourcentage annuel de 46,8 %. Il a oscillé de 122 à 184 jours, avec un retour à 122 jours en 2018 (Figure 2).

Figure 2. Distribution des seuils du stress thermique (THI) en fonction des années et phases physiologiques

L'influence des facteurs météorologiques sur le stress thermique des animaux a été étudiée par de nombreux auteurs. Le concept de notre investigation basée sur l’indice THI est largement accepté pour étudier le stress thermique des animaux, qui est estimé en exploitant les valeurs de température et d'humidité relative (Marai et al 2007). Des constations similaires ont été rapportées pour les systèmes d’élevage ovin méditerranéen par Servi et al (2001) et Dimitris et al (2014) qui indiquent que les conditions climatiques sont l'un des principaux facteurs qui affectent la santé et le bien-être des animaux, ainsi que les conditions défavorables peuvent déclencher un stress thermique chez les ruminants. Le stress thermique affecte de manière cruciale la croissance corporelle, les fonctions biologiques et les caractéristiques productives et reproductives de ovins, par conséquent, il est considéré comme une menace sérieuse pour leur bien-être thermique à court ou à long terme et un fardeau financier pour l'élevage (Bernabucci et al 2010, Dimitri et al 2014).

Les composantes de la productivité

Les moyennes arithmétiques, les écarts-types et les coefficients de variation des critères étudiés sont récapitulées dans le Tableau 2.

Le taux moyen de fertilité des brebis Hamra est de 81,1% pour la période d’étude. Ce taux global est inférieur aux résultats chez la même race (86%) avec une différence de 4,9 % (Lamrani et al 2007) et chez les brebis de la race Béni Iguil au Maroc décrites par El Fadili (2009) avec une moyenne de 91% et ceux de Bechchari (2009) qui ont été 90% avec une différence de 8,9 % et 9,9% respectivement. De même nos résultats sont en dessous de ceux rapportés chez la race Ouled Djellal par Dikhil et Aggoun (2007) dans la région de Sétif soit 92% et ceux de Safsaf et al (2010) avec 91%, Lamrani et al (2007) 87 %, Arbouche et al (2013) avec 88%, avec des différences de 10,9 % et 9,9 %, 5,9 % et 6,9 % respectivement, et chez la race Rembi 90% et 95% soit une déférence de 8,9 % et 13,9 % (IANOR 2013, Lafiri et al 2013).

Les tailles de portée à la naissance et au sevrage des brebis de race Hamra ont été respectivement de 1,18 et 0,98 agneaux. Ces résultats sont supérieurs à ceux signalés chez les brebis de races locales Ouled-Djellal (1,13 agneaux nés vivants), Taâdmit (1,02 agneaux), Hamra (1,06 agneaux) et Rembi (1,10 agneaux) en Algérie (Benyounes et al 2013, Abdelhadi et al 2013, Khiati 2013 et Dekhili 2014). Par ailleurs, nos résultats obtenus pour un élevage en situation semi-aride sont inférieursà ceux rapportés par Boubekeur et al (2019) (1,88 et 1,68 agneaux) chez la race D’man conduite à l’étage bioclimatique hyperaride.

Les résultats moyens des poids de la portée à la naissance et au sevrage sous conditions de stress thermique en zone semi-aride du Sud-Ouest Algérien ont été respectivement de 3,6 kg et 19,7 kg. Le poids de la portée à la naissance enregistré reste au-dessous de celui obtenu chez les races locales Hamra et Rembi qui ont été de 3,91 kg et 4,71 kg respectivement (Abdelhadi et al 2013, Khiati 2013). Ainsi, au sevrage à 90 jour, les brebis Hamra ont sevré des portées dont le poids était inférieur aux poids obtenus chez la D’man dans la zone oasienne en Algérie 29,8 kg (Boubekeur et al 2019). Le poids moyen des agneaux à la naissance et le poids moyen à l’âge de 90 jours varient en fonction du mode de naissance (simple et double) et en fonction de la période du stress thermique. Les faibles performances de reproduction obtenues des brebis Hamra dans la présente étude reflètent un effet d’origine non génétique en l’occurrence le stress thermique, du fait que durant la période du suivi, la conduite et la gestion technique étaient réalisées dans des conditions optimales au sein de la station ITElv.

Impact du stress thermique sur les composantes de la productivité

Les résultats d'analyse de la variance pour la présente étude ont révélé l’existence d’une réduction des performances productives des troupeaux suivis du fait du stress thermique suite au changement climatique. En général, certains caractères de productivité analysés ont été significativement (P<0,01) affectés par les effets de l’année et du THI (Tableau 3).

L’ensemble des indicateurs biologiques analysés, pour les seuils THI> à 22,2 étaient significatifs (P<0,01) lorsque le stress thermique augmentait. Le poids moyen à la naissance, le poids moyen au sevrage et le gain journalier moyen ont diminué de 6 %, 5 % et 17 %, respectivement. D'autre part, la taille de la portée à la naissance des agneaux a chuté de 7 %. Des constations similaires ont été rapportés par Mohammady (2018) et Marai et al (2007) dévoilant que l'exposition des brebis au stress thermique s'accompagne de changements dans les fonctions de reproduction. En effet, Romo-Barron et al (2019) indiquent que les brebis stressées par la chaleur sont 2,4 fois moins susceptibles de tomber gestante que les brebis thermo neutres. Selon Wetter et al (2021), les composants de la fertilité des brebis (œstrus, fécondation, survie des embryons et agnelage) sont les plus dévastateurs sous stress thermique lorsqu'ils sont ressentis de 5 jours avant jusqu'à 5 jours après l’oestrus. Par ailleurs pour les races subtropicales Ossimi et Rahmani une fertilité et une prolificité plus faibles ont été signalées par Abdel-Hafez (2002) et Marai et al (2004).

Le stress thermique a un effet sur l'environnement utérin, réduit considérablement le nombre total de cellules embryonnaires et la taille du placenta, ce qui se traduit par une diminution du poids des agneaux à la naissance. Pour Lindsay et al (1975) et Kleemann et al (2005), les résultats obtenus en Australie indiquent que la fertilité réalisée et le taux d'agnelage étaient corrélés négativement avec le nombre de jours de stress thermique pour les luttes réalisées avecdes températures ambiantes supérieures ou égales à 32° C, ainsi qu’une relation négative entre le nombre d'agneaux nés pour 100 brebis luttées et les températures maximales montrant que le stress thermique post-lutte continue de défavoriser à la fertilité des brebis. Cet impact entraine une perte économique pour l'industrie ovine en raison du stress thermique (jours> 32 ° C) (Wettere et al 2021).

La faiblesse de productivité enregistrée dans les conditions météorologiques semi-arides algériennes peut être expliquée par l’effet du stress thermique à l’échelle maternelle qui selon Wettere et al (2021) contribue à l’altération du développement et de la fonction placentaire avec une sévérité qui dépend du ou des stades de la gestation, pendant lesquels les brebis sont exposées. Par ailleurs, les conditions hyperthermiques survenant au cours du tiers moyen de la gestation sont susceptibles de réduire le poids de naissance des agneaux, ce qui est courant lorsque les brebis sont accouplées au début de l'été (Figure 2).

La diminution du gain moyen quotidien durant la période analysée est réputée à l'effet des valeurs THI élevée, ce qui induit la diminution de l'activité anabolique et l'augmentation du catabolisme tissulaire comme rapporté par Marai et al (2007). En outre, Sevi et Caroprese (2012), ont rapporté des réductions de la production et de la qualité du lait maternel, en plus une diminution de la croissance due à une réduction de l'efficacité de l'ingestion et de l'utilisation des aliments. La chute de la fertilité du troupeau pour les valeurs de THI ≥ 22,2 unités, peut être expliquée par la réduction de la durée et l'intensité de l'œstrus avec une augmentation de la durée du cycle ou la diminution de la qualité des ovocytes et des embryons par une croissance et un développement embryonnaires directs et indirects (Lacerda et Loureiro 2015, Cinthya et al 2019).

L’analyse des valeurs de corrélation a établi que les indicateurs de productivité du troupeau sont en relation inverse avec les valeurs de THI étudiés. Une corrélation la plus élevée de l’ordre de (r = -0,51) entre la taille de la portée au sevrage et le THI, et l'estimation négative la plus basse r = - 0.03 entre la taille de la portée à la naissance et THI. Alors que le coefficient de corrélation pour les kilos sevrés par brebis a été estimé à r = -0,36. Par conséquent, l'exposition des brebis à un tel stress thermique en climat semi-aride évoque une série de modifications sévères dans les événements biologiques et physiologiques, qui entrainent une réduction de l'efficacité productive, des perturbations métaboliques et hormonales qui méritent une étude approfondie et des actions d’atténuations propres au contexte local. Des résultats de même tendance ont été signalés en Egypte (Mohammady 2018) dans des conditions semi-arides.

Les résultats obtenus mettent l'accent sur l'impact négatif du stress thermique sur les performances du troupeau de Hamra étudié. Le concept de la productivité pondérale utilisé est considéré comme une mesure déterminante et assez pertinente de la productivité du troupeau, puisqu'elle rassemble la fertilité et le gain quotidien au sevrage et la taille et le poids de la portée en un seul indicateur synthétique en fonction de l’indice THI.

Conclusion

A la lumière des résultats observés, l’augmentation de l'efficacité biologique en termes de productivité ovine peut être considérée comme une stratégie recherchée en élevage viande, pour améliorer les bénéfices économiques des éleveurs dans les pays en voie de développement. Les facteurs climatiques en particulier les températures élevées et l’humidité sont l'un des problèmes les plus importants affectant la gestion de la santé et le bien être des ovins étant responsables de la chute de la productivité et une perte économique importante. Le stress thermique peut être considéré comme délétère pour le bien-être et les performances zootechniques des brebis, diminuant les composantes de la productivité et augmentant les coûts de gestion d’élevage. Dans ce contexte, le maintien de normes d’ambiances de bien-être des brebis en période estivale peut considérablement améliorer leur efficacité biologique. Les indicateurs analysés en termes de relation entre productivité et conditions météorologiques obtenus ont confirmé l’effet négatif du stress thermique au cours des phases physiologiques de gestation, d’agnelage et d’allaitement, exprimé par l'accroissement des valeurs du THI. Les résultats de l'étude ont révélé qu'il existe des conséquences néfastes sur l’ensemble les indicateurs de productivité. Dans le contexte de stress thermique dû aux changements climatiques, des actions de recherche et développement sont nécessaires pour évaluer les pertes économiques et choisir des stratégies d'adaptation afin d’atténuer cet impact, ainsi que l’exploitation des possibilités de sélection de femelles basée sur la résistance ou tolérance au stress thermique.

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