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Mortalité des lapereaux sous la mère: effets de la saison de mise bas et de la production laitière des lapines de la population blanche et de la souche synthétique

T T Amroun, N Zerrouki-Daoudi et M Charlier1

Laboratoire Ressources Naturelles, Faculté des Sciences Biologiques et des Sciences Agronomiques, UMMTO, Algérie.
thilali_amroun@yahoo.fr
1 UMR Génétique animale & Biologie intégrative. INRA. Paris, France

Résumé

L’objectif de notre étude est d’évaluer la mortalité des lapereaux sous la mère en période d’allaitement. Un suivi des performances de 200 (effectif de départ) lapines et de leurs portées sur une période de cinq années (de 2013 à 2017) a été réalisé au niveau de la station d’élevage de Tigzirt, Kabylie, Algérie (éleveur privé). Les lapines appartenaient à deux types génétiques: population blanche (PB) et souche synthétique (SS). Au total 317 et 429 portées issus des mères PB et SS ont été enregistrées durant toute la période d’étude et suivies de la naissance jusqu’à la troisième semaine de lactation. La quantité de lait produit est estimée à partir de la mesure des poids des mères et des portées avant et après tétée. La mortalité a été évaluée sur une moyenne annuelle de 2 995 et 4 849 nés totaux dont 2770 et 4 739 nés vivants pour les deux types génétiques, exprimée en %. L’ensemble des données enregistrées a été analysé avec un modèle d’analyse de variance à trois facteurs : un effet type génétique (2 niveaux), un effet saison de naissance (4 niveaux) et un effet mode de reproduction (2 niveaux), en utilisant le logiciel R.

Une moyenne de 5 mises bas par an a été enregistrée chez les deux types génétiques. Les tailles de portée enregistrées sont en moyennes de 7,3 ± 0,1 lapereaux/portée née chez les mères PB et 9 ± 1,6 lapereaux/portée née chez les lapines mères SS. Les taux de mortalité ont varié en fonction du type génétique et de la saison de mise bas. Les plus forts taux de mortalité ont été observés chez la population PB pendant les périodes estivale et automnale. Les lapines SS ont produit en moyenne plus de lait (3 118 ± 20 g contre 2 750 ± 17 g) et ont enregistré moins de pertes de lapereaux avec un lait plus riche notamment au cours des périodes hivernale et printanière. Cette étude révèle des effets très hautement significatifs (P<0,0001) de la saison de naissance sur la mortalité des lapereaux sous la mère en relation avec la production laitière (quantité et qualité) et confirme la variabilité de la prolificité et de la production laitière en fonction de la saison de naissance et du type génétique de la mère.

Mots clés: Algérie, lactation, morts nés, nés totaux, portée, qualité du lait


Mortality of young rabbits during lactation period: effect of the kindling season and milk production of females of two genetic types: Synthetic strain and white population

Abstract

The purpose of this study was to evaluate the performance and mortality of kits from rabbit does of two genotypes during different seasons over a period of five years (from 2013 to 2017) at the breeding station of Tigzirt, Kabylie, Algeria (private breeder). The 200 does were from White population (PB) and Synthetic Strain (SS). Litters from PB (n=317) and SS (n=429) were recorded from birth to the third week of lactation. Milk production was estimated from weights of the litters before and after suckling. Mortality was calculated from annual averages of kits born (2,995 and 4,849 for PB and SS) of which 4,739 and 2,770 were born alive. Recorded data were analyzed with R software according to a factorial experimental design with three main effects: genetic type (PB and SS), season of birth (autumn, winter, spring and summer) and reproduction system (semi-intensive and extensive).

With an average of 5 births per year, average litter size was 7.3 ± 0.1 from PB line and 9 ± 1.6 from SS line. The rates of mortality varied according to the genotype and the season of birth. The highest mortality rates were observed in the PB population during the summer and autumn periods. Does from the SS strain produced more, and better quality, milk than does from the White strain (3,118 ± 20g vs 2,750 ± 17g) and had fewer losses of kits, especially during the winter and spring seasons. This study showed a very high significant effect of the season of birth on the mortality of young rabbits (P <0.0001) in relation to milk production (quantity and quality) and confirms the effect of the variability of genetic type of females on prolificacy and milk production.

Key words: Algeria, litter, milk quality, stîll born, suckling, total born


Introduction

En Algérie, bien que les populations locales de lapins existent et soient bien adaptées aux conditions climatiques, leur prolificité et leur poids sont trop faibles.

Une comparaison des performances de reproduction des lapines appartenant à deux types génétiques élevés dans la région de Tigzirt, à savoir le lapin de population blanche (PB) et celui de la souche SS, a montré une supériorité de cette dernière pour les caractères de « prolificité à la naissance » et « poids des lapines et des portées nées » (Zerrouki et al 2014 ; Lebas 2010).

Cependant la productivité au sevrage dans la SS, exprimée en nombre de lapereaux sevrés par femelle et par portée et/ou par an s’avère très faible, surtout en période estivale. Ces faibles productivités sont liées à une forte mortalité durant la phase d’allaitement (Zerrouki et al2014 ; Chibah-Aït Bouziad et al2014).

Afin d’identifier les causes de cette forte mortalité, des études portant sur l’évaluation quantitative de la fonction lactée des lapines ont été réalisées. Elles ont essentiellement porté sur l’évaluation quantitative de la production laitière des lapines (Zerrouki et al 2012 ; Chibah-Aït Bouziad et al2014). L’aspect qualitatif du lait produit laitière en relation avec la semaine de lactation, et la saison n’a en revanche jamais été abordé.

Notre objectif consiste à évaluer le taux de mortalité des lapereaux sous la mère en fonction du type génétique (PB et SS) sur quatre saisons, en relation avec les aspects quantitatif et qualitatif de lait produit par ces lapines.

Nos analyses constitueront un solide référentiel pour mieux comprendre la physiologie de la lactation chez les populations étudiées et potentiellement apporter des éléments d’interprétation sur le taux de mortalité élevé observé pendant la période d’allaitement.


Matériel et méthodes

Animaux

L’expérimentation a été réalisée au niveau de la station d’élevage de Tigzirt, Kabylie, au Nord de l’Algérie sur une période 5 années (de 2013 à 2017) avec un effectif de départ de 200lapines nullipares appartenant à deux types génétiques : 80 lapines de population blanche (PB) et 120 lapines de souche synthétique (SS).Les lapines PB sont les descendants d’hydrides commerciaux, importés de France dans les années 1980-1987 (Zerrouki et al2007). Les lapines SS sont issues d’un croisement entre la population locale et une souche INRA 2666, sélectionnée pour sa prolificité (Gacem et al 2008; Gacem et al 2009) et élévée au niveau de l’ITELV. Les lapines ont été suivies à partir du stade nullipare et sur plusieurs cycles de reproduction afin d’évaluer les paramètres zootechniques et le taux de mortalité

Conduite de l’élevage

Au cours des premières années (de 2013à 2015), les lapines ont été saillies naturellement avec un rythme semi-intensif (intervalle mise bas- saillie égal à 10 jours). A partir du mois de juillet 2015, l’éleveur a introduit l’insémination artificielle, toutes les lapines de l’élevage ont été inséminées avec un rythme de reproduction extensif (insémination 25 jours après la mise bas). L’alimentation était distribuée ad libitum. L’éclairage et l’aération sont naturels.

Des boites à nids sont fixées sur la cage mère et à la mise bas, les portées sont dénombrées et suivies durant toute la période d’allaitement (0-21 jours).

Expérimentations

L’expérimentation se présente sur deux volets.

Evaluation de la mortalité des lapereaux sous la mère

La mortalité des lapereaux est déterminée à partir des enregistrements des tailles de portées des lapines appartenant aux deux types génétiques en terme de nés totaux et de nés vivants. Le nombre de morts nés est calculé sur la base de la différence entre ces deux paramètres et il est exprimé en % à partir du jour de mise bas et durant les trois semaines de lactation.

Evaluation de la production laitière

L’évaluation quantitative de la production laitière a été réalisée suivant la méthode décrite par Lebas et Zerrouki (2011). La quantité de lait produit est estimée à partir des mesures de poids des portées nées vivantes avant et après tétée. Elle correspond à la différence de poids des portées respectives avant et après la tétée. Les collectes de lait ont été effectuées 4 fois par semaine pendant les 21 jours de lactation des lapines des deux types génétiques.

Des prélèvements de laits ont été réalisés en dehors des périodes de mesure afin d’évaluer la qualité du lait produit et tété. Les paramètres biochimiques (matière sèche, matière azotée totale et matière grasse) ont été évalués par des techniques standards courantes (Afnor, 1986) sur des échantillons de lait prélevés manuellement (sans injections d’ocytocine) : entre 30 et 44 échantillons par race. Chaque analyse a été faite 3 fois.

Analyse statistique
- Variables calculées et analysées

Dans les deux types génétiques de lapines (PB et SS) ont été mesurés les paramètres suivants :

L’ensemble des variables a été soumis à une analyse de variance avec le logiciel R. Pour l’analyse des données de la mortalité, de la quantité de lait produit et la composition biochimique du lait, des modèles linéaires mixtes ont été utilisés avec le package « nlme ». Les effets considérés ont été :

· Effet du génotype des lapines et des portées : 2 niveaux : SS et PB.

· Effet de la saison de mise bas (4 niveaux : automne, hiver, printemps et été)

· Effet de l’interaction saison de mise bas et géntotype de la portée sur la mortalité des lapereaux PB et SS sous la mère et sur la production laitière des lapines SS et PB(4 niveaux : Hiver, printemps, été et automne).

· Interaction entre la production laitière (quantité et qualité) et la mortalité des lapereaux des deux types génétique PB et SS.

Pour chaque résultat sont calculés

- La moyenne arithmétique (X)

- L’écart-type : σ =∑ [(xi-x)2/ N-1]1/2

- L’erreur standard à la moyenne (EMS) : ES = σ /(N) ½

Tous les résultats sont présentés sous forme de valeurs moyennes suivies de l’erreur standard à la moyenne (X ± ESM).

Les moyennes sont comparées deux à deux et la signification statistique des différences entre les moyennes comparées est évaluée par le test "t" de Student Fisher utilisant le logiciel Statistica.

- Si P > 0,05 : la différence n’est pas significative (NS)

- Si P ≤ 0,05 : la différence est significative (*)

- Si P < 0,01 : la différence est très significative (**)

- Si P < 0,001 : la différence est hautement significative (***)

- Si P < 0,0001 : la différence est très hautement significative (****)

La présentation graphique des résultats obtenus a été réalisée en utilisant Microsoft Excel 2013.


Résultats

Le tableau 1 présente les effectifs des portées obtenues durant toute la période de suivi (de 2013-2017) chez les deux types génétiques.

Tableau 1. Rythmes de reproduction et effectifs par année

2013

2014

2015

2016

2017

Mode de reproduction

Semi- intensif

Semi- intensif

Semi-int. et extensif

Extensif

Extensif

Types génétiques

PB

SS

PB

SS

PB

SS

PB

SS

PB

SS

Effectif lapines

80

120

77

110

75

95

90

100

88

115

Mises bas (Total)

400

600

385

550

375

475

450

500

440

575

Lapereaux/MB

7,5

8,2

6,9

9

7,5

10

8,1

8,9

6,5

9

Nés totaux

3 000

4 920

2656,5

4 950

2 813

4 750

3 645

4 450

2 860

5 175

Nés vivants

2 700

4 743

2 342

4 800

2 566

4 656

3 500

4 399

2 744

5 099

Les résultats présentés portent sur deux volets, ils concernent d’une part l’étude de la mortalité des lapereaux sous la mère. D’autre part, ils ciblent l’étude de la production laitière (quantité et qualité) en rapport avec les variations saisonnières.

Evaluation de la mortalité des lapereaux sous la mère
Mortalité 0-21 jours des lapereaux en fonction des années
Mortalité à la naissance et la Mortalité 0-21 jours des lapereaux en fonction des années

La mortalité des lapereaux à la naissance et au cours des trois semaines de lactation a été évaluée sur les 5 années de suivies chez deux types génétiques de lapines SS et PB.

Les plus forts taux de mortalités des lapereaux ont été enregistrés chez les lapines de la population blanche (PB).

Avec l’adoption de l’insémination artificielle (IA) et du rythme extensif (une IA tous les 2 à 2,5 mois) en 2015 dans les deux types génétiques de lapines (PB et SS), une baisse de la mortalité a été observée. Cette baisse est hautement significative (P<0,001) notamment au cours de l’année 2015 par rapport au début de l’expérimentation en 2013 (Figure 1).

Figure 1. Evaluation du taux de mortalité des lapereaux entre 0 et 21 jours chez les lapines de la population (PB) et de la
souche synthétique (SS) entre 2013 et 2017(effectifs des lapereaux nés vivants PB= 2 700, 2 342, 2 566, 3 500 et
2 744 lapereaux nés vivants SS = 4 743,4 800, 4 656, 4 399 et 5 099 en 2013, 2014,2015, 2016 et 2017)

ØLe mode et le rythme de reproduction semblent avoir un effet important sur la viabilité des
lapereaux sous la mère dans les deux types génétiques de lapines PB et SS.
Mortalité des lapereaux en fonction des saisons

Sur les quatre saisons d’enregistrement, le taux de mortalité le plus importants ont été observés chez les lapines PB.

La mortalité avarié très significativement en fonction des saisons dans les deux types génétiques de lapines (P<0,001), avec des écarts qui se situent entre 11,8% dans les portées SS et 16,6% dans les portées (PB) en saisons estivale et hivernale. Les plus forts taux de mortalité ont été enregistrés en saison estivale (Figure 2).

Figure 2. Evaluation de la mortalité des lapereaux sous la mère en fonction des saisons dans les deux types génétiques de
lapines la population blanche (PB) et la souche synthétique (SS) (effectifs des lapereaux nés vivants PB = 1 352,
1 419, 1 827, et 1 445 et SS = 2 804, 2 642, 2 317, et 2 047 en automne, en hiver, au printemps et en été)

Les variations saisonnières semblent avoir un effet important sur la viabilité des
lapereaux sous la mère dans les deux types génétiques de lapines PB et SS
Evaluation de la production laitière
Quantité en moyenne de lait produit

La quantité de lait produit par les lapines appartenant aux deux types génétiques a été évaluée pendant plusieurs lactations et au cours des quatre saisons. La durée de la lactation considérée a été de trois semaines après la mise bas soit 21jours de lactation.

L’analyse des données enregistrées a montré ont montré que dans les types génétiques des lapines, la production laitière augmente progressivement à partir du stade colostral jusqu'à la fin de la lactation. Les lapines SS produisent plus de lait par rapport aux lapines PB au cours de la période estivale avec une moyenne de 2 800 ± 10 g contre 2 320 ± 11 g, quelque soit la semaine de lactation considérée (Figure 3).

Figure 3. Evaluation de la production laitière sur 21 jours de lactation, en période estivale dans les deux
types génétiques de lapines la population blanche (PB) et la souche synthétique (SS)
Quantité de lait produit en fonction des saisons

La quantité de lait produit par lapine et pendant les trois semaines de lactation été mesurée à différentes saisons parallèlement à l’évaluation des taux de mortalité dans les deux types génétiques SS et PB.

Les lapines SS ont produit plus de lait que les lapines PB au cours des 4 saisons avec des écarts plus marqués entre les périodes estivale, automnale, hivernale et printanière.

En effet, dans les deux types génétiques de lapines, la quantité de lait produit était plus importante en hiver et au printemps par rapport à celles mesurées en été et à l’automne.

De ce fait, les variations saisonnières affectent de manière hautement significative (P<0,001) la quantité de lait produit (Figure 4).

Figure 4. Evaluation de la production laitière en fonction des saisons dans les deux types génétiques de lapines
la population blanche (PB) et la souche synthétique (SS) saisons (n = 12, 12, 12 et 12
lactations en automne, en hiver, au printemps et en été pour PB et SS)

Ø Les variations saisonnières semblent avoir des effets hautement significatifs (P<0,001)
aussi bien sur la quantité de lait produit que sur la mortalité des lapereaux.

Les expérimentations menées sur plusieurs années à travers différentes saisons, sur les deux types génétiques de lapines ont révélé une nette supériorité des lapines SS en termes de productivité (9 ± 1,6 lapereaux SS contre 7,3 ± 0,1 lapereaux PB) et de production laitière (3 118 ± 20 g contre 2 750 ± 17 g) (Tableau 2).

Tableau 2. Synthèse des performances zootechniques des la pines SS et PB

Population
blanche (PB)

Souche
synthétique (SS)

p

Effectif (portées)

2 050

2 700

Production laitière (g)

2 750 ± 17a

3 118 ± 20b

<0,001

Durée de lactation (jours)

21

21

Mortalité des lapereaux entre 0 et 21 jours

19,7 ± 1,6a

13,5 ± 0,4b

<0,001

*Les chiffres suivis d’indices différents (a, b) sont différents (p<0,05).

Composition biochimique du lait en fonction des saisons

La composition biochimique du lait produit a été évaluée à différentes saisons dans les deux types génétiques de lapine SS et PB.

Les lapines SS ont produit un lait plus riche en matière sèche (MS), matière azotée totale (MAT) et matière grasses (MG) que les lapines PB au cours des 4 saisons avec des écarts plus marqués entre les périodes estivale, automnale et hivernale, printanière (Figure 5).

En effet, la composition des laits a varié significativement (P<0,0001) en fonction des saisons : les laits étaient plus riches au cours des saisons hivernale et printanière.

L’interaction entre les des deux effets saison et origine génétique du lait à montré un effet très significatif (P<0,0001) sur la composition des laits produits.

Figure 5. Evaluation des teneurs en matière sèche (MS), matière azotée totale (MAT) et matière grasse (MG) des laits en fonction
des saisons dans les deux types génétiques de lapines la population blanche (PB) et la souche synthétique (SS)
saisons (n = 12, 12, 12 et 12 lactations en automne, en hiver, au printemps et en été pour PB et SS)

ØLes variations saisonnières semblent avoir des effets hautement significatifs (P<0,001)
à la fois sur la qualité, quantité de lait produit et sur la mortalité des lapereaux.


Discussion

Sur les cinq années d’investigation, on a enregistré un plus fort taux de mortalité des lapereaux durant la phase 0 - 21 jours dans les portées PB (19,7 ± 1,6vs. 13,5 ± 0,4) avec une différence hautement significative (P<0,001). L’introduction de l’insémination artificielle comme nouveaumode de reproduction et l’adoption du rythme extensif (IA 25 jours après mise bas) semblentavoir réduit significativement la mortalité dans les deux types génétiques de lapines (PB et SS).Avec ce mode de reproduction, la fertilité de ces lapines, a connu une sensible amélioration (Tableau 3).

Le mode de reproduction semi intensif additionné d’un rythme de reproduction semi-intensif (saillie à 10 jours après la mise bas) implique un chevauchement des deux états physiologiques que sont la gestation et la lactation. En revanche, le nouveau mode de reproduction adopté implique une insémination artificielle (IA) additionné d’un rythme extensif (IA 25 jours après mise bas) ce qui permet une séparation des deux états physiologiques. Les variations au cours des années concernant les performances de reproduction aussi bien chez les lapines PB et SS pourraient être ainsi expliqués.

Ces résultats, rejoignent ceux rapportés par (Fortun-Lamoth et Bolet 1995). Ils soulignent que la lactation a un effet négatif sur le pourcentage de femelles ovulant, le taux de gestation, et la viabilité fœtale. L’hyperprolactinémie et la faible progesteronémie chez les lapines simultanément gravides et allaitantes, ainsi que le déficit nutritionnel engendré par la production laitière, semblent être les principaux facteurs responsables des effets observés.

Tableau 3. Evolution des taux de mortalité des lapereaux et de la fertilité des lapines de la population blanche (PB) et la souche synthétique (SS) en fonction du mode de reproduction

Années

Mode de
reproduction

Rythme de
reproduction

% Mortalité

% Fertilité

SS

PB

p

SS

PB

p

2013

SN

Semi-intensif

14,2 ±1,2a

24,1 ± 1,1b

<0,001

76,7 ± 3,2a

68,4 ± 1,3b

<0,01

2014

SN

Semi-intensif

15,3 ±2,0a

24,5 ± 2,4b

<0,001

78,0 ± 3,0a

66,2 ± 2,0b

<0,001

2015

SN + IA

Semi-intensif Extensif

12,0 ±1,0a

18,0 ± 1,5b

<0,001

97,2 ± 3,4a

75,4 ± 2,0b

<0,001

2016

IA

Extensif

12,5 ±0,9 a

18,1 ± 2,2b

<0,001

96,4 ± 1,8a

80,3 ± 2,3b

<0,001

2017

IA

Extensif

12,0 ±0,6a

17,5 ±2,3b

<0,001

90,1 ± 1,3a

85,4 ± 3,4b

<0,001

*Les chiffres suivis d’indices différents (a, b) sont différents (p<0,05).
SN : Saillie Naturelle, IA : Insémination Artificielle.

Cette étude a révélé une corrélation entre l’effet saison et la mortalité des lapereaux en période d’allaitement. En effet, les plus forts taux de mortalité ont été observés chez les lapines de la population PB en été et en automne.

Ces données concordent avec les résultats enregistrés sur la population de lapines locales par Zerrouki et al (2003) qui associent l’effet saison à la mortalité des lapereaux en période d’allaitement particulièrement marqué au cours de la période automnale. Pour Abdelli (2016), la saison de mise bas influe sur la viabilité des lapereaux et la saison printanière reste la plus favorable. Il est à signaler que l’effet saison s’observe différemment en fonction des climats. En effet, sous un climat tropical, la saison des fortes pluies, correspond aux taux de mortalité les plus importants par rapport aux saisons plus sèches (Kpodekon et al 2006).

L’évaluation de la production laitière (aspect quantitatif) chez les deux types génétiques de lapines la population blanche (PB) et la souche synthétique (SS) indique une influence significative des variations saisonnières sur la quantité de lait produit. En effet, la production laitière est progressive ; elle est plus importante chez les lapines SS quelle que soit la saison considérée. Les plus faibles productions laitières ont été observées en été et en automne rejoignant ainsi les plus forts taux de mortalité des lapereaux.

Ces résultats ont également été rapportés par Zerrouki et al (2005), Hassan (2005) et Fajemilehin et al(2013) qui soutiennent que la production laitière est progressive du début jusqu’à la fin de la période d’allaitement avec un pic de lactation vers le 18ème jour. Elle augmente fortement jusqu’au pic, puis elle diminue progressivement.

Une variation de la quantité de lait produit en rapport avec les changements saisonniers (température ambiante) a été largement étudiée. En effet, Martens et al (1994,2005, 2006a, 2006b) ont montré qu’une température ambiante supérieure à 30°C est néfaste pour la production laitière des lapines qui diminue de 9 %. Szendrö et al (1999) ont observé que la production laitière totale diminue de 29 % lorsque la température varie entre 23°C et 30°C.

Ce fait serait lié aux grandes difficultés d’adaptation de l’espèce cunicole aux fortes températures notamment celles enregistrées en périodes estivale et automnale. Les aptitudes de reproduction et de production laitière se trouvent ainsi réduites (Rouvier 1990; Lebas et al 1991). En effet, Matheron (1982) ont constaté qu’à des températures supérieures à 30°C en France, mais moins élevées qu’en Algérie, le taux d’ovulation était réduit de 5%.Ici les différences de production laitière ont été en moyenne de 22% (SS) et 25% (PB) de plus en hiver qu’en été. De plus, Arveux (1988), affirme que les fortes chaleurs sont en partie à l’origine de la diminution de la fertilité et de la prolificité. Lebas (1987), expliquent cet effet par la diminution du poids corporel des femelles, entrainé par la baisse du niveau d’ingestion à cause des températures élevées. Saleil et al (1998) ont montré que les meilleurs résultats de fertilité ont été obtenus à des températures de 16°C à 18°C. De plus, les températures élevées influencent négativement le nombre de nés vivants (6 vs.13). Sachant que la taille de la portée influence significativement la quantité de lait produit (Lebas 1987; Chibah-Ait Bouziad et Zerrouki-Daoudi 2015), les fortes températures qui réduisent la prolificité des lapines réduisent de façon indirecte la production laitière en plus de l’influence du mécanisme de thermorégulation engagé par l’organisme de la femelle pour luter contre la chaleur.

L’évaluation de la production laitière (aspect qualitatif) chez les deux types génétiques de lapines la population blanche (PB) et la souche synthétique (SS) indique une forte influence des variations saisonnières sur la qualité du lait produit. En effet, les laits les plus riches sont produits par les lapines SS particulièrement en périodes hivernale et printanière. Les laits les moins riches sont collectés en été et en automne rejoignant ainsi les plus forts taux de mortalité des lapereaux.

L’effet des variations saisonnières, notamment les changements de températures, ne semble pas très précis en bibliographie. Seulement à 30°C, une tendance à la diminution de la teneur en matières grasses, protéines et surtout lactose a été observée (Kustos et al 1999).

Ces informations confortent nos données qui indiquent une forte chute des teneurs en MG et en protéines au cours des périodes estivale et automnale avec des températures journalières moyennes excédant les 30°C.

Le lait représentant l’alimentation exclusive des lapereaux durant la vie post natale, il confère au nouveau-né des avantages d’ordre protecteur et adaptatif (Fortun Lamothe et Gidenne, 2003). A travers des facteurs clés de l’immunité tels que les cellules lymphoïdes et non-lymphoïdes, mais également les antigènes il permet une croissance harmonieuse du lapereau au cours de période de lactation (McClellan et al2008). Ces facteurs sont non seulement transférés de la mère au fœtus via le placenta pendant la grossesse dans les espèces avec un placenta hémochorial, mais aussi de la mère au jeune via le colostrum et le lait pendant la période d'allaitement. Dans ce contexte, les rôles joués par les composés bioactifs du lait (incluant des hormones, des cytokines et des microARN) dans le soutien du développement néonatal sont d'une importance capitale.


Conclusion

Au terme de cette étude il ressort que :


Références bibliographiques

Abdelli O 2016 Croissance et mortalité des lapereaux de population locale algérienne Thèse de doctorat, faculté des sciences biologiques et des sciences agronomiques, université Mouloud Mammeri Tizi Ouzou, Algérie.

Afnor C 1986 Contrôle de qualité des produits laitiers. 3ème édition.

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Received 27 September 2017; Accepted 21 November 2017; Published 1 January 2018

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