Dynamique des réserves corporelles de la brebis Ouled Djellal en zone semi-aride

A Meredef et T Madani¹

Institut des Sciences Vétérinaires et des Sciences Agronomiques - Université de Batna 05000 Algérie.
a.meredef@gmail.com
¹ Département d’Agronomie – Université Ferhat Abbas Sétif 19000 Algérie

Résumé

L’objectif est d’étudier l’évolution des réserves corporelles de brebis avant la lutte et durant la gestation et leurs effets sur le mode et le poids à la naissance des agneaux. L’étude a été réalisée à la ferme expérimentale de l’Institut Technique des Elevages d’Ain M’Lila (Est Algérie) sur 82 brebis de race Ouled Djellal, multipares, âgées de 4 années et pesant en moyenne 52 ± 7 kg. Les brebis ont reçu un aliment composé de foin d’avoine, de paille d’orge et de 500 g de concentré (800 g à la lutte) par brebis et par jour, avec accès au pâturage de la jachère.

Les résultats montrent d’importantes variations de l’état corporel des brebis entre stades physiologiques (p<0,001). Les brebis les plus maigres (donc non suffisamment alimentées) ont montré une moins importante perte de NEC, et elles ont eu plus de naissances simples que les autres. Par ailleurs, la perte d'état corporel dans la deuxième partie de la gestation est liée de manière hautement significative (P<0,001) à la taille de portée à la naissance. Le poids des agneaux à la naissance est affecté par le mode de naissance (r²=- 0,47 ; p<0,05) et le poids des brebis à la mise bas (r ²=- 0,41 ; p<0,05). Les agneaux nés simples ont une légère supériorité en poids de naissance (0,87 kg) par rapport aux nés dobles par l'effet de la croissance compensatrice.

Mots-clés: alimentation, gestation, lutte, naissance, note d'état corporel, poids

Dynamics of body reserves of Ouled Djellal sheep in the semi-arid area

Abstract

The objective is to study the evolution of body reserves ewes before the struggle and during gestation and their effects on the mode and the birth weight of lambs. The study was conducted at the experimental farm of the Institute of Breeding Technique Ain M'Lila (eastern Algeria) on 82 ewes Ouled Djellal, multipara, aged four years and weighing an average of 52 ± 7 kg. The ewes have received a compound feed of oat hay, barley straw and 500 g of concentrate (800 g in the struggle) per ewe and per day with access to grazing of fallow. The results show important variations in body condition of the ewes between physiological stages (p <0.001). The leanest ewes (therefore not sufficiently fueled) showed less important loss of NEC, and have had more single births than others. Furthermore, loss of body condition in the second half of pregnancy is linked so highly significant (P <0.001) in litter size at birth.

Weight of lambs at birth is affected by the mode of birth (r² = - 0.47 ; p <0.05) and weight of ewes at farrowing (r² = - 0.41 ; p <0.05 ). Single lambs have a slight superiority in birth weight (0.87 kg) compared to twins dur to the effect of compensatory growth.

Key words: food, pregnancy, struggle, birth, body condition score, weight

Introduction

En Algérie, le cheptel ovin est estimé à 25,5 millions de têtes (FAOSTAT 2013). Ce cheptel est élevé dans sa majorité dans des conditions pastorales ou agro-pastorales assez extensives, et fait face à une variabilité importante de l’offre alimentaire sur le plan quantitatif et qualitatif, entre années et entre saisons. Une telle variabilité a conféré à l’animal, à l’échelle des pas de temps longs relatif à l’évolution des espèces et des races animales, une capacité d’adaptation lui permettant de survivre grâce à une gestion ‘sophistiquée’ de ses réserves corporelles. Aux contraintes liées à la variabilité des facteurs du milieu sud méditerranéen vient se greffer une demande alimentaire, exprimé par des besoins nutritifs élevés chez la brebis ne coïncidant pas avec l’offre alimentaire pastorale. Ainsi, à des phases d’excédent en aliments succèdent des périodes de pénurie ou de manque assez sévères coïncidant avec des stades physiologiques exigeants en nutriments (fin de gestation- lactation). L’objectif de ce travail consiste à étudier l’évolution des réserves corporelles de brebis avant la lutte et durant la gestation et leurs effets sur le mode et le poids à la naissance des agneaux.

Matériel et méthodes

Aliments

Pendant la lutte et au cours des premiers mois de gestation, les brebis avaient accès au pâturage de la jachère. Dès leur retour en bergeries, un aliment complémentaire composé de foin d’avoine, de paille d’orge et de 500 g de concentré ovin (79% d’orge, 20 % de son de blé et 1 % de complexe minéralo-vitaminique) par brebis et par jour. Durant le dernier mois de gestation coïncidant avec la saison estivale, la contribution de l’apport alimentaire du pâturage dans la couverture des besoins alimentaires des brebis était insuffisante. Il est à signaler que les brebis ont été préparées à la lutte par un apport supplémentaire de 300 g de concentré. La composition chimique des aliments offerts dans le cadre de cet essai figurent dans le tableau 1.

Animaux

L’étude a été réalisée à la ferme expérimentale de l’Institut Technique des Elevages d’Ain M’Lila (Est Algérie) sur 82 brebis de race Ouled Djellal, multipares, âgées de 4 années et pesant en moyenne 52 ± 7 kg. Les brebis ont été suivies un mois avant la lutte et pendant la gestation (avril-septembre).

Méthodes analytiques

La pesée des brebis et l’estimation de leur état corporel ont été réalisées le matin sur des animaux à jeun. L’état corporel a été évalué par palpation dans la région lombaire en se basant sur la moyenne de deux estimations, selon la méthode décrite par Russel et al (1969). Le poids vif et l’état corporel des brebis ont été mesurés un mois avant la lutte (EC1), et au cours des périodes physiologiques critiques : pendant la lutte (EC2), à trois mois de gestation (EC3) et à la mise bas (EC4). Les notes d’état corporel enregistrés à la lutte ont été réparties en trois classes (classe 1 : EC<1,92 ; classe 2 : 1,92<EC<3,08 ; classe 3 : EC >3,08) selon la NEC moyenne du troupeau. Les brebis ont été pesées par un pèse bétail, les agneaux à l’aide d’une balance d’une portée de 25 kg.

Les teneurs des aliments en matière sèche, en matière minérale, en cellulose brute et en matières azotées totales ont été déterminées selon les méthodes officielles d’analyses appliquées en nutrition animale et en alimentation, approuvées par l’AOAC (1990).

Analyse statistique

La comparaison des moyennes des différents paramètres étudiés a été soumise à une analyse de la variance ANOVA à un facteur, Les corrélations ont été faites par le test de Pearson. Le logiciel utilisé est SPSS (version 18, 2008).

Résultats et discussion

Evolution de l’état corporel des brebis selon les différents stades physiologiques

Les notes d’état corporel moyennes des brebis sont présentées dans le tableau 2, la valeur la plus élevée a été atteinte au moment de la lutte avec une note d’état corporel (NEC) de 2,5 ± 0,58 points. Par contre, la valeur la plus faible a été enregistrée à la mise-bas avec une note de 1,31 ± 0,75 points. On a remarqué qu'il y a une différence hautement significative concernant la NEC des brebis entre les différents stades physiologiques (p <0,001).

L’évolution de la NEC moyenne au cours de la période de contrôle se caractérise par une importante augmentation (NEC=+0,50 points) pendant la période qui précède la lutte cela semble être motivé par la sur alimentation opérée avant la lutte.

Au cours des périodes qui suivent la lutte (les trois premiers mois de gestation et les deux derniers mois de gestation) les pertes de note d’état corporel ont été marquées (-0,07 et -1,12 points respectivement) avec une différence très hautement significative (p<0,001). Selon Russel (1984), une perte d’un point de NEC au-delà du premier mois de gestation, mais avec des notes toujours supérieures à 2 n’est pas dommageable.

Durant la gestation les brebis ont perdu 1,19 point avec une NEC=1,31 à la mise bas. Ce résultat est loin des recommandations de Everett-Hincks et Dodds (2008) qui indiquent que la note d’état corporel (NEC) ne doit idéalement pas varier pendant la gestation et doit rester proche de 3 (sur une échelle de 1 à 5).

Les valeurs obtenues au cours de la gestation et surtout dans les deux dernier mois de gestation peuvent être imputés aux difficultés rencontrées par l’exploitation dans la mobilisation de réserves fourragères suffisantes pour l’alimentation des troupeaux, notamment en période estivale.

D’autre part, il a été enregistré une corrélation négative (r² = - 0,34 ; P = 0,046) entre la note d’état corporel des brebis à la lutte (EC2) et le poids des agneaux à la naissance. Par ailleurs, Atti et Abdennebi (1995), ont rapporté que le poids à la naissance est significativement corrélé (P<0,001) à la NEC à la lutte. La corrélation observée dans la présente étude peut être expliquée, partiellement par l’effet du mode de naissance sur le poids des agneaux. En effet, le poids à la naissance est généralement affecté dans le cas de naissances doubles.

Evolution de l’état corporel des brebis selon la NEC à la lutte

L’analyse de l’évolution de l’état corporel des trois classes a montré une tendance comparable avec une différence significative (p<0,05), indépendamment de leurs particularités de note d’état corporel à la lutte (Figure 1). Elle se caractérise par d’importantes augmentations au sein de la classe 2 (1,92<EC<3,08). L’effet de la suralimentation distribuée pour préparer les femelles à la lutte était beaucoup plus marqué chez les brebis ayant une note d’état corporel moyenne de 1,96 point un mois avant la lutte (Tableau 3).

Durant les deux premier mois de gestation, les brebis jugées maigres ou grasses ont conservé la même NEC, alors que des pertes de notes d’état corporel ont été enregistrées chez les brebis d’une NEC moyenne. En revanche, il a été observé d’importantes diminutions au cours des trois derniers mois de gestation et où la plus remarquable est celle des brebis grasses (-1,75 point) par rapport aux brebis moyennes (- 1,13 point) et maigres (- 0,6 point). Le constat observé chez les maigres coïncide avec les résultats rapportés par Atti et al (1995) qui ont montré une moins importante perte de NEC chez les brebis maigres (- 0,34 ; P<0,0l).

Par ailleurs, ces diminutions peuvent probablement être expliquées par la mobilisation d’une partie des réserves corporelles. En effet, Purroy et al (1987) ont montré le rôle plus ou moins important des réserves lipidiques dans l’ajustement de l’insuffisance alimentaire. Dans la présente étude, la majorité des brebis avaient une NEC moyenne égale à 2,5 au moment de la lutte. Cette situation oblige comme cela a été signalé par Dedieu et al (1989) les femelles à solliciter leurs réserves corporelles, mais de manière non maîtrisée, tant que la note à la mise en lutte reste inférieure à 3,2.

Figure 1 : Evolution de l’état corporel des brebis selon la note d’état corporel a la lutte

Evolution de la NEC des brebis selon le mode de naissance

Les résultats du tableau 4 montrent que les brebis d’une NEC moyenne de 2,63 points à la lutte ont des naissances double par contre les brebis d’une NEC moyenne de 2,26 points ont des naissances simples ; cela est en accord avec les résultats de Thériez (1984) qui a montré que les brebis les plus maigres donc non suffisamment alimentées sont relativement moins prolifiques que celles qui sont plus grasses.

Le profil d'évolution des notes d’état corporel avant la lutte est globalement le même pour les deux modes de naissance avec une différence significative (p=0,029) au profit des naissances doubles (+0,69 point) par rapport aux naissances simple (+0,48 point). Durant la gestation la perte de NEC pour les brebis qui portent des doubles (-1,69 point) était significativement supérieure (p=0,034) à celles qui portent un seul fœtus (-0,98 point) (Tableau 4). Pendant les trois premier mois de gestation, la NEC est restée presque la même pour les brebis portant un seul fœtus, par contre pour celles qui vont donner naissance à des jumeaux, on a enregistré une légère augmentation (+0,09 point) (figure 2). En fin de gestation les brebis ont connu des pertes d’état corporel dans les deux modes de naissance avec une différence significative (p=0,028), cette régression est plus forte chez les brebis porteuses de doubles (- 0,98 contre -1,78 point). Ces résultats peuvent être expliqués par Teyssier et al (1995) qui ont montré que la perte d'état corporel dans la deuxième partie de la gestation est influencée de manière très hautement significative (P<0,001) par la taille de portée à la naissance. Par ailleurs Arranz et Bocquier (1997) indiquent que les mères de doubles sont celles qui mobilisent le plus de réserves en fin de gestation et durant l'allaitement.

Figure 2 : Evolution de la NEC des brebis selon le mode de naissance

D’autre part, le poids des agneaux est affecté significativement (r²=- 0,47 ; p=0,004) par le mode de naissance et le poids des brebis à la mise bas (r²=- 0,41 ; p=0,013). Les agneaux nés simples ont une légère supériorité pondérale (0,87 kg) par rapport aux agneaux nés doubles; ceci est dû à l'effet de la croissance compensatrice. Ce résultat se rapproche à celui qui a été enregistré par Arbouche (2011), pour des agneaux issus de naissance simple et double (0,85 kg) pour la même race.

Par ailleurs, le poids vif de la brebis à la lutte n’a pas eu d’effet significatif sur le poids à la naissance des agneaux ; cela est en accord avec les résultats de Atti et Abdennebi (1995).

Conclusion

• Les résultats de ce travail montrent d’importantes variations de l’état corporel des brebis entre stades physiologiques (augmentation avant la lutte et diminution pendant la gestation). Ces variations traduisent l’interaction entre les disponibilités alimentaires et la mobilisation des réserves corporelles selon les besoins nutritionnels des brebis.
  
  
•  L’effet de la suralimentation distribuée pour préparer les femelles à la lutte était beaucoup plus marqué chez les brebis ayant une note d’état corporel moyenne d’au moins 1,96 point un mois avant la lutte. Les brebis les plus maigres donc non suffisamment alimentées ont montré une moins importante perte de NEC, et elles ont été relativement moins prolifiques que celles qui sont plus grasses. La perte d'état corporel dans la deuxième partie de la gestation a été influencée de manière très hautement significative (P<0,001) par la taille de portée à la naissance.
  
  
• Le poids des agneaux à la naissance a été affecté significativement par le mode de naissance et le poids des brebis à la mise bas. Les agneaux nés simples ont eu une légère supériorité pondérale (0,87 kg) par rapport aux agneaux nés doubles ; ceci est dû à l'effet de la croissance compensatrice.
  
  
• En fin les résultats préliminaires de cette étude mettent en évidence l’importance de la synchronisation des apports alimentaires avec les phases physiologiques critiques des brebis. Et méritent l’ouverture d’un débat sur la prise en charge de la gestation des brebis dans les conditions du semi-aride.

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Received 14 February 2015; Accepted 14 March 2015; Published 1 April 2015

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