Livestock Research for Rural Development 24 (9) 2012 | Guide for preparation of papers | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
L’ingestion de l’argile par les animaux d’élevage est un phénomène naturel ; ces derniers consomment en fait de la terre en broutant de l’herbe ou en picorant des graines et des insectes de la pédofaune. Durant les dernières années, l’emploi de cette substance dans les élevages intensifs de volailles et de porcs, en tant qu’additif naturel alternatif aux antibiotiques facteurs de croissance a été soldé par des améliorations notables de l’efficacité digestive, des performances de croissance et du bien-être. Cependant, chez les ruminants, ce sujet reste peu référencé. A cet effet, cette étude propose d’apporter un complément d’informations sur la réponse de la chèvre allaitante à l’addition d’argile. Dans ce contexte, les effets de l’addition de 5 % de marne sur l’ingestion de matière sèche, le poids de naissance des chevreaux, le gain de poids et la production laitière ont été étudiés chez deux lots de chèvres allaitantes multipares de la race locale, choisies et mises en lots un mois avant la mise bas en se basant sur les critères de poids vif et d’âge. Les chèvres des deux lots ont été nourries à partir d’une ration de base composée de foins d’avoine et de luzerne, distribués à volonté, complémentée avec un concentré, avec 5 % (expérimental) ou sans marne (témoin).
Les résultats de cet essai ont montré que les effets de l’ajout de 5 % de marne étaient prononcés sur le poids à la naissance, notamment chez les naissances simples (+ 9,5% ; P = 0,02), sur le gain de poids (+ 49% ; P< 0,001) et sur la teneur du lait en protéines (+ 15% ; P = 0,04). Ces performances semblent être en partie expliquées par l’amélioration de l’appétit et l’augmentation de la quantité de matière sèche volontairement ingérée durant le dernier mois de gestation (+ 5%) et par la richesse du lait en protéines. Les réponses observées dans cette expérience montrent l’importance de l’utilisation de l’argile dans l’amélioration de l’alimentation et les performances de la chèvre en Algérie.
Mots clés: Argile, chèvre, ingestion, gain de poids, gestation, poids de naissance, qualité de lait
The consumption of clay by livestock often called by the term geophagy is a natural phenomenon; they actually consume some clay during the pasture or by nibble seeds and insects in the soil fauna. In recent years, the use of clays as a natural alternative to the antibiotics growth promoters in poultry and pig was accompanied by a significant improvements in digestive efficiency, growth performance and the welfare. However, in ruminants, there was an insufficient scientific review.
The aim of this study is to provide additional information about the responses of suckling goat to the clay addition. For this purpose, during the last month of pregnancy and 7 weeks after parturition, the effects of 5% of marl (a clay enriched with calcium salts) on the dry matter voluntarily intake, the birth weight and the growth rate of kids and milk production were studied in two groups of multiparous local goats. These goats were fed on a based diet of oat hay and alfalfa, distributed ad libitum and supplemented with a concentrate containing 5% of marl (experimental) or without marl (control). Results of this trial showed that the marl significantly improves birth weight and especially the single births (9.5%, P = 0.02), the weight gain (+ 49%, P <0.001) and the protein content of milk (+15%, P = 0.04). These performances seem to be partially explained by the increase of the dry matter voluntarily intake during the last month of pregnancy (+ 5%) and by the milk proteins richness. The response observed in this experiment shows the importance of the use of marl to improve food production and the rearing of goats in Algeria.
Key words: Birth weight, clay, feed intake, goat, pregnancy, milk quality, weight gain
Pour répondre aux objectifs d’une production animale performante et économique, des farines animales, des antibiotiques facteurs de croissance, des anticoccidiens et des conservateurs ont été utilisés dans l’alimentation des animaux domestiques. Malheureusement, l’utilisation abusive de telles substances a été accompagnée par l’émergence de problèmes fortement ressentis par les consommateurs et les scientifiques à cause des risques potentiels des résidus qui se trouvent dans les produits animaux, dans les effluents d’élevage et les nappes d’eau. Pour remédier à cette situation, des probiotiques, des enzymes, des huiles essentielles, des extraits végétaux et des argiles ont été proposés comme alternatives à l’industrie des aliments de bétail dans le but d’atteindre des niveaux de performances similaires.
L’argile est une substance très abondante dans la nature, bon marché, pouvant faire l’objet d’incorporation dans l’alimentation des animaux domestiques. En effet, il a été démontré qu’elle possède d’excellentes propriétés technologiques (Melcion 1995), antibactériennes, détoxifiantes (Xia et al 2004, Xia et al 2005, Pasha et al 2007 et Prvulovič et al 2007) et nutritionnelles (Ouhida et al 2000a, Ouhida et al 2000b, Luca et al 2004 et Xia et al 2004).
L’idée de son utilisation en alimentation animale vient du fait que dans la nature, presque toutes les espèces animales consomment de la terre, probablement pour répondre à un besoin physiologique. Cette consommation a été estimée à près de 14 % de la matière sèche ingérée par un ruminant (Healy 1973). Par ailleurs, il a été observé que les bovins recevant des rations à haut niveau énergétique, consommaient de la terre spontanément et que cette consommation facultative, diminue lors de l’addition de bentonite à la ration (Nowar 1989). Ce phénomène a également été observé chez d’autres espèces animales comme le lapin, le porc, les palmipèdes et le poisson. C’est également une substance couramment consommée par les poules de basse-cour, de façon volontaire ou en ingérant des lombrics et des insectes de la pédofaune (Jondreville et al 2007). Selon De Vries et al (2006), la consommation de terre d’une poule pondeuse élevée en plein air peut atteindre 10 % de la matière sèche ingérée. Ces dernières années, l’emploi de l’argile chez les volailles, les ovins et les porcs a été accompagné par des réponses positives sur les performances de croissance et digestives. Dans le cadre de ce travail, les réponses de la chèvre vis-à-vis de l’addition de 5 % de marne durant le dernier mois de gestation et au cours des deux premiers mois de lactation sont étudiées dans le but d’apporter un complément d’informations sur la matière sèche volontairement ingérée, le poids de naissance des chevreaux, le gain de poids et la production laitière.
Une ration de base composée de foin d’avoine et de foin de luzerne (Tableau 1) a été distribuée à volonté durant le dernier mois de gestation et pendant 50 jours après la mise bas à deux lots de chèvres. Les foins en question ont été choisis selon les disponibilités fourragères et les besoins de cette catégorie d’animaux dans le but de fournir les éléments nécessaires à la couverture des besoins de fin de gestation et de production laitière permettant une croissance optimale aux chevreaux. Un complément de concentré composé majoritairement d’orge (79 %), de son de blé (20 %) et de CMV (1 %) a également été offert aux chèvres des deux lots à raison de 500 g / tête /jour.
Tableau 1. Composition chimique des régimes alimentaires servis. |
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En % de MS |
|||||
|
M |
MM |
MO |
MAT |
MG |
Foin d’avoine |
91,5 |
6,5 |
85,0 |
8,6 |
1,9 |
Foin de luzerne |
91,7 |
10,0 |
81,7 |
9,5 |
1,6 |
Concentré |
94,0 |
5,2 |
88,8 |
5,7 |
2,5 |
L’argile utilisée dans le cadre de cette expérience est une marne grise abondante dans la région de l’étude, employée dans la fabrication artisanale de poterie, renfermant 65 % d’argile et pauvre en matière organique (0,6 %) ; sa composition physico-chimique (en milli équivalent /100 g de sol) est : (Ca2+ = 4,6) ; (Mg2+ = 2,87) ; (Na+ = 0,33) ; (K+ = 0,1) ; (capacité d’échange cationique = 20,5). L’argile a été broyée et tamisée dans un tamis de 1,5 mm de diamètre afin de ne pas utiliser la poudre d’argile qui risque de se déposer au fond de l’auge. 56 g de marne représentant environ 5% de la matière sèche des foins ingérés ont été mélangés avec le concentré et distribués aux chèvres du lot expérimental (Tableau 2). Les chèvres du lot témoin ont reçu le même régime alimentaire sans addition de marne.
En se basant sur les critères de poids vif et d’âge, deux lots de 22 chèvres allaitantes, pesant en moyenne 36,4 ± 1,6 kg, multipares, appartenant à une population caprine locale d’Algérie (Arbia) et possédant un état corporel satisfaisant ont été formés au sein du troupeau de la ferme expérimentale de l’Institut Technique des élevages d’Ain M’Lila (Algérie) un mois et demi avant la mise bas. Les chèvres des deux lots ont été adaptées progressivement aux deux régimes durant les deux semaines qui ont précédé l’expérience, durant cette même période, la dose d’argile a également été introduite de façon progressive chez les chèvres du lot expérimental. Les effets de la marne sur les quantités de matière sèche volontairement ingérées ont été étudiés au cours du dernier mois gestation. A la mise bas et 50 jours après, les réponses des chèvres à l’argile ont été appréciées au niveau du poids de naissance des chevreaux, de la production laitière et la croissance pondérale. A la naissance, le poids des chevreaux nés simples et doubles a été noté avec une balance de précision (Sartorius, 0,5 g d’erreur) et pendant 9 semaines, des pesées hebdomadaires ont été réalisées pour étudier la croissance pondérale des chevreaux des deux lots.
Les teneurs des aliments en matière sèche, en matière minérale, en cellulose brute et en matières azotées totales ont été déterminées selon les méthodes de l’AOAC (1990). La qualité du lait a été appréciée par le dosage des protéines, du lactose et de la matière grasse, au début de la lactation, au pic de cette dernière et 9 semaines après à partir d’échantillons de lait frais, à l’aide d’un appareil de mesure de terrain de type Ecomilk. Avant lecture des résultats, l’échantillon de lait a été homogénéisé par agitation, puis une quantité suffisante versée dans le bécher de l’appareil qui contient une électrode de lecture spécifique (une fois stabilisé, les résultats sont affichés sur l’écran de l’appareil).
La production laitière du pic de lactation a été estimée à la cinquième semaine, en se basant sur la différence de poids des chevreaux avant et après tétées, pendant trois journées consécutives. Une balance électronique d’une portée de 15 kg (5 g d’erreur) a servi pour les pesées. La veille de l’estimation, les chevreaux ont été séparés de leurs mères, le lendemain, avant de les relâcher pour vider la mamelle, leurs poids vifs a été noté à jeun et après tétée. Aussitôt, une autre séparation a été pratiquée pour une deuxième estimation à 17 heures. Pour l’ensemble des chèvres, la production laitière a été estimée à partir de la moyenne des productions des trois jours.
L’analyse de variance, suivie du test de Newman et Keuls au seuil de signification de 5% était l’outil statistique utilisée pour la comparaison des moyennes des différents paramètres étudiés.
Par rapport au témoin, les résultats de la matière sèche volontairement ingérée (Tableau 2) montrent que l’incorporation de la marne au régime de la chèvre gestante améliore son appétit (+ 5 %), avec un excellent appétit pour le foin de luzerne (+ 19 %).
Tableau 2. Effets de l’argile sur la matière sèche volontairement ingérée (g/j). |
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Lots Aliments |
Témoin |
Expérimental |
SEM |
P Value |
Concentré |
500 |
50 |
- |
- |
Marne |
- |
56,0 |
- |
- |
Foin d’avoine |
610 |
577 |
19,5 |
0,33 |
Foin luzerne |
460 |
548 |
54,0 |
0,06 |
Ingéré Foin Total |
1070 |
1125 |
25,9 |
0,26 |
Les résultats des poids à la naissance (simple ou double) et de gains de poids sont représentés dans le Tableau 3. Pour les naissances simples, le poids à la naissance des chevreaux issus des mères nourris à base d’argile est significativement supérieur dans le lot expérimental (+ 9,5 % ; P = 0,02). Cependant, pour toute la période expérimentale, l’argile n’apporte qu’une légère amélioration au gain de poids (+ 3,5 %).
En revanche, les résultats du poids à la naissance et de la croissance des chevreaux nés doubles font état d’une légère supériorité (2%) pour le lot expérimental (3,28 kg contre 3,21 kg). Par contre, l’argile accroit de manière très significative le gain moyen quotidien des chevreaux (+ 48,5 % ; P < 0,001). Par ailleurs, l’examen des résultats de gains de poids quotidiens des deux types de naissances confondues montre que les chevreaux du lot argile sont plus performants que ceux du lot témoin (107 g/j contre 90 g/j ; soit un accroissement de 19 %).
Les résultats de la production laitière et de la composition du lait (Tableau 4) montrent que l’argile n’apporte pas de modifications à la quantité de lait produite ou à la matière grasse et au lactose. Cependant, elle a favorisé un accroissement significatif de la teneur du lait en protéines (+15% ; P = 0,04).
Tableau 3. Résultats des poids à la naissance (kg) et du gain de poids moyen quotidien (g/j) des chevreaux nés simples, doubles et du cumul des naissances. |
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Lots |
Témoin |
Expérimental |
SEM |
P-Value |
Poids de naissance (g) |
||||
Naissances simples Naissances doubles Simples et doubles |
3,47b 3,21 3,34 |
3,80a 3,28 3,54 |
0,10 0,04 0,13 |
0,02 0,35 0,18 |
Gain de poids moyen quotidien (g/j) |
||||
Naissances simples Naissances doubles Simples et doubles |
113 66b 90 |
117 98a 107 |
2,6 6,0 9,5 |
0,52 < 0.001 0,07 |
Poids à 49 jours (kg) |
||||
Naissances simples Naissances doubles Simples et doubles |
9,00 6,46b 7,73b |
9,54 8,07a 8,80a |
0,32 0,41 0,24 |
0,29 0,04 0,01 |
(a, b) : les moyennes affectées de lettres différentes dans une même ligne sont significativement différentes au seuil de signification de 5%. |
Tableau 4. Effets de l’argile sur la production laitière et la composition du lait des chèvres. |
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Lots Paramètres du lait |
Témoin |
Expérimental |
SEM |
P-Value |
Quantité (kg/j) Matière Grasse (g/l) Protéines (g/l) Lactose (g/l) |
1,08 29,3 32,2b 48,6 |
1,10 28,7 37,2a 47,8 |
0,014 0,33 1,51 0,49 |
0,67 0,41 0,04 0,75 |
(a, b) : les moyennes affectées de lettres différentes dans une même ligne sont significativement différentes au seuil de signification de 5%. |
Le niveau de matière sèche volontairement ingérée observé chez les chèvres du lot argile confirme le résultat rapporté dans l’étude antérieure de Ouachem (1997) dans laquelle, l’addition de 5 % d’argile chez des ovins était accompagnée d’améliorations dans les quantités ingérées et la digestibilité. Récemment, il a été observé chez les ovins un appétit augmenté pour la consommation de matière sèche de foin d’avoine de près de 5 pour cent avec 4 % d’argile (non publié). Cette tendance a également été observée chez le poulet de chair par Ouachem et al (2007) et Ouachem et al (2009) sous l’effet de l’addition de 3 % de marne. Cet accroissement au niveau de l’ingestion apporte un plus à l’équilibre nutritionnel recherché pour le développement du fœtus et le poids de naissance durant la phase critique de gestation et évite aux femelles d’avoir à mobiliser une part importante de leurs réserves au cours des dernières semaines de gestation. En effet, selon Morand Fehr et Sauvant (1988), les capacités d’ingestion de la chèvre diminuent de 5 à 15 % au cours des trois dernières semaines de gestation se traduisant par des conséquences négatives sur les poids de naissance. L’effet de l’argile sur cette performance semble provenir de l’amélioration de la digestibilité et la vitesse de vidange du rumen et surtout de l’effet tampon de cette substance sur le pH ruminal. En effet, il a été observé que la cinétique d’ingestion de la chèvre était fortement liée à l’évolution du pH ruminal et que les pH inférieurs à la valeur de 6 affectaient l’ingestion. Ainsi, pour corriger cet effet et éviter les pics de lactate, l’apport d’éléments tampon dans le rumen de chèvres, s’est traduit par des améliorations positives de l’appétit de l’animal (Giger-Reverdin et al 2004 et Desnoyers et al 2006). D’autre part, en se basant sur les effets positifs des probiotiques sur l’équilibre microbien de l’intestin et les capacités d’ingestion et de digestion rapportés chez la chèvre (Chiafalo et al 2004 cités par Piccitto et al 2005) et faisant référence à l’effet antimicrobien et protecteur exercé par la montmorillonite sur la muqueuse de l’épithélium de l’intestin grêle du poulet (Xia et al 2004) et du porc (Xia et al 2005), il n’est pas exclu dans le cadre de cette expérience que l’argile ait un effet probiotique au niveau de l’épithélium intestinal.
De façon générale, le poids à la naissance du troupeau caprin élevé dans les conditions de la ferme expérimentale et notamment celui des chevreaux issus des mères recevant l’argile (3,54 kg) nous semble performant à l’image des poids à la naissance situés dans la fourchette (2,0 – 2,6 kg), rapportés chez des races locales par Dekkiche (1987), Ben Ali (2004) et Benaissa (2008). L’effet de l’apport de l’argile sur le poids à la naissance a été statistiquement plus prononcé (+ 9,5 %) pour les naissances simples et dans le cas des naissances simples et doubles, une supériorité de l’ordre de 6 % a été observée. Ce résultat confirme celui observé par Meredef (2008) chez des agneaux issus de brebis alimentées à partir d’un régime complémenté avec 5 % d’argile. L’importance des poids à la naissance observés chez les chevreaux du lot expérimental peut être expliquée par l’augmentation de l’ingestion des chèvres au cours du dernier mois de gestation et, surtout par une meilleure utilisation digestive des nutriments comme cela a été rapporté par Prvulovič et al (2007), selon lequel les régimes à base d’argile ralentissent la vitesse de passage des particules alimentaires à travers le tube digestif et augmentent l’utilisation digestive des nutriments et jouent un rôle important dans l’épargne de l’ammoniac formé au cours de la protéolyse ruminale. Ceci suggère un état nutritionnel favorable à des poids à la naissance plus élevés.
Ainsi, ce paramètre constitue un facteur essentiel pour réaliser un bon démarrage et assurer une croissance durable. En effet, d’après Sagot (2007), un écart de 500 g à la naissance se traduit par une variation de la vitesse de croissance, alors que 1 kg d’écart se traduit par une dégradation importante du poids de carcasse, quelles que soient les pratiques d’alimentation. Bien plus, il est établi qu’en relation directe avec l’alimentation des mères durant le dernier mois de gestation, le poids de naissance, a pour tous les types génétiques et toutes les espèces animales, des répercussions sur la production laitière, la croissance et le poids au sevrage (Sagot 2007). Encore, faut-il préciser que si la finition a souvent été considérée comme une étape déterminante pour produire une carcasse de qualité, des études ont montré que le poids à la naissance, puis la croissance sous la mère, restent les conditions essentielles permettant d’assurer une productivité pondérale performante et économique. En effet, selon Mandonnet et al (2006), la productivité numérique d’une population caprine créole du Guadeloupe était fortement influencée par le poids à la naissance et le niveau de production laitière. De même, d’après Hajj et al (2006), quelque-soit le système d’élevage, les chevreaux de grands poids peuvent être sevrés tôt à l’âge de 8 semaines, alors que pour ceux ayant un poids inférieur, un prolongement de 2 à 3 semaines leur est souvent nécessaire. Cet effet a également été rapporté chez les ovins par Dekhili (2003). D’après cet auteur, il existe une étroite association entre ce paramètre et le taux de sevrage et à cet effet, une alimentation équilibrée pendant le dernier mois de gestation, garantit un poids de naissance élevé et diminue le taux de mortalité.
Cet effet positif sur la matière sèche ingérée, le poids de naissance et l’augmentation de la teneur du lait en protéines a été soldé à la fin de l’essai par un gain de poids plus grand, notamment pour les naissances doubles (Tableau 3). Un effet similaire, mais de façon plus discrète (+ 5 %) a été constaté par Meredef (2008) à l’âge de 11 semaines chez des agneaux allaités par des brebis recevant 4 % de bentonite. Par ailleurs, chez des ovins en croissance, un accroissement du gain de poids de l’ordre de 14 % a été observé avec 5 % de bentonite (Nowar 1989) et de 31,5 % avec 5 % de smectite (Ouachem 1997).
Dans les conditions de notre essai, les effets de l’argile sur le poids à la naissance, puis sur le croît sous mères ont permis un poids moyen à 49 jours supérieur de 14 % (8,80 kg contre 7,73 kg). Ce résultat est intéressant dans la mesure où le poids vif moyen réalisé au sud-est Algérien au cours d’une période expérimentale plus longue (60 jours) chez un troupeau de caprins n’était que de 8,41 kg (Benaissa 2008). Ce résultat montre la possibilité d’améliorer les potentialités productives de la chèvre locale par l’emploi de l’argile et l’amélioration des conditions d’élevage et d’alimentation.
Production laitière
Le niveau de production laitière enregistré dans le cadre de cette expérience corrobore le niveau maximal rapporté par Hellal (1986) chez la chèvre locale (1 kg). Cependant, comparativement au lait des chèvres du lot témoin, l’argile améliore de façon significative la teneur du lait en protéines. Cette même tendance a été observée au cours d’un travail similaire faisant incorporer la bentonite dans le régime de la brebis (Meredef 2008). Les conséquences d’une telle augmentation sont ressenties au niveau des performances de croissance. Selon Sagot (2007), au cours des deux premiers mois qui suivent la naissance, l’alimentation lactée est essentielle pour une bonne croissance et un poids au sevrage optimal. En effet, le potentiel de croissance est directement liée à la quantité et surtout à la qualité du lait disponible et par conséquent, aucun aliment, qu’il s’agisse de fourrage ou de concentré, ne peut compenser totalement un manque quantitatif ou qualitatif de lait.
A priori, l’effet de l’argile sur la digestibilité des nutriments décrit par beaucoup d’auteurs, peut être avancé pour expliquer partiellement cette augmentation du taux de protéines du lait. En effet, d’après Morand-Fehr (1981), tout comme chez la brebis et la vache, le taux protéique du lait de chèvres est corrélé positivement au niveau d’alimentation et surtout à la digestibilité. L’effet tampon remarquable de l’argile peut être également avancé pour expliquer cette performance. En effet, l’usage de levures comme substances tampon a permis d’augmenter fortement (30 %) la production et la qualité du lait de la chèvre laitière (Lescouarnec et al 2006). Tenant compte des considérations précédentes, nous pouvons faire l’hypothèse que le poids de naissance et la qualité du lait d’allaitement, expliquent le gain de poids réalisé par les chevreaux issus des mères recevant la marne.
Les résultats de cette expérience ont montré l’intérêt de l’utilisation de la marne sur l’amélioration de l’appétit de la chèvre au cours du dernier mois de gestation, sur le poids de naissance, sur la richesse du lait en protéines et enfin sur la vitesse de croissance des chevreaux.
Ces résultats montrent aussi la valeur potentielle de la marne dans les conditions alimentaires des régions chaudes où les fourrages verts et les fourrages de qualité font défaut. L’addition de la marne au régime alimentaire de la chèvre locale lui permet d’extérioriser ses potentialités productives et contribue à l’amélioration des performances de cette espèce. Cet état doit inciter les responsables pour inscrire l’emploi de l’argile dans le cahier de charge des nouvelles stratégies de développement agricole. Cependant, afin de valider ces résultats, il conviendrait de poursuivre cette étude par des essais de digestibilité et le métabolisme du rumen qui permettront de comprendre d’avantage ses mécanismes d’action.
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Giger-Reverdin S, Bertin G, Tissier J and Sauvant D 2004 Effet d’une levure sur le métabolisme ruminal de la chèvre laitière. 11ème Rencontre Recherches Ruminants, Paris 8 & 9 Décembre 2004, p 265.
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Received 15 August 2011; Accepted 1 August 2012; Published 3 September 2012