Livestock Research for Rural Development 24 (1) 2012 | Guide for preparation of papers | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
Cet article se propose de situer la filière lait en Algérie, à travers l’examen de la dynamique de la production, la transformation, les importations et la consommation. Dynamique en relation avec les politiques adoptées, qui, ont entraîné l’extraversion de la filière lait.
En effet, la production laitière locale a connu une faible croissance comparativement à la consommation qui a fortement augmenté sous l’effet de la croissance démographique et du soutien par l’Etat des prix à la consommation. Les mesures incitatives initiées par les pouvoirs publics pour stimuler la production laitière locale n’ont pas eu l’impact escompté. L’élevage est demeuré fortement extensif et peu productif. L’approvisionnement de l’industrie laitière a suscité un recours massif aux importations pour combler le déficit local et faire face aux besoins en croissance de la population. Conséquence : déconnexion de l’industrie laitière de la sphère de production locale, les concepts d’autosuffisance et de sécurité se trouvent remis en cause et l’extraversion de la filière demeure une réalité.
Mots clés: Algérie, collecte, consommation, filière, importation, production, politiques laitières, politiques agricoles
This article proposes to situate the dairy sector in Algeria, through the analysis of the dynamics of production, processing, imports and consumption. This dynamics is tightly linked with adopted policies, which have led to the extroversion of the milk sector.
Indeed, the local milk production has seen little growth compared to the consumption, which has significantly increased due to population growth and support by the state of consumer prices. The incentives initiated by the government to boost local milk production has been inadequate and had no real impact. Agriculture has remained extensive and less productive. The dairy industry generated a massive use of imported to fill the gap local and meet the high demand. A result, the dairy industry has become disconnected from local production and the concept of self-sufficiency and food security are challenged and extraversion of the dairy sector remains a reality.
Keywords: agricultural policy, Algeria, industry, consumption, collection, dairy policy, import, production
L’Algérie est un grand pays qui s’étend sur une superficie de 2.381.741 km (premier plus grand pays d’Afrique après l’indépendance du Soudan du Sud). Deux chaines montagneuses importantes, l'Atlas Tellien au Nord et l'Atlas Saharien au Sud, séparent le pays en trois types de milieux qui se distinguent par leur relief et leur morphologie: le système Tellien, les hautes plaines steppiques et le Sahara (Nedjraoui 2001). Le premier est un ensemble constitué par une succession de massifs montagneux, côtiers et sublittoraux, et de plaines (Hadjiat 1997).La diminution du couvert végétal et le changement de la composition floristique sont les éléments qui caractérisent l’évolution régressive de la steppe. Ainsi, le processus de désertification des zones steppiques ne s'est pas arrêté et s'est même amplifié (Nedjraoui et Bedrani 2008).
En effet, l’Algérie est un pays essentiellement désertique dont l’agriculture n’occupe qu’une très faible part de la superficie. Selon les chiffres officiels, la superficie agricole utile (8,1 millions d’ha) ne représente en effet que 3,4 % de la superficie totale du pays (16,3 % si on ajoute la SAU les terres de parcours) (Ministère de l’agriculture 2007). Cette faiblesse relative des superficies agricoles n’empêche pas l’Algérie d’être un pays encore fortement rural : 55 % de la population vit dans les zones rurales en 1998 (Recensement général agricole 2001).
Le climat est caractérisé par une longue période de sécheresse estivale variant de 3 à 4 mois sur le littoral, de 5 à 6 mois au niveau des Hautes Plaines et supérieure à 6 mois au niveau de l'Atlas Saharien (Nedjrauoi 2001). Les pluies sont généralement insuffisantes, irrégulières et inégalement réparties à la fois dans le temps et dans l’espace (FAO 2004). Seulement 5 % de la superficie totale du pays reçoivent plus de 400 mm de pluie (Boukella 1996 ). On ne compte qu’une bonne année en moyenne sur cinq (Bedrani et Bouaita 1998). A ces conditions naturelles, très défavorables, s’ajoutent des structures agraires trop morcelés et une faible mobilisation des ressources en eau pour donner une agriculture bien loin de satisfaire les besoins croissants d’une population elle-même en croissance rapide (Bedrani et al1997). La petite exploitation domine malgré la prévalence encore forte du régime de l’indivision. Le recensement général de l’agriculture de 2001 donnait 70 % de petites exploitations avec une superficie comprise entre 1 et moins de 10 ha occupant 25,4 % de la superficie agricole utile (SAU) totale. En Algérie plus d'un million d'exploitations agricoles couvrant plus de 8,5 millions d'hectares de terres arables, exploitées par l'arboriculture (41 %), les cultures maraîchères (26 %) et les grandes cultures (33 %), principalement céréalières ( Recensement général de l’agriculture , 2001). Le secteur agricole reste le troisième secteur de l’économie en matière de formation de la valeur ajoutée. Il représente 9,2 % du PIB et se classe après le secteur des hydrocarbures (38 %) et celui des services (21 %) (Bedrani 2008). Le secteur agricole, si stratégique soit-il pour l’économie nationale, est dual. Aux quelques industries agro-alimentaires performantes aspirées par la mondialisation répondent une multitude d’exploitations familiales de très petite taille qui parsèment le milieu rural (Mediterra 2008).
Au lendemain de l’indépendance, l'objectif des pouvoirs publics était la sécurité alimentaire et l'augmentation de la production agricole pour les produits de base constituant la ration alimentaire de la famille algérienne, parmi lesquels figure, en bonne place, le lait. C’est ainsi que les pouvoirs publics tentent à travers des actions d'interventions budgétaires et d'encadrement économique, d'améliorer la situation de l'élevage bovin et par voie de conséquence la production laitière locale. Ces tentatives, menées dans le cadre du plan national de développement agricole (PNDA), n’ont pas amélioré la situation de la production laitière ; l’Algérie continue d’importer d’importantes quantités de poudre et de produits laitiers pour faire face à la demande croissante de la population.
Entre 2001 et 2009, l’Algérie a importé en moyenne et par an 779 ,18 millions de dollars US en laits et produits laitiers. La facture laitière au cours de cette période a coûté un peu plus de 7,12 milliards de dollars (CNIS 2009). Dans ce contexte, cet article présente un point de situation sur la filière lait en Algérie, à travers l’examen de l’évolution des différents maillons de la filière en relation avec les efforts consentis par les pouvoirs publics. Il tente de démontrer comment la situation s’est détériorée et par voie de conséquence le passage de la volonté de s’auto suffire à une réalité amère de dépendance et d’extraversion de la filière. Pour ce faire, les données ainsi utilisées dans l’analyse sont celles disponibles dans les sites de l’observatoire méditerranéen (MEDOBS), de la FAO ainsi que les données du ministère de l’agriculture (MADR) et du centre national d’informatique et statistiques (CNIS).
Dès 1970, l'objectif assigné à l'agriculture est de nourrir à moindre coût les populations urbaines. Dans cette perspective, il s’agissait, pour les pouvoirs publics, d’assurer à l’Algérie l'autosuffisance alimentaire et d'atténuer la dépendance alimentaire. Cette politique se fixait comme objectif l'accroissement et la diversification de la production agricole, appelée à se substituer progressivement aux importations. L’accroissement de la production agricole visé par l’Etat sera recherché par la mise en œuvre d'un processus de « modernisation » de l’agriculture conçue comme l’industrialisation de celle-ci et l'orientation de la production vers le marché (Bedrani 1995). Concrètement, c'est un modèle d’agriculture intensive, centré sur la mise en œuvre du capital étatique dont on a tenté la généralisation.
Pour le lait, les programmes de développement initiés et mis en œuvre, particulièrement à partir de la fin de la décennie 1960, ont essentiellement ciblé les exploitations du secteur public et les zones privilégiées au plan des ressources naturelles, pour créer des bassins laitiers. L’élevage bovin laitier devait être inséré dans les systèmes de cultures au sein desquels d’autres spéculations devaient être réhabilitées, tels les agrumes en Mitidja, la betterave sucrière dans le Haut Chélif, la tomate industrielle à Annaba et les cultures oléagineuses (Djermoun 2011 ). Par ailleurs, le modèle d’intensification élaboré reposait, entre autres, sur le développement hydraulique, l’importation de vaches laitières à hautes potentialités, le développement par l’Etat de ses propres capacités de transformation en amont et en aval de la production, et la mise en place d’un réseau dense de distribution des moyens et des facteurs de production. Le système de régulation économique est fondé sur la déconnexion entre les prix à la production et ceux à la consommation et la subvention des moyens et des facteurs de production agricole.
Ainsi, le modèle avait été conçu sur la base de la conviction que seule la technologie d’élevage « moderne » peut permettre d’atteindre, dans des délais suffisamment courts, les objectifs arrêtés. Cette option tournait le dos aux ressources et au savoir-faire traditionnel. Malgré ces ressources, la production bovine laitière locale a été négligée (Bourbouze et al 1989). L’idéologie moderniste, dévalorisant les technologies endogènes, imprégnait fortement les concepteurs de l’époque (Chaulet 1986).
La politique d’importation de vaches laitières à hautes potentialités a été menée de manière continue à partir du milieu de la décennie 1960, avec des effectifs annuels variant entre 2500 et 5000 vaches laitières, qui ont accusé un brusque accroissement après la dissolution des domaines agricoles socialistes (25000 en 1988) (Cherfaoui 2003).
La crise de l’endettement extérieur à partir de 1985-1986 a largement montré les limites de ce modèle qui est, en fait, celles de l’économie administrée et des pratiques économiques passées (Boukella 1998). Ainsi, les réformes économiques mises en œuvre consacrent le désengagement de l’État de la gestion directe de l’économie, y compris de la sphère agroalimentaire, marquant clairement une rupture fondamentale par rapport aux politiques d’autosuffisance alimentaire prônées par le pouvoir d’État depuis le début des années 70.
De ce point de vue, la question de l’autosuffisance alimentaire qui constituait une priorité pour l’État a été progressivement abandonnée ( Bourenane1991) au profit d’une approche opposée centrée sur la recherche des équilibres macro-économiques et de la sécurité alimentaire dont la problématique est désormais posée en termes de globalisation, de régionalisation et des nouvelles règles du commerce international.
Au plan de la réforme des structures agraires, une restructuration importante des exploitations agricoles publiques est engagée en 1987, dans une précipitation inouïe, se traduisant par un processus de « privatisation » et la constitution d’exploitations agricoles collectives (EAC) sensées être plus performantes que les anciennes fermes d’État. En effet, cette réforme a donné lieu à la liquidation de très nombreux troupeaux par les attributaires des exploitations agricoles collectives mises en place, pour des raisons à la fois économiques (activité jugée peu lucrative) et sociales (activité très contraignante par la disponibilité stricte qu’elle exige).
L’approbation d’une politique laitière est venue très en retard, après une période de délaissement. Ce n’est qu’à partir de 1995 qu’il était promulgué 1’instruction ministérielle portant programme de réhabilitation de la production laitière (n°409 du 10 juin 1995). Par cette politique, une nouvelle phase s'ouvre pour la filière lait, dans la mesure où les programmes adoptés visent la levée des contraintes et des distorsions créées par le système des prix administrés.
La nouvelle politique de réhabilitation finalisée avec la participation de la profession, sera adoptée, puis intégrée comme une composante importante du plan national de développement agricole (PNDA).Elle s'articulait autour de trois principaux programmes: la promotion de la collecte du lait cru, l’incitation à la réalisation de mini laiteries et le développement de la production du lait.
Les objectifs stratégiques que l’État cherche à atteindre à travers la mise en œuvre du plan national du développement agricole consistent en l’amélioration du niveau de la sécurité alimentaire qui vise l’accès des populations aux produits alimentaires selon les normes conventionnellement admises, une meilleure couverture de la consommation par la production nationale et un développement des capacités de production des intrants agricoles et du matériel de reproduction ainsi que l’utilisation rationnelle des ressources naturelles aux fins d’un développement durable et de promotion des productions à avantages comparatifs avérés (Ministère de l’agriculture 2000).
Les bilans d’évaluation des efforts de développement de la production laitière (Amellal 1995, Bedrani et Bouaita 1998, Bencharif 2001) ont indiqué à l’unanimité des résultats très insuffisants du modèle d’intensification. En définitive, la dynamique de la production laitière, au cours des années 1960 à 1980, découle directement de la conduite extensive du cheptel laitier au sein des exploitations, excepté un nombre limité d’unités du secteur public qui pratiquaient un élevage semi-intensif. Globalement, la production laitière en Algérie n’a pas cessé d’augmenter durant les trois décennies (Tableau 1).Elle est passée de 584 mille tonnes par an en moyenne sur la période 1971-1975 à 1,735 million de tonnes sur la période 2006-2007 soit près de trois fois plus, à un rythme annuel de 3,69%.
Tableau 1. Evolution de la production de lait par espèce (U=1000 tonnes) |
||||||||
Période |
Lait de |
lait de chamelle |
lait de |
lait de |
Lait |
Lait de vache/total en % |
Taux de croissance lait de vache |
taux de croissance lait total |
Brebis |
chèvre |
vache |
total |
|||||
1961-65 |
81 |
5 |
83 |
179 |
348 |
51,44 |
|
|
1966-70 |
92 |
5 |
116 |
262 |
475 |
55,16 |
7,92 |
6,42 |
1971-75 |
112 |
5 |
124 |
343 |
584 |
58,73 |
5,54 |
4,22 |
1976-80 |
141 |
6 |
132 |
492 |
771 |
63,81 |
7,48 |
5,71 |
1981-85 |
179 |
5 |
147 |
546 |
877 |
62,26 |
2,10 |
2,61 |
1986-90 |
204 |
5 |
128 |
588 |
925 |
63,57 |
1,49 |
1,07 |
1991-95 |
206 |
5 |
133 |
688 |
1032 |
66,67 |
3,19 |
2,21 |
1996-00 |
178 |
7 |
151 |
988 |
1332 |
74,17 |
7,51 |
5,24 |
2001-05 |
191 |
8 |
167 |
1239 |
1598 |
77,53 |
4,63 |
3,71 |
2006-07 |
210 |
10 |
195 |
1320 |
1735 |
76,08 |
1,27 |
1,66 |
Sources : Elaboré à partir des données de l’observatoire méditerranéen. http://www.ressource. medobs.org 2006-07 : ministère de l’agriculture |
Cette production provient de diverses espèces animales, mais ce sont les vaches qui sont à l’origine de la quasi-totalité (plus de 76 %) de la production domestique. Le lait de brebis, de chèvres ou de chamelles est surtout destiné à l’alimentation des jeunes animaux, le reliquat étant autoconsommé par l’éleveur et sa famille.
L’accroissement enregistré de la production est surtout le fait d’une augmentation des effectifs de vaches laitières et non des rendements laitiers des exploitations, ce qui traduit le caractère peu productif du cheptel (Bencharif 2001).Ainsi, la production locale a progressé avec l’augmentation des importations de vaches laitières Holstein, Frisonne et Montbéliarde, dont l’effectif cumulé sur la période 1985- 2000 a été évalué à 165556 d’animaux (CNIS 2000).
De nombreux chercheurs (Bedrani et al 1997, Ferrah 2000, Yakhlef 1989, Bencharif 2001) ont imputé la faiblesse de la production locale au manque d’adaptation des races laitières exploitées et à la faible productivité des cheptels. Ainsi, une adaptation insuffisante des races laitières transférées vers les conditions d’élevage méditerranéen est généralement avancée comme principale explication à la productivité limitée des animaux (Bourbouze et al 1989, Flamant 1991).
En effet, La production laitière en Algérie s’inscrit dans un espace marqué à la fois par l’aridité du climat, l’exiguïté de la superficie agricole utile (0,28 ha/hab.) et le morcellement accentué des terres ainsi que des exploitations agricoles privées, notamment dans la zone dite du « Tell » (Ferrah 2000). Ces facteurs entravent réellement l’essor des cultures fourragères, peu développées et en régression. La superficie cultivée en fourrage est passé de 0,5 million d’hectares en 1990 à moins de 300 000 hectares en 2003 (Ministère de l’agriculture 2004). Ainsi, l'alimentation du bétail se caractérise notamment par une offre insuffisante en ressources fourragères, ce qui se traduit par un déficit fourrager estimé à 34% (Houmani 1999).
Les évolutions techniques ont fait que la production moyenne des vaches de l'Union Européenne à 15 est passée de 5 979 kg. de lait en 2001 à 6 233 kg. en 2004 (Institut de l'élevage 2004). Les rapports de l’institut technique de l’élevage des années 2001, 2002, 2003 et 2004 révèlent une tendance presque stationnaire de la productivité (3800 kg par lactation) du cheptel existant en Algérie. Il existe un écart de productivité considérable qu’on peut attribuer à plusieurs facteurs entre autre les facteurs génétiques, les facteurs environnementaux, mode de conduite et des facteurs économiques. Le mode de conduite reste globalement archaïque et peu propice à l’expression des potentialités des animaux (Chehat 2002). Les anomalies observées dans les exploitations sont diverses (mauvaises détections des chaleurs, absence de politique de conduite etc.) (Ghozlane et al 2006).
Le choix d’une politique laitière basée sur des prix à la consommation fixés par l’Etat à un niveau bas s’est traduit par l’orientation des éleveurs vers la production de viande ou la production mixte (viande/lait), en consacrant la production laitière des premiers mois aux veaux, d’où une limitation des rendements individuels, ce qui a limité l’expansion de la production laitière locale (Madani et Mouffok 2008). Ce qui amène les éleveurs à considérer le lait comme un sous produit de l'élevage.
Ainsi, les niveaux des prix à la consommation se situent en dessous des prix à la production durant toute la période 1986-2000 (Figure1). Cependant à partir de 2001, le prix à la consommation est placé pour la première fois au-dessus de celui de la production. Le premier est maintenu stable à 25 DA contre 22 DA /l pour le second. Néanmoins, la subvention accordée place le prix à la production à un niveau élevé.
Figure 1. Evolution comparée des prix á la prodduction et á la consommation du lait (DA/l de lait) (Source : Journal officiel RADP) |
Les prix à la production qui ont connu une stagnation de 1986 à 1990, leur réajustement est intervenu à partir de 1991 pour atteindre un niveau de 22 DA à partir de 1995.En conséquence , les différents acteurs (producteurs et industriels se trouvent découragés et ne sont plus donc intéressés au développement de la production locale et la collecte du lait cru ; ainsi les circuits informels (circuits courts) concernent des quantités non négligeables pour des consommateurs qui apprécient beaucoup plus le lait cru , pourtant de qualité non garantie et vendu à un prix plus élevé ( Bourbouze 2001).
Avec la politique de réhabilitation de la filière, le lait continue de bénéficier d'un encouragement sous forme de prime versée au producteur qui accepte de livrer son lait aux usines de transformation. Cette prime d'encouragement est passée de 4 à 7 DA/litre entre 1995 et 2005, avant d’atteindre 12 DA à partir de 2009. En outre, pour susciter la prise en charge de la collecte, une aide complémentaire de 2 DA (prime de collecte) pour chaque litre collecté et livré, ainsi qu'une prime de 2 DA le litre est versé aux usines laitières (prime d’intégration) à la réception du lait crû local. La prime de collecte a atteint un niveau plafond de 5 DA à partir de 2009. Ces mesures ont sans doute incité d'autres éleveurs à s'intéresser davantage au lait, mais ceci ne semble pas avoir eu un effet positif sur la production laitière.
Le cheptel bovin laitier en Algérie est localisé dans le nord du pays, particulièrement la frange du littoral et des plaines intérieures à climat humide et subhumide. Cette zone détient l'essentiel de l'effectif des vaches laitières (60 %), des superficies fourragères (60,9 %) et de la production nationale de lait cru (63 %) (Ministère de l’agriculture 2007). L’extension de l’élevage bovin est restée ainsi limitée vers le sud du pays, compte tenu des conditions climatiques. Le lait issu des élevages des ovins et caprins, demeure la résultante des systèmes d’élevage extensif localisés essentiellement dans les zones de montagnes et des hauts plateaux steppiques (zone 2).
Antérieurement aux années 1970, le cheptel bovin était composé quai totalement des races locales adaptées aux conditions agro climatiques locales, réalisant de faibles performances (entre 600 et 1800kg/vache/lactation), mais permettant de mettre en valeur le mieux possible les maigres ressources fourragères disponibles. Le programme d’intensification de la production laitière a introduit progressivement les races de hautes potentialités génétiques, principalement à partir d’Europe et concerne principalement les races Montbéliarde, Frisonne Pie Noire, Pie Rouge de l’Est, Tarentaise et Holstein, en tendant de réduire la place des races locales dans la structure des troupeaux.
Actuellement, les éleveurs bovins laitiers disposent d’environ 1 300 000 têtes réparties en trois systèmes de production :
Le système de production intensif, dit « Bovin Laitier Moderne » (BLM): Ce système est constitué par des exploitations privées ainsi que les EAC et les EAI (Exploitations agricoles issues de la restructuration des anciennes fermes de l’Etat). Il se localise dans les zones à fort potentiel d’irrigation autour des villes de moyenne et de grande importance. Le système de production « extensif », dit « Bovin Laitier Amélioré » (BLA) : Ce système utilise des peuplements bovins issus de multiples croisements entre les populations locales et les races importées. Le BLA est localisé dans les zones de montagnes et forestières.
Le Bovin Laitier Local « BLL » : Le BLL est beaucoup plus orienté vers la production de viande ; sa faiblesse dans la production de lait fait que cette dernière est surtout destinée à l’alimentation des jeunes animaux. Le cheptel local est donc peu productif, localisé dans les régions montagneuses.
Après plus de quarante ans, l’effort d’amélioration génétique n’a intéressé qu’une frange limité d’éleveurs capables d’assurer une conduite correcte pour un cheptel exigeant. Ainsi, en 2008, le système « Bovin Laitier Moderne » était constitué d’un effectif de 230 000 VL, soit autour de 9 à 10 % de l’effectif national et assurait environ 40 % de la production totale de lait de vache (ONIL 2010).
Pour la collecte , les pouvoirs publics en Algérie ont mis en place depuis le lancement du plan national du développement agricole (PNDA) en 1995 des mesures incitatives visant l'organisation du ramassage du lait à travers le lancement d'un vaste programme de réhabilitation de la filière lait en incitant le développement des mini laiteries et la collecte. Ainsi, le nombre de ces centres est passé de 10 en 1970 à 992 en 2004, ce qui a permis de drainer vers les usines laitières plus de 140 millions de litres de lait en 2004 contre seulement 41 millions en 1970 (Ministère de l’agriculture 2004).
Figure 2. Production et collecte du lait cru (en millions de litres) |
Malgré ces incitations à la collecte, le taux de collecte reste faible. Il oscille entre 10 à 15 % du volume de la production nationale. Ceci s’explique par les avantages que confère le recours à la poudre de lait importée. Les laiteries affichent leur désintéressement à aller vers la transformation du lait cru, car cette option est jugée économiquement non rentable. Ainsi, l'autoconsommation et la mise sur le marché informel restent très importantes. On estime la quantité autoconsommée de l'ordre de 56 % dans les deux périmètres de Cheliff, contre une quantité écoulée sur le marché informel de l'ordre de 25 % (Djermoun et Chehat 2010). Ceci est d’autant plus préoccupant que le circuit informel ne bénéficie d’aucun contrôle sanitaire.
En relation, avec l’évolution des capacités installées, la production industrielle des laits et dérivés par les entreprises du groupe GIPLAIT a connu une progression rapide jusqu'à l’année 1993, au cours de laquelle elle a enregistré un maximum de 1, 4 milliards de litres (Bencharif 2000). L’investissement public avait engendré un tissu de 19 usines réparties sur les régions Est (04), Centre (06), Ouest (08) et Sud-ouest (01). Investissements réalisés, grâce à l'aisance financière due à la rente pétrolière, dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique de sécurité alimentaire et ont été conçu dans le but de répondre à une demande en forte croissance, avec la perspective d’une intégration aux exploitations laitières.
Cependant, les objectifs proclamés ne se sont jamais concrétisés dans la mesure où l'industrie en question n'assure la collecte et la transformation qu' à titre d'activités accessoires par rapport à la transformation du lait en poudre importé. En conséquence, l’expansion des capacités de production industrielle n’a pas été accompagnée d’un processus similaire d’augmentation de la production laitière issue des exploitations agricoles pour s’ajuster aux besoins des laiteries.
Les unités industrielles publiques installées relevaient d’abord d’un seul office (ONALAIT) jusqu’en 1992, puis des trois offices laitiers régionaux après une première restructuration. Elles ont été depuis 1995 filialisées au sein d’un groupe (GIPLAIT) pour disposer d’une plus grande autonomie en matière de gestion. Mais, quel que soit leur statut, elles n’ont accordé qu’un intérêt mineur à la collecte. Le rapport des prix matières premières alternatives (lait en poudre et matière grasse de lait anhydre importés d’une part, lait cru local d’autre part) était, de leur point de vue, nettement favorable aux produits importés, la collecte du lait local étant plutôt synonyme de surcoûts insupportables (Chehat 2002). L’effort de collecte a été symbolique (en moyenne, moins de 5% de la production domestique).
De plus, la forte demande alimentaire induite par la salarisation massive a totalement modifié les priorités des entreprises et offices agro alimentaires; c’est la sécurité de l’approvisionnement des villes qui devenait essentielle, sans que pour autant soit définie leur relation avec l’agriculture (Benfrid1992). De même, le choix d’unités de transformation surdimensionnées par rapport aux bassins de production potentiels locaux a aussi favorisé l’importation au détriment de la production du lait cru local dont la collecte génère des surcoûts importants (Bencharif 2000).
A partir de 1995, le programme de réhabilitation de la filière lait nationale a permis l'émergence d'un secteur privé très actif , ayant engendré plus de 120 entreprises de taille moyenne et une centaine de mini-laiteries (Kaci et Sassi 2007). Certaines unités vont étendre leurs activités à la production de dérivés laitiers, de beurre et développer une stratégie de partenariat avec des multinationales européennes. C’est ainsi, au niveau de la deuxième transformation, le marché est dominé par quelques firmes de renoms. Le marché du yaourt est dominé par DANONE et SOUMMAM. La filiale du géant français des produits laitiers, Danone Algérie, a réussi à coup d’opérations commerciales et de marketing très poussées, mais aussi en misant sur sa tradition d’excellence en matière de qualité, à accaparer 40 % des parts du marché algérien (Kaci et Sassi 2007).
Réduites à satisfaire la demande sur le marché du lait pasteurisé, les filiales du groupe GIPLAIT souffrent de la règlementation du prix imposée par l’Etat ainsi que de la tendance à la hausse des prix sur le marché international des matières premières (lait en poudre et matière grasse du lait anhydre). Cette mission qui, induisait un déséquilibre financier flagrant suscitant une intervention publique, est rendue possible grâce à la conjoncture pétrolière redevenue favorable.
En définitive, au plan du fonctionnement concret de cette filière, celle-ci reste en fait soumise à deux logiques, antagoniques au demeurant:
- une logique de « service public » qui privilégie la distribution et la disponibilité du lait de consommation en sachet (LPC) à un prix fixé d'avance.
- une logique "marchande" favorisant l’incorporation du capital privé, notamment pour les produits laitiers.
L'une des caractéristiques essentielles de la politique menée par les pouvoirs publics demeure par la fixation des prix du lait cru et du prix du lait industriel à la consommation (LPC). Les laits de consommation ont été toujours considérés comme des produits de première nécessité dont les prix doivent être relativement bas, en rapport avec le pouvoir d'achat de la population. Les prix à la consommation de lait pasteurisé de consommation ont toujours été fixés à des niveaux inférieurs aux cours réels, la différence étant couverte par le fond de compensation des prix (Bencharif 2001). Le soutien des prix à la consommation doit compenser l'écart entre le coût de revient du lait transformé et son prix de vente fixé réglementairement, touchant à la fois le lait cru local et le lait recombiné à partir de la poudre importée. L'évolution des niveaux de soutien à la consommation de LPC (Tableau2) montre que la subvention des prix à la consommation a fortement augmenté, en passant de 1,6 DA à 5,2 DA, plafond affiché en 1995, essentiellement en raison de la hausse du prix de référence liée à l’évolution des prix à l’importation.
Tableau 2. Evolution des niveaux de soutien à la consommation de lait industriel (LPC) (DA /litre de lait) |
|||
Prix à la consommation |
Prix de revient à la transformation |
Niveau de soutien à la consommation |
|
1982 |
1,2 |
1,5 |
0,3 |
1986 |
1,5 |
1,6 |
0,1 |
1987 |
1,7 |
2 |
0,3 |
1989 |
1,75 |
3,2 |
1,45 |
1992 |
4 |
7,8 |
3,8 |
1994 |
8,5 |
10,1 |
1,6 |
1995 |
10,5 |
15,7 |
5,2 |
1996 |
15 |
20 |
5 |
1997 |
20 |
20 |
0 |
Sources : 1982-1989 Amellal. 1992-1997 Bencharif 2001 |
En janvier 1997, cette subvention a été supprimée, le prix à la consommation a atteint de ce fait 20 DA/litre, avant de grimper ces dernières année à la hauteur de 25 DA/L.
Le nouveau système des prix initié à partir de 1995 visait le maintien du soutien à la production, et une suppression progressive de la subvention à la consommation. Cependant l'élévation sans précédent du prix de référence à partir de 2007, a remis en cause le système d'indemnisation mis en place. Ainsi, devant l'impossibilité de continuer la transformation pour les industriels utilisant les produits de l'importation alors que le prix à la consommation est figé, l'Etat s'est engagé, sous la pression des professionnels industriels, à verser une prime de 15 DA pour chaque litre de LPC (lait transformé à partir de la poudre) comme mesure de soutien unilatérale à la stabilisation du marché de consommation, avant de charger d’abord la filiale MILK TRADE du groupe GIPLAIT, ensuite, définitivement, l’O.N.I.L des opérations d'importation et de livraison de ces produits aux industriels publics et privés.
Actuellement, les pouvoirs publics à travers l’office national interprofessionnel du lait (ONIL) s’est engagé à approvisionner d’une manière régulière les industriels publics et privés par la poudre de lait , réservé exclusivement à la fabrication de lait pasteurisé combiné (LPC), à un prix fixé de 157 DA/ kg et ce indépendamment du niveau des cours mondiaux. En conséquence, la matière première coûte ainsi aux laiteries 19,63 DA/l de lait pasteurisé combiné (LPC). Dans ces conditions, les laiteries ont beaucoup plus intérêt à utiliser la poudre de lait que le lait cru en renforçant davantage la compétitivité des produits de l’importation.
Le budget de soutien de l’Etat à cette filière stratégique est estimé à 12 milliards DA/an en 2009, dont une partie sous forme de primes: 12 DA/litre à l’éleveur, 5 DA/litre au collecteur et 4 DA/litre à l’intégration du lait cru dans la production du lait en sachet, subventionné à 25 DA/litre (ONIL 2010). En conséquence, le prix de vente d’un litre de lait en sachet revient à 23,35 DA à sa sortie d’usine. A cela, il faut ajouter les frais de distribution et la marge bénéficiaire du détaillant qui le revend à 25 DA.
En conclusion, le lait de poudre importé ne concurrence pas le lait local en termes de prix seulement (compétitivité prix), mais aussi en termes de qualité et de disponibilité sur le marché. Les produits importés présentent certains avantages comme la longue conservation et la facilité d’utilisation qui répondent mieux aux besoins des utilisateurs (transformateurs et consommateurs.
La consommation est estimée indirectement à partir de la production de lait par les troupeaux nationaux à laquelle on a ajouté le lait et les produits laitiers importés et soustrait les exportations, qui sont du reste négligeables. L'évolution des importations laitières (Tableau 3) par période quinquennale, permet de constater que l’importation a suivi une allure ascendante jusqu'à la période 1981-85, avec un plafond de 2,1 milliards de litres en lait équivalent. Ceci s’est traduit par une augmentation similaire des disponibilités par habitant, passant d’environ 55 à 145 litres (Tableau 4). L'augmentation de la consommation durant cette période est en relation directe avec la politique de subvention des prix à la consommation mise en œuvre par les pouvoirs publics.
Tableau 3. Evolution des importations totales et par habitant en équivalents lait |
|||||
Années |
importations en milliers de litres de lait équivalent* |
offre en milliers de litres de lait équivalent |
population en milliers |
Importations par habitant en litre lait équivalent |
part des importations dans le total disponible en lait équivalent |
1961-65 |
278829 |
626829 |
11443 |
24,37 |
44,48 |
1966-70 |
350072 |
825072 |
12966 |
27 |
42,43 |
1971-75 |
582822 |
1166822 |
15075 |
38,66 |
49,95 |
1976-80 |
1150473 |
1921473 |
17613 |
65,32 |
59,87 |
1981-85 |
2103675 |
2980675 |
20610 |
102,07 |
70,58 |
1986-90 |
1737253 |
2662253 |
23778 |
73,06 |
65,25 |
1991-95 |
1866911 |
2898911 |
26772 |
69,73 |
64,4 |
1996-00 |
95686 |
228886 |
29308 |
32,65 |
41,8 |
2001-05 |
188562 |
348362 |
31543 |
59,78 |
54,13 |
*Les taux de conversion utilisés pour convertir les produits laitiers en laits équivalents sont ceux de l’UE (7,5 l pour un kg de LEnP, 7,5 l pour un kg de LEcP, 4,5 l pour un kg de fromage et 6,5 l pour un kg de beurre) (Richarts et Mikkelsen 1996). Source : Elaboration d’après les données de FAOSTAT |
L’importation a décliné au cours de période 1986-90 de -3,76 % avant de reprendre légèrement à la hausse en 1991-95 (+1,45 %), puis de régresser à nouveau à un rythme moyen de -12,51 % annuellement pour la période 1996-00. Le déclin de la consommation durant la période 1986-1995 est en relation directe avec les mesures d’ajustement structurel ont ainsi imposé la baisse du niveau de subvention des produits laitiers importés (Aït Amara et Founou Tchuigoua 1991). Quant à la période 2001-2005, elle est caractérisée par une reprise à la hausse des quantités importées qui équivaudront à un total par habitant de près de 60 litres équivalent lait soit plus de 54% du total disponible.
Tableau 4. Evolution des disponibilités par habitant en litre de lait équivalent |
|||||
Années |
Importations en milliers l /eq |
Production locale en milliers l /eq |
Offre total milliers l/eq |
Population en milliers |
Disponibilité par habitant l /lait équivalent |
1961-65 |
278829 |
348000 |
626829 |
11443 |
54,78 |
1966-70 |
350072 |
475000 |
825072 |
12966 |
63,63 |
1971-75 |
582822 |
584000 |
1166822 |
15075 |
77,4 |
1976-80 |
1150473 |
771000 |
1921473 |
17613 |
109,09 |
1981-85 |
2103675 |
877000 |
2980675 |
20610 |
144,62 |
1986-90 |
1737253 |
925000 |
2662253 |
23778 |
111,96 |
1991-95 |
1866911 |
1032000 |
2898911 |
26772 |
108,28 |
1996-00 |
956860 |
1332000 |
2288860 |
29308 |
78,09 |
2001-05 |
1885620 |
1598000 |
3483620 |
31543 |
110,44 |
Source: Elaboration d’après les données de FAOSTAT |
En conséquence , la politique suivie a largement privilégié la consommation par les importations de poudre de lait et produits laitiers (beurre essentiellement) et donc la mise sur le marché du lait reconstitué ( LPC) , et ce à un prix assez faible (2,20 FF) , contre 3,50 et 3,20 FF , respectivement au Maroc et en Tunisie ( Bourbouze 2001) .
L'Algérien est donc devenu en peu de temps un fort consommateur par rapport aux voisins tunisiens (75 litres) et marocains (38 litres) (Srairi et al 2007). Mais cette position est bien loin relativement au niveau de consommation des citoyens des pays développés ; elle représente tout juste la moitié de ce qui est consommé par les Français et les Américains.
La facture globale de l'importation de produits laitiers avait atteint 1,28 milliard de dollars en 2008 et 862,76 millions de dollars en 2009, alors qu'elle était seulement de l'ordre de 250 millions de dollars en 1980 (CNIS 2009). Une telle hausse est imputable à la croissance de la demande, tirée par la croissance démographique qu’a connue l’Algérie et à un ensemble de facteurs structurels ; entre autre la hausse de la demande en provenance de la Chine notamment et la réduction des ventes de l’Europe sur le marché mondial suite au tarissement des stocks et de facteurs conjoncturels tels la sécheresse en Australie qui a réduit le lait produit et exporté (OCDE 2008).
La concurrence avec le lait local ne se fait pas à jeu égal en raison des subventions dont bénéficient les importations. Ce sont les subventions aux exportations de l’Union européenne qui comptent le plus. En effet, l’Union européenne est le principal fournisseur de l’Algérie avec une moyenne de plus de 50 % des importations durant la période 2001-2007(Djermoun 2011).
L’Algérie demeure encore un des principaux importateurs mondiaux de lait (Chalmin 1999) : huit fois plus que le Maroc (Srairi et al 2007). Elle est de ce fait un débouché important, très convoité par les pays européens en particulier et la filière lait est donc fortement tributaire de la situation du marché mondial et des variations auxquelles il est soumis. Ainsi , au cours de la période 2002-2004, l’Algérie est classée parmi les principaux pays importateurs, au même titre que les USA , avec 5 % des importations totales exprimées en équivalent lait, après le Mexique (7 %) , l’Union Européenne ( 6 % ) , la Chine ( 6 % ) (SOCO 2006). L’Algérie a ainsi importé 150 000 tonnes en 2004 de poudre de lait entier, produit le plus adapté aux besoins des pays déficitaires, notamment en lait de consommation. Si l’Afrique du Nord et le Proche Orient arrivent en troisième position en matière d’importations de lait écrémé en poudre, avec 14 % des échanges mondiaux, l’Algérie y étant le principal débouché, suivie de l’Egypte et de l’Arabie saoudite (OCDE 2008).
Le recours aux importations est en effet la source privilégie d’approvisionnement des marchés locaux en produits laitiers. La dépendance très forte du pays dans le domaine de l’alimentation en général est systématiquement rappelée dans tous les écrits sur les problèmes alimentaires de l’Algérie. Finalement, la dynamique de la démographie et de l’urbanisation, la faiblesse structurelle de la production alimentaire domestique et la quasi-inexistence des exportations agro-alimentaires ont contribué à renforcer l’insertion dépendante de l’Algérie dans les systèmes d’échange internationaux et ont transformé le pays en un lieu d’affrontements des grands exportateurs mondiaux de matières et denrées alimentaires (Boukella 1998).
L’Etat, par son intervention au niveau de la filière, a encouragé davantage la consommation que la production, aidé par une conjoncture internationale favorable : faibles prix des produits laitiers dus à l’existence d’excédents de production au niveau des principaux pays exportateurs et par l'aisance financière due à la rente pétrolière. Le renchérissement du prix de la poudre de lait, notamment au cours de ces dernières années a conduit à l'augmentation de la facture alimentaire en général. Ainsi, la satisfaction des besoins se trouve largement tributaire des volumes importés. La production locale est faiblement intégrée à l'industrie de transformation. L’objectif proclamé de l’autosuffisance a été progressivement délaissé et abandonné au détriment de la sécurisation des approvisionnements d’une population en pleine croissance.
Plusieurs facteurs entravent l'essor de la production laitière : la faible productivité zootechnique des élevages bovins laitiers , résultat de la conjugaison de plusieurs facteurs en relation avec la conduite de l'élevage, l' insuffisance et la faiblesse de l’alimentation et la maîtrise technique médiocre, ainsi que d'autres facteurs ayant traits aux coûts de production relativement élevés et aux prix du lait payé aux producteurs jugés insuffisants par rapport à d’autres spéculations agricoles.
Ces constats imposent à l’ensemble des agents de la filière laitière de se pencher sur des options concertées de mise à niveau, tant au plan technique (plus de performances et plus de qualité en veillant à rationaliser les consommations en eau), qu’au plan organisationnel (la genèse d’une interprofession qui gère en harmonie les intérêts conjoints de tous les opérateurs), et même au plan humain (gros efforts de formation des intervenants). Dans cette optique, l'Algérie est confrontée à des changements affectant tous les aspects de la vie économique et sociale et donc l’agriculture, résultant de l’ensemble des transformations associées au mouvement de mondialisation. En conséquence, les défis à relever sont immenses et concernent particulièrement la sécurisation des approvisionnements de la population et la mise à niveau de l'appareil de production et de transformation. Ainsi , les diverses politiques et mesures doivent prendre en considération un double défi : un défi interne de restauration de la compétitivité et de maîtrise de la régulation des filières agroalimentaires et un second défi relatif à la confrontation d'une concurrence accrue sur le marché mondial afin de concevoir des stratégies nouvelles de développement agroalimentaire.
Aït Amara A et Founou Tchuigoua B 1991 the Critical Choices.Coll. “Studies in African Political Economy”.United Nations University.Third World Forum. New York : United Nations University, 1991
Amellal R 1995 La filière lait en Algérie : entre l'objectif de la sécurité alimentaire et la réalité de la dépendance.Options Méditerranéennes, Série. B / n°14, 1995 - Les agricultures maghrébines à l'aube de l'an 2000. http://ressources.ciheam.org/om/pdf/b14/CI960052.pdf
Bedrani S 1995 Les politiques de l’Etat envers les populations pauvres en Algérie. Les politiques alimentaires en Afrique du nord. D’une assistance généralisée aux interventions ciblées. Ouvrage collectif, Karthala, Paris, 1995, PP 101-128
Bedrani S 2008 L’agriculture, l’agroalimentaire, la pèche et le développement rural en Algérie. Options méditerranéennes, Série B/n° 61. Les agricultures méditerranéennes.Analyse par pays 37p. http://portail2.reseau-concept.net/Upload/ciheam/fichiers/Algerie2008.pdf
Bedrani S et Bouaita A 1998 Consommation et production du lait en Algérie : éléments de bilan et perspectives. Cahiers du Cread(44) : 45-70.
Bedrani S Djenane A Boukhari N 1997 Eléments d’analyse des politiques de prix, de subvention et de fiscalité sur l’agriculture en Algérie. Options méditerranéennes, Série B, N° 11. http://ressources.ciheam.org/om/pdf/b11/CI971489.pdf
Bencharif A 2001 Stratégies des acteurs de la filière lait en Algérie : état des lieux et problématiques, options méditerranéennes, Série B. / N° 32, 2001, CIHEAM, PP 25-46. http://ressources.ciheam.org/om/pdf/b32/CI011662.pdf
Bencharif A 2000 Projet de recherche « Stratégies des acteurs de la filière lait en Algérie et partenariat Nord-Sud ». SAFLAIT. CIHEAM-IAM Montpellier. Actes du séminaire-Atelier SAFLAIT. 06 et 07 juin 2000. MESRS / Université de Blida / INRAA/ITELV.
Benfrid M 1992 L’intégration de l’industrie laitière dans le marché mondial ou le déclin de la filière interne. Bari : CIHEAM-IAM. Communication au colloque international sur les industies alimentaires en Méditerranée, Valenzano, Bari (Italie), 1-3 octobre 1992.
Boukella M 1998 Restructuration industrielle et développement : Le cas des industries agro-alimentaires en Algérie. Cahiers du CREAD n°45, 3ème trimestre 1998, pages 51-72.
Boukella M 1996 Les industries agroalimentaires en Algérie. Politiques, structures et performances depuis l’indépendance. Cahiers Options méditerranéennes, Vol 19, CIHEAM/CREAD. http://ressources.ciheam.org/om/pdf/c19/96400005.pdf
Bourbouze A Chouchen A Eddebarh A Pluvinage J et Yakhlef H 1989 Analyse comparée de l’effet des politiques laitières sur les structures de production et de collecte dans les pays du Maghreb. Montpellier, France, Ciheam, p. 247-258. (Options Méditerranéennes, Sér. Sémin. n° 6).
Bourbouze A 2001 Le développement de la filière lait au Maghreb. Agroligne, avril-mai 2001, n. 14, p. 9-19.
Bourenane N 1991 Agriculture et alimentation en Algérie: entre les contraintes historiques et les perspectives futures. Options méditerranéennes, CIHEAM/CREAD, Série A, N° 21, 1991, P 152.
Chalmin P 1999 Cyclope. Lait et produits laitiers. Paris: éditions Économica, 1999.
Chaulet C 1986 La terre, les fières de l’argent, Thèse d’Etat, Sociologie, OPU, Alger, 3 tomes, 1986.
Chehat F 2002 La filière lait au Maghreb in AgroLigne. Numéro 23, Juillet-Aout 2002.
Cherfaoui A 2003 Essai de diagnostic stratégique d'une entreprise publique en phase de transition, cas de la laiterie fromagerie de Boudouaou (Algérie), mémoire de Master of Science, CIHEAM - IAMM, DEC.2002 ,168P. http://ressources.iamm.fr/theses/62.pdf
CNIS (Centre national de l’informatique et des statistiques) 2000 Importations de bovins laitiers. Alger, Algérie, (Série statistiques).
CNIS (Centre national de l’informatique et des statistiques) 2009 .séries statistiques du commerce extérieur de l’Algérie des années 2002, 2003, 2004,2005, 2006, 2007,2008et 2009. Alger, Algérie.
Djermoun A 2011 Effet de l’adhésion de l’Algérie à l’OMC et à la zone de libre-échangeUnion Européenne / pays tiers méditerranéenne. Thèse de Doctorat en développement rural. Ecole Nationale Supérieure Agronomique d’El Harrach, 480P, Alger.
Djermoun A et Chehat F 2010 Les circuits empruntés par le lait local dans le Chéliff en Algérie : importance du circuit informel. Livestock Research for Rural Development. Volume 22. http://www.lrrd.org/lrrd22/11/djer22199.htm
FAO 2004 Rapport National sur les Ressources Génétiques Animales: Algérie, 45P.
Ferrah A 2000 L’élevage bovin laitier en Algérie : problématique, questions et hypothèses pour la recherche in : Actes 3es journées Recherche sur les productions animales, Tizi Ouzou, Algérie, 13-15 nov. 2000, 368 p.
Flamant 1991 Problems associated with the transfer of genetic material from temperate to warm Mediterranean regions: consequences on the equilibration of the animal production systems. In: Proc. Int. Symp. Animal Husbandry in Warm Climates, Viterbo, Italy, 25-27 Oct. 1990, p. 48-54. (EAAP No 55)
Ghozlane F et Yakhlef H Ziki B 2006 Performances zootechniques et caractérisation des élevages bovins laitiers dans la région de Annaba (Algérie). Renc. Reche. Ruminants, 2006 /13. p 386. http://www.inst-elevage.asso.fr/html28/IMG/pdf/2006_11_systemes_19_Ghozlane.pdf
GIPLAIT (groupe industriel des produits laitiers) 2008 Rapport annuel de la direction générale, Alger, Algérie.
Hadjiat K 1997 Etat de dégradation des sols en Algérie. Rapport d‘expert PNAE, Banque Mondiale, 45p.
Houmani M 1999 Situation alimentaire du bétail en Algérie. INRA, 4, 35-45
Institut de l'élevage 2004 Repères sur le secteur laitier bovin dans l'union européenne, Colloque du 7 décembre 2004/ Paris.
ITELV (Institut technique de l’élevage en Algérie) Rapports techniques des années 2001 2002 2003 2004. Alger, Algérie. Journal officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire (RADP). Algérie.
Kaci 2000 L’industrie laitière Algérienne. Point de situation et introduction au débat. Actes du séminaire-Atelier SAFLAIT. 06 et 07 juin 2000. MESRS / Université de Blida / INRAA/ITELV
Kaci M et Sassi Y 2007 Industrie laitière et des corps gras, Recueil de fiches sectorielles, Agence nationale de développement de la PME Juillet 2007. http://www.andpme.org.dz
Madani T et Mouffok C 2008 Production laitière et performances de reproduction des vaches Montbéliardes en région semi-aride algérienne. Revue Elevage et médecine vétérinaire des pays tropicaux, 2 : (61-72) http://remvt.cirad.fr/cd/derniers_num/2008/EMVT08_097_107.pdf
Mediterra 2008 Les futurs agricoles et alimentaires en Méditerranée /Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes. – Paris : Presses de Sciences Po, 200 Collection Annuels, 372 p. www.pressesdesciencespo.fr
Ministère de l’agriculture 2000 Le plan national de développement agricole. Dispositif de soutien par le FNRDA.
Ministère de l’agriculture et du développement rural(MADR) 2004 Rapport sur la filière lait en Algérie, 24p.
Ministère de l'agriculture et du développement rural (MADR) 2007 Statistiques agricoles, séries A et B.
Nedjraoui D 2001 Profil fourrager. http://www.fao.org/AG/AGP/agpc/doc/ counprof/Algeria/Algerie.htm
Nedjraoui D et Bédrani S 2008 La désertification dans les steppes algériennes : causes, impacts et actions de lutte », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Volume 8 Numéro 1 | avril 2008. http://vertigo.revues.org/5375
OCDE 2008 Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO : 2008-2017 – © OCDE/FAO 2008 Synthèse .site internet : www.oecd.org/editions/corrigenda
ONIL (Office nationale interprofessionnel du lait) 2010 Rapports annuels de l’ONIL des années 2009 et 2010, Alger, Algérie.
Recensement général de l’agriculture 2001 Rapport général des résultats définitifs. Direction des statistiques agricoles et des systèmes d’information ,125p. http://www.minagri.dz/rapport_general.html
Richarts E et Mikkelsen P 1996 Milk equivalents.Bruxelles (Belgique), International Dairy Federation. Bulletin of the IDF n° 309: 30-35.
SOCO 2006 La situation des marchés des produits agricoles 2006. Publications de la Division du commerce international et des marchés de la FAO, 2004-06 www.fao.org/publications/soco/fr
Sraïri MT Ben Salem M, Bourbouze A Elloumi M Faye B Madani T et Yakhlef H, 2007 Analyse comparée de la dynamique de la production laitière dans les pays du Maghreb. Cahiers Agricultures. Volume 16, Numéro 4, 251-7, Juillet-août 2007. http://www.jle.com/e-docs/00/04/33/97/vers_alt/VersionPDF.pdf
Yakhlef H 1989 La production extensive de lait en Algérie.Montpellier, France, Ciheam, p. 135-139. (Options méditerranéennes, Série séminaire n° 6). http://ressources.ciheam.org/om/pdf/a06/CI000475.pdf
Received 11 June 2011; Accepted 16 October 2011; Published 4 January 2012