Livestock Research for Rural Development 22 (9) 2010 Notes to Authors LRRD Newsletter

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L’effet mâle chez les petits ruminants: Synthèse

C Meyer et D Djoko Teinkam*

Nîmes, France, Anciennement Cirad – ES
* Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD),
BP 2123, Yaoundé-Cameroun
djokotdenis@yahoo.fr

Résumé

La reproduction des petits ruminants en pays tempérés, comme en zone tropicale, dépend de nombreux facteurs environnementaux, en particulier la saison et la présence de congénères. En élevage, l’effet mâle consiste à séparer le troupeau de femelles des mâles puis à réintroduire ceux-ci. Cela aboutit à une synchronisation relative des chaleurs et des mises bas. Chez la brebis comme chez la chèvre, le mécanisme fait intervenir essentiellement des phéromones de la toison des mâles (des acides gras secrétés par les glandes sébacées) détectées par le tractus olfactif des femelles et agissant au niveau de l’hypothalamus puis par voie hormonale (GnRH, LH, FSH).  Les autres sens interviennent aussi : vue, toucher, ouïe.

 

Divers facteurs modifient le résultat : lieu, espèce, race, rang hiérarchique, intensité de la stimulation,  intensité de l’anoestrus, âge, pré-exposition, durée de la séparation, alimentation, stress, etc. Des traitements complémentaires à l’effet mâle augmentent son efficacité : injection de progestérone aux femelles, traitement photopériodique, traitement avec de la mélatonine, éponges imprégnées de progestagènes. Ainsi, l’effet mâle permet de synchroniser les chaleurs et les mises bas, et peut permettre d’avancer un peu la saison sexuelle ou de limiter les variations saisonnières de la reproduction. La méthode est bon marché et, seule, n’utilise pas d’hormone. Elle demande de bien connaître les variations saisonnières de l’activité sexuelle, d’utiliser des mâles actifs, et aussi une bonne organisation. Bien maîtrisé, l’effet mâle peut être largement pratiqué par les éleveurs.

Mots-clés: Bélier, bouc, caprin, ovin, reproduction, saisonnalité, synchronisation des chaleurs



The male effect on small ruminants. A Review

Abstract

Reproductive activity of small ruminants is dependent on various environmental factors, particularly season and interactions with congeners, in temperate as well as in tropical countries.  In farms, the “male effect” consists of introducing one or many males in contact with females in a herd after a separation. There is a relative heat synchronisation and parturition. In sheep and goats, the mechanism mainly involves the pheromones from the hair of the males (fatty acids secreted by sebaceous glands) detected essentially by the main olfactory tracts of the females and acting on the hypothalamus and then by hormonal way (GnRH, LH, FSH). The other senses are also involved: sight, touch, and hearing.

 

Several factors affect the results: the place, the species, the breed, the rank, the intensity of male stimulation, the intensity of female anoestrus, the age of males, the age of females, the pre-exposition to male, the length of the separation, the nutrition, the stress, etc. Some complementary treatments can render the male effect more effective: progesterone injection to females, photoperiodic treatment, melatonin treatment, or vaginal sponges. So the male effect can synchronise heats and parturition of ewes and goats. It can allow to advance somewhat the breeding season or to limit the seasonal variations of reproduction. The method is cheap and, alone, does not utilise hormones. It requires a good knowledge of the seasonal variations of sexual activity, the use of active males and a good organization. If well understood, male effect can largely be practiced par livestock farmers.

Keywords: Buck, goat, oestrus synchronization, ram, reproduction, seasonality, sheep


Introduction

En 1966, 1968 et 1969, Prud’hon et al ont décrit avec précision le phénomène « effet mâle » pour la première fois sur des brebis de race Mérinos d’Arles au Domaine du Merle au sud de la France. Cette méthode avait déjà été employée chez les ovins avant 1828 (Thimonier et al 2000). Lorsque les mâles et les femelles sont séparés au moins un mois, l’introduction des béliers dans le troupeau à certains moments de l’année où les brebis sont en anoestrus entraîne l’apparition d’oestrus et le groupement de ces oestrus autour de pics qui se traduisent donc par des pics de mises bas. Ce phénomène, baptisé « effet mâle » a été constaté aussi chez d’autres espèces domestiques de mammifères tels la chèvre, la truie et, parmi les animaux sauvages, la biche.

 

Or la saisonnalité de la reproduction des animaux domestiques est une contrainte qui limite son efficacité en élevage. L’effet mâle a vite paru être une méthode peu coûteuse en matériel, peu difficile à mettre en œuvre et permettant  de limiter les effets de la saisonnalité.

 

Contrairement à d’autres méthodes d’induction et de synchronisation des chaleurs par des apports d’hormones, elle permet d’éviter la présence de résidus dans les viandes car elle est naturelle.  La méthode est apparue efficace aussi en milieu tropical, et subtropical (Djoko et al 2006). Même si les petits ruminants tropicaux se reproduisent plus ou moins toute l’année en milieu tropical, il existe des périodes de moindre efficacité de la reproduction. L’effet mâle peut permettre de limiter cette diminution d’efficacité. Il permet enfin dans les élevages contrôlés d’ajuster les mises bas en fonction de la demande et de la disponibilité alimentaire. Les manipulations de la photopériode (photopériode artificielle) peuvent permettre aussi de modifier l’anoestrus saisonnier chez les petits ruminants, mais elles ne synchronisent pas les chaleurs (Pellicer-Rubio et al 2007).

 

Le but de ce travail est de passer en revue succinctement le mécanisme et les variations de l’effet mâle chez les brebis puis les chèvres dans le monde, surtout en zones tropicales et subtropicales, pour en faciliter la pratique sous plusieurs latitudes. Il pourra aider les éleveurs et autres acteurs dans l’élevage des petits ruminants à utiliser cette technique avec plus d’efficacité. Il pourra enfin aider les chercheurs à partir des acquis à aller plus loin, afin d’adapter la technique aux conditions tropicales. En effet, des études récentes (Chanvallon 2009) ont permis de préciser l’utilisation de l’effet bélier selon le type génétique, remettant en question la profondeur d’anoestrus comme prédicteur de la réponse à l’effet mâle, et mis en évidence les mécanismes neuroendocriniens sous-jacents.

 

Variations saisonnières de l’activité sexuelle  

Les variations saisonnières de l’activité sexuelle dans le monde sont comparables chez la brebis et chez la chèvre.

 

En zone tempérée

 

En zone tempérée, les oestrus des brebis et des chèvres ont lieu pendant la saison sexuelle. Elles sont cyclées à partir des jours décroissants en automne et en hiver.

 

Dans l’hémisphère Nord, la saison sexuelle des brebis varie avec les races. Elle a lieu le plus souvent vers l’automne (de juillet-octobre à décembre-février soit de la fin de l’été à l’hiver) pour certaines races et au printemps et automne pour d’autre races de moutons (exemple : Ile-de-France), avec une durée de la saison sexuelle variant de 140 à 210 jours selon la race (Thimonier et Gauthier 1984). Dans l’hémisphère Sud, elle dure de mars à octobre (Afrique du Sud, Australie).

 

Au nord de l'Afrique, certaines races ovines se reproduisent toute l'année (D'man au Maroc, Ossimi en Egypte) et d'autres ont un saisonnement de leur activité sexuelle (Barbarine en Tunisie, Rahmani en Egypte) (Baril et al 1993). Les races Sardi, Beni-Guil et Timahdite du Maroc présentent un maximum d’oestrus et d’activité ovulatoire de juin à janvier (Glatzel 1987). Au Maroc, la chèvre D'man est moins fertile en février, mars et avril (Glatzel 1987). Ses activités oestrale et ovarienne (ovulation) diminuent alors (Derquaoui et El Khaledi 1994). En Algérie, la chèvre Bédouine est en activité ovarienne de la fin de l'été à la fin de l'hiver (Charallah et al 2000).

 

Le mécanisme de ces variations saisonnières d’activité fait intervenir surtout la photopériode et la mélatonine. Des facteurs génétiques interviennent. Ainsi des chèvres et des boucs Djallonké ont continué à se reproduire toute l'année après avoir été introduites en Allemagne (51° de latitude Nord) et à Edinburgh, en Ecosse. Enfin, La disponibilité en aliments, particulièrement en herbe jeune (pouvant être liée à la pluviométrie) joue fortement sur l'apparition et l'expression des chaleurs et sur la fertilité (Baril et al 1993).  La durée de l’anoestrus est variable, son intensité varie aussi dans le temps et selon la race. On parle de profondeur d’anoestrus.

 

En zone tropicale

 

Dans la plupart des pays tropicaux, les cycles oestriens sont connus pour se produire toute l'année, mais avec des pics de fécondation plus ou moins marqués.

 

En Afrique de l’Ouest, chez les brebis Djallonké, les cycles ont lieu toute l’année, mais avec des variations saisonnières. En saison sèche l’intervalle entre oestrus peut augmenter : 31 jours au lieu de 17 au Niger (Yenikoye 1984 cité par Hounzangbe-Adote 1991). Au Bénin, les écarts entre valeurs extrêmes sont aussi plus grands en saison sèche. Le pourcentage des chaleurs silencieuses est de 11 % en saison sèche et de 53 % en saison des pluies. L’activité sexuelle la plus intense a lieu au début de la saison des pluies (Hounzangbe-Adote 1991). Chez la chèvre, en Afrique de l’Ouest, au sud du Ghana, les naissances ont lieu toute l'année, mais sont plus fréquentes en mars, avril et mai ou en avril et en novembre (Devendra et Burns 1983).

 

En Afrique centrale les moutons et les chèvres de diverses races se reproduisent tout au long de l'année, mais avec des pics de naissances qui varient en fonction des différentes écologies de la sous-région et en fonction des espèces. Ainsi, les études menées ces dernières années au Cameroun montrent que dans la zone forestière (en dessous du 6ème parallèle Nord) où les pluies sont abondantes, les pics de naissances s'observent de décembre à février (grande saison sèche) de mars à mai (petite saison des pluies) et en octobre-novembre (grande saison des pluies) soit des fécondations en août-septembre (fin de la petite saison sèche) en mars et avril (petite saison des pluies) et août à octobre (grande saison des pluies) (Djoko, communication personnelle). La reproduction est ici fortement influencée par la pluviométrie qui régule la disponibilité de l’herbe dans les pâturages naturels. Dans la partie soudano-sahélienne du pays (au dessus du 8ème parallèle Nord, avec une pluviométrie annuelle inférieure à 800 mm et une saison des pluies de mai à septembre), un pic de naissances s'observe  de septembre à octobre (saison sèche froide) chez les ovins soit un pic de fécondations en mai et juin. Mais chez les Massa et Foulbé, deux pics de naissances sont observés de février à mai (saison sèche chaude) et de septembre à octobre soit des pics de fécondations davril à mai et de juillet à octobre (Ebangui et al 1996). Ceci suggère que le début et la fin de la saison des pluies seraient les périodes favorables à un plus grand nombre d’oestrus et d’une très grande activité ovulatoire.

 

Des cas d’anoestrus post-partum de plus de trois mois ont été récemment rapportés chez un certain nombre de chèvres naines dans cette zone forestière maintenues dans le système traditionnel d’élevage (Djoko, en cours d’étude). Des travaux récents sur l’activité ovarienne au cours de l’année chez la chèvre naine de la zone de forêt du Cameroun (Djoko et al en cours de publication) ont mis en évidence des périodes fréquentes d’inactivité ovarienne (anoestrus post-partum ou non) de plusieurs mois (3 à 8 mois), avec des pics de cycles courts non ovulatoires, mais dont les causes profondes n’ont pas encore été élucidées Dans la partie sahélienne du pays, du 7ème au 13ème parallèle nord, deux pics de naissances s'observent de mars à mai (saison sèche chaude) et de septembre à octobre (saison sèche froide).

 

En Guadeloupe, les chèvres Créoles peuvent se reproduire toute l’année. Pendant 9 mois, 90 % des chèvres ont au moins une ovulation par mois. Pendant les 3 autres mois, c’est le cas de 80 % des chèvres. Les races européennes importées se reproduisent moins bien qu’en Europe. Elles présentent une période d’anoestrus et d’anovulation. La saison sexuelle est plus longue de 18 à 49 jours, la dissociation entre oestrus et ovulation est plus grande, la proportion de cycles court plus grande et le taux d’ovulation moins élevé qu’en Europe (Delgadillo et al 1997). 

 

Au nord du Mexique, chez la chèvre, une période d’anoestrus et d’anovulation existe d’avril à juillet. Cette période est plus courte pour les femelles qui ont mis bas en mai que pour celles qui ont mis bas en janvier (Delgadillo et al 1997).

 

Au Brésil, dans le Nordeste, les chèvres locales se reproduisent toute l’année, avec 2 saisons principales de mise bas correspondant à plus de fécondations au début de la saison des pluies et au moment du déclin de l’éclairement en avril (Siva et al 1984).

 

L’effet mâle est un des moyens permettant de limiter ces variations saisonnières nuisibles à la rentabilité de l’élevage.

 

Description de l’effet mâle proprement dit 

L’effet mâle est bien différent chez les ovins et chez les caprins.

 

Ovins

 

Lorsque l’on remet les béliers avec les brebis après les avoir séparés pendant au moins un mois, on observe la suite des évènements suivants chez chacune des brebis :

- une ovulation silencieuse c’est-à-dire qui n’est pas accompagnée d’oestrus se produit dans les 2 à 4 jours,

- le cycle oestral qui suit est soit de durée normale (17 jours environ), soit de courte durée (5 à 6 jours) et suivi alors d’une autre ovulation très souvent silencieuse et d’un cycle oestral de durée normale.

- un oestrus normal avec ovulation normale (Thimonier et al 2000).

 

Il en résulte pour l’ensemble des brebis soumises à l’effet mâle que l’on observe 2 pics principaux d’oestrus avec montes par les béliers :

- 19 jours (18 à 20 jours) après l’introduction des béliers,

- 25 jours (24 à 26 jours) après l’introduction des béliers.

Les brebis non fécondées lors de ces 2 pics reviennent en chaleur après 17 jours pour la plupart, dans une proportion qui dépend de l’intensité de l’anoestrus au départ (Thimonier et al 2000).

 

Ainsi, beaucoup de femelles en anoestrus viennent en chaleurs et sont fécondées et de plus, les mises bas seront assez regroupées. La saison de reproduction peut être avancée de 4 à 6 semaines, parfois plus (Rosa et Bryant 2002). La durée de lutte est réduite : 30-35 jours chez les ovins Créole  (Chemineau et al 1991). L’effet mâle présente donc un grand intérêt pratique (Restall 1992). Il peut être utilisé pour le contrôle de la mise en place des cycles ovariens et la fécondation des brebis (Folch et al 1985). Il est largement utilisé par exemple en Australie pour les troupeaux de moutons à laine en saison d’anoestrus (Rosa et al 2002).

 

Caprins

 

En Guadeloupe, lorsque l’on remet les boucs avec les chèvres Créoles en anoestrus après les avoir séparés au moins un mois, on observe une suite des évènements semblable chez chacune des chèvres :

- une ovulation accompagnée d’oestrus dans 60 % des cas se produit après 2,5 jours en moyenne,

- le cycle oestral qui suit est soit de durée normale (21 jours environ chez la chèvre), soit (dans 75 % des cas) de courte durée (5 jours environ) et suivi alors d’un cycle oestral de durée normale (21 jours environ),

- un oestrus normal avec ovulation normale.

 

En Afrique Centrale, le même phénomène a été observé chez la chèvre naine de la zone de forêt du Cameroun (Djoko et al 2006) (Figure 1). 



Figure 1.  Evolution de la progestérone plasmatique les 7 premiers jours de l’effet mâle
chez la chèvre naine cyclée au Cameroun (Djoko et al 2006)


Il en résulte pour l’ensemble des chèvres soumises à l’effet mâle que l’on observe 2 pics premiers d’oestrus avec montes par les boucs :

- 3 jours environ après l’introduction des boucs pour 60 % des chèvres Créoles,

- 9 jours (7 à 12 jours) après l’introduction des boucs pour 40 % des chèvres.

 

Les premières chaleurs sont peu fertiles et les chèvres non fécondées lors de ces 2 premiers pics reviennent en chaleur après 21 jours ce qui se traduit par 2 autres pics de montes centrés sur le 24e jour (60 % des chèvres) et sur le 29e jour après l’introduction des boucs (Chemineau 1989). L’ensemble est résumé dans le tableau 1.


Tableau 1.  Ovulations et oestrus chez la chèvre Créole en Guadeloupe après introduction du mâle (effet bouc) (d’après Chemineau 1985)

 

Oestrus n° 1

Oestrus n° 2

Oestrus n° 3

Moment du pic d’oestrus après introduction du mâle, jours

2

8

(6 jours après) - (cycle court)

            25     ou       31

(21 jours après) - (cycle normal)

% des chèvres en oestrus

65

75

25

75


La chronologie des événements est peu différente selon les auteurs (Tableau 2).


Tableau 2.  Chronologie des événements suite à l’introduction de mâles pour l’effet mâle

Moment de

l'oestrus

Moment

ovulation

Durée 1er

cycles

Premières

montes ou IA

Espèce

Race

Pays

Réf.*

 

 

 

 

 

 

 2-4 j

17 j ou 6 j + 17 j

18-20 j  ou 24-26 j

Brebis

Général

Général

    1

 

4-6 j + normal

 

Brebis

Général

Général

2

 

5-6 j + 17 j

19 ± 1 j

Brebis

Général

Général

­3

 

 

17-25 j

Brebis

Corriedale

Argentine

4

< 4 j

 

19 j ou 23 j

Brebis

Romney

Nlle-Zélande

5

 

2,5 j

75% cyclées  3-8 j

7-12 j

Chèvre

Créole

Guadeloupe

6

48,7 ± 16,1 h

 

5 j

 

Chèvre

Créole

Guadeloupe

7

2,33 ± 1,24 j et 7e-8e jours

 

5 j

 

Chèvre

Naine

Cameroun

8

 

3 j

5-6 j

 

Chèvre

 

Inde

9

*Références : 1. Thimonier et al 2000 - 2. Martin et al 1986 - 3. Baril et al 1993 - 4. Rodriguez-Iglesias 1991 - 5. Knight et al 1978 - 6. Chemineau 1989 - 7. Chemineau et al 1984 - 8. Djoko et al 2006 - 9. Restall 1992


Mécanismes de l’effet mâle 

Les mécanismes (Figure 2) sont proches chez les ovins et les caprins.



J0 étant le jour d’introduction des béliers. Source : Thimonier et al (2000).


Figure 2.
Représentation schématique de la réponse à long terme à l’effet mâle.


Les hormones

 

L’implication des hormones gonadotropes (LH, FSH) et stéroïdes (progestérone, oestradiol) dans le phénomène de l’effet mâle a été mise en évidence par plusieurs études au cours des dernières décennies, et leurs modes d’action étudiés. D’autres études (Lopez et Inskeep 1988) ont montré l’importance des prétraitements à la progestérone et la durée d’exposition aux mâles sur la qualité de la réponse à des femelles à l’effet mâle. L’importance du déclenchement di pic de LH a été ainsi soulignée dans la réussite de l’effet mâle. Le pic de LH se produit plus souvent la nuit (79 % dans cet essai) que le jour (Fabre-Nys et al 1984). L’augmentation des pulses de LH après contact avec le mâle est très rapide : dès 2 à 4 minutes (Martin et al 1986 ; Rosa et Bryant 2002). Ces pulses de LH stimulent la croissance folliculaire avec sécrétion d’oestradiol, induction des décharges de LH et FSH et ovulation puis formation d’un corps jaune. Ce corps jaune peut être normal ou régresser rapidement.

 

Chemineau et al (1984) ont constaté que très rapidement après l’introduction du mâle, la LH du plasma de la chèvre augmente jusqu’à 7 fois par rapport à son niveau de base antérieur. Chez la brebis et la chèvre, cette augmentation se produit par augmentation des pulses de LH et aboutit à un pic de LH suivi d’une ovulation. Ces changements hormonaux sont induits par des mécanismes de reconnaissance olfactive de phéromones.

 

Ferreria et al (2008) ont pu constater cette augmentation de la concentration de LH sur des brebis Corriedale au Mexique, comme chez les Mérinos. Cette augmentation de la LH est déclenchée par une augmentation brusque de l’activité du générateur hypothalamique de GnRH (Robinson et al 1991). Les variations saisonnières des réponses à l’effet mâle s’expliqueraient par des variations de la sensibilité de ce générateur hypothalamique de GnRH (Gonzalez et al 1989).

 

Poindron et al (1980) ont montré que la prolactine n’intervient pas dans l’effet mâle. L’injection de prolactine aux brebis ne modifie pas les courbes de FSH et de LH. La réponse hormonale à l’effet mâle, avec augmentation de la sécrétion pulsatile de LH, se produit même sur les brebis cyclées, à tous les stades du cycle oestral, et pour des races très diverses (Hawken et al 2007).

 

Knight et al (1978) n’ont pas constaté de changements dans la concentration de l’oestradiol 17bêta. De même, pour Martin (1979), l’absence d’oestrus chez la brebis après effet mâle ne semble pas due à une déficience en oestradiol. L’injection d’oestradiol n’a pas augmenté les comportements de chaleurs.

 

Les différents moments d’apparition du premier pic de LH suite à l’effet mâle sont résumés ci-dessous (Tableau 3). 


Tableau 3.  Moments du premier pic LH et de l’ovulation après effet mâle

Autre traitement

Début du pic LH (h)

Moment ovulation

Max. du pic  LH (ng/ml)

Espèce

Race

Pays

Réf.*

Non

11,8 ± 2,6 h

 

49,4 ± 10,7
(18-90)

Brebis

Aragonesa

Espagne

1

Non

20,5 ± 10,7 h

 

16 ± 16

Brebis

Barbarine

Tunisie

2

Non

27 ± 4 h

50 % < 41 h

 

Brebis

Merinos

Australie

3

Non

 

< 3 jours

 

Brebis

Merinos

Australie

4

Non

35,0 ± 4,8 h

65-72 h

 

Brebis

Romney

Nlle-Zélande

5

Non

12 à 48 h

 

 

Brebis

Général

Général

6

Non

36 h (de 6 à 54 h)

 

 

Brebis

Général

Général

7

Mélatonine

8 à 26 h

 

 

Brebis

 

Espagne

8

Progest. IM

58,8 ± 10,1 h

 

 

Brebis

Barbarine

Tunisie

9

Eponges seules
(sans effet mâle)

env. 15 h après début chaleurs

37,6 ± 0,5 ou 40,1 ± 2,3 h

10 à 42

Chèvre

 

Mexique

10

Toison seule (poils)

env. 24 h après exposition

 

140 (n=1)

Chèvre

 

 

11

Non

53,0 ± 12,4 h (anoestrus profond)

 

 

Chèvre

Créole

Guadeloupe

12

Photopériode ou mélatonine

24 h - 110 h

 

 

Chèvre

Alpine/Saanen

France

13

*Références : 1. Abecia et al 2002 - 2. Lassoued et al 1995 - 3. Oldham et al 1979 - 4. Martin et al 1980 - 5. Knight et al 1978 - 6. Martin et al 1986 - 7. Menassol 2007 - 8. Gomez-Brunet 1995 - 9. Lassoued et al 1995 - 10. Martinez-Alvarez et al 2007 - 11. Claus et al 1990 - 12. Chemineau et al 1984 - 13. Pellicer-Rubio et al 2007


Pour expliquer la présence du cycle court de 5 à 6 jours qui suit la première ovulation après l’effet mâle, avec un corps jaune à vie courte, Chemineau et al (2006) ont proposé une hypothèse de travail. Comme l’activité gonadotrope pendant l’anoestrus est suspendue, les premiers follicules qui ovulent sont de qualité insuffisante, en particulier au niveau des cellules de granulosa. Ces follicules se transforment en corps jaunes anormaux aussi, avec en particulier une proportion insuffisante de grandes cellules lutéales. Ces corps jaunes sécrètent une quantité de progestérone inférieure à la normale. La concentration plasmatique de progestérone serait insuffisante pour bloquer l’activité gonadotrope. Une nouvelle vague de follicules se développerait à partir du 3e-4e jour du cycle, follicules qui secréteraient des oestrogènes.  Ces oestrogènes stimuleraient la sécrétion de prostaglandines par l’utérus et d’ocytocine par le corps jaune, d’où une lutéolyse précoce permettant le démarrage d’un nouveau cycle.

 

Chez les caprins, le moment du premier pic de LH après introduction du bouc varie selon la profondeur de l’anoestrus chez la chèvre (Martinez-Alvarez et al 2007) (Tableau 2). Les chèvres Cachemire dominantes ont des pulses plus importants et un pic de LH plus élevé que les autres chèvres (Alvarez et al 2007). D’un façon générale l’exposition au mâle induit chez la femelle une augmentation de la pulsalité de LH seulement en début et à la fin de la phase lutéale du cycle oestrien, les fortes concentrations de progestérone en milieu de phase lutéale semblent bloquer l’effet mâle (Hawken et al 2009). La courbe de progestérone dépend de la présence d’un corps jaune actif (Figure 1). Il est à noter que la parité de la chèvre n’influence ni l’oestrus, ni  sa réponse ovulatoire à l’effet mâle (Luna-Orozco et al 2008).

 

Pour Chemineau et al (2006), le mécanisme qui explique les cycles courts serait globalement le même  pour les chèvres que pour les brebis. Mais, ils indiquent que les brebis exigent un taux de progestérone endogène plus intense que les chèvres pour supprimer les cycles courts. C’est pourquoi, les ovulations précédées d’un cycle normal sont les seules qui sont accompagnées par des manifestations d’oestrus chez la brebis.

 

Odeurs et phéromones

 

Chez le mouton, l’intervention de l’odorat a été reconnue très tôt, de même que l’intervention d’autres facteurs (Lindsay 1965 ; Chen-Tannoudji et al 1986). Une revue des réponses physiologiques par Martin et al (1986) a signalé l’action d’une phéromone sur le tractus olfactif principal surtout et peu sur le tractus olfactif secondaire (Oldham et al 1979 ; Chen-Tannoudji et al 1994) qui active les neurones de l’hypothalamus sécrétant le GnRH. Le système olfactif principal des mammifères comprend le nez, les nerfs olfactifs et le bulbe olfactif. Le système olfactif accessoire, sensible aux phéromones, comporte l'organe voméronasal, les nerfs voméronasaux et le bulbe olfactif accessoire.

 

Chez le bélier, les odeurs qui interviennent sont celles de la laine et du suint  (Rosa et Bryant 2002). Les odeurs de la toison du bouc peuvent entraîner des réactions hormonales chez les brebis. Les composants actifs, des diols, sont contenus dans la sous-fraction acide de l’extrait du chlorure de méthylène (Signoret 1991). La phéromone comprend plusieurs composés. L’association de 1,2-hexadecanediol synthétique et de 1,2-octadecanediol avec la fraction acide a pu entraîner des réactions hormonales (LH) chez des brebis en anoestrus. Les acides gras semblent impliqués (Cohen-Tannoudji et al 1994). Ainsi, la phéromone qui agit sur l’effet mâle semble être constituée d’un mélange de différentes substances (Rosa et Bryant 2002). Kitago et al (2007) ont montré que certains gènes d’élongation des acides gras à longue chaîne augmentaient leur expression significativement, surtout dans les glandes sébacées des zones de la peau intéressées.

 

Chez le bouc, les poils contiennent des phéromones agissant par effet mâle. Les extraits contenant des acides gras ou des lipides sont actifs (Chemineau et al 1991). Ces phéromones semblent produites par les glandes sébacées de la tête des boucs sous l’action de la testostérone (Wakabayashi et al 2000). Ces glandes s’hypertrophient sous l’action de la testostérone et leur extrait déclenche un effet mâle chez les chèvres (Knight et al 1978 ; Veliz et al 2004). Rappelons que le taux sanguin de testostérone des boucs varie au cours de l’année (Fabre-Nys 2000). Les phéromones de boucs agissent aussi sur des brebis (Over et al 1990). Par contre, celles des verrats n’agissent pas (Rosa et Bryant 2002).

 

Autres sens

 

Chez les caprins, dans une revue des mécanismes en France, Chemineau (1987) indique que l’odeur du bouc seule peut déclencher un effet mâle avec ovulation, mais que le pourcentage de femelles qui ovulent est plus important si les chèvres sont aussi en contact avec les boucs. Gonzalez et al (1988) ont constaté que sans contact physique entre les béliers et des femelles en chaleurs, la réponse hormonale est absente. Le contact physique doit être complet (signaux visuels et tactiles) pour un effet maximal sur l’ovulation (Pearce et Oldham 1988).

 

Chez les caprins,  Chemineau et al (1986) ont constaté que la destruction de l’odorat des chèvres ne supprime pas complètement l’effet mâle : d’autres sens interviennent aussi. Delgadillo et al (2006) ont constaté que la vocalisation facilite l’expression de l’oestrus de chèvres au Mexique.

 

Le comportement

 

Le comportement sexuel des mâles, béliers et boucs, est important dans l’effet mâle. Celui-ci est d’autant plus important que les mâles sont actifs.  Chez les brebis, la présence continue de femelles en chaleurs facilite l’effet mâle (Rodriguez-Iglesias et al 1991 ; Ungerfeld et Siva 2004).

 

Chez les caprins,  Chemineau (1987) signale aussi que l’intensité de la stimulation des mâles (Delgadillo et al 2006) et la profondeur de l’anoestrus des chèvres interviennent sur le pourcentage de chèvres qui ovulent.

 

Principaux facteurs de variation de l’effet mâle 

L’espèce, le lieu et la race

 

L’effet mâle se manifeste de manière différente chez la brebis et chez la chèvre. Il y a aussi des différences entre races.  Il a été montré que la brebis et la chèvre n’ont pas de préférence de race pour la monte (Lassoued et al 2004 ; Lindsay et al 1975). Toutefois, lorsqu’il s’agit de races à queue fine ou à queue grasse, la race a un effet net sur l’intérêt sexuel des brebis (Simitzis et al 2006). D’après Chanvallon (2009), deux autres facteurs sont susceptibles de contribuer à cette variabilité : le génotype et l’âge des brebis.

 

Chez les caprins, le succès de l’effet mâle varie avec la latitude en fonction de l’intensité de l’inhibition par la photopériode. Il en résulte que l’effet mâle seul peut être efficace toute l’année près de l’équateur (comme les chèvres Créoles en Guadeloupe) au lieu d’être efficace seulement avant ou après la saison sexuelle chez les races très saisonnées originaires de climats tempérés. Au milieu de la période d’anoestrus, l’effet mâle doit être associé au traitement photopériodique pour être efficace (Pellicer-Rubio et al 2007).

 

La séparation complète des mâles est-elle indispensable?

 

Au début, une séparation complète était préconisée pendant au moins 3 semaines chez les brebis Ile-de-France. La période d’isolement a été réduite avec succès jusqu’à 17 jours pour les moutons Mérinos et même à 14-16 jours en race Aragonaise (Lopez et Inskeep 1988). Les brebis s’habituent aux béliers et le fait de changer de bélier peut stimuler certaines femelles qui n’étaient pas venues en chaleur. Mais le remplacement fréquent de bélier après quelques heures n’améliore pas les résultats (Rosa et Bryant 2002).

 

Par ailleurs, des contacts occasionnels de courte durée entre les béliers et les brebis pendant le temps de séparation ne compromettent pas l’effet mâle (Cohen-Tannoundji et al 1989). Des temps d’exposition de courte durée peuvent synchroniser les chaleurs de brebis pendant la saison sexuelle s’ils sont répétés (Hawken et al 2008). Un contact court des brebis avec le bélier (entre 8 h et 4 jours) fait régresser le corps jaune plus rapidement que lorsque le contact est continu (Schanbacher et al 1987). De même, le fait d’héberger les brebis en box individuels ne diminue pas la sécrétion de LH par rapport aux brebis logées ensemble, mais le moment du pic LH est retardé de 7 heures : 18,5 ± 2,6 heures (Abecia et al 2002).

 

Chez les caprins au Mexique, Veliz et al (2002 ; 2004 et 2006) ont constaté que l’isolement des chèvres anovulatoires par rapport aux boucs n’est pas nécessaire pour obtenir l’effet mâle, quand l’anoestrus des femelles est modéré à la condition que des boucs sexuellement actifs soient utilisés. Les boucs en repos sexuel, sexuellement inactifs ne produisent pas d’effet mâle.

 

Nous verrons plus loin que l’effet mâle peut être complété par d’autres techniques de synchronisation utilisant des hormones ou la photopériode. Si les boucs sont bien stimulés par un traitement photopériodique, l’isolement des mâles par rapport aux chèvres n’est pas nécessaire (Veliz et al 2002 ; Delgadillo et al 2006).

 

Facteurs liés au sexe et à l’âge

 

En plus de l’effet mâle ou mâle-femelle, on parle aussi d’interactions femelle-femelle, mâle-mâle, et femelle-mâle.

 

L’interaction mâle-mâle  agit surtout pendant la jeunesse des reproducteurs. Ainsi, la séparation des agneaux mâles commencée entre les âges de 3 mois et de 6 mois retarde la puberté et la première copulation (Rosa et Bryant 2002).

 

Par effet femelle-femelle, il a aussi été constaté au Mexique que la présence de nombreuses brebis en oestrus peut stimuler l’activité ovarienne d’autres brebis en anoestrus saisonnier (Zarco et al 1995).

 

Les interactions femelle-mâle se manifestent par le fait que les femelles en oestrus stimulent les béliers et ceux-ci sont alors plus efficaces vis-à-vis d’autres femelles en anoestrus par effet mâle (Tilbrook 1987 ; Rosa et Bryant 2002). Cet effet femelle-mâle est plus important pendant la période d’anoestrus, en février en France (Schanbacher et al 1987).

 

Chez les caprins, un autre aspect de l’interaction femelle-mâle est que les chèvres de rang hiérarchique élevé sont les premières à ovuler et à être fécondées, probablement parce qu’elles sont plus en contact avec les boucs. Pendant les premières 4 heures, elles ont plus de pulses de LH et un taux de LH plus élevé que les autres chèvres  (Alvarez et al 2003 ; Alvarez et al 2007).

 

Une revue ancienne de l’effet mâle chez la chèvre (Chemineau 1987) faisait apparaître 2 points importants :

- l’intensité de la stimulation par le mâle,

- la « profondeur «  de l’anoestrus des chèvres liée à la saison, la race et au stade physiologique. Le pourcentage de premières ovulations sans oestrus et la fréquence des cycles ovariens courts en dépendent.

 

Or, le niveau d’activité sexuelle du bouc varie au cours de l’année, en liaison avec le taux de testostérone (Fabre-Nys 2000). Cette activité du bouc peut être stimulée par des traitements photopériodiques ou de mélatonine et se traduire par un effet mâle efficace. Ce ne sont pas les femelles  qui ne seraient pas assez réceptives, mais les mâles pas assez actifs (Flores et al 2000). L’utilisation de boucs sexuellement actifs est nécessaire pour obtenir un effet mâle (Veliz et al 2002). Par contre, Rosa et Bryant (2002) n’ont pas mis en évidence de différence significative dans la stimulation de l’ovulation des brebis en anoestrus par des béliers à activité sexuelle augmentée.

 

Combien de mâles faut-il utiliser ?

 

Chemineau et al (1991) préconisent pour les ovins et caprins Créoles en Guadeloupe 1 mâle pour 10 à 20 femelles. Les femelles peuvent s’habituer à un mâle particulier lorsqu’elles sont en contact étroit avec lui. Elles peuvent alors être stimulées par un autre mâle (Rosa et Bryant 2002). La densité des brebis dans les paddocks (12 ou 84 brebis par ha) n’a pas influé sur les réponses à l’effet mâle en fin de saison d’anoestrus (Rosa et Bryant 2002).

 

Age du mâle

 

Les brebis réagissent plus avec les mâles les plus actifs. Elles réagissent plus aussi  avec des mâles assez jeunes (2 ans) plutôt que des mâles très âgés (plus de 8 ans) (Ramos et Ungerfeld 2006). Mais, des béliers adultes ont pu donner de meilleurs résultats que des antenais, la conduite sexuelle et la fréquence d’éjaculation étant différentes (Ungerfeld et al 2008).

 

Age des femelles

 

Chez les caprins, la parité des chèvres n’influence pas les réponses (ovulation, oestrus) à l’effet mâle (Luna-Orozco et al 2008).

 

Pour que le comportement sexuel des brebis et des béliers soit normal, les jeunes brebis doivent avoir été en contact préalable avec des mâles. Mais, même si ce n’est pas le cas, elles ont une réponse hormonale (LH) à l’effet mâle (Hawken et al 2008). L’expérience joue aussi un rôle dans la réponse à l’effet mâle. La pré-exposition de brebis aux béliers facilite l’effet mâle. L’odeur du mâle serait apprise par les femelles. Ainsi, la mise en présence d’un mâle actif avec des agnelles avant leur puberté (à 9 mois dans l’essai réalisé) pendant une durée comprise entre 6 heures et une semaine facilite la réponse à l’effet mâle par la suite (Menasso 2007). Il est clairement établi que la réponse endocrine à l’effet mâle implique le système olfactif principal (SOP) chez des brebis sexuellement expérimentées.

 

Chez des brebis sexuellement naïves, l’odeur de mâle est moins efficace que chez des brebis expérimentées, mais le circuit neuronal impliqué est encore inconnu. L’odeur de mâle induit une activation dans le bulbe olfactif principal (BOP) mais pas dans le système olfactif accessoire (SOA). L’exposition directe au mâle induit une activation significative dans le BOP, les noyaux cortical et médian de l’amygdale et dans l’hypothalamus ventro-médian mais pas dans les structures corticales, ou dans les neurones à GnRH ou à Tyrosine Hydroxylase (TH). La réponse réduite à l’effet mâle chez les jeunes est donc corrélée à une faible activation centrale. Ces résultats confirment de plus le rôle prédominant du SOP dans la détection des signaux olfactifs chez le mouton (Chanvallon 2009).

 

Alimentation

 

Chez les caprins, De Santiago-Miramontes et al (2008) ont constaté que le taux d’ovulation de chèvres est augmenté si les mâles actifs sont supplémentés 7 jours avant leur introduction. Mais cet effet n’existe que pour la première ovulation des chèvres.

 

Le stress

 

Le stress doit diminuer l’efficacité de l’effet mâle. Les pulses de LH et le taux d’ovulation ont diminué quand les laparotomies pour étudier l’ovulation ont été pratiquées toutes les 4 heures sur des brebis (Martin et al 1981).

 

Traitements complémentaires à l’effet mâle 

Ovins

 

Une injection de progestérone (FGA) aux femelles lors de l’introduction des mâles supprime les cycles courts et améliore le regroupement des chaleurs des brebis 19 ± 2 jours après. Le cycle court est supprimé. La première ovulation est silencieuse et la fertilité et la fécondité sont améliorées, mais un peu moins qu’avec des éponges imprégnées de progestagènes (FGA) et injection de PMSG (Chemineau 1985 ;  Knight et al 2002 ; Lopez et Inskeep 1988) (Tableau 4). Par contre, au cours de 3 essais en Angleterre, l’introduction de béliers après un traitement de synchronisation des chaleurs avec des progestagènes a souvent diminué le nombre de brebis qui ont conçu au premier service et surtout diminué la prolificité en réduisant le taux d’ovulation (Hawken et al 2005).


Tableau 4.  Effets d’un traitement de progestérone sur les résultats de l’effet mâle sur des brebis de race Aragonaise (Floch et al 1985)

Traitements

Nombre de brebis

Fertilité, %

Prolificité : Taille de portée

Effet bélier seul

848

61

1,28

Idem + 20 mg de progestérone

740

69

1,33

FGA + PMSG

378

75

1,56


Le moment d’apparition du pic de LH est retardé. Il s’est produit 25 ± 10,1 heures aprèsl’introduction des béliers avec traitement à la progestérone au lieu de 20,5 ± 10,7 heures  sans traitement à la progestérone chez la race Barbarine en Tunisie (Lassoued et al 1995). Selon Chemineau et al (Chemineau et al 2006), l’effet de cette injection exogène de progestérone s’expliquerait par le blocage de la synthèse de prostaglandines empêchant la lutéolyse précoce et donc le cycle court.

 

Chez la brebis, l’effet mâle peut être combiné à l’utilisation de photopériodes de jours longs pendant la gestation et d’implants de mélatonine pour avancer la saison sexuelle. Il permet d’avancer un peu plus la saison sexuelle que la photopériode et la mélatonine seuls (Donovan et al 1994). La réponse hormonale (pic de LH) est semblable à celle qui suit l’effet mâle seul (Gomez et al 1995). L’augmentation de la durée du jour (20 h/jour) combinée à l’effet mâle a donné un taux d’agnelage plus élevé que l’effet mâle et la lumière naturelle chez des brebis German Mérinos (Abi et Claus 2004). Avec des brebis Aragonaises, le traitement à la mélatonine en plus de l’effet mâle n’a pas augmenté la fertilité, la prolificité et la fécondité, mais il a avancé le moment du premier oestrus et modifié la courbe des agnelages (Abecia et al 2006).

 

Caprins

 

Chez la chèvre, il en est presque de même que chez la brebis avec une injection de progestérone (FGA) aux femelles ; l’oestrus et le pic LH sont retardés d’une vingtaine d’heures et il se forme un corps jaune de bonne qualité (Chemineau et al 1984).  Le traitement à la progestérone a augmenté la proportion de femelles en oestrus et le taux d’ovulation observé chez des chèvres locales en Tunisie (Lassoued et al 1995). Une synchronisation des chaleurs au moyen d’éponges imprégnées de progestagènes en plus de l’effet mâle améliore les résultats de fertilité et taille de portée par rapport à l’effet mâle seul (Tableau 5).


Tableau 5.  Effets d’un traitement de progestérone sur les résultats de l’effet mâle sur des chèvres de race Créole (Chemineau 1989)

Traitements

Nombre de chèvres

Fertilité totale, %

Taille de portée

Effet bouc seul

25

92

1,61

Idem + FGA + PMSG

25

96

1,81


En France, des essais avec ou sans éponges en race Alpine juste avant la saison sexuelle et utilisant l’insémination artificielle de chèvres observées en chaleurs ont donné un taux de mise bas (60 %) et une prolificité (Abi et Claus 2004) comparables aux résultats obtenus sans effet mâle. Les chèvres ont été inséminées par voie cervicale 12-24 h après le début de l’oestrus (plus de 5 jours après l’introduction du bouc pour les chèvres n’ayant pas reçu d’éponges). L’effet mâle a été efficace (71,7 % des chèvres en activité ovarienne) juste avant la saison sexuelle mais pas sur un des lots (Leboeuf et al 2002).

 

Comme pour les brebis, les traitements photopériodiques des mâles améliorent les résultats de l’effet mâle chez les chèvres en anoestrus saisonnier au Mexique. L’absence de réponse à l’effet mâle est due à une faible stimulation des mâles plutôt qu’à un état réfractaire des chèvres (Delgadillo et al 2000).  Les traitements photopériodiques (jours longs de décembre à avril suivis de jours normaux) des chèvres et boucs Alpins et Saanen, même sans  mélatonine, associés à l’effet mâle sont très efficaces au milieu de l’anoestrus saisonnier (20 avril - 3 juin) en France (Pellicer-Rubio et al 2007) (Tableau 6). Les traitements photopériodiques induisent des ovulations mais ne les synchronisent pas. Combinés à l’effet mâle il y a aussi synchronisation des ovulations (Pellicer-Rubio et al 2007).


Tableau 6.  Résultats d’un essai utilisant le traitement photopériodique ou les éponges de progestagènes (FGA) et l’effet mâle sur des chèvres Alpine près de Tours, France (Pellicer-Rubio et al 2007)

 

Jours longs

Jours longs + mélatonine

FGA

Pas de FGA

Effectif

114

104

109

109

% avec pic de LH

92,7

90,7

91,7

-

Moment du pic LH après introduction, h

65,3 ± 11,6

64,0 ± 11,2

64,7 ± 11,4

-

% ovulation

99,0

99,1

99,0

99,1

Taux de mise bas, %

79,8

81,6

81,7

79,8

Moment des mises bas après introduction, j

160 ± 7

161 ± 9

158 ± 7

163 ± 9

Prolificité

2,0 ± 0,6

2,1 ± 0,7

2,1 ± 0,7

2,0 ± 0,7


Conclusion 


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Received 10 December 2009; Accepted 13 August 2010; Published 1 September 2010

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