Livestock Research for Rural Development 22 (2) 2010 Guide for preparation of papers LRRD News

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Influence de la traite précoce des vaches sur la croissance pondérale et l’état sanitaire des veaux en élevage traditionnel: cas de la zone périurbaine de Natitingou (Bénin)

B G Koutinhouin, A K I Youssao, T M Kpodékon et Y G Gantoli*

Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi (EPAC) – Laboratoire de Recherche en Biologie Appliquée (LARBA), Unité de Recherche Cunicole et Cavicole (URCC), 01 B P 2009 Cotonou, Bénin
Projet de Promotion de l’élevage dans l’Atacora, B P 03 3900, Cotonou, Bénin
iyoussao@yahoo.fr

Résumé

Une étude sur l’influence de la traite précoce sur la croissance pondérale et la viabilité des veaux, a été réalisée sur 112 veaux appartenant à 11 troupeaux confiés à des éleveurs-gardiens Peuls de la zone périurbaine de Natitingou, qui sont rémunérés entre autres par le lait trait. Deux lots ont été constitués : le lot expérimental constitué de veaux soumis au régime  alimentaire colostral systématique (sans traite des vaches pendant la première semaine) et le lot témoin constitué de veaux soumis au régime alimentaire colostral irrégulier (avec traite des vaches entre le 3ème et le 8ème jour).

De la naissance à l’âge de 8 jours, les veaux des deux lots avaient des poids comparables. Au sevrage à l’âge de 6 mois, les veaux des lots expérimentaux avaient en moyenne 3 kg de poids vif de plus que celui des veaux témoins pour le même âge (P<0,05). Le nombre de globules rouges a été plus important chez les veaux expérimentaux (6 263 000 vs 4 980 000 par ml de sang) alors que le nombre de globules blancs a été plus élevé chez les veaux témoins (10 250 vs 12 983 par ml de sang). Du 10e au 30e jour après la mise bas, la prévalence des affections gastro-intestinales des veaux des lots expérimentaux a été la moitié de celles des veaux témoins (13 vs 24%). La consommation à volonté du colostrum améliore les performances de croissance du veau, réduit leurs taux de mortalité et de morbidité périnatales et augmente la productivité de l’élevage.

Mots-clés: Colostrum, gain moyen quotidien, hématocrite, lait, morbidité, mortalité, poids



Influence of precocious milking of cows on the growth and the health of calves in traditional breeding in the suburban zone of Natitingou (Benin)

Abstract

A study on the influence of precocious milking on the growth and viability of calves was carried out on 112 calves belonging to 11 herds entrusted to Peuls herdsman in the suburban zone of Natitingou. Two lots were made: the experimental composed of calves subjected to the systematic colostral diet (without milking of the cows during the first week) and the control lot composed of calves subjected to the irregular colostral diet (with milking of the cows).

From calving to eight days old, the calves of the two lots had identical weights. At weaning, the calves of the experimental lots had on average 3 kg of live weight more than the control calves of the same age (P<0.05). The number of red blood cells was significantly higher in the experimental calves (6 263 000 vs 4 980 000 per ml of blood) whereas the number of white blood cells was higher in control calves (10 250 vs 12 983 per ml of blood). From the 10th to the 30th day after the calving, the prevalence of gastro-intestinal infections of calves of the experimental lots was half of those of the control calves (13 vs 24%). The ad-libitum consumption of colostrum improved the growth performance of calves, reduced their perinatal morbidity and mortality rates and increased their productivity.

Key words: Average daily gain, colostrum, milk, morbidity, mortality, weight


Introduction

La ville de Natitingou est le Chef lieu du Département de l’Atacora, située au nord-ouest du Bénin. La zone périurbaine de celle-ci est caractérisée par deux types de troupeaux sédentaires : les troupeaux familiaux et les troupeaux confiés (Hall et al 1995). Le troupeau familial est la forme traditionnelle avec un effectif de 3 à 10 têtes. Les animaux sont conduits au pâturage le jour et passent la nuit dans les tata (habitat traditionnel) (Hall et al 1995, Hardouin et al 1989). Le troupeau confié ou troupeau conduit par un Peul a un effectif variant de 40 à 100 têtes et appartient à 5 à 30 propriétaires. Ces troupeaux sont confiés à un gardien Peul qui a le droit de traire les vaches à son profit (Hall et al 1995, Hardouin et al 1989). Dans les troupeaux confiés, le gardiennage des animaux se fait généralement sur la base d’un contrat oral dont les clauses sont souvent mal précisées ou diversement interprétées par l’une ou l’autre partie. Le lait étant entièrement concédé à l’éleveur, l’option d’une traite précoce et  sévère des vaches mères est souvent observée dès le deuxième ou le troisième jour après le vêlage. A chaque traite, 500 à 1200 ml de lait sont prélevés par vache et par jour (Hall et al 1995, Centrès 1996). Dans la plupart des cas, les propriétaires suivent mal leur patrimoine ainsi placé, donnant libre cours aux scènes d’escroqueries ou d’abus de confiance organisés par les éleveurs à leurs dépens. Il en résulte une faible croissance numérique des troupeaux avec un taux de mortalité des veaux d’environ 30% (Gbaguidi et al 2006). En moyenne, 16% seulement des effectifs bovins gardés par les éleveurs leur appartiennent (Gbaguidi et al 2006).

 

Dans le cadre d’une approche participative, une étude a été réalisée avec la collaboration des éleveurs - gardiens et des propriétaires d’animaux afin d’établir de façon pratique et simple le rôle spécifique de l’alimentation périnatale des veaux dans la productivité des élevages. Ainsi, cette étude vise à:

§                    établir de façon participative avec l’éleveur la liaison entre le régime de l’alimentation colostrale et la croissance pondérale du veau ;

§                    évaluer l’effet de la traite des vaches dans la première semaine de vie du veau sur leur viabilité ;

§                    susciter des négociations entre éleveurs et propriétaires de bovins confiés dans le cadre de l’amélioration des conditions d’élevage des veaux.

 

Matériel et méthodes 

Zone d’étude

 

La zone périurbaine concernée par la présente étude est représentée par l’aire d’occupation des campements d’éleveurs de bovins pour lesquelles la ville de Natitingou constitue le principal marché de vente du lait et des produits dérivés. Ces élevages sont accessibles même en temps de pluie et situés dans un rayon de quinze kilomètres environ du centre ville. Ils sont situés dans la Commune de Natitingou et bénéficient de l’encadrement technique du Secteur  Agricole  de Natitingou.

 

Située au nord-ouest de la République du Bénin (figure 1), la zone d’étude est comprise entre 1° et 1°30 de longitude Ouest puis 10° et 10°30 de latitude Nord ; couvrant ainsi une superficie de 1100 km2. Cette superficie représente 3,52% de celle des Départements de l’Atacora-Donga.



Figure 1.  Situation du milieu d’étude


Le relief est pittoresque, très accidenté avec un massif montagneux (chaîne de l’Atacora  et chute de Kota) formant une plaine ondulée située à 200 m environ d’altitude.

 

Le climat est de type soudano-guinéen avec une moyenne pluviométrique annuelle de 1000 à 1200 mm (CeRPA 2008). La végétation est constituée essentiellement de savanes arbustives ou arborées beaucoup plus denses le long des cours d’eau (petites forêts galeries). Le pâturage est dominé  par des graminées annuelles telles que l’Hyparrhenia involucrata, l’Andropogon gayanus et quelques ligneux fourragers comme l’Afzelia africana et le Khaya senegalensis le long des grands cours d’eau. Le réseau hydrographique est relativement important avec des cours d’eau dont les principaux sont : Yéripao, Sinaïssiré et Perma.

 

L’agriculture et l’élevage viennent  en tête des activités de production. Toutefois, les activités de transformation des produits  agricoles, l’artisanat  et le petit commerce sont également remarquables.

 

Mode d’élevage

 

Dans la zone d’étude, l’élevage des bovins est de type extensif non transhumant. L’effectif du cheptel bovin est de 7229, soit 2,78% de l’effectif du Département de l’Atacora. Les bovins rencontrés sont des taurins de race Somba ou issus de croisements Borgou x Somba. Ces animaux ont une hauteur au garrot variant entre 118 cm et 135 cm. Les vaches ont une production laitière relativement faible (0,5 à 1,2 litres par jour) et la traite se fait une seule fois par jour, le matin avant le départ au pâturage. Dans les élevages situés à proximité de Natitingou, la configuration et la gestion des troupeaux présentent quelques particularités. En effet, dans les milieux ruraux et périurbains, l’achat des bovins est une formule d’épargne et d’accumulation de biens très utilisée et même concurrentielle des banques. Une fois achetés, ces bovins sont confiés à des bouviers pour la conduite au pâturage. Ainsi, la plupart des bovins au niveau des troupeaux  sont la propriété des fonctionnaires ou autres acteurs économiques exerçant en ville.

 

Les affections les plus courantes dans les troupeaux sont les parasitoses gastro- intestinales, la pasteurellose bovine, les trypanosomoses et les piroplasmoses. L’encadrement technique des éleveurs et les soins vétérinaires administrés aux animaux sont assurés par le personnel du Secteur Agricole de Natitingou, renforcé par quelques techniciens d’élevage exerçant en clientèle privée. 

 

Méthodologie

 

Cette étude a été réalisée dans 11 troupeaux dont les éleveurs ont accepté avec ou sans motivation (cadeaux) d’y participer et de témoigner au besoin, sur les expériences vécues. Les troupeaux retenus ont un statut de propriété semblable, c’est-à-dire que les pourcentages de femelles confiées sont voisins. Il en est de même pour les clauses de gardiennage puisque tous ces facteurs influencent la disponibilité du colostrum / lait destinée aux veaux dans le troupeau.

 

Les veaux retenus étaient ceux issus de parents semblables du point de vue morphologique. Les vaches-mères étaient de même race (Borgou x Somba), âgées de 4 à 6 ans avec une hauteur au garrot variant de 126 à 132 cm et un périmètre thoracique compris entre 128 et 136 cm. Pour les mesures linéaires telles que le périmètre thoracique un mètre ruban a été utilisé. Quant à la hauteur au garrot, elle a été prise avec une canne toise. La préférence a été également accordée aux veaux nés dans des conditions normales et qui occupent des rangs de vêlage voisins (2e ou 3e). Ainsi, 112 veaux ont été régulièrement suivis dans 11 troupeaux, de novembre 2007 à octobre 2008. Au total, 62 veaux ont été échantillonnés pour les lots expérimentaux et 50 pour les lots témoins. Chaque troupeau avait un lot expérimental et un lot témoin. Les veaux expérimentaux ont consommé à volonté du colostrum pendant les 8 premiers jours d’âge et aucune traite des vaches n’a été réalisée pendant cette période. La traite des vaches a été réalisée avant la tétée des veaux du 3e au 8e jour qui ont suivi le vêlage chez les veaux témoins.

 

Les pesées ont été réalisées sur chaque veau d’abord à la naissance, à 8, 15 et 30 jours et ensuite une fois par mois jusqu’au sevrage, réalisé à 180 jours. Pour la prise de poids sur les  veaux, un  peson à cadran d’une capacité de 100 kg avec précision de 500g a été utilisé. A chaque pesée, les signes cliniques et les observations spécifiques faites sur les veaux et leurs mères ont été mentionnés. La température de l’animal, l’heure et la date de la pesée ont été également mentionnées.

 

Deux analyses principales ont été réalisées sur chaque veau le 30e jour après la mise bas. Il s’agit de l’hématocrite et de la Numération de la Formule Sanguine. Ces examens ont été réalisés dans le Laboratoire de Diagnostic Vétérinaire de Natitingou pour ce qui concerne l’hématocrite et dans le laboratoire de l’hôpital de Zone de Natitingou pour la Numération de la Formule Sanguine. Pour les prélèvements de sang, des seringues avec aiguilles, des tubes EDTA avec trocart, des tubes capillaires, du coton et de l’alcool ont été utilisés. Le prélèvement du sang a été réalisé dans les veines auriculaires.

 

Pendant l’étude, tous les frais relatifs aux soins sanitaires et médicaux prodigués aux animaux suivis ont été pris en charge par les auteurs de même que la valeur équivalente du lait non prélevé pour cause de suivi.

 

Analyses statistiques

 

Pour l’analyse statistique, les variables considérées ont été : le poids à âge-type,  le gain moyen quotidien de la naissance à l’âge de 3 mois (GMQ0-3) ; le gain moyen quotidien entre le quatrième et le 6e mois (GMQ3-6) et le gain moyen quotidien pour toute la période de l’expérimentation (de la naissance à 6 mois). Les taux d’hématocrite et d’hémoglobine, le nombre de globules rouges et le nombre de globules blancs, ont été également enregistrés  à l’âge de 30 jours. Le régime alimentaire (avec ou sans traite) et le sexe du veau ont été les facteurs de variation considérés. Les données ont été analysées selon la procédure GLM (General Linear Models Procedure) du SAS (Statistical Analysis System 1996). Les moyennes ont été ensuite estimées et comparées par le test de t.

 

Résultats et discussion

Les effets du numéro de lactation, de la saison de mise bas et du troupeau, sur les variables citées ci-dessus n'ont pas été significatifs et ont été ignorés. Contrairement au poids, le sexe n’a pas eu un effet significatif sur les paramètres hématologiques.

 

Croissance et état sanitaire

 

Les moyennes moindres carrés du poids et du gain moyen quotidien de veaux croisés Somba–Borgou par traite et par sexe sont données au tableau 1.


Tableau 1.  Moyenne moindres carrés du poids et du gain moyen quotidien des veaux issus du croisement Somba – Borgou

Variable

Traite

Sexe

DSR

Test de signification

Non réalisée (N=62)

Réalisée (N=50)

Mâle (N=58)

Femelle (N=54)

Traite

Sexe

P0, kg

13,4

13,9

13,8

13,5

0,07

NS

NS

P8, kg

15,7

15,1

15,9

15,1

0,42

NS

NS

P15, kg

18,8

17,5

18,4

17,6

0,71

*

NS

P30, kg

22,7

18,7

22,5

21,7

1,12

***

NS

P60, kg

26,1

22,8

26,8

25,5

1,16

***

*

P90, kg

34,2

30,9

34,3

32,1

1,38

**

*

P120, kg

37,3

33,8

37,1

35,4

1,42

**

**

P150, kg

44,5

41,6

44,2

42,7

1,18

*

*

P180, kg

52,4

49,4

52,6

49,5

1,39

*

**

GMQ03, g

220

189

229

211

12,4

**

NS

GMQ36, g

202

208

203

193

10,5

NS

*

GMQ06, g

217

197

212

201

7,4

*

NS

NS : P>0,05 ; * : P<0,05 ; ** : P<0,01 ; *** : P<0,001 ; Pi : poids à l’âge i ; GMQij : gain moyen quotidien de l’âge i à l’âge j ;
DSR : déviation standard résiduelle, N=effectif


De la mise-bas à l’âge de 8 jours, les veaux du lot expérimental et ceux du lot témoin ont eu des poids comparables. A partir du 15e jour d’âge, les veaux privés partiellement de colostrum ont pesé moins que  les autres. Cette différence a été plus remarquée entre le 15e et le 60e jour (P<0,001). Au-delà du 60e jour, l’effet de la traite a progressivement diminué. Au sevrage (6 mois d’âge), les veaux dont les mères n’ont pas été traites dans la première semaine avaient un poids supérieur de 3 kg par rapport à celui des veaux dont les mères ont été traites dans la même période (P<0,05). Pendant les trois premiers mois, les gains moyens quotidiens ont été plus importants chez les veaux dont les mères n’ont pas été traites (P<0,01) et cette différence n’a plus été perceptible pendant les trois derniers mois de l’expérimentation (P>0,05). Au total, pour toute la durée de l’expérimentation, l’écart de gain moyen quotidien entre les veaux des deux lots a été de 20 g, en faveur des veaux disposant à volonté du lait de leur mère pendant la première semaine qui a suivi la mise bas. Cette différence pondérale entre les veaux des deux lots pourrait être liée aux valeurs nutritives du colostrum. En effet, selon Meyer (2009), le colostrum est très riche en matières sèches et très nutritif (Meyer 2009). Sa valeur nutritive et sa valeur énergétique sont supérieures à celles du lait, permettant ainsi la thermorégulation et la croissance du nouveau-né (Devilliers et al 2006).

 

Aucune différence significative n’a été observée pour les taux d’hématocrite. A 30 jours, l’hématocrite a été de 39,2±1,5 % chez les veaux du lot expérimental, contre 37,2±2,5 % pour les veaux du lot témoin. Ces taux se situent néanmoins dans la fourchette de la normale prévue par Coles et al (1968), cités par Gantoli (2000). Les taux d’hémoglobine dans les hématies ont été comparables, tandis que le nombre de globules rouges se trouve proche de la borne inférieure chez les veaux soumis à une alimentation colostrale irrégulière (avec traite) alors que celui des veaux nourris sans restriction est dans la fourchette prévue par la littérature. La tendance a été par contre inverse chez les globules blancs. Le nombre de globules rouges a été significativement plus élevé chez les veaux du lot expérimental (P<0,00) alors que le nombre de globules blancs a été plus important chez les veaux du lot témoins (P<0,001). Le tableau 2 présente les moyennes de quelques paramètres hématologiques issues des résultats d’analyses bio-médicales réalisées un mois après la mise bas.


Tableau 2.  Moyennes de quelques paramètres hématologiques issues des résultats d’analyses bio-médicales réalisées au  30e jour de vie des veaux

Paramètres hématologiques

Référence de la littérature*

Lot expérimental (sans traite ; N=62)

Lot témoin (avec traite; N=50)

Hématocrite, %

34 (26-42)

39±1,5a

37,2±2,5a

Taux d’hémoglobine, g/dl

11 (8-14)

11,0±2,1a

10,5±1,8a

Nombre de globules rouges par ml de sang

7 000 000 (5 –8 000 000)

6 263 000±891 000a

4 980 000±1 263 023b

Nombre de globules blancs par ml de sang

8 900 (7 500 – 13 000)

10 250±872a

12 983±2800b

*Moyennes de quelques paramètres hématologiques chez les bovins (Coles et al 1968, cités par Gantoli 2000), N=effectif ; les moyennes de la même classe, suivies des lettres différentes diffèrent significativement au seuil de 5%


La faible croissance pondérale observée à partir de la deuxième semaine chez les veaux soumis au régime de l’alimentation colostrale irrégulière (avec traite), a coïncidé avec des manifestations pathologiques. La plupart des affections diagnostiquées se rapportent à des troubles de fonctionnement de l’appareil digestif. Du 10e au 30e jour après la mise bas, la prévalence des affections gastro-intestinales (diarrhée, constipation) des veaux nourris de colostrum sans restriction a été la moitié de celles des veaux dont les mères ont été traites pendant la semaine qui a suivi la mise bas (13 vs 24%). De même, 80 % des affections gastro-intestinales étaient accompagnées d’une hyperthermie alors que 20% l’étaient chez les veaux nourris sans restriction. Il a été également observé chez ces veaux une mauvaise élimination du méconium, puisque, dans la plupart des cas, les veaux malades émettaient d’abord des selles glaireuses, collantes à l’anus avant la diarrhée proprement dite. Parmi les veaux suivis, 3% sont morts dans le lot des veaux nourris sans restriction contre 6% dans le second lot. Enfin, tous les veaux morts étaient atteints d’une affection gastro-intestinale.

 

Il ressort de cette étude que la consommation de colostrum améliore la croissance des veaux. Selon Le Huërou-Luron et al (2004), l’effet bénéfique de l’utilisation du colostrum se traduit par une augmentation de la consommation alimentaire et de la croissance pondérale et par une réduction de l’indice de consommation. Une augmentation des gains moyens quotidiens des porcelets de près de 30 à 100 % au cours de la première semaine post-sevrage a été obtenue dans de nombreux travaux lorsqu’on incorpore le colostrum bovin dans l’aliment des porcelets dans une proportion variant de 5 à 10 % (Pluske et al 1999, Le Huërou-Luron et al. 2004 et 2008, Boudry et al 2008, Boudry 2009). Chez le porc, la réponse à la supplémentation de l’aliment du porcelet en colostrum est plus importante lorsque les conditions sanitaires d’élevage sont moins favorables (Le Huërou-Luron et al 2004). Le colostrum est très riche en nutriments (Meyer 2009) ; il limite les modifications structurales de la muqueuse intestinale et améliore ainsi la fonction de barrière de l’intestin (Marion et al 2002, Le Huërou-Luron et al 2004, Huguet et al 2006 et 2007, King et al 2007 et 2008).

 

Les immunoglobulines colostrales en se complexant aux antigènes (bactéries, toxines, etc.) présents dans la lumière intestinale pourraient empêcher leur adhésion à la muqueuse et limiter l’activation du système immunitaire. Le colostrum est donc indispensable et nécessaire à la croissance des jeunes animaux ; il favorise l’élimination du méconium (Meyer 2009) ; il protège les jeunes contre les maladies digestives d’une part et leur confère une immunité contre de nombreuses autres maladies d’autre part. La consommation insuffisante du colostrum a favorisé l’apparition de troubles digestifs avec pour corollaire un poids inférieur à partir du 15e jour par rapport aux veaux des lots expérimentaux. L’ingestion du colostrum par les veaux nouveau-nés est essentielle à leur survie. Par le colostrum, la mère transmet aux veaux les immunoglobulines et d’autres facteurs importants pour la protection contre les maladies, les hormones, les facteurs de croissance et les nutriments essentiels (Godson et al 2003). En France, la commercialisation du lait de vache est interdite pendant les 7 premiers jours. Le lait est alors considéré comme du colostrum, non commercialisable, car il perturbe la fabrication du fromage.

 

Evaluation économique

 

L’évaluation économique de cette expérience vise à prouver à l’éleveur, l’importance de l’adoption d’une alimentation colostrale systématique au profit du veau. Les pathologies ont été pour la plupart observées pendant les 60 premiers jours d’âge. Les frais liés aux soins sanitaires des veaux s’élèvent à 20150 F CFA soit 325 F CFA par veau dans le lot sans restriction. Dans le second lot, 25400 F CFA ont été dépensés au total, soit 508 F CFA par veau. En évitant une restriction de la consommation du lait pendant la première semaine, l’éleveur gagne 183 F CFA par veau sur les traitements thérapeutiques.

 

Par ailleurs, la valeur du manque à gagner dû au non-prélèvement du colostrum sur les vaches impliquées dans les lots expérimentaux a été estimée. Au cours des enquêtes, la moyenne quotidienne de la quantité de lait/colostrum trait a été de 700 ± 210 ml par vache et par jour. Le prix du litre pendant la période d’études était de 150 FCFA (1 € = 656 FCFA). Le prix correspondant à la quantité de lait trait par vache pendant 7 jours a été de 735 FCFA (150 F CFA * 0,7 litre * 7 jours).

 

En n’opérant pas de restriction sur la consommation du lait par les veaux, l’éleveur gagne 2768 F CFA sur le veau et sa mère (tableau 3). A ce montant, s’ajoute la valeur économique des veaux morts.


Tableau 3.  Effet de la traite sur le revenu des élevages*

Paramètres

Traite (N=50)

Sans traite (N=62)

Différence

Soins vétérinaires par veau, F CFA

-508

-325

183

Lait/ colostrum de la semaine 1 par vache, F CFA

735

0

-735

Poids moyen du veau à 60 jours, kg

22,8

26,1

3,3

Prix du veau à 60 jours (1kg PV = 1000 F CFA), CFA

22 800

26 120

3 320

Résultats, F CFA

 

 

2 768

* les veaux n’ont pas été pris en compte, N=effectif


Enfin, il convient de souligner que selon les clauses du gardiennage dans la zone périurbaine de Natitingou, les soins sanitaires sont à la charge du propriétaire. Dans ces conditions, l’éleveur gardien se sent peu concerné par ces comparaisons de chiffres et de francs et serait d’ailleurs tenté de profiter toujours du lait / colostrum aux dépens de la croissance pondérale et même de la survie du veau. Cela relance une fois de plus le débat sur les clauses de gardiennage des bovins qui malheureusement sont en défaveur du sauvetage des veaux en zone périurbaine. A l’issue des différents entretiens, il ressort que les propriétaires de bovins sont favorables à une amélioration des conditions de gardiennage. Cette amélioration pourrait être une somme d’argent suffisante pour compenser le manque à gagner de l’éleveur du fait de l’adoption de l’alimentation colostrale systématique, pendant 8 jours après le vêlage. Le montant conclu pourrait être payé pour chaque veau dès la mise-bas. En retour, les éleveurs gardiens s’engageraient à adopter effectivement l’alimentation colostrale systématique en faveur des veaux. A priori, rien ne garantit que cette formule puisse éviter la traite précoce des vaches par l’éleveur puisque le propriétaire de bovins ne dispose d’aucun dispositif de contrôle ou de suivi efficace facile à mettre en oeuvre. Il est possible de contrôler que le veau a consommé du colostrum. La mesure de la gamma-glutamyl transférase (G.G.T.) plasmatique chez le veau nouveau-né est un bon test spécifique de l'ingestion du colostrum (Meyer 2009). Toutefois, ce test n’est pas facilement réalisable par les propriétaires d’animaux, compte tenu du mode d’élevage pratiqué dans le milieu d’étude et de son coût.

 

Conclusion 

 

Bibliographie 

Boudry C 2009 Biological and immunological effects of bovine colostrum on the newlyweaned piglet. Gembloux Agricultural University, PhD, 105-126.

 

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Centrès J M 1996 L’élevage et l’agriculture en zones urbaines et périurbaines dans deux villes sahéliennes: Bamako et Bobo-Dioulasso. Cahiers Agricultures 5 : 373-382.

 

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Received 22 November 2009; Accepted 14 December 2009; Published 7 February 2010

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