Livestock Research for Rural Development 22 (10) 2010 Notes to Authors LRRD Newsletter

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La paille traitée à l’ammoniac, alternative alimentaire au système d’élevage ovin traditionnel sur les hauts plateaux en Algérie

A Yahiaoui, R Chabaca* et A Larwence**

Université de Mascara. Route de Mamounia BP 305, Mascara, Algérie
* Institut National Agronomique, Département de Zootechnie, 16200 El Harrach, Algérie
** Institut des région chaudes de SUPAGRO, BP 5098, 34033 Montpellier Cedex, France
alarwence@yahoo.fr

Résumé

Face à un lot (L1), de 50 brebis en conduite traditionnelle du printemps à l’automne: jachère, chaumes et compléments, le but de ce travail était de comparer les performances d’un autre  lot de 50 brebis conduit en bergerie intégrale ((L2) recevant de la paille traitée à l’ammoniac (PT) plus de l’orge. L’expérience était divisée en deux phases : phase de croissance des antenaises avant la saillie et phase gestation-lactation-sevrage.

 

Sur la période expérimentale de 12 mois, les unités fourragères lait ingérées (UFLI) étaient de 216 et 177, respectivement pour L2 et L1 , le gain moyen quotidien (GMQ) était de 46 et 31g, la production laitière de 614 et 312 g/jour durant le premier mois de lactation , le GMQ des agneaux de 133 et 64g et la productivité numérique des brebis de 46 et de 13 agneaux.

 

Les résultats montrent un lien fort entre les UFLI et les résultats de reproduction. La PT seule avec un complément modéré d’orge peut constituer un nouvel système de production sur les hauts plateaux algérien.

Mots clés: Algérie, alimentation brebis, chaumes, jachère, paille traitée ammoniac



Improvement of traditional rearing sheep system in Algeria by introduction of straw treated with ammonia

Summary

Faced with batches of 50 ewes (L1) traditionally rearing: cereal stubble, fallow and supplements addition, the aim of this study was to compare the performances of a batch of 50 ewes fed with straw treated with ammoniac (TS) complemented with 300g of barley (L2). The experiment was divided into two phases: growth phase of young females before mating and phase pregnancy-lactation-weaning.

 

On the experimental period of 12 months, the net energy for lactating ingested (NELI) were 216 and 177, respectively for L2 and L1. The average daily gain (ADG ) was 46, and 31g, the milk production of 614 and 491 g / day during the first month of lactation. The ADG of lambs were 133 and 85g and the numerical productivity of 46 and 13 lambs.

 

The results show a strong link between NELI and reproduction results. The TS with only 300g barley, gives very satisfactory results.

Key words: Algeria, ammonia treated straw, ewe feeding, fallow, stubble


Introduction

Les pays du Sud sont confrontés à la raréfaction des terres agricoles et à une demande accrue en protéines animales (Faye et Alary 2001), notamment en viande ovine pour des raisons culturelles. De 1980 à 2000, le nombre d’hectares agricoles par habitant est passé de 1,03 à 0,62 pour les pays du Sud et de 1,53 à 1,25 pour les pays du Nord (FAO 2008). Parallèlement, l’état de dégradation des parcours s’amplifie dans le monde en en particulier en Algérie (Nedjraoui et Bedrani 2008), alors qu’ils assurent une très grande part de la production de petits ruminants sur les cinq continents (Seré et Steinfeld 1996). Devant cette situation, inventer d’autres systèmes de production, augmenter les ressources alimentaires pour l’animal, économiser des terres sont des enjeux importants pour l’élevage mondial de demain.

 

Les céréales, avec 60% des terres arables du monde générant 3 milliards de tonnes de paille (1500 milliards d’unités fourragères potentielles) pourraient jouer un rôle plus important dans l’affourragement du troupeau. Cette ressource fourragère, traditionnelle dans les pays du Sud, est tombée en désuétude dans les pays du Nord, avec l’émergence de races sélectionnées à fortes exigences alimentaires. Mais, son intérêt a réapparu avec force depuis quelques décennies avec les sécheresses de 1964 et 1976 en Europe et celle de 1973 aux USA et aussi avec l’émergence de traitements technologiques à base d’alcalis: soude et ammoniac anhydre (Sundstol et al 1978, Dulphy et al 1984) ou de générateurs d’ammoniac comme l’urée (Dias-Da-Silva et Sunsdtol 1978). En appliquant ces traitements, l’amélioration de la digestibilité et de l’ingestibilité obtenue a été de 30% à 40% (Chenost et Dulphy 1987).

 

Ressources universelles, leur valorisation a concerné toutes les espèces de céréales, sur les cinq continents. De 1970 à 2010, près de 3000 travaux ont été publiés sur ces fourrages: 14% entre 1965 et 1985, 20% jusqu’en 1995 et 76% entre 1995 et 2010. Son intérêt pour l’Algérie (3millions de tonnes en 2008) est manifeste (Chabaca 2004) absence de terre 0,1 ha de surface agricole utile par habitant), 71% du troupeau ovin algérien localisé dans la steppe, proche des zones céréalières, déficit fourrager chronique de 2,6 milliards d’unités fourragères par an (MADER 2007). Le traitement des pailles en Algérie (peu pratiqué par les éleveurs), pourrait générer 1 milliard d’unités fourragères supplémentaires.

 

Ce travail, a pour but, en collaboration avec les acteurs de terrain de la région de Tiaret en Algérie (350 km d’Alger au point d’isohyète 400-450 mm), en année de faible pluviométrie, de montrer les potentialités alimentaires des pailles traitées à l’ammoniac en bergerie intégrale comparativement à un troupeau conduit en élevage traditionnel.

 

Matériel et méthode 

Aliments et constitution des lots

 

La paille, en bottes de 17 kg a été traitée (PT) à l’ammoniac anhydre (dose de 3%,  durée de traitement de 45 jours) sous bâche selon la méthode de Sundstol et al (1978). Fabriqué en Algérie, l’ammoniac est fourni par la société ASMIDAL en bouteille de 44 kg. La digestibilité de la matière organique (dMO) de la PT est mesurée sur 10 jours par la méthode classique de  la récolte totale des fecès (Charley-Levy 1969) afin de calculer la matière organique digestible ingérée (MODI).

 

Dans un lot de 165 antenaises de race Ouled Djellal âgées de 15 mois pesant entre 24 et 26kg sont réparties de façon aléatoire en 2 lots de 50 sujets.

 

Lot 1

Ce lot est propriétaire d’un éleveur, on y mesure les performances de croissance et de reproduction en élevage traditionnel intégral: jachère (avril à juin), chaumes (juin-novembre) et compléments éventuels (orge ou foins divers). Aucun conseil n’est prodigué à l’éleveur, seule la pesée des animaux est réalisée.

 

Lot 2

 

Ce lot est conduit en bergerie. La PT est servie ad libitum, complémentée d’orge concassée, selon l’état physiologique des animaux: croissance modérée: 150g, flushing (en juin): 300g , aux 2/3 de la gestation: 200g, lactation: 300g. Pierres à lécher et eau de boisson sont laissées à disposition.

 

Les sujets sont accoutumés (pendant 15 jours) à la PT et tondus avant le début des pesées, l’essai, a duré 1an. Les animaux du lot 1 ont également été tondus.

                                                               

Mesures

 

Les quantités distribuées et les refus sont pesés chaque matin pour le lot 2 jusqu’à 1 mois de lactation et la matière sèche ingérée (MSI) est mesurée (étuve à 80°C en 24h). Les animaux des 2 lots sont pesés chaque mois chez les éleveurs (lot 1) et à la bergerie (lot 2), à jeun avec un pèse mouton de portée 60kg (±5g). Les pesées sont arrêtées à 2 mois de gestation et sont reprises après la mise bas, jusqu’à 1 mois de lactation. A la naissance, les agneaux sont pesés, puis chaque semaine jusqu’à un mois d’âge. Le nombre d’agneaux sevrés à trois mois d’âge est enregistré.

 

Calculs 

 

Le GMQ (gain moyen quotidien) est calculé pour les 2 lots. Le niveau alimentaire est calculé pour le lot 2 sur la base de la digestibilité de la matière organique de la PT et d’un BE-E  (besoin d’entretien en énergie) de 23g de MODI/kgP 0.75, soit 0,03UFL/ kgP 0,75 (INRA1978, Triki et Larwence 2008). Le niveau alimentaire du lot 1 dont les caractéristiques nutritionnelles de la ration ne sont pas connues est calculé sur la base d’un besoin d’entretien en énergie de 0,03UFL/ kgP 0.75 augmenté de 30% pour tenir compte des dépenses supplémentaires en énergie des animaux sur parcours (INRA 1978).

                                                                                             

L’ingéré total en énergie (UFLI) est la somme des besoins d’entretien et de ceux nécessaires pour assurer le gain de poids mesuré par pesée. La valeur calorifique de 100g de gain de poids a été estimée à 0,32 UFL et à 0,27 UFL pour 100g de pertes de poids. Les besoins en protéines digestibles dans l’intestin  (PDI) pour 100 g de gain ou de pertes de poids est fixés de façon égale à 22g/ kgP 0.75 (INRA 1978).

 

Pour le lot 2, les protéines digestibles dans l’intestin (PDI) de l’orge et des pailles et la digestibilté de la matière organique (dMO) de l’orge, sont tirées de l’INRA (1978, 1989 et 2007). La production de lait des brebis est calculée par référence au GMQ des agneaux  pour  la race Ouled Djellal: 4.6 kg de lait pour 1kg de croît d’agneaux (Bennour 2002). La fertilité, prolificité, fécondité et productivité numérique ont été calculées classiquement

 

Traitement statistique des données

 

Analyse de variance à un facteur (XL. STAT) selon le modèle:                                     

Y i j = m + a i + e i j                                         

Où :                                                                                                                  

Yi j : est la variable expliquée,                                                                       

m: la moyenne générale,

a i : l’effet facteur et

e i j: l’erreur résiduelle du modèle.

Puis, le test de Student a comparé les facteurs deux à deux.

 

Résultats et discussion 

La région céréalière de Tiaret où s’est déroulée l’expérience, fournit traditionnellement, jachère et chaumes en pâture aux ovins. Elle constitue une zone d’accueil pour les troupeaux venant des zones steppiques, au cours des migrations d’été dites de «Chaba». Au total, pour les besoins de l’expérience, 30 tonnes de paille ont été traitées. 2 mortalités par Coenuroses ont été enregistrées, 1 pour chaque lot. La composition chimique (%) de la PT était très classique: NDF: 80, ADF: 44, MAT: 8,1.  La dMO était de 51%. Et la valeur énergétique calculée (INRA 2007) de 0,60 UFL/kg de MS. Tous ces paramètres, sont en ligne avec ceux couramment indiqués pour les PT algériennes (Chabaca 2004).

                                                                                                                                

Variation de poids des animaux durant la phase de croissance                                                

                                                                                                             

Les pesées ont été arrêtées à 2 mois environ du début gestation: 25 septembre pour les 2 lots. Du 25 avril au 25 septembre (période de croissance modérée), le gain de poids respectif des lots: 1et 2 était de 5,2 et 6,9 kg, soit un GMQ de 35 et de 46g (p< 0,01). Les variations de poids dépendent donc, du mode alimentaire. Pour le lot 2, en bergerie, la croissance a été continue du mois d’avril au mois de septembre. Des fluctuations sont notées pour les lots 1 notamment au mois de septembre (Tableau 1).                      


Tableau 1.  Variations de poids (kg) et matière sèche ingérée (MSI g/KgP0.75)

 

Lot 1

Lot 2: bergerie intégrale

Poids

Poids

MSI

Jachère : lots 1et 2

25 mars -24 Juin

25,5 a

25,3 a

84,9

28,7 a

27,0 b

83,3

29,2 a

27,7 b

79,7

Chaumes : lots 1et 2: 25 juin-25 sept

32,8 a

29,7 b

85,1

32,2 a

31,9 a

67,8

30,7 a

32,2 b

70,1

Poids moyen avril-sept

29,9 a

29,0 a

78,5

Octobre–novembre: arrêt des pesées

-

G 4

66,4

-

G5

66,1

Décembre

G 4

Mise bas

66,2

Janvier

G 5

Mise bas

67,0

Février

Mise bas

Mise bas

73,0

Mars

Mise bas

-

72,4

Avril

Mise bas

-

70,0

Poids moyen mise bas

29,9 a

32,7 b

-

Poids 30 jours lactation

29,0 a

32,3 b

-

MSI : matière sèche ingérée , G4 , G5 : 4ème, 5ème mois de gestation


Sur jachère (25 avril-fin juin), le gain de poids a été de 3,7kg soit un GMQ de 62g pour le lot 1. Ce GMQ était supérieur (p<0,01) à celui du lot 2 en bergerie intégrale (40g). La demande théorique en PDI et en énergie pour ces GMQ serait de 44g et 0,67 UFL (tenant compte d’un besoin d’entretien en énergie de 130%) pour le lot 1 et  de 38 g et 0,59 UFL pour le lot 2. Les rations tirées de la jachère étaient donc de meilleure valeur énergétique (+12%) que celle tirée par les animaux du lot 2 recevant de la PT ad libitum plus 212g d’orge (moyenne sur la période). 

 

La valeur nutritionnelle habituellement attribuée à la jachère en Algérie est de 250 UF par  hectare (Nedjraoui 2002) ce qui représenterait dans notre cas, une charge de 4 brebis à l’hectare pour la période avril à juin.

 

Sur chaumes (fin juin-fin septembre), le poids des sujets du lot 1 a été croissant jusqu’à la fin juillet: 100g de GMQ, soit des demandes théoriques en UFL de 0,85. Puis, il a décru: - 20g/j en fin août, -75g/j .à la sortie des chaumes fin septembre (Tableau 1)

 

Sur ce dernier support, le poids des animaux est plus fluctuant que sur jachère. Néanmoins, grâce à la croissance réalisée en juillet (où une charge de 12 sujets à l’hectare pouvait être assurée), le bilan entrée-sortie de chaumes est positif.

 

Fin septembre, pour le lot 1, laissé à la discrétion de l’éleveur en pratique traditionnelle le gain de poids a été de 2,2kg, soit, 2 fois plus faible que celui réalisé par le lot 2 (4,5 kg). Ces variations de poids, reflètent évidemment celles de la valeur alimentaire des chaumes. En juin-juillet, les chaumes juste après la récolte des céréales, encore riches en grains (jusqu’à 200kg/ha), sont au maximum de leur valeur, 320 UF à l’hectare selon Nedjraoui 2002. Elle ne serait plus que de 120-150 UF en octobre novembre. Il y a donc nécessité de compléter en enclos la ration chaumes, dès la fin du mois d’août.

 

Consommation de matière sèche et paramètres nutritionnels des 2 lots

 

La MSI a été mesurée seulement pour le lot 2. Elle a été en moyenne jusqu’à fin juillet de 83g /kgP 0,75 puis a diminué pour se stabiliser autour de 66g au mois de décembre. En moyenne sur toute la période, elle a été de 73g (Tableau 1). Cette ingestion est remarquable, comparativement aux valeurs répertoriées dans la littérature (48 à 60g/kgP0,75) obtenues dans des conditions de milieux similaires  et d’élevage de longue durée: Cordesse et al 1989, Chermiti et al 1994,  Yakhlef et al 2000, Triki et al 2010. La diminution de la MSI à partir du mois d’août s’explique par les fortes chaleurs qui sévissent en cette période et qui a un effet dépressif sur l’ingestibilité (Morand-Fehr et Doreau 2001). De même, une perte d’appétit pourrait être envisagée pour certains sujets en état de gestation avancée.

 

Après la mise bas, la MSI remonte légèrement, sans retrouver néanmoins, le niveau des mois de juin-juillet, l’appétit en effet,  diminue après la mise bas (Faverdin 2007). Pour les sujets du lot 1, outre la chaleur, la disponibilité alimentaire sur chaumes est normalement plus faible en septembre-octobre (Landau 2000, Houmani 2002).

 

Sur la période avril-septembre, le lot 1 a ingéré en moyenne 0,61 UFL contre 0,60 pour le lot 2. Néanmoins, les quantités d’UFL restant disponibles pour la croissance sont plus faibles (p< 0,01) pour le lot 1 en raison de la prise en compte d’un besoin d’entretien de 130% (Tableau 2). 


Tableau 2.  Paramètres alimentaire: période croissance modérée (avril-septembre) et lactation (décembre-février lot 2, février-avril, lot 1)

 

Lot 1

Lot 2

Période de croissance

P 0.75 poids initial + poids final/2, kg

12,21 a

12,41 a

UFL  ingérée (1)

0,61 a

0,60 a

BE, UFL/j

0,48 a

0,38 b

NA ration (1)                                                         

1,28 a

1,58 b

UFL ingérée – UFL BE (1)

+ 0,13 a

+ 0, 22 b

PDI ingérées, g/j (1)

36 a

45 b

BE en PDI, g/j

31 a

32 a

PDI ingérées – PDI BE, g/j (1)

5 a

13 b

GMQ mesuré, g

35 a

46 b

GMQ théorique permis par UFL ration, g (2)

41 a

69 b

GMQ, théorique permis par PDI ration, g (2)

23 a

59 b

Période de lactation

Poids moyen  mise bas, kg P 0.75

12,79 a

13,67 b

Poids moyen 30 jours lactation, kg

12,50 a

13,55 b

BE,  UFL/j                                    

0,49 a

0,41 b

UFL pertes de poids

0,09 a

0,04 b

UFLI qui a permis la production de lait calculée (1)

0,16 a

0,40 b

UFL alimentaire disponible, /j UFLI (1)

0,65 a

0,81 b

NA (1)

1,33 a

1,98 b

UFLI + pertes de poids, g/j (1) (3)

0,74 a

0,85b

Lait théorique UFLI + pertes de poids, g/j (1) (3)

391 a

687b

BE en PDI, g/j

32 a

34 a

PDI totales disponibles, g/j (1)

47 a

62 b

Lait théorique PDI ration+pertes de poids, g/j (1)

200 a

375b

Lait produit, g/j  

312 a

614b

(1) calculés pour les lots 1 et mesurés pour le lot 2, (2) : pour 50g de croît, 016 UFL et 11g de PDI, (3) : pour 500g de lait, 0,32 UFL et 0,38g de PDI , pour 50g pertes de poids : 0,13UFL et 11g de PDI. En ligne,  les valeurs  non suivies d'au moins une lettre commune, diffèrent significativement au seuil de 5%.


Le niveau alimentaire respectif qui en résulte est de 1,28 et 1,58. Le GMQ mesuré (35 et 46 g), correspond globalement à celui théorique calculé pour l’énergie et pour les PDI disponibles (Tableau 2).

 

Période de lactation

 

Les animaux entre le 3ème et le 5ème mois de gestation ne sont pas pesés. A la mise bas, le poids respectif enregistré était de 29,9 et 32,7 kg pour les lots 1et 2 et après 1 mois de lactation, de 29,0 et 32,3 kg, soit des pertes respectives de 0,9 et de 0,4 kg. Le lot 1 en élevage traditionnel a perdu 2 fois plus de poids. Ces variations sont en lien avec le niveau alimentaire atteint par les animaux en lactation, soit : 1,33 et près de 2,0 (Tableau 2).

 

La production laitière théorique qu’autorise l’apport énergétique de la ration et des pertes de poids du lot 2 s’ajuste bien à celle mesurée: 687g de lait théorique contre 614g mesurés, - 9% de différence. Cette dernière valeur est en  ligne avec celle de 600g relevée dans la littérature (Bennour 2002) pour des rations comparables à base de pailles traitées à l’ammoniac.  Pour les lots 1, la différence entre la production de lait mesurée (312g) et celle calculée (391g) est plus élevée mais acceptable compte tenu de la prise en compte avec un niveau d’ incertitude d’un besoin en énergie alimentaire d’entretien de 130% pour les animaux au pâturage, bien que l’ INRA 1978 le recommande. Pour les PDI et pour les deux lots, la production théorique est plus faible (<0,01) que celle mesurée (Tableau 2). La valeur azotée des rations ingérées serait probablement sous estimée notamment celle des PT, aliment non conventionnel.

 

Paramètres de reproduction des brebis et poids des agneaux

 

En moyenne, les antenaises pour les deux lots, ont été saillies à un poids moyen de 30,5 kg. Ce poids est inférieur à celui des deux tiers du poids adulte classiquement recommandé, soit 32  kg dans le cas de la race Ouled Djellal (Chellig 1992). Les mises bas étaient assez groupées pour le lot 2 mais étalées pour les lots 1. Elles ont débuté en novembre et finies en février, avec un pic (48%) en décembre pour le lot 2 et en avril (39%) pour le lot 1. 100% des brebis avaient agnelé en février pour le lot 2 contre seulement, 26% pour le lot 1 (Figure 1).



Figure 1.  Evolution et répartition des mises bas


Les ovins ont souvent une activité sexuelle saisonnée (INRA 2001). La race Ouled Djellal est peu saisonnée (Dekhili et Benkhlif 2005) avec néanmoins une activité sexuelle plus intense en automne et au printemps. La répartition des agnelages montre que, les saillies ont eu lieu plus particulièrement en automne. L’étalement plus faible des agnelages pour le lot 2, s’explique par l’effet bélier.

 

L’introduction de mâles (5 pour les 49 femelles dans notre cas) dans un groupe d’antenaises anovulatoires peut produire l’ovulation dans les 2 à 4 jours qui suivent puis installer un cycle normal de 17 jours (Thimonnier et al 2000, INRA 2001). Ce schéma est en accord avec les vagues de naissances, les béliers étant introduits au mois de juin. Pour le lot 1, ils sont en présence permanente dans le troupeau, l’effet bélier est inopérant.

 

Le poids respectif des agneaux à la naissance était de 2.6 et 3.3 kg respectivement pour les lots 1 et 2 (Tableau 3) ce dernier poids correspond à celui moyen (3,3kg) de la race Ouled Djellal (Dekhili 2004).


Tableau 3.  Paramètres de reproduction des brebis et poids des agneaux

 

Lot 1

Lot 2

Brebis mises à la lutte

49 a

48 a

Brebis mettant bas : novembre-avril

13 a

44 b

Nombre d’agneaux nés : novembre-avril

13 a

46 b

Poids à la naissance, kg

2.65 a

3.29 b

Poids à 1 mois, kg

5.21 a

7.23 b

GMQ 0-1 mois, g

68,3 a

133 b

Nombre d’agneaux sevrés

8 a

43 b

Taux de fertilité

27 a

92 b

Taux de prolificité

100 a

105 a

Taux de fécondité

27 a

96 b

Taux de productivité numérique

17 a

90 b

GMQ : gain moyen quotidien ,  en ligne,  les valeurs  non suivies d'au moins une lettre commune, diffèrent significativement au seuil de 5%.


Mais le poids des agneaux à 1 mois d’âge : 5.2 et 7.2 kg (Tableau 3) est inférieur à celui moyen national rapporté par le Ministère de l’agriculture algérien (8kg). Il est de 8,5 kg en élevage steppique (Bidaoui 1986), 9,7 kg en bergerie expérimentale (Dekhili et Mahnane 2004). De même, le GMQ des agneaux: 64 et 133g pour les lots 1 et 2 respectivement est éloigné du standard de la race en condition alimentaire optimale en station (190 à 200g). Ce dernier GMQ, correspond à une ingestion de lait d’environ un litre par agneau et par jour (Dekhili 2004). Pour nos animaux en bergerie, une augmentation de la quantité d’orge durant la période de lactation est souhaitable.

 

Sur la base de la productivité numérique (agneaux sevrés par 100 brebis), le lot 1 se révèle médiocre (17 agneaux) et le lot 2 très intéressant (90 agneaux). Ce dernier chiffre est plus faible que des valeurs obtenues (105 agneaux) avec des brebis primipares en bergerie expérimentale (Dekhili 2004) mais est comparable et même plus élevé (70-85) que les résultats obtenus par les éleveurs sur le terrain en année de bonne pluviométrie (Yahiaoui 1992). En moyenne, on a noté que, les paramètres de reproduction (Tableau 3): taux de fertilité, fécondité, prolificité et de productivité numérique (à l’exception du taux de prolificité) sont 3 à 4 fois plus élevés pour le lot 2 conduit en bergerie intégrale. Ces différences sont en corrélation directe avec les quantité d’UFLI sur la période de l’expérience qui est de 216 et 177.

                                                                                                        

La littérature est abondante sur l’effet de l’alimentation sur la productivité de la brebis. Elle favorise l’implantation de l’embryon et la constitution de réserves dans l’organisme,  augmente le poids de l’agneau à la naissance, qui lui-même, favorise le taux de sevrage donc la productivité numérique et pondérale (INRA 1983, INRA 2001).

                                                                                                             

Conclusion                                                             

L’objectif de ce travail était, face à un lot de brebis conduit de façon traditionnelle (lot1), de comparer les performances zootechniques d’un autre lot (lot 2) conduit en bergerie intégrale et nourrit uniquement avec des pailles traitées à l’ammoniac plus de l’orge en quantité modérée. Les résultats montrent un lien très fort entre niveau alimentaire et productivité des animaux. La paille traitée à l’ammoniac comme seul fourrage avec un complément modéré en orge constitue un bon système de production donnant des résultats comparables à ceux obtenus en bonne année de pluviométrie en élevage traditionnel. Elle a permis  de multiplier par quatre les résultats obtenus en élevage traditionnel durant la même période.

 

La paille traitée à l’ammoniac ou à l’urée mérite attention sur les hauts plateaux algériens où associée à l’orge et à la jachère, elle pourrait constituer un nouveau système de production ovine.

 

Mais en élevage traditionnel, une complémentation dès la fin du mois d’août sur chaumes serait souhaitable pour éviter des pertes de poids néfastes pour assurer une bonne période de gestation-lactation.

 

Références bibliographiques 

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Received 10 August 2010; Accepted 23 September 2010; Published 1 October 2010

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