Livestock Research for Rural Development 20 (6) 2008 | Guide for preparation of papers | LRRD News | Citation of this paper |
Maerua crassifolia est une plante fourragère très appétée. Une étude de viabilité et des performances germinatives a porté sur des graines récentes et sur des graines conservées à la température ambiante en laboratoire pendant deux ans. Différents traitements ont été appliqués à chaque lot de graines afin d’apprécier le temps de latence, la durée, la vitesse et le taux de germination selon la provenance et/ou l’âge.
Les valeurs des différents paramètres de germination, à l’exception du temps de latence sont meilleures pour les graines nouvellement récoltées. La durée de germination des graines âgées est extrêmement longue (54 jours) par rapport à celle des graines récentes (16 jours). De même, la capacité germinative des graines âgées est devenue assez faible (35%) comparée à celle des graines récentes (80 - 85%); elle n’a pas dépassé 60% après une attaque par l’acide sulfurique ou après un trempage dans l’eau.
Mots-clés: âge, germination, graines, Sahel, traitements, viabilité
Maerua crassifolia is a very good fodder plant. A viability and germinative performances study had focused on recent seeds and on old seeds preserved to the room temperature in laboratory during two years.
Different treatments had been applied on each share of seeds so as to appreciate the time of latency, the duration, the speed and the germination rate according to the source and/or the age. Values of the different parameters of germination, to the exception of the time of latency are best for newly harvested seeds. The duration of seed germination old is extremely long (54 days) as compared to that recent seeds (16 days). Similarly, the germinative capacity of old seeds had become weak enough (35%) compared to that of recent seeds (80 - 85%); it has not exceeded 60% after treatment with sulphuric acid or after a stay in the water.
Keywords: age, germination, Sahel, seeds, treatments, viability
Maerua crassifolia est un ligneux très sobre et très plastique (Boudet 1975). Adaptée aux conditions des zones arides où les pluviométries annuelles sont inférieures à 100 mm par an (von Maydell 1983), Maerua crassifolia est rencontrée de part et d’autre du Sahara et dans la péninsule arabique. La pluviométrie optimale pour cette espèce se situerait entre 300 à 700 mm par an. Dans ces milieux, l’espèce colonise des plaines, des dépressions et des dunes sableuses, des sols limoneux ou argileux. Elle est également présente en Afrique de l’Ouest et du Centre (Curasson 1954, White 1983). C’est donc une espèce adaptée à la fois aux conditions de sécheresse et aux sols pauvres.
Au Sénégal, l’espèce est présente dans le Nord, dans la zone du Ferlo où elle est souvent à l’état rabougri. Cet état des individus rencontrés traduit l’acharnement du bétail, particulièrement en saison sèche, en quête de fourrage vert.
La distribution de Maerua crasssifolia au Niger s’étend de la région de l’Aïr, au Nord, jusqu’aux régions méridionales (Saadou 1990). Cette espèce est très abondante dans la vallée de Dallol Bosso et particulièrement à la station sahélienne expérimentale de Toukounouss (Région de Tilabéri, Département de Filingué) où elle constitue avec Balanites aegyptiaca , les seuls ligneux fourragers ayant des feuilles (vertes) en saison sèche (Achard et Chanono 1995, Diatta et al 2004).
Au Niger, Maerua crassifolia est aussi utilisée dans l’alimentation humaine. En effet, les feuilles et les graines sont consommées par les populations. Ainsi, l’action du bétail combinée à celle de l’homme sur les individus de cette espèce rend compte de la pression subie dans les zones où elle existe. L’une des conséquences majeures est que les individus, surtout les jeunes, se développent difficilement. A cela s’ajoute l’attaque des graines par des insectes avant leur maturité, qui réduit considérablement les possibilités de régénération naturelle.
La domestication de l’espèce pour une utilisation dans les banques fourragères et/ou dans les systèmes agroforestiers passe, en particulier, par une amélioration de la connaissance de ses modes de propagation. C’est dans ce cadre que s’inscrit ce travail, qui examine prioritairement le pouvoir germinatif des graines.
Pour apprécier les potentialités germinatives des graines de Maerua crassifolia, nous avons successivement étudié leur viabilité, temps de latence, vitesse et durée de germination, pouvoir germinatif.
Les semences utilisées ont été réparties en deux groupes. Le premier groupe provient de la Station sahélienne expérimentale de Toukounouss (Filingué) et le second de la station agroforestière de la Faculté d’Agronomie de l’Université Abdou Moumouni de Niamey (UAM). Les graines de Toukounouss ont été récoltées sur des individus du peuplement naturel tandis que celles de Niamey proviennent des pieds issus de bouture.
Les graines de Toukounouss ont enfin été réparties en lots de graines nouvellement récoltées et conservées pendant environ deux mois (graines récentes) et en lots de graines anciennement récoltées et conservées en conditions ambiantes au Laboratoire de l’Institut de Radio-Isotopes de l’UAM pendant deux ans (graines âgées).
La Station sahélienne expérimentale de Toukounouss est située dans la cuvette du Dallol Bosso à 20 km de Filingué et à 200 km au Nord-Est de Niamey. Elle est localisée entre 14°29’ et 14°35’ N et entre 3°18’ et 3°21’ E. (Diatta et al 2004). La station agroforestière est située à 13° N et à 2°08' E à une altitude de 216 m (Yenikoye 1986).
La viabilité des graines a été déterminée en utilisant d’une part des graines récentes et d’autre part des graines âgées. Le protocole de Moore (1985) a été utilisé. Le tégument des graines préalablement trempées dans l’eau est enlevé et une incision longitudinale est effectuée à travers l’endosperme. Les graines ainsi « scarifiées » sont plongées dans une solution de Tétrazolium (1% de triphényl 2, 3, 5 chlorure de tétrazolium) pendant 9 heures à 35°C dans l’obscurité.
La coloration topographique de l’embryon, des cotylédons, de la radicule et de l’endosperme de la graine permet d’apprécier la probabilité de germination selon l’échelle de Moore présentée dans le tableau 1.
Tableau 1. Echelle de coloration des différentes parties de la graine (Moore 1985) |
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Echelle |
Description |
Viabilité |
1 |
Coloration rouge uniforme de l’embryon et radicule |
Très haute probabilité de germination |
2 |
Coloration rose pâle de l’embryon et radicule |
Haute probabilité de germination |
3 |
Moitié des cotylédons non colorés |
Faible probabilité de germination |
4 |
Radicule non colorée ou endommagée |
Pas de germination |
5 |
Pas de coloration |
Pour associer des valeurs numériques à l’échelle de Moore, 50 graines de chaque type ont été réparties dans 10 boîtes de Pétri (5 graines par boîte) et mises à germer sur du papier filtre imbibé d’eau distillée; elles ont constitué les lots témoins (TT).
Pour comparer les potentialités germinatives des différents types de graines, des lots ont été ensuite soumis à des traitements chimiques ou mécaniques. Des graines ont été ainsi trempées dans l’acide sulfurique concentré (95%) durant 25 mn (TAC) ou dilué (1 N) pendant 5 mn (TAN). D’autres lots de graines ont été trempés dans l’eau pendant 36 heures (TH2O).
La scarification mécanique a consisté en une incision totale (TMT) ou partielle (TMP) du tégument sur le côté opposé au micropyle.
Afin d’apprécier le temps de trempage nécessaire pour obtenir le maximum de germination des graines âgées, nous avons utilisé une scarification chimique, qui a consisté en un trempage dans H2SO4 concentré pendant différentes périodes: de 1 mn jusqu’à 10 mn, soit T1 à T10, puis pendant 15 mn (T15), 20 mn (T20) et 30 mn (T30). Le substrat de MS0/2 au phytagel (3 g/l) ajusté au pH de 5,6 a été utilisé comme milieu de semis. Le semis est réalisé sous une hotte à flux laminaire afin d’éviter toute contamination et mis dans une étuve à germination réglée à 28°C.
Toutes les graines utilisées ont été ensuite doublement désinfectées à l’alcool (à 95°) par trempage pendant 30 secondes et à l’hypochlorite de sodium (eau de javel) dilué de moitié puis rincées à l’eau distillée. Elles ont été ensuite réparties dans des boîtes de Pétri, à raison de 5 graines par boîtes et de 10 boîtes par traitement, soit 50 graines par traitement.
- pour le critère de germination, de la percée du tégument par la radicule pour les graines mises à germer sur boîtes de Pétri;
- les paramètres de germination,
· du temps de latence, temps mis entre le semis et l’apparition de la première radicule;
· de la vitesse de germination, temps au bout duquel 50% des graines ont germé;
· de la durée de germination, temps entre la première et la dernière germination pendant la période d’observation;
· du taux de germination (appelé encore capacité germinative ou pouvoir germinatif), qui est la proportion de graines ayant germé pendant la durée de l’observation.
Les graines testées appartiennent aux classes 1 et 2 de l’échelle de Moore (Tableau 1) c’est-à-dire des graines à très haute probabilité de germination et des graines à haute probabilité de germination. Ces deux groupes correspondent respectivement aux semences récentes et aux semences âgées. La conservation dans ces conditions a agi sur les probabilités de germination.
Aussi la viabilité n’a pas présenté de différence en fonction de la provenance (Niamey ou Toukounouss) ou du type de graines (issues de bouture ou de pieds du peuplement naturel).
Il a varié de 2 à 5 jours selon les traitements (Tableau 2).
Tableau 2. Temps de latence, vitesse, durée (jours) et taux (%) de germination des graines de Maerua crassifolia selon l’âge (mois), les origines et traitements |
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Origine |
Age |
Traitements |
Latence |
Vitesse |
Durée |
Taux |
Boutures |
02 |
TT |
5 |
5 |
8 |
86 + 10 |
TAC |
4 |
3 |
7 |
90 + 8,5 |
||
TAN |
4 |
3 |
14 |
86 + 8,0 |
||
TH2O |
2 |
4 |
10 |
78 + 11 |
||
TMT |
3 |
4 |
9 |
74 + 5,0 |
||
TMP |
5 |
4 |
8 |
54 + 5,5 |
||
Graines (Peuplement naturel) |
TT |
5 |
5 |
9 |
80 + 11 |
|
TAC |
4 |
3 |
7 |
90 + 8,0 |
||
TAN |
4 |
3 |
12 |
90 + 9,0 |
||
TH2O |
4 |
4 |
12 |
84 + 10 |
||
TMT |
3 |
4 |
5 |
72 + 10 |
||
TMP |
5 |
4 |
9 |
66 + 10 |
||
24 |
TT |
5 |
- |
60 |
36 + 10 |
|
TAC |
3 |
52 |
62 |
60 + 7 |
||
TAN |
3 |
- |
62 |
36 + 12 |
||
TH2O |
5 |
16 |
25 |
60 + 5 |
||
TT: témoin; TAC: H2SO4 concentré; TAN: H2SO4 dilué; TH20: eau; TM: scarification mécanique Totale et Partielle |
Tous les lots témoins ont germé à partir de 6ème jour, donc après un temps de latence de 5 jours, tandis que les graines ayant séjourné dans l’eau de robinet ont germé à partir 3ème jour pour les graines issues des plants de bouture et du 4ème jour pour les graines issues des pieds du peuplement naturel. Les graines conservées en laboratoire ont aussi germé sur du papier filtre imbibé d’eau, donc sans aucun traitement, à partir du 6ème jour aussi.
Le trempage dans l’acide sulfurique concentré ou normal a réduit le temps de latence; à 3 jours pour les graines âgées et à 4 jours pour les graines récentes.
Au niveau des graines récentes, li n’y a pas eu de différence de temps de latence que les graines soient issues de pieds provenant de bouturage ou de pieds en peuplement naturel.
Pour les graines âgées, le trempage dans l’eau (TH20) ou les lots témoins (TT) ont présenté le même temps de latence, 5 jours.
Les scarifications mécaniques totale et partielle ont été moins efficaces que le séjour dans l’eau; le temps de latence a en effet varié de 3 jours pour TMT à 5 jours pour TMP quelle que soit l’origine des graines. Les graines partiellement incisées ont ainsi présenté un temps de latence comparable à celui des lots témoins.
Les graines ayant subi la scarification chimique ont atteint leur vitesse de germination optimale en 3 jours, celles qui ont été incisées totalement ou partiellement en 4 jours. Les graines des lots témoins ont donné 50% de germination en 5 jours. La vitesse de germination ne dépend donc pas de l’origine des graines.
Les graines conservées durant 2 ans, ayant séjourné dans l’eau ou traitées par l’acide concentré ont atteint leur vitesse optimale en 16 et 52 jours, soit au 21ème et 55ème jours du semis. Les lots témoins comme ceux ayant été traités par l’acide sulfurique dilué n’ont pas donné ce taux, même après 2 mois de suivi.
La vitesse de germination ne semble pas dépendre de la provenance des graines mais des traitements auxquels elles ont été soumises. En effet les lots ayant subi une scarification chimique ont présenté les vitesses de germination les plus élevées, suivies de ceux ayant subi la scarification mécanique ou le trempage dans l’eau pendant 36 heures.
La vitesse de germination paraît liée aussi à la durée de conservation. Les graines récoltées nouvellement ont présenté une vitesse de germination plus élevée que celles ayant été conservées pendant 2 ans. Dans ce groupe, des lots n’ont pas atteint ce taux; c’est le cas des graines des lots témoins ou des graines des lots soumis à l’acide sulfurique dilué. La conservation diminue la vitesse de germination.
La capacité germinative la plus élevée (90%) a été observée le 11ème jour du semis sur les graines nouvellement récoltées et traitées à H2SO4. Elle a été de 60% en 60 jours pour les graines conservées et ayant subi le même traitement, soit une différence de 30%.
Pour ces mêmes graines, ayant séjourné dans l’eau pendant 36 heures, nous avons obtenu le même taux de germination, 60% pour un suivi de 32 jours.
Les taux de germination des lots témoins ont été de 86% en 13 jours pour les graines issues de bouture, 80% en 14 jours pour celles issues du peuplement naturel et de 35% en 60 jours pour celles conservées pendant 2 ans. Le même taux a été observé avec les vieilles graines traitées avec H2SO4 dilué en 62 jours.
La durée de germination la plus brève a été observée avec les graines issues du peuplement naturel et dépourvues de tégument; elle a été de 5 jours avec un taux de germination de 52%. La durée la plus longue (14 jours) a été observée avec les graines issues de bouture et traitées à l’acide sulfurique dilué pour un taux de germination de 86%.
La durée de germination a été très variable d’un traitement à un autre tandis que la capacité germinative a été considérablement améliorée par le traitement à l’acide sulfurique. Les traitements mécaniques ou le trempage dans l’eau ont donné des taux de germination inférieurs aux lots témoins.
L’échelle de Moore (1985) permet d’apprécier la probabilité de germination d’un lot de graines à partir de la coloration des différentes parties de la graine.
En ce qui concerne les graines de Maerua crassifolia, le groupe I qui contient des graines à très haute probabilité de germination correspond à des lots de graines dont la capacité germinative a été de 80 - 86% tandis qu’au groupe 2 ou de haute probabilité de germination ont appartenu des lots de graines dont la capacité germinative a été de 36 + 10%.
Ainsi il apparaît que les graines nouvellement récoltées ne présenteraient qu’une faible inhibition (tégumentaire), rapidement levée par une brève attaque par l’acide sulfurique. Le pouvoir germinatif des semences âgées et appartenant au groupe 2 de Moore en revanche a été relativement faible comparé au groupe 1. Ce faible pouvoir germinatif de ces lots de graines pourrait traduire une inhibition tégumentaire consécutive au durcissement, à l’assèchement et à l’imperméabilisation des enveloppes pendant la longue période de conservation.
Le temps de latence des semences n’a pas varié en fonction du temps de trempage dans l’acide. Il est de 2 jours pour TAC, de 3jours pour T1, T2, T5, T9, T10, T20 et T25. Au 6ème jour, tous les lots ont présenté des graines germées; le temps de latence n’a cependant pas dépassé 5 jours pour tous les traitements.
Peu de lots ont atteint une vitesse de germination optimale; ce sont TH2O (16 jours), TAC (28 jours), T30 (45 jours), T7 (52 jours) et T15 (45 jours).
La durée de germination a été aussi étalée de 38 jours (TT) à 50 jours soit au 54ème jour après semis (T15). L’accroissement des taux de germination le plus important a été observé entre le 10ème et le 20ème jours (figure 1). Le taux a varié en effet de 6 à 20 % pour TT, 8 à 22 % pour T5 et 10 à 24 % pour T1. Le taux maximum de germination a été de 38 % (T9).
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La capacité germinative des lots n’a pas varié proportionnellement au temps de trempage dans l’acide sulfurique ou l’eau (Figure 2). En effet, avec T7 nous avons observé un taux de germination de 52% et 40% pour T8, 46% (T10) ou 42% pour T20.
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La capacité germinative la plus élevée (60%) a été observée avec T25 ou dans l’eau et la plus faible avec T2 (28%). Sans aucun traitement, le pouvoir germinatif de ces graines a été de 36%.
A partir de T25, la baisse du pouvoir germinatif des graines paraît importante (8% entre T25 et T30). Eneffet, les différences entre T1-T5, T6-T10, T10-T15 sont de -6, -2, +4% respectivement. Une attaque de 25 mn par H2SO4 paraît ainsi suffisante pour améliorer la capacité germinative. Cela confirme l’existence d’une inhibition tégumentaire. Des embryons pourraient aussi être morts compte tenu des conditions de conservation. Ces lots de graines peuvent être considérés en fait à haute possibilité de germination.
La viabilité des graines ne dépend pas de leur origine. En effet les graines nouvellement récoltées proviennent des plants issus soit de bouture, soit du peuplement naturel. Dans le peuplement naturel, puisque nous ne pouvons pas indiquer l’origine des pieds (semis ou drageonnage), nous avons donc à priori admis qu’il s’agissait de pieds issus de semis. Les graines des deux provenances soumises au test de Moore (1985) ont été classées dans le groupe 1 de l’échelle de Moore, donc des lots de graines à très haute possibilité de germination. Le taux de germination a été particulièrement élevé: 80-86% sans aucun traitement et 90-92% après un trempage dans l’acide sulfurique ou après un séjour de 36 heures dans l’eau.
Lorsque nous avons considéré le lot des graines âgées, le pouvoir germinatif a été de 36% pour les lots témoins. Ce faible taux de germination pourrait traduire soit une inhibition tégumentaire (le tégument ayant complètement séché est devenu imperméable à l’eau), soit une dormance embryonnaire, soit les deux à la fois. Après une attaque à l’acide sulfurique ou après un trempage dans l’eau pendant 36 heures, la capacité germinative est passée à 60%. Cet accroissement confirme l’existence de l’inhibition tégumentaire. Toutefois, le taux de germination de ces lots de graines de 2 ans reste globalement faible en raison soit d’une immaturité de certaines graines lors de leur récolte soit d’une importante mortalité de l’embryon. La conservation a donc agi sur la viabilité de ces lots de graines. Ainsi la viabilité diminue avec l’âge des graines.
Le temps de latence n’a varié ni en fonction de la provenance, ni de l’âge des graines. Tous les lots témoins ont présenté en effet le même temps de latence. Cela corrobore les observations de Salifou (2002) et de Diatta (2002). C’est donc un caractère lié à l’espèce.
Lorsque l’on considère les traitements utilisés pour améliorer la capacité germinative des différents lots de graines, seul le séjour dans l’eau pendant 36 heures a permis d’observer des résultas différents: 2 jours pour les graines issues de bouture et 4 jours pour les graines du peuplement naturel. Les graines du peuplement naturel ont mis plus de temps à s’imbiber. Ce phénomène est encore plus marqué chez les graines conservées pendant 2 ans. Ces deux lots de graines proviennent en effet du peuplement naturel, donc des zones plus difficiles, sur le plan des conditions éco-climatiques (Diatta et al 2004). Aussi l’incision partielle du tégument (TMP) ne paraît pas constituer un traitement efficace; le résultat est identique à ceux lots des lots témoins.
Les pieds ayant donné les graines utilisées sont de deux localités, Toukounouss et Niamey, (distantes de 200 km) les pluviométries annuelles sont de 370 et 500 mm respectivement (Salifou 2002). Niamey présenterait en outre un micro-climat particulier, en raison du fleuve. Cependant les graines d’une même période de récolte ont présenté le même pouvoir germinatif. Cela confirme bien l’origine des pieds de Maerua crassifolia de Niamey; ils sont issus de boutures à partir des pieds de Maerua crassifolia de Toukounouss: ce sont donc des clones.
Si les écarts entre les temps de latence des différents lots de graines sont relativement faibles, il n’en est pas de même de la vitesse, la durée et le du taux de germination. La vitesse de germination a varié de 3 à 5 jours pour les graines nouvellement récoltées. Avec les graines conservées, peu de lots ont montré des taux de germination atteignant 50% (tableau 2); il s’agit des lots ayant séjourné dans l’eau (16 jours) ou ayant subi l’attaque d’acide sulfurique concentré (52 jours). En affectant ainsi la durée de germination, l’âge des graines permet de distinguer des germinations de type groupé pour les graines nouvellement récoltées et de type étalé, sur plusieurs semaines, pour les semences âgées de 2 ans.
Quel que soit l’âge des graines, le trempage dans l’acide ou dans l’eau a amélioré leur capacité germinative. Ce résultat confirme les observations de Nongonierma 1970), Roussel 1984), Todd-Bockarie et Duryea (1993), Guèye (1997) et Mehdadi et al (2004). Ces traitements ont permis en effet de ramollir le tégument qui devient alors plus perméable tant à l’eau qu’à l’air.
Le temps de trempage dans l’acide sulfurique concentré des semences de Maerua crassifolia de 25 minutes est nettement plus court que celui nécessaire pour graines d’Acacia raddiana -40 à 80 mn- ou de Zizyphus mauritiana -1 à 4 heures- (Guèye 1997). Il reste en revanche plus long que celui nécessaire -10 mn- pour avoir des taux de germination de 100% des caryopses de Stipa tenacissima L., une graminée vivace, conservés pendant 2 ans (Mehdadi et al 2004) .
Le tégument devient de plus en plus coriace au cours de la conservation, ce qui retarde, voire inhibe l’imbibition ou l’entrée de l’air. Une des conséquences serait alors la mort des embryons. Quel que soit le traitement utilisé, la capacité germinative de ces lots de graines ne pourrait donc être améliorée.
La durée de germination a varié de 2 semaines (pour les graines récentes) à 2 mois (pour les graines âgées). Une longue durée de germination a été également observée par Trabaud et Casal (1989) sur des fruits de 5 mois de Rosmarinus officinalis. La conservation agit donc à la fois sur le tégument et l’embryon.
La germination des graines de Maerua crassifolia est de type groupé lorsque celles-ci sont nouvellement récoltées, de type étalé pour les graines âgées. Ces graines se conservent difficilement; le taux de germination des graines âgées a été globalement faible malgré les traitements utilisés. Inversement, la durée de germination a considérablement augmenté avec les graines âgées. En revanche, le temps de latence ne dépend ni de l’origine, ni de l’âge des graines; ce paramètre paraîtrait lié à la plante.
Dans la mise en place de banque fourragère, un séjour bref dans une solution diluée d’acide sulfurique des graines de Maerua crassifolia ou l’utilisation de graines récentes paraissent des conditions suffisantes pour produire abondamment de jeunes plants. Toutefois, la voie de propagation asexuée devrait permettre de réduire dans une certaine mesure la dépendance vis-à-vis des graines, qui sont de conservation difficile.
Ce travail est réalisé dans le cadre de la coopération inter-universitaire (entre l’Université Abdou Moumouni de Niamey et l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar). Il a bénéficié du soutien, combien précieux, de l’AUF et de la Station sahélienne expérimentale de Toukounouss (Filingué, Niger).
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Received 23 November 2007; Accepted 16 March 2008; Published 10 June 2008