Livestock Research for Rural Development 18 (7) 2006 Guidelines to authors LRRD News

Citation of this paper

Performances de l'élevage fermier du lapin dans la région de Tizi-Ouzou, Algérie
 

F Djellal, A Mouhous et S A Kadi*

Laboratoire de physiologie et nutrition animales, université de Tizi-ouzou
fariddjellal@yahoo.fr
*
Centre de Formation Professionnelle et de l'Apprentissage,Mechtras, Tizi-ouzou
kadisiammar@yahoo.fr


Résumé

L'objectif du présent travail est de déterminer la productivité du lapin d'une population locale élevé en conditions fermières. Une enquête (180 questionnaires distribués et 109 traités) a été réalisée au niveau de la région de Tizi-Ouzou appuyée par le suivi de quelques élevages pour confirmer les déclarations des éleveurs.

Les résultats de l'enquête sont : 5 mises bas/femelle/an (50 % des réponses), 5 à 8 nés totaux /femelle/mise bas (65 %) dont 4 à 7 nés vivants (53 %), sevrage entre 30 et 40 jours avec un poids variant de 400 à 600 g (50%). Le suivi a concerné 62 lapereaux depuis le sevrage (30 à 50 j) jusqu'à la vente (13 à 14 semaines). La vitesse de croissance est en moyenne de 12.25 g/j.

Mots clés: croissance, élevage fermier, lapin, productivité



Rabbit production on small farms in Tizi-Ouzou region, Algeria

Abstract

The purpose of the present research was to determine the productivity of local rabbit populations in small farm conditions. A survey (180 questionaries were distributed and 109 processed) was made in Tizi-Ouzou region supported by the study of one particular farm in order to confirm the farmers' replies.

The survey results were as follows: 5 litters/female/year (50% of replies), 5 to 8 offspring/female/litter of which 4 to 7 born alive (53%), weaning time between 30 and 40 days at a live weight from 400 to 600 g (50%). The farm study included 62 young rabbits from weaning time (30 to 50 days of age) till the selling time (13 to 14 week age). Average daily gain was 12.3 g.

Key words: Growth, rabbits, reproduction, small farms, survey


Introduction

L'élevage de lapin a toujours existé dans la région de Tizi-ouzou. En milieu rural, il revêt toujours un caractère fermier. Il se caractérise notamment par des conditions d'élevage rudimentaires. Le produit est destiné principalement à l'autoconsommation, le surplus étant vendu sur le marché local. En plus d'un apport non négligeable en viande de qualité à des familles démunies, ce type d'élevage constitue parfois une source de revenus supplémentaires pour le foyer (Lukefahr et Cheeke 1990a et Lukefahr et Cheeke 1990b).

Le présent travail a pour objectif d'évaluer la productivité de l'élevage traditionnel du lapin dans cette région.


Matériels et méthodes

Le travail se subdivise en deux parties : une enquête et un suivi sur le terrain.

Enquête

180 questionnaires ont été distribués dont 109 ont été traités. Le questionnaire est constitué de 25 questions et structuré en cinq rubriques.

Suivi

Un suivi sur le terrain de quelques élevages a été réalisé simultanément à l'enquête pour compléter et corroborer les informations de celle-ci.

- 62 lapereaux ont fait l'objet d'un contrôle de croissance durant 8 semaines.
- 22 lapines ont été également suivies en vue de mesurer leurs performances de reproduction.

Les données ont été soumises à une analyse statistique descriptive. Les résultats obtenus sont exprimés en pourcentage pour l'enquête et en fréquences et moyennes pour le suivi de croissance et de reproduction.


Résultats et Discussion

Enquête

66% des élevages sont conduits par des femmes. Cette distribution s'explique par la disponibilité de la femme rurale à s'occuper des petits élevages, la quasi-totalité des ménagères étant femme au foyer. Le but de ce type d'élevage, constituer un garde manger et apporter un plus d'argent aux revenus de la famille, n'est pas spécifique à l'Algérie; il est, à quelques détails près, commun aux régions rurales (Finzi et al 1989; Paul et al 2000).

L'unité de 1 à 4 femelles constitue la taille moyenne des élevages avec une fréquence de 80% (Tableau 1). Par contre celle de 5 à 8 femelles est moins fréquente (17%). Cette situation s'expliquerait par la limite des moyens consentis à cet élevage. Cet état est similaire à ceux observés dans les élevages traditionnels notamment Espagnols (Aguirre et al 2000), Cubains (Riverón 2000) et Polonais (Brzozowski et al 1998).


Tableau 1.  Répartition des élevages selon le nombre de lapines

Nombre de lapines reproductrices

Pourcentage, %

1 à 4

80.5

5 à 8

17

9 à 12

2.5


La distribution des élevages selon le nombre de mâles montre que la plupart des éleveurs (76%) ne possèdent que 1 à 2 mâles reproducteurs et 17% en possèdent 3 à 4. Cette répartition confirme le nombre réduit de femelles élevées par élevage. Finzi et al (1989) rapporte le même constat sur la population locale tunisienne.

Le dénombrement de jeunes par élevage indique une grande variabilité. La classe la plus importante est celle de 6 à 10 (38%). Ensuite vient celle de 11 à 15 lapins ( 20%). Souvent, les jeunes lapereaux sont gardés pour le renouvellement et pour l'autoconsommation. Nous observons tout de même des élevages avec 20 jeunes, voire plus.

La robe du lapin la plus courante est celle à couleur multiple (63%). Et environ 34% des élevages visités possèdent des lapins avec des robes de couleur uniforme. Les lapins élevés dans la région d'étude, mêmes s'ils sont considérés comme population locale, présentent clairement les signes d'une origine poly métisse exotique (néo-zélandais blanc, californien, fauve de Bourgogne). Ces derniers ont été introduits dans les élevages fermiers à travers les différents programmes de développement. Notamment, la décennie 1970 avec l'introduction du néo zélandais de couleur blanche, le californien de couleur blanche avec des extrémités noires et le fauve de Bourgogne et la décennie 1980 par l'introduction des hybrides comme Hyla et Hyplus de couleur blanche. 69% des lapins dont la robe est de couleur composée se distinguent par des robes à plages colorées nettement individualisées sur tout le corps. Cette mosaïque de couleur de la robe est probablement le résultat de croisements entre les animaux de population locale et avec ceux de races améliorées. Parfois la distinction avec précision de la robe est rendue difficile par la multitude de couleurs.

L'élevage est pratiqué à 70% dans de vieux bâtiments aménagés à cet effet alors que 30% des éleveurs le pratiquent à l'extérieur. Ce constat est identique à celui énoncé par Kpodékon et al (2000). Les cages sont fabriquées à base de matériaux tout venant, le plus souvent en bois, en grillage métallique ou en maçonnerie à 2 à 3 rangées de parpaings. Ces observations correspondent à celles rapportées par Kpodekon et al (2000) sur l'élevage de lapins au Bénin.


Tableau 2.  Différentes sources d’aliment

Type d’aliment

Fréquence, %

Végétaux

32.5

Restes de table

32.1

Produits d’agriculture

23.4

Aliment fermier

11.9


L'alimentation (tableau 2) est variable : restes de table, épluchures de légumes, pain sec, herbes de champs et des produits d'agriculture. Le caractère même de l'élevage (familial) explique le fait que les restes de table soient utilisés par beaucoup d'éleveurs. En effet, les ménagères donnent systématiquement ce qui est « à jeter » de la cuisine (déchets provenant de la préparation des repas mais aussi reste des repas eux-mêmes après manger) aux lapins et autres animaux de la basse cour. Quand aux végétaux, les éleveurs qui y ont recours (33 %) le font selon leur disponibilité et la saison. Beaucoup d'éleveurs ne disposant même pas de potager familial ne donnent pas de végétaux à leurs lapins. Les végétaux et les restes de table constituent la principale source d'alimentation dans ce type d'élevage ce qui est commun à plusieurs contrées dans le monde (Finzi 2006).

Certains éleveurs (12%) utilisent un aliment fermier, comme le son et l'orge. Ce constat est similaire à celui avancé par Barkok (1990) au Maroc et Aguirre et al (2000) en Espagne. Ces produits sont utilisés parce qu'ils sont à porté de main car utilisés dans l'alimentation des ruminants (bovins, ovins et caprins) dont l'élevage constitue souvent la principale activité du ménage.

Dans les élevages en colonie, les deux sexes ne sont pas séparés, d'où la non surveillance de l'accouplement, qui se traduit par des saillies spontanées. Ces résultats s'alignent sur ceux obtenus au Bénin par Kpodekon (1987). Il arrive aux éleveurs de s'échanger des mâles (68%). Ces échanges sont plus motivés par des caractéristiques pondérales et de reproduction. Les résultats montrent que 49% des éleveurs questionnés enregistrent un nombre de mise bas par femelle et par an allant de 3 à 6. Ce résultat se situe dans l'intervalle avancé par Riverón (2000) sur ce type d'élevage à Cuba. Toutefois, 7% des éleveurs estiment ce chiffre à 6 ou plus.

Les mises-bas sont beaucoup plus fréquentes au Printemps. Malgré les fortes chaleurs d'Eté, certains éleveurs (11%) signalent des mises bas dans cette période. 65% des élevages enquêtés annoncent que la taille de nés totaux et des nés vivants, sur l'ensemble des élevages visités, est respectivement de 7.62 et 6.50. Celle-ci se rapproche des résultats obtenus sur des animaux de population locale tunisienne par Kennou et Lebas (1990) et uruguayenne par Capra et al (2000), qui sont respectivement de 6.32 et 7,93 nés totaux et 6.20 et 7,25 nés vivants. La mortalité est observée à tout âge (tableau 3). Prés de 30% des éleveurs déclarent qu'elle est surtout fréquente entre 30 et 45 jours d'âge.


Tableau 3.  Distribution de la mortalité  en fonction de l’âge

Age, jours

Fréquence, %

Naissance

12.32

0 à 15

10.95

15 à 30

13.02

30 à 45

29.45

45 à 60

4.80

60 à 75

11.64

75 à 90

6.85

> 90

10.86


Ce taux de mortalité, inattendu à cet âge, peut s'expliquer par la simultanéité du déroulement de l'enquête avec l'apparition d'une maladie, qui a anéanti beaucoup d'élevages. L'origine et les causes de cette maladie n'étaient pas connues. La mortalité varie également selon la saison. Environ, 46% des élevages visités ont indiqué une forte mortalité au Printemps (Tableau 4).


Tableau 4.  Distribution de la mortalité  en fonction de la saison

Saison

Fréquence, %

Automne

4.58

Hiver

13.76

Printemps

45.88

Eté

35.78


En outre, 36% des élevages enquêtés signalent une mortalité élevée en Eté. Dans la moitié des élevages enquêtés, le poids des lapereaux aux alentours d'un mois est inférieur à 400 g. Alors que 45% annoncent un poids allant de 400 à 600 gr. Pour atteindre le poids de 2 kg, les éleveurs amènent cet age à 6 mois (30%). Par ailleurs, en élevage traditionnel dans les conditions marocaines, les lapins atteignent le poids de 1 à 1.7 kg entre le 3éme et le 5éme mois (Barkok 1990).

La majorité des éleveurs vendent leurs lapins à l'age d'1 à 2 mois et garde le reste pour le renouvellement des reproducteurs et l'autoconsommation. Kpodékon et al (2000) estiment l'age de vente des lapins au Bénin entre 4 et 6 mois.

Plus de la moitié des éleveurs signalent que l'élevage de lapin évolue progressivement. Cette évolution s'explique par les qualités intrinsèques à l'espèce et son adaptation à des environnements différents. Aussi son exploitation en petits élevages nécessite peu d'investissements et évite de grandes pertes comparativement à son exploitation en grands élevages.

Suivi de quelques élevages
Evolution de la vitesse de croissance

La meilleure vitesse de croissance (20g/j) est enregistrée à la 4éme semaine (figure 1). La moins bonne (7, 4 g/j) est enregistrée à la 6éme semaine. La croissance moyenne est de 12,25 g/j.


Figure 1.  Évolution de la vitesse de croissance post sevrage


Cette vitesse de croissance est similaire à celle rapportée par Barkok (1990) sur des lapins de population locale marocaine.

La croissance du lapin de population locale en élevage fermier reste lente. Cette dernière se double voire se triple lorsque les conditions d'élevage sont améliorées (Berchiche et Kadi 2002).

L'évolution de la courbe de croissance montre une irrégularité qui serait due au mode d'alimentation. Celui-ci est caractérisé par des changement brusques de sources alimentaires, la faiblesse des apports en nutriments de la majorité des matières premières mais aussi par la fréquence de distribution de la ration qui, elle, dépend non seulement de la disponibilité des sources alimentaires mais aussi de l'éleveur.

Performances de reproduction

Le nombre de mises bas réalisées par lapine et par an est de 4. Cette observation est voisine de celle obtenue par Sandoval et al (2000) sur des élevages traditionnels au Mexique (5 à 6 mises bas/femelle/an).

Les moyennes de nés totaux et nés vivants sont respectivement de 5.1 et 4.8 (Figure 2).


Figure 2.  Performances de reproduction


Ces valeurs sont inférieures à celles rapportées par Aguirre et al (2000) qui sont respectivement 8.7 et 7.8, obtenues sur des lapines de population locale Espagnoles.

Le nombre de lapereaux sevrés par portée est de 4 lapereaux (Figure 2). Ce résultat se rapproche de celui signalé par Kennou et Lebas (1990) ainsi que de celui rapporté par Sandoval et al (2000) et qui sont respectivement de 3.8 et 3.8 à 4.48.


Conclusion


Références bibliographiques

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Kennou S and Lebas F 1990 Résultats de reproduction des lapines locales tunisiennes, élevées en colonie et au sol. Option méditerranéenne. Série séminaire n° 8. 93 - 96.

Kpodekon M 1987 Le point sur l'élevage du lapin en république populaire du Bénin. Cuni-sciences N°4, fascicule 2.

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Riverón S 2000 Present situation of rabbit production in Cuba. Proceedings of the 7th World Rabbit Congress, Valencia (Spain) Cdrom.

Sandoval S, Rioja A and López M 2000 Production of pet rabbits in a Mexico's city farm.  Proceedings of the 7th World Rabbit Congress, Valencia (Spain) Cdrom.


Received 30 March 2006; Accepted 20 June 2006; Published 2 August 2006

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