Quelles races de vaches laitières faut-il élever au Vietnam?

 

Nguyen Xuan Trach 

Hanoi Agricultural University
nxtrach@hau1.edu.vn

Résumé 

 

Le présent article analyse les expériences d’élevage laitier au Vietnam et dans d’autres pays tropicaux.

 

Il a été observé que les races laitières de pays tempérés ne pouvaient pas complètement extérioriser leur potentiel à cause du stress dû aux conditions environnementales et à la plus faible valeur des ressources fourragères tropicales. Cet article montre également que les croisements de bovins de races locales avec des races laitières de pays tempérés entraîne une augmentation très importante de la production laitière comparée à celle des vaches de race locale. Cependant, une diminution des performances et des problèmes de mortalité élevée et de réduction de mortalité ont été observés lorsque le pourcentage de sang exotique dépassait 75%.

 

Il est donc recommandé de n’élever les races laitières d’origine tempérée que dans les régions d’altitude où le climat est frais et les conditions sanitaires et d’élevage sont favorables. En conséquence des croisements avec 50 à 75% de sang exotique sont recommandés dans la plupart des régions du Vietnam.

 

Mots-clés: croisements, races laitières exotiques, races locales, Vietnam

 

Abstract

 

What types of dairy cattle should be raised in Vietnam? 

 

The present paper analyses experiences of dairy cattle breeding in Vietnam as well as in other tropical countries.

 

It was shown that purebred temperate dairy cattle could not exhibit their full potential due to stressful environmental factor and low quality feed resources in the tropics. The paper also indicates that crossbreeding of local cattle with temperate dairy cattle led to a dramatic increase in milk yield compared with the local stock. However, a decline in performance and problems of high mortality and reduced fertility were observed as the level of exotic inheritance increased above 75 per cent.

 

It is therefore recommended that purebred temperate dairy cattle should be raised only in highlands where the climate is cool and sanitary and breeding conditions are favourable.  Crossbreds with 50 to 75% exotic inheritance are recommended in most regions of Vietnam.

 

Keywords: crossbreeding, exotic dairy breeds, local breeds, Vietnam

Introduction

 

La race est la première priorité dans l’élevage de la vache en particulier au Vietnam qui n’a pas de vache de race laitière autochtone. Devrait-on élever les vaches laitières hautement sélectionnées de haute production d’origine tempérée? Devrait-on, ou peut-on créer les types de vaches laitières qui s’accordent avec la situation du Vietnam? Quels géniteurs sont les plus rentables pour les éleveurs vietnamiens? Pour obtenir 200 000 vaches laitières en 2010 (afin de satisfaire 40% de la demande de consommation du lait au Vietnam), on a tendance à importer de nombreuses vaches laitières d’origine tempérée à haute productivité pour élever dans différentes régions du Vietnam. Est-ce une solution durable quant à la technique et à l’économie? La réponse n’est pas simple. Mais les expériences passées et les leçons qui en ont été tirées dans notre pays et dans d’autres pays tropicaux pour la recherche de vaches adaptées nous incitent à éviter de nouvelles aventures trop coûteuses. 

Bovins de races laitières des régions tempérées 

 

Pendant les années 1970, on a importé les vaches laitières Holstein de Cuba au Vietnam et on les a multipliées dans les plateaux où le climat était frais et assez semblable à celui des régions tempérées comme à Moc Chau (province de Son La) et Duc Trong (province de Lam Dong). Nos résultats obtenus sur quelques générations de ce troupeau (tableau 1): bien qu’il ait été tropicalisé à Cuba, sa productivité de lait et sa conformation diminuait de temps en temps.  

La production de lait moyenne du troupeau diminuait nettement pendant les premières années et le pourcentage d’avortement et de vêlage prématuré était très élévé (tableau 2). D’autre part, les vaches Holstein élevées à Moc Chau avaient des maladies parasitaires sanguines (surtout en été où les tiques se développaient), des mammites et des problèmes d’obstétrique. Donc, le taux d’élimination annuel était élevé. 

Avant 1958, des vaches noires et blanches chinoises ont été importées et élevées dans la ferme d’État à Ba Vi (Province de Ha Tay). Le bilan de 10 ans d’élevage a montré que la production de lait avait diminué de 50%, que le poids vif de la vache mère avait diminué de 25-30% et que le taux de mortalité des veaux nouveaux nés était de 80%. Ensuite, on a transféré ce troupeau à Moc Chau où sa production de lait a augmenté de plus en plus grâce au climat frais et aux meilleures condition d’élevage. On voit donc l’importance des facteurs climatiques et d’élevage quand on importe des vaches laitières d’origine tempérée.

 

Les expériences nous indiquent aussi que les vaches laitières à haute production d’origine tempérée ne peuvent pas extérioriser tout leur potentiel laitier à cause du stress dû à la chaleur et aux aliments de faible qualité. La raison essentielle est que plus la production est élevée plus l’effet négatif de la chaleur est important. Au moins 40% de l’énergie absorbée doit être libérée hors de l’organisme sous forme de chaleur (Orskov 2001). Dans un milieu chaud et humide, la perte de chaleur en excès des vaches tempérées est limitée à cause du faible pourcentage de la surface de la peau par rapport au poids. C’est pourquoi, la vache doit diminuer l’absorption des aliments pour résister à la chaleur dans les milieux chauds et humides. De plus, la qualité des aliments, surtout des aliments grossiers est souvent faible. Grâce à la longue sélection des vaches tempérées à haute production nourries avec des aliments riches, la capacité de leur appareil digestif (évaluée selon le pourcentage du poids de l’organisme) est beaucoup plus petite (environ 33%) que celle des vaches tropicales. Donc, même quand il fait frais, elles ne peuvent pas consommer suffisamment d’aliments tropicaux. La production de lait diminue à cause de la faible qualité et de la quantité insuffisante des aliments absorbés. Le tableau 3 montre la relation entre les facteurs climatiques et la productivité des vaches Holstein. Plus le climat est chaud et humide, plus la capacité de production laitière diminue. 

Tableau 3: Influence du climat tropical sur la production de lait des vaches Holstein (Johnson 1991)
Lieu d’élevage	Indice d’humidité (ITH)*	Productivité (kg/vache/jour)
Missouri	54	23
Mexique	73	9
Égypte	69	9
Guyana	77	6
* ITH = Index de Temperature-Humidité = T bulbe sec + (0,36 T point de rosée) + 42,2 °C

Syrstad (1991) a effectué un bilan de l’élevage des vaches laitières d’origine tempérée en milieu tropical: il y a eu quelques succès quand on a importé des vaches tempérées en climat tropical; mais dans la plupart des cas cela a été un échec, parfois de façon dramatique. Les maladies, le taux de mortalité très élevé, la diminution de la capacité de reproduction sont des phénomènes typiques constatées sur ces vaches et les générations suivantes. Les survivantes ne fournissent pas la production attendue. Leurs veaux nés dans l’environnement tropical ne produisent  pas autant que leurs mères. On doit donc élever les vaches de races laitières pures tempérées importées dans les régions où le stress de chaleur n’est pas trop important et où les facteurs d’élevage et de conditions sanitaires sont convenables.

 

Vaches croisées à orientation laitière 

 

Pour créer les vaches métissées à orientation laitière, on a croisé des taureaux Holstein avec des vaches métissées Sindhi. D’autre part, des vaches Sindhi, des vaches Jaunes et des vaches Sahiwal ont été aussi métissées avec des taureaux Holstein. Ces vaches métissées à orientation laitière possèdent différents niveaux sanguins de Holstein Friesian (HF) selon leurs niveau de croisement: F1 (1/2 HF); F2 (3/4 HF); F3 (7/8 HF); F4 (5/8 HF). En général, leur conformation et capacité de production laitière ne dépendent pas seulement du pourcentage de sang Holstein, mais encore de celui des vaches mères Sindhi ou Sahiwal. Si les mères possèdent plus de sang Holstein, elles ont un potentiel de production laitière plus élevé, mais ont une capacité d’adaptation au climat tropical plus faible. Si les vaches mères possèdent plus de sang Sindhi/Sahiwal, la conformation et la production laitière des vaches métissées sont meilleures.

 

On a suivi des vaches croisées entre des taureaux Holstein et des vaches Jaunes (Ha-Viet) élevées à Moc Chau pendant les dernières années de 1970: les F2 (3/4 HF) sont les meilleures (tableau 4). Quand le pourcentage de sang Holstein augmente (jusqu’à 7/8 HF), la production de lait et la capacité de reproduction diminuent. Même dans des environnements favorables où on peut bien élever les pur sang Holstein, les F2 (3/4 HF) sont meilleures que les F1.  

Cette observation est comparable aux résultats obtenus à Hochiminh-ville (Nguyen Quoc Dat 1999) avec des vaches métissées Ha-An (Holstein-Sindhi métissée) bien que ces vaches aient une production laitière beaucoup plus élevée (tableau 5). Quand le pourcentage de sang HF augmente (jusqu’à 3/4 HF), on constate une diminution de la capacité de reproduction et une augmentation du stress de chaleur (augmentation du rythme du souffle) qui entraine une diminution de la production de lait, une augmentation des maladies et un taux d’élimination assez élevé. 

Le croisement entre le taureau tropical et la vache laitière tempérée pour créer les vaches à orientation laitière est déjà réalisé depuis plus de cent ans dans plusieurs pays tropicaux. Plusieurs recherches nous indiquent que ce croisement fait augmenter nettement la productivité des F1 par rapport à la race locale. Les vaches des F1 vêlent plus tôt, ont une production de lait de 2 à 3 fois plus élevée, ont une durée de lactation plus longue et un intervalle entre vêlages plus court, bien que leur taux de mortalité et de maladie soit un peu plus élevé que celui des races locales. C’est grâce aux ressources génétiques étrangères qu’on peut obtenir ces bons résultats. Alors, on veut augmenter le pourcentage de sang étranger (taureau de race laitière tempérée) avec des vaches F2 pour augmenter la production de lait en croisant les vaches F1 et les taureaux d’origine étrangère. Pourtant, les résultats ne sont pas ceux attendus: plus ce pourcentage augmente, plus la production diminue et plus le taux de mortalité s’élève (tableau 6). 

On doit donc choisir les taureaux métissés pour stabiliser le pourcentage sanguin de race tempérée. On ne voit pas toujours de bons résultats quand on croise les F1 (F1x F1) (tableau 6) à cause de la ségrégation des générations suivantes qui fait diminuer la supériorité de croisement et changer beaucoup la couleur des poils des F suivants. Cela ne répond pas au goût des éleveurs. On voit facilement la supériorité du croisement entre les taureaux Zébu (tropical) et les vaches tempérées chez les F1 grâce à la grande différence de niveau génétique entre les deux races. Cette supériorité  joue un rôle important dans les environnements où plusieurs facteurs causent le stress. Pour stabiliser le pourcentage de sang surtout Holstein, on choisit souvent des taureaux métissés F2 (3/4 HF) dans les programmes de multiplication des races de vaches laitières dans certains pays comme la Thaïlande. 

Conclusions: 

 

On peut tirer les conclusions suivantes en se basant sur les résultats de recherche ci-dessus:

 

• Dans un environnement climatique et des conditions sanitaires et d’élevage favorables, les vaches laitières qui possèdent un pourcentage de sang de race laitière tempérée (HF) plus élevé augmentent davantage leur production laitière. Au contraire, dans un environnement difficile, elles résistent moins aux conditions défavorables. 

• Les vaches métissées avec 50-75% de sang de taureaux de race laitière tempérée (HF) peuvent être élevées dans différentes régions du Vietnam.  

• Les vaches laitières tempérées importées ne doivent être élevées que dans les hautes régions(climat frais; bonnes conditions sanitaires et d’élevage)

Références bibliographiques:

 

Johnson H D 1991 The lactating cow in the various ecosystems; environmental effects on its productivity. Feeding dairy cows in the tropics. FAO animal and heath paper 86: 9-21  http://www.fao.org/ag/aga/agap/frg/AHPP86/Johnson.pdf

 

Nguyen Quoc Dat 1999 Quelques caractères de races des vaches métissées (Holstein Friesian x Sindhi métissée) orientées au lait élevées à HCMV. Thèse de science agricole. Institut Vietnamien de science et technique agricole

 

Orskov E R 2001 Sustainable Resource Management and Rural Development in Vietnam. Paper presented at a seminar on ruminant nutrition held in Hanoi on 12 January 2001

 

Syrstad O 1988 Crossbreeding for increased milk production in the tropics. Norwegian Journal of Agriculture Sciences 2:197-185

 

Syrstad O 1991 The role and mechanisms of genetic improvement in production systems constrained by nutritional and environmental factors. Feeding dairy cows in the tropics. FAO animal production and health paper 86: 48-65  http://www.fao.org/ag/aga/agap/frg/AHPP86/Syrstad.pdf