Livestock Research for Rural Development 31 (9) 2019 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

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La chamelle laitière: pour une nouvelle stratégie durable de la filière lait en régions sahariennes; cas de la région de Ghardaïa, Algérie

Foudil Laameche1,2 et Abdelmadjid Chehma1

1 Université Kasdi Merbah Ouargla. Laboratoire des Bioressources sahariennes. Préservation et valorisation
f.laameche@gmail.com
2 Centre de Recherches Scientifiques et Techniques dans les Régions Arides, Biskra, 07000, Algérie

Résumé

Les composants de la durabilité manquent dans la filière lait de la région de Ghardaïa. Elle est techniquement moins maîtrisée, économiquement non rentable, et écologiquement non adaptée au contexte environnemental des régions arides. Cette étude vise à montrer que le potentiel laitier de l’élevage camelin est une des solutions pour renforcer la filière lait de la région. Les exploitations réalisent certaines performances qui font mériter de considérer la chamelle comme animal laitier et de développer ses potentialités, en soutenant un système d’élevage camelin laitier bien étudié et raisonné. En système intensif, les chamelles entrent plus tôt en production à l’âge de 3,96 ± 0,75 ans environ. La durée de lactation est plus longue 14,2 ± 2,7 mois et la durée du tarissement est mieux maîtrisée à 6,4 ± 1,6 mois seulement. De plus, l’intervalle entre deux mise-bas est devenu plus court (20,3 ± 2,5 mois). La mobilisation partielle du cheptel camelin en élevage intensif, avec une production de 1548± 303 litres/chamelle/lactation (lait trait), est capable de fournir 750 965 litres par an et de faire passer la contribution de la chamelle de 0,4 à 6,1% pour satisfaire aux demandes croissantes des populations urbaines de cette zone désertique.

Mots clé : dromadaire, durabilité, élevage camelin laitier, lactation, potentialités, région aride


The dairy she-camel: a new sustainable strategy of the milk sector in the Saharan regions; the case of Ghardaia region, Algeria

Abstract

The milk sector in Ghardaia region lacks the components of sustainability. It is technically not mastered, economically less profitable, and ecologically unadapted to the hostile environmental context of arid areas. The aim of this study is to discover the dairy potential of camel livestock as one of the solutions to reinforce the sector. The studied farms achieved a certain ameliorated level of performances which deserve to consider the camel as a dairy animal and develop its potentialities, by supporting a well studied and reasoned dairy farming system. In intensive breeding, the she-camels enter earlier in production at around 3.96 ± 0.75 years of age. The duration of lactation is longer 14.2 ±2.7 months and she-camels are dry just for only 6.4 ± 1.6 months. In addition, the calving interval became shorter (20.3± 2.5 months). At all events, the further partial mobilization of the camel herd with a production of 1548 ± 303 liters / she-camel / lactation, is able to provide 750,965 liters per year and increase the contribution of the camel from 0.4% to 6.1% to cover the growing demands of urban populations of this desert area.

Keywords: arid area, dairy farming, dromedary, lactation, potentialities, sustainability


Introduction

Le lait reconstitué et le lait de vache représentent 98,8% de la production laitière élaborée par la filière lait de la région de Ghardaïa (DSA 2010). La chèvre, la brebis et la chamelle (Camelus dromedarius) restent des espèces marginalisées dans la production laitière régionale. Cette situation reflète beaucoup des problématiques et des risques sur la filière et sa durabilité.

Pour une gestion durable de la filière lait, l’élevage laitier dans les régions sahariennes exige l’exploitation d’un matériel animal adapté. En effet les camelins revêtent un intérêt particulier, car ils interviennent dans des milieux où l'existence d'autres alternatives d'élevage serait aléatoire et onéreux (Narjisse 1989).

Il est désormais illogique que dans la région de Ghardaïa, le lait camelin ne représente pas plus de 0,35% de la production laitière, et que cette région saharienne qui dispose de plus de 110 éleveurs bovin laitier selon la DSA (2010), enregistre à peine 11 éleveurs camelins laitiers agréés dans la filière lait. Le lait de chamelle produit n’est ni conservé, ni transformé, et les quantités non consommées sont jetées (Chehma 2003). Le but de l’étude est de montrer que la chamelle a une productivité meilleure en élevage intensif et qu’elle mérite d’occuper une place plus importante que maintenant dans la filière lait de cette région.


Matériel et méthodes

Ce travail tente d’évaluer l’état des composants de la durabilité de l’élevage laitier dans la région de Ghardaïa à travers la bibliographie et l’analyse des rapports de la direction des services agricoles (DSA) de la région de Ghardaïa. L'objectif essentiel est de procéder à un diagnostic de la conduite d’élevage des chamelles laitières dans le système intensif. La démarche du travail s’est faite comme suit :

Choix des exploitations produisant le lait des chamelles (dromadaires femelles)

Nous avons pu étudier durant la période de mars à juillet 2014, huit (8) exploitations produisant du lait de chamelle, réparties dans différentes daïras et communes de la région de Ghardaïa (Tableau 1) et 86 chamelles soit 73% des éleveurs inscrits dans la filière lait cameline et 68% des chamelles identifiées dans cette filière (126). Le choix de ces exploitations laitières a été dicté par la pratique du système d’élevage intensif.

Tableau 1. Présentation des différentes exploitations laitières étudiées (des éleveurs inscrits dans la filière lait cameline)


Exploitation

Daïra

Commune

Nombre total de têtes
camélines inscrites

Nombre de
chamelles

Population

1

Ghardaïa

El-Atteuf

48

25

Sahraoui, Targui

2

Ghardaïa

Daïa Ben Dhahoua

15

07

Targui

3

Metlili

Metlili

10

04

Sahraoui, Targui

4

Ghardaïa

Daïa Ben Dhahoua

09

04

Sahraoui, Targui, Telli

5

El-Ménéa

El-Ménéa

09

04

Sahraoui, Targui, Reguibi

6

Metlili

Metlili

08

04

Sahraoui, Targui

7

Ghardaïa

El-Atteuf

42

20

Sahraoui, Targui

8

Ghardaïa

Bounoura

43

18

Telli, Sahraoui

Total

 

184

86

Diagnostic de l’élevage

Un diagnostic a été fait à partir d’un questionnaire préparé sur la conduite d’élevage camelin, à travers quatre aspects :

Caractérisation des exploitations

La caractérisation englobe certaines informations qui donnent un aperçu sur la structure et la spécialisation des exploitations.

La production laitière

L’estimation de la production laitière passe par l’enregistrement des quantités de lait récolté, et des quantités produites par les chamelles suivies c’est-à-dire les quantités récoltées ajoutées aux quantités du lait d’allaitement des chamelons. Ces dernières ont été évaluées par un exercice estimatif avec l’éleveur (durée quotidienne d'allaitement, nombre des quartiers laissés au chamelon lors de la traite, potentialité laitière de la chamelle).

La conduite de l’alimentation

Elle a été étudiée à partir les pratiques alimentaires des éleveurs et l’analyse des rations alimentaires distribuées.

Paramètres de production laitière et de reproduction

Ces paramètres ont été enregistrés d’après les déclarations des éleveurs enquêtés.


Résultats et discussion

La réalité de la filière lait dans la région de Ghardaïa

La part très importante du lait reconstitué (issu de lait en poudre importé) dans la production laitière totale de la région (43,2%), exprime un fort degré de dépendance de l’industrie laitière vis-à-vis du marché extérieur (Tableau 2).

Tableau 2. La production laitière commercialisée, le nombre des têtes et la part de chaque espèce dans la situation de la filière lait de la région de Ghardaïa en 2010 (DSA 2010)

Type du lait

Nombre
de têtes

Production
laitière (l par an)

Production
laitière (%)

Vache

1 622

6 804 457

55,6%

Chèvre

692

99 632

0,8%

Chamelle

170

43 200

0,4%

Brebis

0

-

0,0%

Lait reconstitué

-

5 280 174

43,2%

TOTAL

2 484

12 227 463

100%

D’autre part, l’élevage bovin laitier (base de la filière de la région) présente des contraintes impérieuses :

Les contraintes liées à l’alimentation

En considérant le facteur eau et les faibles précipitations, la Surface Agricole Utile (SAU) exploitée se limite aux seules superficies bénéficiant d’une ressource hydrique (forages, puits). La SAU réellement exploitée ne représente qu’une infime partie de la superficie totale de la wilaya soit 0,31 % (DSA 2009). A cet effet, pour une population de 396 452 habitants, la SAU par habitant reste très faible ; elle atteint au niveau de la wilaya seulement 0,08 ha/habitant.

La limitation des superficies agricoles utiles dans les régions sahariennes, oriente l’agriculture vers des cultures à forte plus-value. Par conséquence, les surfaces réservées à la culture fourragère ne dépassent pas 6,3% de la surface agricole utile (DSA 2009) (Tableau 3). Pour 94,3 % des exploitations, aucun calendrier fourrager n’est suivi (Chaabena 2007).

Tableau 3. Les productions fourragères dans la région du Ghardaïa (DSA 2009)

Années

Quantités
récoltées
(Qx)

Superficie
réalisées
(ha)

Superficies
récoltées
(ha)

Orge en vert

28 3000

1900

1900

Luzerne

46 200

Avoine en vert

9 000

Sorgho

28 500

Autres

-

Total

366 700

1900

1900

Qx Quintaux

Cette situation induit un bilan fourrager déficitaire en énergie (UF), et d’une grande importance en protéines (PDI) (Amellal 1995). Les disponibilités alimentaires des exploitations de la région sont toujours attachées à la production fourragère nationale et aux importations massives de maïs et de soja.

En effet, les rations distribuées aux vaches laitières, dans la région de Ghardaïa, présentent des quantités excessives de concentrés et un apport fourrager de qualité médiocre, ce qui influe directement sur la rentabilité de cette activité d’une part et d’autre part sur la santé (météorisation, infertilité de vaches) et la qualité du lait produit (Senoussi et al 2010). Cet état montre le caractère « hors sol » de l’élevage bovin laitier.

Contraintes liées au milieu écologique

Les facteurs climatiques agissent négativement sur les bovins de races importées, au vu de la chaleur estivale qui dépasse la moyenne de 34°C influençant la production laitière au-dessus des intervalles thermiques [+27°C - +30°C] (Senoussi et al 2010). A cet effet, la quantité de lait produite a connu un taux de régression dramatique (-130% ; -120%) et des valeurs extrêmes (31 à 13,5 ; 26,5 à 12), pour les races Holstein et Montbéliarde, respectivement, lorsqu’on est passé de la thermo-neutralité à l’hyperthermie (Ouarfli et Chehma 2018).

Les problèmes économiques

L’alimentation représente le paramètre le plus important des charges opérationnelles de la production laitière. Des études élaborées sur des exploitations d’élevage des vaches laitières (Ouled Haddar 2008 ; Senoussi et al 2010) ont montré la faiblesse des revenus tirés par les producteurs.

Si l’aliment fourrager représente le principal facteur limitant, les rations demeurent basées sur les concentrés, et sans l’aide de l’Etat relative au soutien de la production du lait, l’éleveur se retrouve dans une situation déficitaire.

Cette conduite de la filière n’a pas permis d’atteindre l’objectif national de l’autosuffisance en matière de lait, depuis son introduction en 1983 dans la région. On peut estimer un taux d’autosuffisance de 23,7% en 2009 pour une ration laitière de 130 litres/an/habitant.

Diagnostic de l’élevage camelin laitier intensif
Caractérisation des exploitations

Les troupeaux comportent seulement 46,7 % de chamelles. Ils sont constitués aussi de beaucoup de jeunes et de quelques mâles. L’élevage poly-espèce caractérise 6 des exploitations suivies sur 8. Le troupeau camelin élevé dans les 8 exploitations étudiées est présenté dans le Tableau 4.

Dans l’échantillon étudié, l’élevage camelin laitier intensif compte un nombre moyen de chamelles laitières (Nagats) égal à 10,3, qui reste peu important par rapport aux projets d'intensification.

Les chamelons femelles « Bakrates » (âgées d’1 an à l’âge de la 1ère saillie) et les chamelons mâles (plus de 1 an) sont élevés en parcours sahariens, abattus ou vendus plus tôt, ce qui gêne la bonne préparation et la sélection des futures productrices.

Tableau 4. Composition du troupeau camelin des 8 exploitations étudiées

N° d’exploitation

1

2

3

4

5

6

7

8

Total

%

Catégories

Chamelles laitières (Nagats)

22

07

04

04

04

03

20

18

82

44,6

Chamelles taries

03

-

-

-

-

01

-

-

4

2,2

Chamelons femelles 1 an à âge 1ère saillie (Bakrates)

-

-

01

-

-

-

-

-

1

0,5

Géniteurs mâles (F'hels)

01

01

01

01

01

01

02

01

9

4,9

Chamelons mâles plus de 1 an (Makhlouls)

-

-

-

-

-

-

-

06

6

3,3

Chamelons mâles 0-1 an (Hachis)

11

02

02

01

02

00

11

10

39

21,2

Chamelons femelles 0-1 an (Bakrats)

11

05

02

03

02

03

09

08

43

23,4

Total

48

15

10

09

09

08

42

43

184

100

Parmi les 8 exploitations enquêtées ; seuls 3 éleveurs (n°1, 2 et 7) fixent le lait comme un objectif principal de production, car ils ont un contrat avec la laiterie Pâturage du M’Zab. L’objectif du reste des exploitations est mixte (viande -lait). Le lait produit est alors destiné à des finalités thérapeutiques.

Il ressort de cette caractérisation que l’élevage camelin intensif n’est pas encore spécialisé dans la production laitière.

La traite

Dans les exploitations étudiées, la traite se fait deux fois par jour sur deux quartiers, et dure 3 à 5 minutes. La moitié des éleveurs ne pratiquent pas de mesures d’hygiène comme le lavage de la mamelle. L’éleveur vise à récolter une quantité limitée du lait, selon la demande du marché.

Malgré que la chamelle représente une importance aux éleveurs enquêtés comme animal laitier, ils ne s’intéressent pas à intensifier ou améliorer son potentiel laitier.

La conduite de l’alimentation

Sur la totalité des exploitations, seuls 4 éleveurs utilisent une complémentation vitaminique par l’adjonction de CMV, et 2 autres utilisent des blocs à lécher pour la complémentation minérale, et le reste (2) n’utilise aucune forme de complémentation minérale. En outre, seules 4 exploitations mettent à la disposition des chamelles un apport de sel suffisant et permanent.

Excepté l'exploitation n°1, toutes les exploitations, limitent leur apport fourrager; alors que pour l'abreuvement, l’eau est servie à volonté dans des bassins collectifs, et seule l'exploitation n°3 rationne l’abreuvement, une fois tous les deux jours.

L’alimentation des chamelles laitières est moins maîtrisée, et le rationnement reste lié à l'expérience habituellement établie par les éleveurs, et n'a aucune liaison avec les besoins réels des chamelles ou les normes scientifiques établies.

Globalement, les éleveurs suivent un régime alimentaire strictement sec (absence de vert) et les rations pratiquées présentent un apport de concentrés massif et inutile (44% en moyenne du MS total de la ration) ; et par voie de conséquence, ces rations pratiquées présentent un déséquilibre nutritionnel et marquent globalement un gaspillage énorme énergétique et surtout protéique.

Les rations pratiquées par les éleveurs dans l'alimentation des chamelles laitières, sont plutôt des rations d'engraissement, car elles se caractérisent par une densité énergétique (DER) très élevée.

Paramètres de production et de reproduction

Les paramètres de production laitière et de reproduction sont rapportés dans les Tableaux 5 et 6.

Tableau 5. Paramètres de reproduction dans les 8 exploitations étudiées

Population

Effectif
de
chamelles

Age à la première
saillie (ans)

Age à la première
mise bas (ans)

Intervalle entre
mises bas (mois)

Moy

Min

Max

Moy

Min

Max

Moy

Min

Max

Targui

24

2,94a ±0,84

2

4

3,92a ±0,82

3

5

20,67ab ±2,1

15

26

Sahraoui

53

3,08a ±1,13

2

4,5

4,09a ±0,75

3

5,5

20,26a ±2,7

15

24

Telli

9

2,57a ±0,45

2

5

3,59a ±0,56

3

6

19,78b ±2,4

16

24

Moyenne

86

2,98 ±0,97

2

5

3,96 ±0,75

3

6

3,96 ±0,75

15

26

Les moyennes d’une même colonne portant les mêmes lettres sont identiques au seuil de 5 % d’après le test Anova



Tableau 6. Paramètres de production laitière dans les 8 exploitations étudiées par population de chamelles

Population

Effectif

Production de lait
journalière récoltée (l)

Production de lait
journalière totale (l)

Durée de
lactation (mois)

Durée du
tarissement (mois)

Moy

Min

Max

Moy

Min

Max

Moy

Min

Max

Moy

Min

Max

Targui

24

2,3a ±0,6

1,2

4,0

4,1a ±0,4

3,0

6,7

14,1a ±2,5

6

18

6,6a ±2,0

5

8

Sahraoui

53

3,6b ±0,8

2,0

5,7

6,3b ±0,9

4,0

8,0

14,2b ±2,8

7

18

6,2b ±1,5

6

9

Telli

9

5,0c ±0,5

3,9

6,0

8,6c ±1,4

6,9

11,0

13,4ab ±2,0

9

15

6,4a ±0,8

6

9

Moyenne

86

3,4 ±0,7

1,2

6,0

6,0 ±0,8

3,0

11,0

14,1 ±2,7

6

18

6,4 ±1,6

5

9

Les moyennes d’une même colonne portant les mêmes lettres sont identiques au seuil de 5 % d’après le test Anova

Il ressort que (Tableau 5), les chamelles sont saillies plus tôt (moyenne de 2,9 ans) par rapport à l’élevage extensif (3 à 5 ans avec une moyenne de 3,8 ans selon Ouled Laid (2008) et Oulad Belkhir (2008). En outre, l’intervalle entre deux mises-bas est plus court (moyenne de 20,3 mois contre 24 mois en extensif selon Ouled Laid (2008). Mais il n’est pas encore bien réduit car les éleveurs s’intéressent à un bon allaitement du chamelon pour le vendre en bon format, ils préfèrent donc un sevrage tardif et retardent la saillie jusqu’à la prochaine saison d’hiver-printemps. D’autres éleveurs s’intéressent à allonger la durée de lactation, pour vendre le maximum de lait.

Selon le Tableau 6, la durée de lactation est 14,1 mois en moyenne. Toutefois, la durée de lactation dépend de l’âge de sevrage et de la saillie, qui dépendent du choix et de la technicité de l’éleveur. Elle dépend aussi des conditions d’alimentation et de l’état sanitaire des chamelles, qui semblent bien maintenues en système intensif. La durée du tarissement est mieux maîtrisée (6,4 mois), qu’en condition extensives, où elle peut aller de 6 à 12 mois (Ouled Laid 2008).

La productivité laitière des chamelles algériennes n’a pas connu une évaluation exacte, par un contrôle laitier strict. Les chiffres sont très variables, selon plusieurs conditions, et issus en majorité d’enquêtes. Ce sont des estimations, qui parfois n’expriment pas clairement s’il s’agit de la production laitière totale et potentielle des chamelles, ou seulement des quantités récoltées.

Comparativement aux chiffres sur le lait récolté de la population Sahraoui (dominante du Sahara septentrional), la moyenne réalisée par les éleveurs (3,4 l/j) est plus élevée que celle citée par Adamou (2011) 2,48 l /j, ou celle cité par Ouled Laid (2008) 2 à 3 litres/j. Cependant, elle est plus faible que celle citée par Siboukeur (2008) 5,22 l/j.

Les conditions alimentaires améliorées en système intensif augmentent la production laitière de la chamelle, mais la collecte du lait reste limitée selon la demande du marché et le circuit lent de ce produit. La traite n’est pas bien maitrisée, et ne peut pas exprimer exactement les potentialités laitières de la chamelle.

La sélection appuyée sur les bonnes laitières dans certains endroits du monde, a amené des femelles de race Al-Majaheem (Arabie Saoudite) à produire 20 à 25 litres par jour ; et celles de race Arvana (Turkménistan) à réaliser des lactations de 5000-6000 l (Faye 1997).

A cet effet, selon les Tableaux 5 et 6, les chamelles Sahraoui et Telli peuvent présenter des indices encourageants pour la sélection. La production laitière totale indique un potentiel certain, mais elle peut sous estimer le potentiel réel, car il se rapporte à un taux de récolte de faible dû à la traite partielle de la mamelle.

Propositions stratégiques pour gérer la filière lait

La proposition est basée sur le développement de la production laitière caméline, caprine et ovine. Ces espèces sont plus adaptées au contexte environnemental des régions arides, et semblent indispensables pour une gestion durable de la filière lait.

En effet, les performances modestes réalisées dans les exploitations étudiées, n’empêchent pas que la chamelle peut contribuer à fournir une production importante du lait. Un simple exercice estimatif fait ressortir ce qui suit :

Donc ces 825 chamelles auraient une production annuelle de lait de 750 965 litres. Cette mobilisation partielle de la chamelle dans la filière lait peut augmenter sa contribution en production laitière totale en passant de 0,4% à 6,1%, et développer l’élevage camelin de façon globale.

Depuis le début du programme national de développement agricole (P.N.D.A), dans le nouveau millénaire, des subventions intéressantes ont été proposées pour revivifier l’élevage camelin dans les régions steppiques et sahariennes. L’aide de l’état a été fournie soit sous forme d’apports financiers directs pour chaque chamelon nouveau né, soit par l’approvisionnement en aliments concentrés, ou bien sous forme de programmes de couverture sanitaire pour le dromadaire (DSA 2010). Cependant, le programme du soutien d’élevage camelin a connaît des contraintes pratiques, dont le pourcentage des éleveurs bénéficiaires est variables. Selon Titaf (2018), le lait camelin est plus compétitif dans les régions ayant un taux élevé des bénéficiaires du soutien de l’alimentation, de la collecte et du conditionnement du lait. L’encouragement des éleveurs pour se rapprocher des zones urbaines et axes routiers met le lait plus proche des consommateurs et de leurs choix (frais ou pasteurisé). En outre, Les éleveurs veulent reprendre le programme suspendu de concours et sélection des meilleures chamelles laitières (Titaf 2018). Selon les éleveurs enquêtés, le bon soin des chamelles et leurs chamelons est la principale cause de l’entrée en étable de la saison de mise bas jusqu’au sevrage.

Ce système d’élevage camelin laitier, doit être raisonnable concernant la rentabilité économique et l’acceptation sociologique pour compléter tous les composants de la durabilité.


Conclusion


Références bibliographiques

Adamou A 2011 Potentialités laitières chez la chamelle Sahraoui dans la région du Souf. Recueil des résumés des communications des 6ème Journées de Recherches sur les Productions Animales, Université Tizi Ouzou-Algérie, 9 et 10 Mai 2011, 108-109.

Amellal R 1995 La filière lait en Algérie : entre l'objectif de la sécurité alimentaire et la réalité de la dépendance. In CIHEAM Options Méditerranéennes, Série B / n°14, 229-238.

Chaabena A et Abdelguerfi A 2007 Aperçu sur les cultures fourragères au Sahara septentrional Est. Annales de la Faculté des Sciences et des Sciences de l’Ingénieur, Université Ouargla- Algérie, Volume 1 N° 2, 13-20.

Chehma A 2003 Productivité pastorale et productivité laitière en Algérie. In Lhoste F. (édit.) Lait de chamelle pour l'Afrique. Atelier sur la filière laitière caméline en Afrique Niamey, 5-8 novembre 2003, Chapitre 2. FAO Production et Santé Animale, Rome, 2004, 43-51.

Chillard Y 1989 Particularités du métabolisme des lipides et du métabolisme énergétique chez le dromadaire. Options Méditerranéennes - Série Séminaires, 2, 101-110.

DSA 2009 Rapport périodique sur la situation de la production agricole de la région. Direction des Services Agricoles, Ghardaïa, pp14

DSA 2010 Rapport sur la filière lait. Direction des Services Agricoles, Ghardaïa, pp22.

Faye B 1997 Guide d’élevage du dromadaire. Edition CIRAD-EMVT, Montpellier, pp 126.

Narjisse H 1989 Nutrition et production laitière chez le dromadaire. Options Méditerranéennes - Série Séminaires – n° 2, 163-166.

Ouarfli L et Chehma A 2018 Effets du stress thermique sur les productions laitières des races européennes Holstein et Montbéliarde en zone saharienne. Livestock Research for Rural Development. Volume 30 (12). from http://www.lrrd.org/lrrd30/12/ouarf30211.html

Oulad Belkhir O 2008 Les systèmes d’élevages camelins en Algérie chez les tribus des Chaâmba et Touareg. Mémoire de Magister en Sciences Agronomiques, option Production Animale, Département des sciences Agronomiques, soutenu à Université de Ouargla – Algérie, pp 97.

Ouled Haddar H 2008 Diagnostic de la conduite d’alimentation des vaches laitières dans la région du Ghardaïa. Mémoire d’Ingénieur d’Etat en Sciences Agronomiques, option Production Animale, Département des sciences Agronomiques, soutenu à Université de Ouargla – Algérie, pp153.

Ouled Laid A 2008 Conduite de l'élevage camelin (région du Ghardaïa), Les paramètres de production et de reproduction. Mémoire d’Ingénieur d’Etat en Sciences Agronomiques, option Production Animale, Département des sciences Agronomiques, soutenu à Université de Ouargla – Algérie, pp142.

Senoussi A, Haïli L et Maïz H A B 2010 Situation de l’élevage bovin laitier dans la région de Guerrara (Sahara Septentrional Algérien). Livestock Research for Rural Development, Volume 22 (12). from http://www.lrrd.org/lrrd22/12/seno22220.htm

Siboukeur O 2008 Etude du lait camelin collecté localement : caractéristiques physico-chimiques et microbiologiques ; aptitudes à la coagulation . Thèse de doctorat en Sciences Agronomiques, option Sciences Alimentaires de l'Institut National Agronomique El-Harrach - Alger (Algérie), pp135.

Titaf A 2018 Constat sur la production du lait de la chamelle dans le Sud Ouest Algérien. Mémoire de master en Sciences Agronomiques, option production et nutrition animale, Université de Biskra – Algérie, pp 93.


Received 2 July 2019; Accepted 27 August 2019; Published 1 September 2019

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