Livestock Research for Rural Development 30 (6) 2018 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

Citation of this paper

Incorporation de 40% de drêche de brasserie dans l’aliment de lapins en engraissement : performances de croissance, d’abattage et efficacité économique

Z Harouz-Cherifi, S A Kadi1, A Mouhous1, M Berchiche1, C Bannelier2 et T Gidenne2

Département des sciences agronomiques, Faculté des sciences de la nature et de la vie et des sciences de la terre Université A.M. OULHADJ de Bouira. 10000. Algérie
cherifiz@yahoo.fr
1 Département des sciences agronomiques, Faculté des sciences biologiques et sciences agronomiques. Université M. MAMMERI de Tizi-Ouzou. UN1501.Algérie.
2 GenPhySE, Université de Toulouse, INRA, INPT, ENVT, Castanet Tolosan, France

Résumé

L’objectif de cet essai était d’évaluer la possibilité d’alimenter des lapins en engraissement avec un aliment composé de 40% de drêche de brasserie, disponible localement, en remplacement total du tourteau de soja importé. Au sevrage (35 jours), 68 lapins ont été répartis en deux lots identiques (poids vif moyen : 833 ± 128 g) et logés en cages individuelles jusqu’à l'âge d’abattage (77 jours). Chacun des deux lots a reçu à volonté, soit l’aliment commercial (témoin= D0), soit l’aliment expérimental (D40) contenant 40% de drêche de brasserie.

L’état sanitaire des lapins n’a pas différé entre les 2 groupes et l’indice de consommation a été dans les normes et similaire dans les deux lots (3,59 en moyenne). La vitesse de croissance et l’ingestion du lot D40 ont été similaires au témoin (35,5 et 130 g/jour), de même que le rendement à froid et le poids de carcasse (P>0,05). Les lapins des deux lots ont présenté des carcasses d’un bon état d’engraissement (gras périnéal : 25 g). L’efficacité économique a été 44% meilleure pour l’aliment D40, avec 36 DA de bénéfice par kg de viande produite. Ainsi, l’incorporation de 40% de drêche de brasserie dans l’aliment granulé pour lapin en engraissement, sans utilisation de tourteau de soja, a permis d'obtenir des performances zootechniques appréciables au même niveau que celles de l’aliment témoin.

Mots clés: Algérie, alimentation, compétition alimentaire, coût alimentaire


Incorporation of 40% brewer's grain in fattening rabbit diet: effect on growth performance, slaughter characteristic and economic efficiency

Abstract

The aim of this trial was to evaluate the possibility of feeding fattening rabbits with a feed composed of 40%, locally available, brewer's grain and without soybean meal. At weaning (35 days), 68 rabbits were divided into two identical groups (mean live weight: 833 ± 128 g) and housed individually until slaughter age (77 days). Each of the two groups (D0 and D40) received ad libitum either the commercial pelleted feed (D0) or the experimental pelleted feed (D40) containing 40% brewer's grain, barley, dehydrated alfalfa and wheat bran.

The health status of the rabbits did not differ between the two groups. The feed conversion was within the standards and similar in the two groups (3.59 on average). Growth performance and feed intake of D40 group were similar to control (35.5 and 130 g / day), just as cold yield and carcass weight (P> 0.05). The rabbits of both groups had a good fattening state of the carcass (perirenal fat: 25g). The economic efficiency was 44% better for the D40 feed, with a benefit of 36 DA per kg of meat produced. So the incorporation of 40% of brewer's grain in a fattening diet, and without soybean meal, resulted in same performances than the control feed.

Keywords: Algeria, feeding, feed competition, feed cost


Introduction

L'alimentation représente la plus grande part (70%) des coûts de production en élevage cunicole (Maertens et Gidenne 2016, Gidenne et al 2017). En Algérie, le prix de l’aliment granulé constitue une contrainte majeure qui entrave le développement de la cuniculture. En effet, la majorité des matières premières utilisées dans la formulation des aliments sont basés sur le maïs et le tourteau de soja, qui sont en concurrence directe avec l'alimentation humaine, et dont les prix ont tendance à sans cesse augmenter sur le marché mondial.

La recherche de sources alternatives ou de coproduits agro industriels disponibles localement est une approche intéressante dans une telle situation. L'objectif principal étant de construire des systèmes d'alimentation plus durables, incluant une réduction des coûts (Carabaño et Fraga, 1992, Lui et al 2004, Kadi et al 2011) et de l'impact environnemental.

Une caractéristique de la physiologie digestive de lapin est qu’il peut consommer une grande variété de coproduits agricoles ou agro-industriels (Gidenne et Lebas 2005), riches en fibres ou en protéines. Il est donc important de connaître les modalités d'incorporation de ces produits en alimentation cunicole comme source de fibres, de protéines ou d’énergie, tout en produisant une viande de qualité (Gidenne 2015).

La drêche d’orge humide est le coproduit principal de l’industrie de la bière, disponible localement, et largement utilisé en alimentation des ruminants. Elle représente environ 85% du total produit (Mussatto et al 2006) soit près de 20 kg/100L de bière produite (Reinold 1997). Des quantités importantes sont disponibles.

La drêche de brasserie est néanmoins un coproduit de qualité très variable, dont la composition chimique et la valeur nutritionnelle dépend de la graine utilisée, du procédé industriel (température, fermentation, etc.) ainsi que de la méthode de conservation. Ses teneurs en protéines (26,3%) et en fibres (NDF: 57% ; ADF: 22% ; ADL : 5,6%) en font un aliment très apprécié en alimentation animale (Heuzé et al 2017). Son utilisation en alimentation de lapins en engraissement a été déjà étudiée (Maertens et Salifou 1997; Berchiche et al 1999; Lounaouci–Ouyed et al 2008; Guermah et al 2016 ; Lima et al 2017 ; Harouz-Cherifi et al 2018), mais à des taux d’incorporation ne dépassant pas 30%. Ainsi et compte tenu de nos travaux antérieurs (non encore publiés) portant sur la valorisation des drêches de brasserie dans l’aliment granulé pour lapin en croissance pour des taux d’incorporation de 20 et 30%, il nous a paru intéressant de tester la possibilité d'augmenter encore ce taux d'incorporation de 10 points.

Notre étude a donc pour objectif d’évaluer l’effet d’incorporation d’un taux élevé de drêche de brasserie (40%), en remplacement total du tourteau de soja, dans l’aliment du lapin sur les performances de croissance, d’abattage, ainsi que sur l’efficacité économique et sa compétition avec l’alimentation humaine.


Matériel et méthodes

Les aliments expérimentaux

La drêche de brasserie a été fournie au mois de mars par une brasserie locale (Rouiba, Alger) sous forme fraîche (humide), puis a été séchée par étalage au soleil au CFPA de Mechtras (Tizi-Ouzou) dans un endroit abrité, sec et aéré. En raison du taux élevé de l’humidité de la matière (80%), elle a été étalée en fine couche sur une bâche en plastique et retournée deux fois par jour pour améliorer le processus de séchage et éviter la contamination bactérienne et fongique (Wyss 1997, Simas et al 2007). Après 5 jours, la drêche séchée a été mise en sacs, pesée et acheminée vers l’unité de fabrication d’aliment de bétail SARL «Production locale» sise à Bouzaréah (Alger) pour son incorporation dans l’aliment expérimental.

Un aliment expérimental (D40) contenant 40% de drêche de brasserie (Tableau 1), en retirant totalement le tourteau de soja, a été formulé à l’aide du logiciel WUFFDA ( http://world-rabbit-science.com/Documents/Formulation/Formulation-general.htm ), pour répondre aux recommandations nutritionnelles pour le lapin en engraissement (Gidenne et al 2015). Il a été comparé à un aliment témoin (D0) classique, contenant de l’orge, du tourteau de soja et de la luzerne et formulé dans les mêmes conditions (Tableau 1). Les deux aliments ont été présentés sous forme de granulés (4 mm de largeur et 10 mm de longueur).

Les animaux et déroulement de l’expérimentation

L’essai a été réalisé au niveau du clapier pédagogique du CFPA de Mechtras (Tizi-Ouzou, Algérie). 68 lapereaux de population locale blanche sevrés à 35 jours (poids moyen 833 ± 128 g) ont été répartis en deux lots égaux selon le poids vif initial et l’origine de la portée. Les lapins étaient issus d’un élevage commercial localisé à Tizi-Ouzou (35 km du site expérimental).

Les lapins ont été identifiés et placés dans des cages métalliques individuelles (56×38×28 cm) disposées en flat-deck. Ils ont été suivis de l'âge de 35 jours (sevrage) à l'âge de 77 jours. Le poids vif et la consommation alimentaire ont été mesurés chaque semaine, alors que la mortalité et la morbidité ont été enregistrées quotidiennement selon les recommandations de Fernandez-Carmona et al (2005). L’abreuvement a été automatique et ad libitum.

Pour des raisons de logistique, l’abattage a eu lieu le lendemain de la fin de l’expérimentation (77 jours d’âge + 1 journée). 20 lapins par lots, choisis dans le poids moyen du lot, ont été abattus à 10h00 du matin, sans mise à jeun préalable, dans des conditions contrôlées. Le poids du tube digestif plein, de la peau et de la carcasse chaude ont été mesurés juste après l’abattage selon les recommandations de Blasco et Ouhayoun (1996). Les carcasses ont été mises dans une chambre froide pour ressuyage à 4°C et ventilées pendant 24 heures. Ensuite, le poids de la carcasse froide, du foie, du gras périrénal, du gras inguinal, du gras scapulaire ainsi que la longueur dorsale et de la cuisse ainsi que la circonférence lombaire ont été mesurées selon les recommandations des mêmes auteurs.

Analyses chimiques des aliments

La composition chimique des aliments a été réalisée à l’INRA de Toulouse (UMR 1388 GenPhySE) en France, selon les procédures européennes harmonisées (EGRAN, 2001) : humidité, cendres, matières azotées totales (N x 6,25, méthode Dumas, Leco), énergie (calorimètre adiabatique Parr) et fibres de Van Soest (NDF, ADF, ADL).

Efficacité économique

L'efficacité économique a été calculée à partir de l'équation d’Asar et al (2010) modifiée par Mouhous et al (2017) :

Efficacité économique (%) = [(Revenu en gain de poids en DA/kg – Coût total d’alimentation en DA/kg) / Coût total d’alimentation en DA/kg] X 100

Dont :

DA : Dinar Algérien

Revenu en gain de poids, DA/kg = gain de poids total (kg) * prix d’un kg de poids vif (DA)

Coût total d’alimentation, DA = total aliment ingéré (kg/lapin) * prix d’un kg d’aliment.

Le prix d’un kg d’aliment a été calculé en fonction du prix sur le marché local au moment de l'expérience (avril 2016) des ingrédients qui le composent. Il n’a pas été tenu compte des charges annexes.

Compétition entre alimentations humaine et animale

La compétition entre l’alimentation humaine et l’alimentation animale a été évaluée par la méthode de Pothin et al (2015) basée sur le calcul de deux indicateurs :

SAPAA ( m².an /kg de l’aliment): surface agricole nécessaire pour produire l’alimentation des animaux ; elle permet l’évaluation de la compétition sur l’espace ;

PAACoH (%) : part dans l’alimentation animale des ressources qui entrent en compétition avec l’alimentation humaine, permet l’évaluation de la compétition sur les ressources.

Ces deux indicateurs ont été calculés par le logiciel COMPETALIM (Pothin et al 2015), à partir de la composition des aliments utilisés dans notre essai.

Analyses statistiques

L’ensemble des résultats obtenus a été soumis à une analyse de la variance à l’aide du logiciel R, version 2.15.02 pour Windows® ( www.r-project.org). L’analyse de la variance a été utilisée pour évaluer les effets de l’aliment sur les performances de croissance et les paramètres d’abattage. Les différences significatives entre les moyennes des traitements ont été déterminées par l’utilisation du test de Duncan. Le test du khi 2 a été utilisé pour comparer la mortalité et la morbidité entre les deux groupes.


Résultats et discussion

Composition des drêches de brasserie et des aliments expérimentaux

Les drêches utilisées dans cette étude contiennent 204 g/kg de protéines brutes (Tableau 1). Cette valeur est similaire à celle rapportée par Guermah et al (2016) et qui est de 207 g/kg, mais inférieure à celles rapportées par Maertens et Salifou (1997) et par les tables EGRAN (Marteans et al 2002) qui ont mentionné des valeurs de 15 à 20% plus élevées (236 et 241 g/kg, respectivement). Les drêches de brasserie utilisées présentent des teneurs appréciables en fibres NDF (602 g/kg) proches de la valeur obtenue par Maertens et Salifou (1997, 624 g/kg) et largement supérieure à celles rapportées par les tables EGRAN (Maertens et al 2002, 528 g/kg), Lima et al (2017, 517 g/kg) et Guermah et al (2016, 490 g/kg). Les fibres ADF (213 g/kg) sont légèrement supérieures (4 à 10%) aux valeurs trouvées par les mêmes auteurs cités précédemment.

La drêche de brasserie constitue une bonne source de protéines, de fibres et d’énergie (Maertens et Salifou 1997, Westendorf et al 2014). Sa composition varie selon la variété des graines d’orge, du processus de fermentation et de brassage (Santos et al 2003, Heuzé et al 2017).

Tableau 1. Caractéristiques nutritionnelles des aliments expérimentaux

Ingrédients (%)

Aliment
témoin (D0)

Aliment
expérimental (D40)

Drêche de
brasserie

Drêche de brasserie

-

40

Son de blé

31

10

Orge

20

22

Tourteaux de soja

12

-

Luzerne locale

35

27

Sel

1

0,5

Premix

1

0,5

Composition chimique, g/kg MS

Matière sèche, g/kg brut

890

888

901

Matière minérale

76

69

54

Protéines brutes

161

156

204

NDF

280

371

602

ADF

150

174

213

ADL

38

42

43

EB, MJ/kg

16,0

16,7

19,9

ED, MJ/kg µ

10,1

10,2

11,0

PD, g/kg #

106

102

PD/ED

10,5

10,1

µ estimé par l’équation de Maertens et al (1988) : ED (MJ/kg MS) =0,8-0,230 ADF (%MS) + 0,80 EB (MJ/kg MS)
#
estimé par l’équation de Villamide et Fraga (1998) : PD (g/kg)=-34,67+0,876PB (g/kg)

La composition chimique des aliments expérimentaux est inférieure aux apports estimés lors de la formulation, en particulier pour les fibres et les protéines. Cela est dû à la composition du son de blé et de la luzerne locale qui après analyse chimique (Harouz-Cherifi et al 2018) ont montré des valeurs inférieures aux valeurs indiquées dans les tables de référence EGRAN (Maertens et al 2002) qui ont été prises en considération dans la formulation de nos aliments. Notons qu'il n’a pas été possible de réaliser, au préalable à la formulation, une analyse chimique des différentes matières premières constituant les deux aliments.

La variation de la composition des matières locales par rapport à celles dites standards confirme les observations de Boudouma et al (1989), ce qui expliquerait les écarts entre les apports des aliments calculés lors de la formulation et la composition obtenue au laboratoire.

Mortalité durant l'essai

L’essai a été réalisé dans de bonnes conditions sanitaires, et le statut sanitaire a été similaire dans les deux lots (Tableau 2). Trois cas de mortalité ont été enregistrés dans chacun des deux lots. L’autopsie des animaux morts a révélé des lésions attribuables à des coccidioses et à des troubles respiratoires. Les symptômes de diarrhée ont été observés sur 4 animaux. Notons que tous les lapins morts ont été dénombrés pendant la 1 ère et la 2ème semaine d’engraissement, ce qui pourrait être relié aux stress de sevrage (transport, changement de bâtiment, de cage et d'aliment). L’indice de risque sanitaire (Gidenne 1996, Montessuy et al 2009) ne diffère pas d’un lot à l’autre et n’est donné qu’à titre indicatif vu le nombre limité des lapins.

Tableau 2. Bilan sanitaire des lapins des deux lots durant l’essai

Lot D0

Lot D40

N

34

34

Morbidité

De 35 à 56j,

2/34

3/34

De 56 à 77j,

2/31

2/29

De 35 à 77j,

4/34

5/34

Mortalité

De 35 à 56j,

3/34

3/34

De 56 à 77j,

0

0

De 35 à 77j,

3/34

3/34

Indice de risque sanitaire

De 35 à 56j,

5/34

6/34

De 56 à 77j,

2/31

2/29

De 35 à 77j,

7/34

8/34

N : Nombre de lapins au début de l’essai. NS : non significatif.

Consommation et croissance des animaux

Durant la période post sevrage (35-56 j) (Tableau 3), les performances enregistrées par les lapins des deux lots ont été d’un bon niveau, soit une croissance moyenne de 39,5 g/j et un indice de consommation de 2,92, ce qui a été classiquement constaté par plusieurs auteurs pendant cette période.

Pour ce qui est de la deuxième période (56-77 j), le poids vif et la vitesse de croissance des animaux n’ont pas différé significativement entre les deux lots. En revanche, l'ingestion a été 5% plus élevée dans le lot D40 (143,8 vs 135,9 g/j, p= 0,021). Par conséquent, l’indice de consommation a été numériquement plus élevé pour le lot D40, mais sans écart significatif avec le lot témoin. Les baisses de températures enregistrées durant cette période pourraient être à l’origine de cette surconsommation alimentaire dans les deux lots. Notons que durant cette période des températures inférieures à 9°C ont été enregistrées.

Dans l’ensemble de la période d’engraissement 35-77 j, la vitesse de croissance, l’ingestion et l’indice de consommation ont été similaires dans les deux lots (p >0,05). Globalement, les deux aliments ont permis aux lapins d'atteindre un poids vif supérieur à 2,2 kg en 6 semaines.

Tableau 3. Vitesse de croissance, consommation et efficacité alimentaire, en fonction de l'aliment

Lot D0

Lot D40

SEM

p

n1

31

29

Période 35-56j

Poids vif à 35 j, g

833

833

22

0,98

Poids vif à 56 j, g

1677

1559

36,5

0,027

Gain de poids, g/j

40,0

39,2

1,0

0,62

Consommation alimentaire, g/j

116

118

3,0

0,62

Indice de consommation,

2,90

2,94

0,1

0,74

Période 56-77 j

Poids vif à 77 j, g

2271

2250

37,1

0,71

Gain de poids, g/j

33,6

34,2

0,8

0,67

Consommation alimentaire, g/j

136

144

1,6

0,021

Indice de consommation,

3,93

4,16

0,1

0,11

Période 35-77j

Gain de poids, g/j

35,2

35,7

0,7

0,64

Consommation alimentaire, g/j

128

132

2,1

0,22

Indice de consommation

3,52

3,66

0,1

0,20

1 : nombre de lapins à la fin de l’expérimentation

Les vitesses de croissance obtenues dans notre essai (> 35 g/j) ont été meilleures que celles enregistrées par Lounaouci-Ouyed et al (2008 ; 27,1 g/j) pour un taux d’incorporation de drêche de brasserie de 30%, Lima et al (2017) et Harouz-Cherifiz et al (2018) (Tableau 4). Elles sont également nettement supérieures à celles rapportées dans des études antérieures sur la même population de lapin et ayant consommé un aliment commercial, formulé à base de tourteau de soja : Guemour et al (2010; 23,6 g/j), Lounaouci-Ouyed et al (2014 ; 30,8 g/j), Mouhous et al (2017; 25,7g/j) et Hannachi-Rabia et al (2017 ; 25,4 g/j). Par contre, nos résultats sont dans la moyenne de ceux obtenus par Kadi et al (2017a et b ; 35,3 g/j).

La conversion alimentaire a été dans les normes courantes (Gidenne et al 2017) et similaire dans les deux lots (3,59). Cette valeur est légèrement supérieure à celle rapportée par Lounaouci-Ouyed et al (2008 ; 3,36) avec un taux d’incorporation de 30% de drêche de brasserie (une vitesse de croissance de 27,1 g/j et une consommation de 88,9 g/j).

L’incorporation de 40% de drêche de brasserie dans l’aliment, et sans incorporation de tourteau de soja, n’affecte donc pas les performances de la croissance des lapins, ni leur indice de consommation.

Tableau 4. Effet du niveau d’incorporation de drêche de brasserie dans l’aliment de jeunes lapins sur la consommation et les performances de croissance selon la bibliographie

Auteurs

Lounouci-Ouyed
et al 2008

Lima et al 2017

Harouz-Cherifi
et al 2018

Taux d’incorporation, %

30

7

14

21

28

27

Effectif
Age au début, j
Age à la fin, j
PV initial, g

14
35
84
565

8
40
90
820

8
40
90
840

8
40
90
830

8
40
90
840

34
35
77
834

PV final, g

1877

2250

2240

2230

2220

2047

CMQ, g/j

88,9

96, 3

96,6

95,7

94,4

113

GMQ, g/j

27,08

28,7

28,2

27,8

27,7

31,2

IC

3,36

3,39

3,45

3,45

3,44

3,59

Les paramètres d’abattage

Les deux aliments ont permis aux lapins de dépasser, en six semaines d’engraissement, les 2 kg (Tableau 5) ce qui est le poids demandé sur le marché local, selon Kadi et al (2008).

L’incorporation de 40% de drêche de brasserie n’a pas affecté les paramètres d’abattage. Le rendement de la carcasse froide a été similaire dans les deux groupes (59,8%). Il a été inférieur à celui obtenu par Lounaouci-Ouyed et al (2008; 66,8%), valeur obtenue sur des carcasses avec la peau de la tête, et supérieur à celui obtenu par Guemour et al (2010 ; 57,9%) mais équivalent à celui rapporté par Kadi et al (2011; 59,2%) mais à un âge d’abattage différent qui est de 84 jours.

Les poids moyens de la peau (286 g), du tube digestif plein (377 g) et du gras périrénal (25 g) ne diffèrent pas entre les deux groupes. Les valeurs moyennes ont été dans les normes classiquement observées chez le lapin. Seuls, le poids de gras inguinal et le poids du foie et des reins ont présenté des écarts significatifs. Le poids, 5% plus faible, de foie (81 g) obtenu par le régime D40 corrobore les observations de Lima et al (2017) obtenues sur des lapins recevant un régime contenant 14, 21 et 28% de drêche de brasserie.

Tableau 5. Performances d’abattage enregistrées dans les deux lots

Lot D0

Lot 40

SEM

p

Nombre de lapins abattus (77 j d’âge)

20

20

Poids vif (PV), g (78 j)

2249

2263

32,7

0,096

Poids de la peau, g

283

290

3,9

0,23

Poids de tube digestif plein, g

365

390

9,1

0,062

Poids de la carcasse chaude, g

1413

1399

23,8

0,68

Poids de la carcasse froide, g

1350

1343

23,2

0,83

Poids du foie, g

94

81

2,1

0,006

Poids du gras périrénal, g

26

25

1,4

0,67

Poids du gras inguinal, g

17

12

0,6

<0,001

Poids du gras scapulaire, g

7

7

0,3

0,50

Poids des reins, g

15

14

0,4

0,03

Longueur dorsale, cm

26

25

0,2

0,003

Longueur de la cuisse, cm

8

8

0,1

0,03

Circonférence lombaire, cm

17

17

4,3

0,47

Rendement de la carcasse chaude, %

63,0

61,8

0,2

0,07

Rendement de la carcasse froide, %

60,2

59,4

0,4

0,18

Efficacité économique et compétition avec l’alimentation humaine

Les données de l’efficacité économique sont représentées dans le Tableau 6. L’introduction de 40% de drêche de brasserie dans l’aliment a permis une amélioration de 44% de l’efficacité économique, par rapport à celle du témoin. Elle est similaire à celle obtenue par Harouz-Cherifi et al (2018) avec un aliment simplifié composé de 27% de drêche de brasserie (6,53 vs 6,38).

De même, le régime D40 a permis de réduire de 28% le coût alimentaire par rapport au témoin (130 vs 94 DA). Cette réduction s'explique par l'écart de prix entre les deux aliments (36,86 vs 25,73 DA/kg). En effet, l’incorporation d’un taux élevé de drêche de brasserie, disponible localement, a permis de retirer totalement le tourteau de soja, et de limiter l’incorporation de l’orge, du son de blé et de la luzerne, matières premières dont le prix ne cesse d’augmenter sur le marché mondial et local.

Le lot expérimental a permis également d’améliorer le revenu par kg de viande produite, et de réaliser une économie de 36 DA pour chaque kg de viande produite, ce qui corrobore la valeur obtenue par Mouhous et al (2017) mais elle est légèrement inférieure à celle réalisée avec un aliment simplifié contenant 27% de drêche de brasserie (Harouz-Cherifi et al 2018).

Tableau 6. Analyse des performances économiques des deux lots

Paramètres

Lot D0

Lot 40

Poids vif à 35 j (g)

833

833

Poids vif à 77 j (g)

2271

2250

Gain de poids total (kg)

1,44

1,42

Prix de vente DA/kg poids vif

500

500

Revenu en gain de poids total DA/kg

719

710

Total aliment ingéré/ lapin (kg)

3,52

3,66

Prix d’un kg d’aliment, DA

36,8

25,7

Coût total d’aliment/lapin, DA/kg

130

94

Efficacité économique, %

454

654

Revenu DA/kg viande produite

370

406

DA : Dinar Algérien

L’analyse de la compétition sur les ressources et l’espace, a été réalisée pour les deux régimes expérimentaux. L'indicateur SAPAA, mesure l’impact d’occupation de terres pour produire un kilo d’aliment : il est inférieur de 30% avec le régime D40 (0,89 m2/an/kg) comparativement à D0 (1,26 m2/an/kg). Ceci s'explique par le faible impact « occupation des terres » des coproduits de céréales (Pothin et al 2017), qui correspondent à des sources non compétitives avec l’alimentation humaine.

En revanche, on constate une faible variation de PAACoH (20 vs 22%), qui n’est pas liée au taux d’incorporation de drêche de brasserie, mais à l’ajustement en céréales (+ 2% d’orge par rapport au témoin) de la formule considérées comme matière première compétitive. Ce taux est proche de celui rapporté par Pothin et al (2017; 19,4%) pour un aliment destiné aux lapines reproductrices. Les valeurs obtenues concernant ces deux indicateurs SAPAA et PAACoH montrent que les aliments utilisés dans notre assai ont une faible compétition sur l’espace et sur les ressources.


Conclusion


Remerciements

Les auteurs remercient les responsables du CFPA de Mechtras (M. Zaoueche, M. Brahimi et M. Louchami) pour avoir mis à leur disposition le clapier pédagogique ainsi que M. Lounis Lounes pour sa collaboration technique à la réalisation de cet essai. Cette étude est partiellement réalisée dans le cadre du projet CMEP-TASSILI 13MDU883.


Références bibliographiques

Asar M A, Osman M, Yakout H M and Safoat A 2010 Utilization of corn-cob meal and faba bean straw in growing rabbits diets and their effects on performance, digestibility and economical efficiency. Egypt, Poult.Sci, Vol (30) (II): 415-442

Berchiche M, Lounaouci G, Lebas F and Lamboley B 1999 Utilisation of 3 diets based on different protein sources by Algerian local growing rabbits. Cahiers Options Méditerranéennes, 4: 51-55

Blasco A and Ouhayoun J 1996 Harmonization of criteria and terminology in rabbit meat research. Revised proposal. World Rabbit Sci, 4: 93-99 https://polipapers.upv.es/index.php/wrs/article/download/278/265

Boudouma D 2009 Composition chimique du son de blé dur produit par les moulins industriels algériens. Livestock Research for Rural Development. Volume 21, Article # 167. http://www.lrrd.org/lrrd21/10/boud21167.htm

Carabaño R and Fraga M J 1992 The use of local feeds for rabbits. Options Méditerranéennes, Série Séminaires, 17: 141-158.

EGRAN 2001 Technical note: Attempts to harmonise chemical analyses of feeds and faeces, for rabbit feed evaluation. World Rabbit Sci., 9: 57-64. http://www.wrs.upv.es/files/guides/egran_chemical.pdf

Etchu K A, Humbu M E, Ndamukong K J N and Agbor E B 2012 Effect of varying levels of brewers’ dried grain on the growth performance of weaner rabbits (Oryctolagus cuniculus). Greener J. Agric. Sci., 2: 237-245.

Fernandez-Carmona J, Blas E, Pascual J J, Maertens L, Gidenne T, Xiccato G and Garcia J 2005 Recommendations and guidelines for applied nutrition experiments in rabbits. World Rabbit Sci., 13: 209-228. http://polipapers.upv.es/index.php/wrs/article/download/516/503

Gidenne T et Lebas F 2005 Le comportement alimentaire du lapin. Proc.: 11èmes Journées de la Recherche cunicole, 29-30. http://www.cuniculture.info/Docs/Documentation/Publi-Lebas/2000-2009/2005-Gidenne-Lebas-JRC-Comportement%20alimentaire-Dias-Presentation.pdf

Gidenne T 2015 Le lapin. De la biologie à l'élevage. Quae Éditions, Versailles, France, 270 p.

Gidenne T, Garreau H, Drouilhet L, Aubert C and Maertens L 2017 Improving feed efficiency in rabbit production, a review on nutritional, technico-economical, genetic and environmental aspects.Animal Feed Science and Technology, 225, 109 – 122.

Gidenne T, Lebas F, Savietto D, Dorchies P, Duperray J, Davoust C et Fortun-Lamothe L 2015 Nutrition et alimentation. In: Gidenne, T. (Ed.), Le lapin. De la biologie à l'élevage. Quae éditions, pp. 152-196.

Guermah H, Maertens L and Berchiche M 2016 Nutritive value of brewers’ grain and maize silage for fattening rabbits. World Rabbit Sci, 2016, 24: 183-189. http://dx.doi.org/10.4995/wrs.2016.4353

Guemour D, Bannelier C, Delle A and Gidenne T 2010 Nutritive value of sun-dried grape pomace, incorported at a low level in complete feed for the rabbit bred under magrebian conditions. World Rabbit Sci., 18: 17-25. http://dx.doi.org/10.4995/wrs.2010.18.03

Hannachi-Rabia R, Kadi S A, Bannelier C, Berchiche M et Gidenne T 2017 La graine de fève sèche (Vicia faba major L) en alimentation cunicole : effets sur les performances de croissance et d’abattage. Livestock Research for Rural Development. Volume 29, Article #050. http://www.lrrd.org/lrrd29/3/hann29050.html

Harouz-Cherifi Z, Kadi S A, Mouhous A, Bannelier C, Berchiche M and Gidenne T 2018 Effect of simplified feeding based only on wheat bran and brewer’s grain on rabbit performance and economic efficiency. World Rabbit Sci. 26: 27-34. https://doi.org/10.4995/wrs.2018.7765

Heuzé V, Tran G, Sauvant D and Lebas F 2017 Brewers grains. Feedipedia, a programme by INRA, CIRAD, AFZ and FAO, http://www.feedipedia.org/node/74

Kadi S A, Djellal F and Berchiche M 2008 Commercialization of rabbit’s meat in Tizi-Ouzou area, Algeria. 9th World Rabbit Congress, Verona, Italy, June 10-13, 2008. 1559-1564. http://world-rabbit-science.com/WRSA-Proceedings/Congress-2008-Verona/Papers/M-Kadi.pdf

Kadi S A, Guermah H, Bannelier C, Berchiche M and Gidenne T 2011 Nutritive value of sun-dried Sulla (Hedysarum flexuosum) and its effect on performance and carcass characteristics of the growing rabbit. World Rabbit Sci., 19:151-159. http://ojs.cc.upv.es/index.php/wrs/article/download/848/931

Kadi S A, Mouhous A, Djellal F and Gidenne T 2017a Replacement of barley grains and dehydrated alfalfa by Sulla hay (Hedysarum flexuosum) and common reed leaves ( Phragmites australis) in fattening rabbits diet. J. Fundam. Appl. Sci., 9(1), 13-22. http://www.jfas.info/index.php/jfas/article/download/819/897

Kadi S A, Mouhous A, Djellal F, Senhadji Y, Tiguemit N et Gidenne T 2017b Feuilles sèches de Figuier et foin de Sulla ( Hedysarum flexuosum) en alimentation du lapin en engraissement. Livestock Research for Rural Development. Volume 29, Article #086. http://www.lrrd.org/lrrd29/5/kadi29086.html

Lima P J D O, Watanabe P H, Cândido R C, Ferreira A C S, Vieira A V, Rodrigues B B V, Nascimento G A J and Freitas E R 2017 Dried brewers grains in growing rabbits: nutritional value and effects on performance. World Rabbit Sci. 2017, 25: 251-260. https://doi.org/10.4995/wrs.2017.6813.

Lounaouci-Ouyed G, Lakabi-Ioualitene D, Berchiche M and Lebas F 2008 Field beans and brewer’s grains as protein source for growing rabbits in Algeria: first results on growth and carcass quality. In 9th World Rabbit Congress, Verona. Italy. http://world-rabbit-science.com/WRSA-Proceedings/Congress-2008-Verona/Papers/N-Lounaouci-Ouyed.pdf

Lui Y, Lyon B G, Windham W R, Lyon C E and Savage E M 2004 Prediction of physical, color and sensory characteristics of broiler breasts by visible/near infrared reflectance spectroscopy. Poultry Sci., 83: 1467-1474. https://doi. org/10.1093/ps/83.8.1467.

Maertens L and Salifou E 1997 Feeding value of brewer's grains for fattening rabbits.World Rabbit Sci,5, 161-165. http://dx.doi.org/10.4995/wrs.1997.337.

Maertens L, Perez J M, Villamide M, Cervera C, Gidenne T and Xiccato G 2002 Nutritive value of raw materials for rabbits: EGRAN tables 2002. World Rabbit Sci., 10: 157-166. http://wrs.webs.upv.es/files/journals/vol10_4_maertens.pdf

Maertens L and Gidenne T 2016 Feed efficiency in rabbit production: nutritional, technico-economical and environmental aspects. In Proc.: 11th World Rabbit Congress, 2016 June, Qingdao, China, 337-351. https://world-rabbit-science.com/WRSA-Proceedings/Congress-2016-Qingdao/Papers/F-Feeds&Feeding/F00-Maertens%20Invited.pdf

Montessuy S, Reys S, Rebours G et Mascot N 2009 Effet de niveau énergétique de l’aliment sur les performances zootechniques des lapins en engraissement et conséquences sur le coût alimentaire de kilogramme de croît. 13 ème journées de la recherche cunicole, 17-18 novembre 2009, Le Mans, France. www.journees-de-la-recherche.org/Download.php?telecharger=R68-MONTESSUY.pdf

Mouhous A, Kadi S A, Belaid L et Djellal F 2017 Complémentation de l’aliment commercial par du fourrage vert de Sulla (Hedysarum flexuosum) pour réduire les charges alimentaires d’élevages de lapins en engraissement. Livestock Research for Rural Development, 29(6) , article 116.

Mussato S I and Roberto I C 2006 Chemical characterization and liberation of pentose sugars from brewers’ spent grain. J. Chem. Technol. Biot., 81: 268-274. https://doi.org/10.1002/ jctb.1374

Ouhayoun J 1989 La composition corporelle du Lapin. Facteurs de variation . INRA Prod. Anim., 2, 215-226. https://www6.inra.fr/productions-animales/content/download/4366/43981/version/1/file/Prod_Anim_1989_2_3_06.pdf

Pothin A, Méda B et Fortun-Lamothe L 2017 Alimentations humaine et animale : évaluer la compétition sur les ressources et l’espace. Journées de la recherche Avicoles et des Palmipèdes à foie gras, 5 et 6 avril 2017 à Tours, France.

Reinold M R 1997 Manual practicio de cerveceria. Aden ED. Sao Pablo Brasil, 123 p.

Santos M, Jiménez J J, Bartolomé B, Gomez-Cordovés C and Del Nozal M J 2003 Variability of brewer’s spent grain within a brewery. Food Chemistry 80 (2003) 17-21,

Simas M M, Botura S, Correa B, Sabino M, Mallmann C A, Bitencourt T C B S C and Batatinha M J M 2007 Determination of fungal microbiota and mycotoxins research in brewers grain used in cattle feeding in the state of Bahia, Brazil. Food Control ,18: 404-408. http://www.lamic.ufsm.br/papers/20070209_food_control.pdf

Westendorf M L, Wohlt P A S J E, Sniffen C J and Ward RT 2014 Nutrient content of brewer’s grains produced at a commercial brewery: Variation in protein/nitrogen, fiber, carbohydrate, fat, and minerals. The professional Animal Scientist 30: 400-406, http://dx,doi,org/10,15232/pas,2013-01272

Wyss U 1997 Ensiling of brewers' grains: high effluent production and good fermentation quality. Agrarforsc, 4 (3): 105-108. https://www.agrarforschungschweiz.ch/artikel/download.php?filename=1997_03_416.pdf


Received 21 December 2017; Accepted 15 May 2018; Published 1 June 2018

Go to top