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Etude des dystocies ovines et de la pertinence de la césarienne dans des élevages de la wilaya de Tiaret (Algérie)

D Mahmoud, F Z Abdelhadi, B Khiati, N L Smail et S A Abdelhadi

Laboratoire de Reproduction des animaux de la ferme, Institut des Sciences Vétérinaires, Université Ibn Khaldoun, Tiaret-14000-Algérie
Si_ameur@yahoo.fr

Résumé

Afin de déterminer l’impact réel des dystocies sur nos élevages ovins, 3 168 brebis Rembi appartenant à 42 élevages de la wilaya de Tiaret ont été suivies au cours de leur agnelage. De janvier à décembre 2016, le taux de dystocies a été de 3,9%, ce qui représente 10,4% des mortalités néonatales rencontrées. 22,1% des cas ont eu une origine maternelle contre 77,9% qui ont eu une origine fœtale. Le classement par fréquence a été : les mauvaises présentations avec 57,4%, puis les disproportions fœto-maternelles avec 10,6%, suivies des cas de mauvaise dilatation du col avec 9,0%, de l’atonie de l’utérus avec 7,4%, des cas d’emphysème fœtal avec 5,7%, des monstruosités avec 4,1%, de l’atrésie du col avec 3,3% et en dernier, la torsion utérine avec 2,5%. L’assistance qualifiée des agnelages s’est révélée plus que nécessaire pour prétendre à réduire ces taux. En plus des manœuvres obstétricales, la césarienne, pratiquée sur 99 brebis entre janvier 2016 et juin 2018, a donné de bons résultats dans le traitement des dystocies surtout lorsqu’elle a été utilisée au bon moment et dans de bonnes conditions pendant et après l’opération. Aussi nous préconisons son utilisation malgré son prix, surtout pour les brebis de valeur.

Mots-clés : agnelage difficile, assistance, hystérotomie, mortalité, nouveau-né


Study on sheep dystocia and caesarean section in farms of Tiaret wilaya (Algeria)

Abstract

To determine the real impact of dystocia in our sheep farms, 3168 Rembi ewes were followed during their lambing ; these animals belong to 42 farms in Tiaret wilaya. From January to December 2016, the rate of dystocia was 3.9%, which represents 10.4% of all neonatal deaths encountered. 22.1% of cases had a maternal origin compared to 77.9% that had a foetal origin. The frequency ranking was: bad presentation with 57.4%, then foetal-maternal disproportions with 10.6%, followed by cases of dilated cervix with 9.0%, uterine atony with 7.4%, cases of foetal emphysema with 5.7%, monstrosities with 4.1%, cervical atresia with 3.3% and lastly, uterine torsion with 2.5%. A qualified assistance of lambing proved to be more than necessary to claim to reduce these rates. In addition to obstetric manoeuvres, caesarean section, performed on 99 ewes during the period from January 2016 to June 2018, gave good results in treatment of dystocia especially when it has been used at right time and under good conditions during and after surgery. Also we recommend its use despite its price, especially for valuable ewes.

Key words: assistance, difficult lambing, hysterotomy, mortality, new born


Introduction

L’Algérie est un pays riche en ressources animales, en particulier en ruminants. Ces derniers contribuent d’une façon importante au secteur économique commercial surtout à travers la production de viandes rouges. Le cheptel national, tous types confondus, dépasse les 34 millions de têtes ; il est fait état de 27 807 700 têtes rien que pour l’espèce ovine. L’élevage ovin représente près de 80% de l’effectif total exprimé en UBT (MADR/DSASI 2014).

En Algérie, il existe deux types de races ovines : principales et secondaires. Les principales races sont représentées par Ouled-Djellal, Béni-Iguil et Rembi. Les races secondaires sont représentées par D’man, Berbère à laine zoulai appelée aussi Zoulay, Barbarine et Targui-Sidaou (Chellig 1992).

Dans tous les pays, les races ovines sont prédisposées à plusieurs pathologies qui affectent le secteur économique, notamment les dystocies car elles conduisent à l’augmentation des taux de mortalité des agneaux et même de leurs mères (Brounts 2004 ; Mee 2008 ; Christos et al, 2012 ; Sharma et al 2014 ; Abdullah et al 2015).

Il existe plusieurs méthodes obstétricales de traitement des dystocies. Parmi ces méthodes, la césarienne est indiquée dans les cas où aucune autre méthode obstétricale ne permet d’obtenir l’extraction du produit (Remy et al 2002).

Cette méthode est la plus efficace pour le traitement de la plupart des types de dystocie (Cox 1982 ; Scott 1989 ; Majeed et al. 1993 ; Majeed, 1994 ; Naoman et al 2013). Elle est préconisée aussi car elle assure une certaine sécurité pour la mère et aussi pour le fœtus, en particulier lorsque elle est effectuée le plus tôt possible après le début du travail (Cox 1982 ; Scott 1989 ; Majeed et al 1993 ; Majeed 1994 ; Naoman et al 2013 ; Ismail 2017).

Malgré son intérêt prouvé, la césarienne reste peu pratiquée dans nos élevages vu la difficulté à gérer la période post-opératoire ainsi que l’avenir productif et reproductif incertain des brebis concernées, et aussi car elle est considérée comme une opération coûteuse par la majorité des éleveurs.

Objectifs de l’étude

Les objectifs étaient de suivre plusieurs élevages ovins de la région de Tiaret dans le but de déterminer :

Le taux des dystocies rencontrées chez nos brebis ainsi que leurs répercussions sur les nouveau-nés et leurs mères.

Les types de dystocies rencontrées ainsi que les méthodes utilisées pour y remédier.

Le taux des cas qui nécessitaient une intervention par césarienne.

Le degré d’efficacité de ce type d’opération comparé aux autres méthodes d’intervention.


Matériel et méthodes

Notre étude a été réalisée à Tiaret, wilaya située dans les hauts plateaux de l’Ouest algérien et qui s’étend sur une superficie de 20 673 km 2. Elle est délimitée au nord par les wilayas de Tissemsilt et de Relizane ; au sud, par les wilayas de Laghouat et d’El-Bayad ; à l’ouest, par les wilayas de Mascara et de Saida et à l’est, par la wilaya de Djelfa.

Le climat est de type continental, sec et rigoureux en hiver, il passe aussi facilement au-dessous du 0°C en hiver qu’au-dessus de 35°C en été; les moyennes saisonnières sont de 6°C pour l'hiver et 25,9 °C pour l'été. La pluviométrie varie entre 300 et 500 mm par an.

La région de Tiaret est connue pour sa vocation agro-pastorale spécialement dans les domaines de la céréaliculture et de l’élevage ovin en particulier celui de la race Rembi.

Notre travail a été réparti en deux volets :

Le premier volet de l’étude a consisté au suivi de 3 168 brebis en période d’agnelage, toutes de race Rembi et appartenant à 42 élevages qui se répartissent sur toute la région de la wilaya de Tiaret. Ce travail s’est déroulé de janvier à décembre 2016 et nous a permis de récolter les données suivantes :

Le taux de dystocies rencontrées et sa répercussion sur la mortalité néonatale dans nos élevages ainsi que l’origine et la nature des dystocies rencontrées et les méthodes utilisées pour y remédier.

Les facteurs de risque qui ont conduit à ces dernières tels que le poids à la naissance et le sexe des agneaux, la parité et la taille de la portée de nos brebis ainsi que la saison d’agnelage.

Le deuxième volet de l’étude a été consacré à l’utilisation de la césarienne comme moyen de traitement des dystocies dans nos élevages et son degré d’efficacité. Ce travail nous a nécessité un temps beaucoup plus long (de janvier 2016 à juin 2018) en vue de la réticence des éleveurs à ce type d’interventions. Il a concerné 99 brebis, ces dernières ont toutes été présentées par leurs propriétaires à plusieurs cabinets vétérinaires de la région qui ont accepté de contribuer à la réalisation de ce travail.

Avant chaque intervention, chaque animal a subi un examen au préalable pour pouvoir déterminer la nature du problème, le type de dystocie, l’état de la mère et du ou des produits.

Vu le caractère d’urgence de l’intervention, une fois la décision prise, l’animal est rapidement préparé, la région du flanc gauche est rasée et badigeonnée et une anesthésie locale à base de xylocaïne 2% est réalisée. L’étape suivante consiste en différentes incisions en commençant par la peau suivie des deux plans musculaires puis le péritoine et en finissant par l’utérus. Après, le ou les fœtus sont rapidement extraits et pris en charge ; une partie ou la totalité des délivres est retirée ; les liquides amniotiques et allantoïdiens sont aspirés avec soin avant de réaliser les différentes sutures. Une fois l’opération terminée, les brebis sont surveillées durant les premiers jours et une antibiothérapie à base de pénicilline est administrée pendant trois jours si un phénomène infectieux est suspecté.

Nous nous sommes intéressés aussi à l’avenir de ces animaux surtout de point de vue répercussions sur la mère et sa progéniture, pour cela et en accord avec les propriétaires, ces dernières ont été identifiées et suivies durant les 3 mois suivant l’intervention.


Résultats et discussions

Premier volet de l’étude
Fréquence des dystocies et son influence sur le taux de mortalité néonatale des agneaux

D’après nos résultats, sur les 3 168 brebis parturientes, nous avons enregistré 122 cas de mises bas dystociques, soit un taux de 3,9%. Il est à signaler aussi que sur l’ensemble des mortalités néonatales rencontrées, 10,4% étaient liées directement au problème des dystocies.

Nos résultats se rapprochent de ceux rapportés par plusieurs travaux réalisés en Algérie et même à travers le monde :

Ghanam (2011), dans une étude réalisée à Souk Ahras, a rapporté un taux de dystocie de 2,2%.Ce taux a conduit à un taux de mortalité des agneaux nouveaux nés de 9,7%.

Abdelhadi (2007), dans une étude réalisée à Tiaret durant les trois années 2003, 2004 et 2005, a rapporté un taux de dystocie de 2,9% et de point de vue étiologique, les dystocies ont été classées en deuxième lieu après les problèmes d’allaitement avec un taux de 10,9% par rapport à l’ensemble des mortalités enregistrées.

Pour Schoenian (2006), au Maryland, les dystocies constituent l'une des principales causes de la mortalité périnatale (plus de 50%), essentiellement durant la seconde partie du travail de parturition.

Peter (2004), en Philadelphie, a estimé le taux des dystocies chez les ovins à 3%.

Au Canada, Arsenault et al (2002) ont rapporté, sur l’ensemble des mortalités néonatales, un taux lié au problème de dystocies de 9,1% ; De même, Cimon et al (2005) ont rapporté un taux de 9,5% qui regroupe les agnelages longs et difficiles ainsi que les mauvaises présentations.

Dwyer (2003), en Ecosse, a révélé que 21,2 % des 524 agneaux de race Suffolk et Scottish Blackface avaient besoin d'une assistance à la naissance.

En Jordanie, Ismail (2017), a rapporté un taux de dystocies inférieur à 5% (1-4%).

Tous ces résultats rapportés à travers le monde révèlent l’importance des dystocies dans le phénomène des mortalités néonatales des agneaux.Pour cela, nous devons être plus vigilants au cours du déroulement des agnelages et leur assurer une assistance qualifiée pour pouvoir prétendre à une réduction des pertes par la suite.

Nature des dystocies rencontrées

L’examen des 122 brebis dystociques rencontrées durant cette étude nous ont révélé l’origine et la nature de chaque cas. Les résultats obtenus sont résumés dans le tableau 1.

Tableau 1. Variation du taux de dystocies selon le type rencontré

Type de dystocies

Taux de dystocies

Dystocies d’origine
maternelle (n=27)

Mauvaise dilatation du col

(n=11) 9,0%

Atonie de l’utérus

(n=9) 7,4%

Atrésie du col

(n=4) 3,3 %

Torsion de l’utérus

(n=3) 2,5%

Dystocies d’origine
fœtale (n=95)

Mauvaises présentations fœtales

(n=70) 57,4%

Disproportion fœto-maternelle

(n=13) 10,6%

Emphysème fœtal

(n=7) 5,7%

Monstruosités

(n=5) 4,1%

n : Nombre de cas

D’après nos résultats, sur les 122 cas de dystocies recensés, 22,1% ont eu une origine maternelle contre 77,9% qui ont eu une origine fœtale.

De point de vue fréquence, les mauvaises présentations se classent en premier avec 57,4% ; viennent en deuxième lieu les disproportions fœto-maternelles avec 10,6% suivies des cas de mauvaise dilatation du col avec 9,0% et l’atonie de l’utérus avec 7,4%. Avec des fréquences moindres, nous avons signalé des cas d’emphysème fœtal avec 5,7%, des monstruosités avec 4,1%, l’atrésie du col avec 3,3% et en dernier la torsion utérine avec 2,5%.

Nos résultats rejoignent ceux de plusieurs auteurs qui confirment que les dystocies d’origine fœtale sont plus fréquentes que celles d’origine maternelle (Ghanam 2011 ; Korkmaz et al 2017 ; Ahmed et al 2017). En Algérie, Ghanam (2011) a rapporté un taux de dystocies d’origine fœtal de 80.6 % contre seulement 19.3 % pour les dystocies d’origine maternelle et 56,4% des cas étaient de simples mauvaises présentations du ou des fœtus lorsqu’ils arpentent la voie de sortie.En Turquie, Korkmaz et al (2017) ont effectué une étude évaluatrice sur 87 brebis et chèvres (30 brebis et 57 chèvres) souffrant de dystocies entre la période de 2003 et 2010, ils ont rapporté un taux de 55,17 % (48 cas) de dystocies d’origine fœtal et 44,80% (39 cas) de dystocies d’origine maternelle.

Au Niger, dans une étude réalisée de juin 2015 à novembre 2015, Ahmed et al (2017) ont rapporté que sur 142 cas de dystocies enregistrés chez les petits ruminants dont 110 chez les brebis, les dystocies d’origine fœtale étaient plus fréquentes que les dystocies d’origine maternelle « 74 cas (67.27%) contre 36 cas (32.73%) »; autres auteurs ont rapporté des taux de dystocies d’origine fœtale inférieures à celles d’origine maternelle

Au Brésil, Cantarino et al (2010), dans une étude rétrospective sur 57 brebis souffrant de dystocies durant la période 2002 à 2009, ont rapporté que le taux des dystocies d’origine maternelle a été 67,4 % et 32,6 % pour les dystocies d’origine fœtale. Parmi les causes de dystocies d’origine maternelle, la toxémie de gestation était un facteur très important avec 37,5% des cas, la dilatation insuffisante du col utérin avec 27,1%. Parmi les causes des dystocies d’origine fœtal : le défaut de disposition fœtal avec 25 %.

En Arabie Saoudite, Ali (2011), dans une étude réalisée sur 180 brebis (161 de race Awassi et 19 de race Najdi), a rapporté que les causes de dystocies de 104 brebis étaient d’origine maternelle avec 31,7 % des cas de dilatation insuffisante du col (57/180), 21,7% des bassins étroits(39/180) et 4,4 % des torsions utérines (8/180). Il a rapporté aussi que les causes de dystocies 76 brebis étaient 15 % des cas de fœtus énormes (27/180), 21,1% des présentations et positions fœto-pelviennes défectueuses (38/180), 4,4% des monstres fœtaux (8/180) et 1,7% des jumeaux (3/180).

En Iraq, Naoman et al (2013) ont effectué une étude sur 132 brebis de race Awassi souffrant de dystocies de la période de Novembre 2010 à Décembre 2012. Ils ont rapporté que les principales causes sont : 81,8% des dilatations insuffisantes du col (108/132), 8,3% des présentations et positions fœto-pelviennes défectueuses (11/132), 5,3 % des bassins étroits (7/132), 3,0% des monstres fœtaux (4/132) et 1,5% des cas compliqués (2/132).

Cette différence peut s’expliquer par le fait que certaines races d’ovins sont plus prédisposées que d’autres au problème des dystocies.

Facteurs de risque liés aux dystocies
Poids à la naissance

Le poids à la naissance a été l’un des facteurs déterminants dans l’augmentation du taux de dystocies, nos résultats sont résumés dans la figure 1.

Figure 1. Variation du taux de dystocies en fonction du poids à la naissance des agneaux.

D’après nos résultats, les agneaux naissant avec un poids inférieur à 2 kg ont représenté à eux seuls 47,5% de l’ensemble des cas de dystocies rencontrées.Ceci s’explique par le fait que ces derniers sont généralement de faible vitalité et nécessitent une assistance au cours de leur mise bas. De même pour les agneaux à poids supérieurs à 4 kg, le taux reste élevé avec 34,4% des cas rencontrés ; ceci s’explique par les difficultés qu’ils rencontrent lorsqu’ils traversent la voie pelvienne. Par contre, nous avons enregistré un taux beaucoup plus faible pour les poids variant de 2 à 4 kg ; il a été de 18%.

Nos résultats rejoignent ceux de la majorité des auteurs :

Navegh (2008), a rapporté que la majorité des portées simples qui ont été à l’origine des dystocies ont concerné les agneaux à poids excessifs à la naissance avoisinant les 4,5 kg et plus.

Ghanam (2011) a rapporté que les agneaux à poids élevés ont été, dans leur majorité, sujets à des dystocies ; ceci a conduit à un taux de dystocies plus important chez la race Ouled Djellal.

George (1976) a rapporté que 60 % des agneaux qui ont présenté un poids à la naissance supérieur à 4,5 kg ont été à l’origine de dystocies, et seulement 10 % pour les agneaux qui ont présenté un poids inférieur à 3,2 kg.

Cagnetta et al (1995) ont rapporté que le poids de l'agneau est beaucoup plus élevé dans les cas de dystocies que dans les naissances sans aide.

Harwig (2000) a trouvé que l’obésité et le manque d’exercice en fin de gestation sont susceptibles d’être des facteurs favorisants de la dystocie.

Speijers et al (2010) ont estimé que l'incidence de la dystocie commence à augmenter lorsque le poids à la naissance des agneaux a dépassé les 4 kg et que la surcharge pondérale s'est avérée la cause prédominante de la dystocie chez les agneaux uniques.

Dwyer et Bünger (2012) ont rapporté que les agneaux qui n'ont pas besoin d'aideà la naissance sont considérablement plus légers que les autres.

Horton et al (2017) ont estimé que le déterminant le plus important de la survie de l'agneau est le poids à la naissance qui est fortement influencé par l'état corporel de la brebis pendant la gestation, en particulier en fin de gestation. Le poids vif et la note de l’état corporel de la brebis pendant la gestation peuvent être des indicateurs supplémentaires du risque des dystocies, en particulier chez les brebis ayant un poids vif élevé au cours des 60 premiers jours de gestation.Ces mêmes auteurs ont rapporté que la dystocie était moins fréquente chez les agneaux d'environ 4,8 kg, mais il y avait un risque plus élevé à la fois pour les poids inférieurs et supérieurs.

Sexe du nouveau-né

D’après nos résultats, sur les 122 cas de dystocies rencontrés, les agneaux mâles étaient un peu plus concernés que les femelles avec des taux respectifs de 57,1% pour les mâles contre 42,9% pour les femelles. Ceci peut s’expliquer sans doute par le poids des mâles légèrement supérieur à celui des femelles surtout en cas de portée simple.

Nos résultats sont similaires à ceux rapportés par plusieurs auteurs :

Osuagwuh et al (1980), en Afrique de l’Est, ont rapporté que 80 % des dystocies intéressent des agneaux mâles.

Ahmad et al (2000), au Pakistan, ont rapporté un taux de mortalité de 9,1% des mâles par rapport à 7,3% pour les femelles.

Purohit (2006), en Inde, a rapporté que l’incidence des dystocies varie entre 8 à 50 % chez les ovins et qu’elle est plus fréquente chez les brebis portant des fœtus uniques et des mâles.

Dwyer et Bünger (2012), en Ecosse, ont rapporté que les agneaux mâles exigent une assistance plus souvent que les femelles, ce qui s'explique au moins en partie par le poids supérieurà la naissance constaté chez les agneaux mâles. De même les mâles ont également tendance à une présentation anormale plus fréquente, ce qui peut être dû aux différences du développement comportemental prénatal entre les sexes, en particulier chez les races qui ont été sélectionnées pour certains traits de production.

Hiranya et al (2015), en Inde, ont rapporté dans une étude rétrospective sur 70 brebis et chèvres durant la période 2004-2011 que le taux des dystocies chez les brebis porteuses des fœtus mâles est plus élevé que chez les brebis porteuses des femelles (61,5% contre 38,5%).

Parité des brebis

D’après nos résultats, les brebis primipares sont plus sujettes aux dystocies avec un taux de 66,3% de l’ensemble des cas rencontrés. Par contre les multipares (2 agnelages et plus) ont été moins confrontées à ce problème ; nous avons enregistré un taux de 33,6% pour cette catégorie d’animaux. Ceci peut être expliqué par le jeune âge des brebis primipares et qui sont peu expérimentées pour affronter les étapes de la parturition.

Nos résultats sont similaires à ceux rapportés par plusieurs auteurs :

Dawson et Carson (2002), au nord de l’Irlande, ont rapporté que les brebis d'un an ont besoin d'aide à l'agnelage plus souvent que les brebis de deux ou trois ans.

Navegh (2008) a montré que le nombre de dystocies est plus important chez les brebis primipares âgées de 2 ans avec 37/112 cas recensés ; ce nombre diminue chez les brebis âgées de 3 à 5 ans et redevient plus important dès que les brebis atteignent les 6 ans et plus.

Hiranya et al (2015) ont rapporté que la dystocie est plus élevée chez les primipares et chez les brebis plus âgées (Horton et al, 2017).

Speijers et al (2010) ont estimé que la probabilité des dystocies baisse avec l'âge de la brebis. Bien que les agneaux nés de brebis de 3 ans avaient un risque plus élevé de dystocies que les brebisde 2, 4, 5 ou 6 ans, le risque accru de dystocies chez les brebis de 3 ans est sans doute dû à la prévalence accrue de naissances multiples.

Taille de la portée

Les résultats de la variation du taux de dystocies en fonction de la taille de la portée sont rapportés dans la figure 2 :

Figure 2. Variation du taux de dystocies en fonction de la taille de la portée.

D’après nos résultats, sur les 3 168 agnelages, nous avons enregistré 2 540 naissances simples, 624 naissances doubles et 4 naissances triples.

La taille de la portée avait eu une influence sur le taux de dystocies puisque 75% des portées triples et 6,9% des portées doubles étaient dystociques contre 3% seulement pour les portées simples. Ces résultats s’expliquent par le fait que dans un nombre important de cas de gémellités, deux agneaux se trouvent engagés en même temps au cours de l’agnelage, ce qui conduit automatiquement à des cas de dystocie.

Nos résultats rejoignent ceux de la majorité des auteurs :

Krueger et Wassmuth (1974) ont rapporté que la dystocie a été observée dans 10 % chez les brebis portant des agneaux uniques, 11 % des jumeaux et 14 % des triplés.

Cloete et al (1993) ont estimé que la taille de la portée peut aussi avoir des conséquences négatives sur le déroulement de la parturition : 86 % des brebis présentant une gestation triple nécessitent de l’assistance après plus de quatre heures de travail.

Everett-Hincks et Dodds (2008), en Nouvelle- Zélande ont rapporté que le risque de dystocies est plus fort chez les brebis portant des triplets; chez les triplets, le risque de mortalité des agneaux est 9 % plus élevé que chez les jumeaux.

Speijers et al (2010), au nord de l’Irlande, ont montré que l'incidence accrue de la dystocie pour les portées multiples correspond à l'incidence accrue de présentations anormales à la naissance.

A l'inverse, dans d'autres études, les agneaux uniques sont beaucoup plus susceptibles d'avoir besoin d'assistance à la naissance que les jumeaux ou les agneaux multiples (George, 1976 ; Silva et Noakes, 1984 ; Echternkamp et Gregory, 1999 ; Dwyer et Bünger, 2012). Ceci s’explique par le fait que les agneaux nés seuls risquent davantage d’être confrontés à la dystocie à cause du poids plus élevé à la naissance alors que la portée multiple augmente le risque de dystocies suite aux présentations anormales.

Saison d’agnelage

Les résultats des taux de dystocies en fonction de la saison d’agnelage sont montrés dans la figure 3:

Figure 3. Variation du taux de dystocies en fonction de la saison d’agnelage.

D’après nos résultats, les dystocies sont plus fréquentes en automne et au printemps avec des taux respectifs de 37,7% et 34,4%, ces derniers ont tendance à diminuer en hiver et en été avec respectivement 21,3% et 6,6%.

Ces taux s’expliquent en grande partie par la concentration des agnelages en ces périodes de l’année qui sont très prisées par la majorité des éleveurs car elles coïncident avec l’augmentation des disponibilités fourragères.

George (1976) arapporté que l’hiver et le printemps sont les périodes les plus critiques en ce qui concerne les taux de dystocies avec des taux respectifs de 35 % et 39 % et avec un degré moindre l’été avec un taux de 26 % seulement.

Cecilia et al (1996) ont rapporté que la dystocie était plus fréquente en hiver et au printemps.

Navegh (2008) et Ghanam (2011), en Algérie, ont rapporté une augmentation des cas des dystocies durant les mois de mars et de novembre respectivement à Ksar El Boukhari et à Souk Ahras.

Hiranya et al (2015), en Inde, ont rapporté dans une étude rétrospective sur 70 brebis et chèvres durant la période (2004-2011) que le taux des dystocies en hiver était de 42,9%, au printemps 28,6%, en automne 20% et en été 8,6% respectivement.

Ahmed et al (2017), au Nigeria, ont rapporté une augmentation des taux de dystocies durant les mois de novembre et d’août.

Mesures utilisées pour traiter les cas de dystocies rencontrées

Les résultats des différentes interventions utilisées pour traiter les cas de dystocies rencontrées sont montrés dans le tableau 2 :

Tableau 2. Fréquence des cas dystocies selon le type de traitement appliqué (n = 122)

Type d’intervention

Nature de la dystocie

Fréquences
des cas

Manœuvres obstétricales

(n=90) Mauvaise présentation

75,4%

(n=2) Torsion utérine

Césarienne

(n=4) Atrésie du col

4,1%

(n=1) Torsion utérine

Fœtotomie

(n=5) Disproportion foeto-maternelle

8,2%

(n=5) Monstruosité

Abattage

(n=7) Emphysème foetal

12,3%

(n=8) Disproportion foeto-maternelle

n : nombre de cas

Sur les 122 cas de dystocies rencontrées, 75,4% ont pu être traités par de simples manœuvres obstétricales, 8,2% des cas ont été traités par fœtotomie, 4,1% des cas ont été traités par césarienne et enfin 12,3% des cas restant n’ont pas pu être traités pour des raisons diverses telles que le manque de moyens et les interventions tardives.Ceci a conduit à l’abattage des brebis concernées.

Plusieurs travaux ont été réalisés sur le sujet, les résultats rapportés sont résumés dans le tableau 3.

Tableau 3. Fréquence des cas de dystocies selon le type de traitement appliqué comparée à la bibliographie

Référence

Notre
étude

Ghanam
(2011)

Navegh
(2008)

Azawai
et al (2003)

Région d’étude

Tiaret (Algérie)

Souk Ahras (Algérie)

Ksar El Boukhari (Algérie)

Irak

Période d’étude

janv. à déc. 2016

janv. à déc. 2010

oct. 2005 à avr. 2007

2000 à 2001

Animaux

122 brebis Rembi

62 brebis

125 brebis

55 brebis Awasi

Type de
dystocies (%)

Manœuvres obstétricales

75,4

61,3

53,6

32,7

Foetotomie

8,2

14,5

1,8

-

Césarienne

4,1

1,6

44,6

67,3

Abattage

12,3

8,1

-

-

Traitement hormonal

-

14,5

-

-

Nos résultats rejoignent ceux de Ghanam (2011) qui a rapporté que la majorité des cas de dystocie peuvent être traités par de simples manœuvres obstétricales ; par contre ils sont différents de ceux rapportés par Navegh (2008) et Awazi et al (2003) qui ont rapporté des taux d’intervention par césarienne trop élevés. Ceci ne peut s’expliquer que par le fait que ces auteurs ont favorisé cette méthode au dépend des autres procédés d’interventions.

Il est à signaler que les agneaux issus d’agnelages dystociques (toutes interventions confondues) doivent être assistés les premiers jours de vie plus que les autres. Cet avis est partagé par d’autres auteurs :

Dwyer (2003) a rappelé que les agneaux qui sont issus d’agnelages dystociques étaient moins actifs pendant les trois premiers jours après la naissance que ceux à naissance plus facile.

De même, Jyothi et al (2014), en Inde, ont rapporté que beaucoup d'agneaux et de brebis meurent à cause d'une manipulation prolongée ou d’une extraction forcée excessive des agneaux. Les forces excessives peuvent entraîner une hémorragie, un choc, des traumatismes, une infection après agnelage et des problèmes de fertilité.

Enfin, selon Ahmed et al (2017), au Nigeria, les dystocies représentent un problème majeur dans la reproduction des petits ruminants, ils estiment que la gestion de ce problème doit être améliorée pour sauver les animaux en gestation et leurs petits.

Deuxième volet de l’étude
Etude de la pertinence de l’utilisation de la césarienne comme moyen de traitement des dystocies
Importance du moment d’intervention sur la viabilité des agneaux et de leurs mères

Sur les 99 cas de césariennes réalisées sur des brebis ramenées au niveau des cabinets vétérinaires privés qui ont accepté de collaborer à la réalisation de ce travail pour un motif de dystocie, les résultats concernant le moment d’intervention et ses répercussions sur la viabilité des agneaux et de leurs mères sont résumés dans la figure 4:

Figure 4. Influence du moment d’intervention par césarienne sur la viabilité des agneaux et de leurs mères.

D’après nos résultats, le moment d’intervention a eu un impact direct sur la viabilité des agneaux et de leurs mères. L’intervention précoce dans les 4 premières heures du début du travail a permis l’obtention des taux de mortalités respectifs des agneaux et de leurs mères de 9,5% et 3,1% ; l’intervention entre 4 à 6 heures a conduit à l’augmentation de ces taux à des valeurs respectives de 29,5% et 6,0%. Ces dernières deviennent très importantes en cas d’interventions tardives (au-delà de 6 heures) avec des taux de 82,6% et 29,4%.

Nos résultats rejoignent ceux de plusieurs auteurs :

En Iraq, Faraidoon et Talib (2010) ont rapporté que la césarienne était la méthode la plus efficace et la plus sûre du traitement des dystocies chez les brebis Karadi surtout si elle est effectuée le plus tôt possible.

Toujours en Iraq, Naoman et al (2013) ont rapporté que la césarienne était le meilleur traitement des dystocies chez les brebis de race Awassi Iraquienne, et c’est l’un des procédures de sécurité et de succès pour la gestion des dystocies surtout si elle est effectuée le plus tôt possible.

En Jordanie, Ismail (2017) a estimé que la césarienne était la méthode la plus efficace pour le traitement de la plupart des types des dystocies, en plus elle assure une sécurité pour la mère et ainsi pour le fœtus, en particulier lorsque elle est effectuée le plus tôt possible après le début du travail.

En revanche, en Inde, Kumair et al (2013) ont rapporté que la technique de la césarienne est une technique efficace pour traiter les dystocies chez les petits ruminants, même si elle est effectuée tardivement dans les cas de dystocie.


Influence de la césarienne sur la fertilité ultérieure des brebis opérées

D’après nos résultats, sur les 99 brebis opérées, 8 ont péri et les 88 restantes ont subi un suivi correct en période post-opératoire, ceci a permis leur réintroduction rapide (entre 2 à 3 mois) dans les élevages et 86 brebis sur 91 ont repris leur activité sexuelle le plus normalement soit 86,9% sur l’ensemble des brebis opérées.

Nos résultats rejoignent ceux de Majeed et al (1993) qui ont rapporté dans leur étude sur la césarienne que la viabilité des fœtus après une césarienne était 43 % (82/191) et le taux de survie des mères était 95 % dont 86 % des brebis avaient une simple reprise et conçues dans l’œstrus suivant.

Aussi, il est à signaler que le prix d’une césarienne payée par l’éleveur est de 5 000 à 6 000 dinars algériens. Celui d’une brebis vendue au marché est de 30 000 ± 5 000 dinars algériens et celui d’un agneau de 10 kg est de 6 000 ± 2 000 dinars algériens. L’opération est donc rentable pour l’éleveur si la vie de la brebis est aussi en jeu, d’autant plus que dans certains cas, l’éleveur peut être très attaché à une brebis qui résulte d’une sélection ou pour des raisons sentimentales.


Conclusion


Remerciements

Nous tenons à remercier l’ensemble des cliniciens privés de la région de Tiaret qui ont accepté de contribuer à la réalisation de ce travail.


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Received 4 October 2018; Accepted 17 October 2018; Published 1 November 2018

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