Livestock Research for Rural Development 29 (4) 2017 | Guide for preparation of papers | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
Un dispositif d’enquête de 45 exploitations bovines laitières de la zone périphérique de la ville d’Alger a été mis en place en 2012 pour évaluer leur durabilité à l’aide des 42 indicateurs de la méthode IDEA et élaborer une typologie de ces exploitations en fonction de leur niveau de durabilité. Une deuxième enquête a été exécutée en 2015 pour travailler sur l’évolution de leur durabilité à court terme (3 années) et l’origine des variations.
L’analyse globale de la durabilité a permis de relever la tendance suivante : elles sont moyennement durables sur le plan agro-écologique, moins durables sur le plan économique et plutôt non durables sur le plan socio-territorial. L’analyse typologique a mis en évidence 4 classes de durabilité : i)- classe 1 : exploitations à durabilité moyenne limitée par l’échelle socio-territoriale (10 exploitations en 2012, 16 en 2015), ii)- classe 2 : exploitations à durabilité faible limitée par l’échelle économique (13 puis 0 exploitation), iii)- classe 3e : exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle économique (5 puis 13 exploitations), iv)- classe 3s : exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle socio-territoriale (17 puis 11 exploitations). L’étude de la trajectoire à court terme de ces exploitations a montré la disparition de cinq exploitations : 4 de la classe 3s et 1 de la classe 3e. D’autre part, d’autres ont migré et la classe 2 a disparu en 2015. Ainsi, les exploitations étudiées ont présenté une aptitude à la durabilité assez faible d’après les critères utilisés, avec en particulier une vulnérabilité foncière.
Mots clés: Algérie, méthode IDEA, trajectoire d’évolution
In 2012, a survey of 45 dairy cattle farms has been conducted in the suburb of Algiers in order process the following tasks i) carry out a descriptive analysis, ii) assess their sustainability using 42 indicators of the method IDEA and iii) develop a typology of farms according to their level of sustainability. A second survey was conducted in 2015 to work on the evolution of their short-term sustainability (three years) and the origin of these variations.
The overall sustainability analysis has identified the following trend: they are moderately sustainable in terms of agro-ecological, less economically sustainable and rather unsustainable at the socio-territorial level. The typological analysis revealed four classes of sustainability: i) - class 1: farms with average durability limited by the socio-territorial scale (10 farms in 2012, 16 in 2015), ii) - class 2: farms with low durability limited by the economic scale (13 then 0 farms), iii) - class 3e: farms with very low durability limited by the economic scale (5 then 13 farms), iv) - class 3s: farms with very low durability limited by the socio-territorial scale (17 then 11 farms). The study of the short-term trajectory of these farms showed the disappearance of five farms: 4 of class 3s and 1 of class 3e. On the other hand, others migrated and class 2 disappeared in 2015. Thus, the farms studied presented a fairly low sustainability according to the criteria used, with in particular a vulnerability of land.
Key words: Algeria, method IDEA, evolution trajectory
Depuis l’apparition du concept de développement durable au lendemain du Sommet de la terre en 1992, l’agriculture durable est devenue une référence partagée par nombres d’acteurs universitaires, économiques et sociaux. Avec une multitude de définitions, les auteurs s’accordent tous sur les trois principales fonctions, écologique, sociale et économique que se doit de remplir l’agriculture en vue de satisfaire les besoins des générations futures.
L’agriculture périurbaine, au strict sens étymologique est définie comme étant celle qui se trouve à la périphérie de la ville, quelle que soit la nature de ses systèmes de production (Fleury et Donadieu 1997). Cette agriculture a de multiples objectifs et remplit de nombreuses fonctions. Elle contribue à plusieurs titres à la gestion de la ville en participant à l’approvisionnement, surtout en produits frais, en créant des emplois et des revenus qui contribuent à l’équilibre social, en améliorant l’environnement par une gestion spécifique des déchets, en améliorant le cadre de vie et en valorisant des ressources sous utilisées. Cependant, comme dans toutes les villes du monde, l’agriculture périurbaine à Alger subit la forte pression de la croissance urbaine en termes non seulement de pertes d’espaces, mais aussi de perte de sa propre cohérence agricole.
Selon la direction des services agricoles de la wilaya d’Alger (2015), de 2003 à 2014, la wilaya d’Alger a perdu 6 136 hectares soit 17% de sa superficie agricole utile (SAU). Elle possède le plus faible ratio de surface agricole utile soit 0,01 hectare/habitant alors que la moyenne nationale est de 0,25 hectare/habitant. Ainsi, les pressions présentes et futures sur les ressources naturelles de cette agriculture qui rendent de plus en plus précaires l’activité de l’élevage bovin interpellent.
Ce travail de recherche qui s’inscrit dans cette dynamique se veut une tentative d’appréhender la variation à très court terme de la durabilité des exploitations bovines laitières de la zone périurbaine d’Alger, laquelle en raison de sa saturation déverse ses excédents sur sa périphérie (Ain Taya, Rouiba, Baraki, Draria, Birtouta…) où est localisé un nombre important d’agriculteurs et d’éleveurs.
Pour analyser l’évolution de la durabilité des exploitations bovines laitières de la zone périurbaine de la ville d’Alger, le choix est axé sur la méthode des Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles (IDEA) (Vilain 2008). Ce choix est motivé par sa pluridisciplinarité puisqu’elle permet de dresser un état des lieux des exploitations et de rendre compte de leur évolution en ce qui concerne l’environnement, l’économie et le social (Viaux 2004). Cette méthode a été également choisie pour sa facilité de mise en œuvre et pour son adaptabilité à des enquêtes en temps limité. Cette méthode IDEA est basée sur l’évaluation de scores qui établit une performance globale de l’exploitation agricole à partir de 42 indicateurs. Elle part de l’hypothèse qu’il est possible de quantifier les diverses caractéristiques des systèmes agricoles en leur attribuant une note chiffrée, puis d’agréger les informations obtenues pour obtenir un « score » ou performance globale. L’agrégation repose sur l’attribution d’une note, comprise entre 0 et 100, à chacune des trois échelles suivantes : i)- durabilité agro-écologique qui analyse la capacité d’un système à combiner les ressources du milieu, ii)- durabilité socio-territoriale qui mesure l’insertion de l’exploitation dans son territoire, et, iii)- durabilité économique qui aide à comprendre les résultats économiques au delà du court terme et des aléas conjoncturels.
La méthode a été testée sur les exploitations bovines laitières de la zone périurbaine de la ville d’Alger qui fait partie du territoire de la plaine de la Mitidja qui est administrée par 4 wilayas (Alger, Boumerdès, Tipaza et Blida). Cette longue plaine littorale de 1 400 km2 située au centre de l’Algérie du Nord est l’une des plaines les plus fertiles du pays. Son importance économique et sociale se mesure à l’ampleur de ses surfaces, aux effectifs de main-d’œuvre et à la valeur des productions.
Le choix de cette zone est motivé par ses grandes potentialités agricoles mais aussi par les fortes contraintes surtout d’ordre environnemental qui pèsent sur les exploitations agricoles à cause principalement du phénomène d’urbanisation.
Les critères de sélection de l’échantillon d’étude ont reposé sur les principes généraux suivants : i)- couvrir le plus possible la totalité de la zone périurbaine de la ville d’Alger, ii)- exploitations à vocation élevage bovin laitier, iii)- souci d’une large diversité en terme de taille du cheptel, de surfaces agricoles et de la diversité de production et iv)- esprit coopératif des éleveurs et ce, dans le but de collecter un maximum d’informations.
Pour pouvoir recueillir de manière efficace les informations nécessaires au calcul des indicateurs, un questionnaire fonctionnel a été élaboré. Inspiré de la grille IDEA (Vilain 2008), il comporte 141 questions et fournit des données sur le cadrage (statut juridique de l’exploitation, …), la situation de l’exploitation au moment de l’enquête (main-d’œuvre, les différentes productions animales et végétales, le type d’irrigation et de pâturage, …), la gestion de l’atelier animal (alimentation, …), végétal (gestion de la superficie agricole utile, produits phytosanitaires, des déchets, des ressources naturelles et des fertilisants), la relation de l’éleveur avec son environnement (entre aide, fonction d’accueil, …) et sa qualité de vie et l’aspect économique de l’exploitation (revenu, chiffre d’affaire, ..)
Une première enquête a été exécutée au printemps 2012 auprès de 45 exploitations. Au printemps 2015, soit 3 années après, 40 d’entre elles (5 exploitations ont abandonné entre temps l’activité d’élevage) ont fait l’objet d’une deuxième enquête.
Les enquêtes, aussi bien la première que la deuxième, se sont déroulées sur 4 mois. Après une première prise de contact, et après avoir convenu d’une date de passage, nous avons consacré en moyenne 4 heures à l’enquête en exploitation. Celle- ci a débuté généralement par une présentation de l’objectif de l’étude, puis par l’enregistrement des réponses des éleveurs aux questions et s’est achèvée par la visite de l’exploitation. Cette visite a permis des échanges plus concrets et nous a permis parfois de mieux appréhender les motivations et les choix des exploitants et de compléter dans certains cas les réponses à certaines questions. Toutefois, il a fallu souvent recourir à un complément d’enquête en organisant une autre visite, en particulier lorsque certaines réponses apparaissaient incohérentes.
Les informations collectées au cours des 2 enquêtes ont fait l’objet d’un dépouillement pour le calcul des indicateurs dont le principe consiste en un barème de notation des modalités qui composent chaque indicateur. Pour évaluer le degré de durabilité des composantes et des échelles, des statistiques sommaires (moyennes, écarts types, coefficients de variation, maximum et minimum) des paramètres étudiés ont été effectuées à l’aide du logiciel Excel 2007.
Pour construire les typologies de la durabilité des exploitations enquêtées, une analyse factorielle en composantes principales (ACP) a été réalisée à l’aide du logiciel SPAD version 5.5 (Décisia, Puteaux, France).
De 2012 à 2015, soit en l’espace de 3 années, 5 exploitations ont arrêté l’activité d’élevage bovin, 4 de la classe 3s (E16, E26, E28 et E29) et 1 de la classe 3e (E27) (Tableau 1). Les raisons avancées par les éleveurs des exploitations privées n°16 (5 vaches laitières et 15 têtes ovines en 2012) et n° 29 (18 vaches laitières en 2012), situées respectivement à Baraki et à Ain Taya, tiennent principalement aux difficultés auxquelles ils font face pour continuer à pratiquer l’élevage en hors-sol à la suite du renchérissement des aliments concentrés et des fourrages grossiers mais aussi de la rareté des surfaces agricoles à louer. Ces deux éleveurs ont préféré vendre leur cheptel et investir dans une activité commerciale. Les exploitations E26 (EAI, 5 hectares, 24 vaches laitières en 2012), E27 (EAI, 5 hectares, 28 vaches laitières en 2012) et E28 (EAC, 12,5 hectares, 15 vaches laitières en 2012), situées toutes les trois à Rouiba ont dû pour leur part, céder, à la suite de multiples pressions mais aussi d’offres alléchantes, leurs terres aux autorités pour les reconvertir en chantiers pour des programmes de logements et autres bien d’équipements.
Tableau 1. Evolution des exploitations par classes de durabilité |
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Classe 1 |
Classe 2 |
Classe 3e |
Classe 3s |
Total |
|
En 2012 |
10 |
13 |
5 |
17 |
45 |
disparues |
-1 |
-4 |
(n=5) |
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niveau diminué |
-10 |
+9 |
+1 |
(n=10) |
|
niveau augmenté |
+6 |
-3 |
-3 |
(n=6) |
|
En 2015 |
16 |
0 |
13 |
11 |
40 |
Classe 1 : exploitations à durabilité moyenne limitée par l’échelle socio-territoriale |
Le score de durabilité totale en 2015 des 40 exploitations restante n’a pas trop varié puisqu’il est passé de 31,4±9,9 à 31,7±8,8%, soit une augmentation d’à peine 0,95%. En revanche, les trois échelles de durabilité enregistrent une dégradation plus ou moins importante de leur score. Ainsi, l’échelle agro-écologique a diminué de 6,0%, l’échelle socio-territoriale de 1,25% et l’échelle économique de 3,24% (Tableau 2).
L’écart entre le score minimal et le score maximal observé est plus important dans la première enquête (2012) pour la durabilité totale et les trois échelles de durabilité (Tableau 3).
Tableau 2. Variation des scores de la moyenne des trois échelles de durabilité, de leurs sommes et de la durabilité totale |
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Scores |
Evolution (%) |
|||
2012 |
2015 |
|||
Echelle |
Agro-environnementale |
48,7 ± 15,8 |
45,7 ± 12,4 |
-6 |
Socio-territoriale |
38,3 ± 10,8 |
37,8 ± 9 |
-1,25 |
|
Economique |
44,4 ± 15,6 |
43,0 ± 15,6 |
-3,24 |
|
Somme |
131 ± 28,1 |
127 ± 24,1 |
-4,45 |
|
Durabilité totale |
31,4 ± 9,88 |
31,7 ± 8,77 |
0,95 |
|
Tableau 3. Ecarts entre le minimum et le maximum observés entre la première et deuxième enquête |
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Enquête 1 (2012) |
Enquête 2 (2015) |
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Minimum |
Maximum |
Minimum |
Maximum |
||
Echelle |
Agro-écologique |
90 |
24 |
80 |
23 |
Socio-territoriale |
59 |
19 |
55 |
21 |
|
Economique |
76 |
15 |
68 |
15 |
|
Durabilité totale |
59 |
15 |
51 |
15 |
|
Pour identifier les exploitations qui ont changé ou qui n’ont pas changé de classe de durabilité en l’espace de trois années, des analyses en composantes principales ont été exécutées pour les deux enquêtes.
Les résultats de ces analyses montrent que 21 exploitations sur les 45 soit près de 47% des exploitations de l’échantillon ne sont pas restées dans les mêmes classes de typologie de durabilité identifiées en 2012. Selon leur type de départ, les 45 exploitations se divisent en 3 modalités : changement de classe (35,6% des exploitations), stabilité dans la classe initiale (53,3% des exploitations) et disparition de 5 exploitations (11,1% des exploitations) relevant des classes 3e (exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle économique (1 exploitation) et 3s (exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle socio-territoriale (4 exploitations) (Tableau 1).
L’analyse des trajectoires des 16 exploitations ayant changé de classes de typologie en 2015 (Tableau 1) montre que sur les 13 exploitations qui figuraient en 2012 dans la classe 2 (exploitations à durabilité faible limitée par l’échelle économique), 9 ont migré vers la classe 3e (exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle économique) ce qui s’explique par la détérioration de leur durabilité notamment sur le plan économique, 3 ont migré vers la classe 1 (durabilité moyenne limitée par l’échelle socio-territoriale) enregistrant ainsi une amélioration de leur durabilité et enfin 1 exploitation a subi une forte diminution de sa durabilité notamment socio-territoriale en migrant vers la classe 3s (exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle socio-territoriale). Trois exploitations appartenant en 2012 à la classe 3s (exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle socio-territoriale) sont passées en 2015 dans la classe 1 (durabilité moyenne limitée par l’échelle socio-territoriale) ce qui témoigne également de l’amélioration de leur durabilité.
La durabilité agro-écologique affiche la meilleure performance avec une moyenne de 48,7±15,8 et 45,7±12,4 points sur 100 respectivement pour la première et la deuxième enquête. Ces valeurs sont toutefois plus faibles que celles observées par Ghozlane et al (2006) pour les élevages bovins laitiers de la Wilaya de Tizi Ouzou et Bekhouche-Guendouz (2011) pour les exploitations laitières du bassin de Annaba, soit respectivement 67,2, 55,7 et 51,6 points. Pour la zone semi aride de Sétif, Far (2007) et Bir (2015) rapportent des valeurs de durabilité environnementale des exploitations bovines laitières nettement plus élevées avec respectivement 67,6 et 56,2 points.
La durabilité socio-territoriale constitue le point faible pour 25 exploitations (55% de l’échantillon d’étude). Cette échelle affiche en effet le plus faible score avec une moyenne de 38,3±10,8 points sur 100 pour la première enquête et 37,8±9 points pour la deuxième enquête. Ces scores sont comparables à celui obtenu par Benatellah (2007) pour les exploitations bovines laitières de la subdivision agricole de Birtouta (Alger), soit 39 points sur 100. Il demeure cependant de loin plus faible que les scores observés par M’hamdi et al (2008) pour les élevages bovins laitiers en Tunisie et Bir (2015) pour la région semi aride de Sétif, soit respectivement 52,5 et 52,3 points sur 100.
La durabilité économique de ces exploitations est relativement moyenne (44,4±15,6 points pour la première enquête et 43,0±15,6 points sur 100 pour la deuxième enquête). Ces scores sont largement inférieurs à celui rapporté par Benatellah (2007) pour les exploitations bovines laitières de la subdivision agricole de Birtouta (Alger), soit 60 points sur 100. Cette variabilité est sans doute à mettre en relation avec la plus faible taille et la localisation géographique des exploitations de notre échantillon d’étude. Il apparaît donc que les exploitations de la périphérie immédiate des grandes agglomérations sont plus fragiles sur le plan économique. Le score de ces exploitations demeure également inférieur à ceux observés pour la zone semi-aride de Sétif par Yakhlef et al (2008), Bir et al (2011) et Bir (2015), soit respectivement 49, 54,4 et 54,4 points/100.
L’étude de la trajectoire à court terme (3 années) des exploitations bovines laitières de la zone périurbaine de la ville d’Alger a permis de caractériser les traits dominants de l’évolution de leur durabilité. Ainsi, les deux principales observations qui découlent de cette étude concernent la disparition de cinq exploitations et la dégradation de la durabilité des trois échelles de durabilité, soit les scores de -6,01, de -1,25 et de -3,24% respectivement pour l’échelle agro-écologique, l’échelle socio-territoriale et l’échelle économique. En revanche, la durabilité totale s’est légèrement améliorée ; de 31,4% en 2012, elle passe à 31,7% en 2015 soit une augmentation de 0,95%.
La disparition de deux exploitations résulte des conditions d’élevage en hors-sol défavorables. En effet, la cherté des intrants (aliments, médicaments,…) mais également la cherté et la rareté des surfaces agricoles à louer se traduisent par des coûts de production élevés ce qui affecte négativement la rentabilité mais aussi la reproductibilité de l’élevage bovin laitier. Les fourrages valorisés proviennent par ailleurs en partie d’autres régions et les coûts de transport en font des facteurs de production inaccessibles.
La disparition des trois autres exploitations est par contre liée à l’expansion urbaine. L’élevage bovin de ces exploitations se situe en effet dans des espaces où il est en concurrence avec l’usage des terres pour l’habitat. L’espace agricole est ainsi de plus en plus envahi par des activités urbaines nuisibles, de voisinage désagréable, ou carrément ouvert à l’habitat. L’agriculture en général et l’élevage bovin en particulier y est en permanence en situation de voir son espace investi. Selon Semmoud et Ladhem (2015), la contrainte foncière qui caractérise les espaces agricoles des exploitations des zones périurbaines conduit à des systèmes de production fondés sur le confinement des animaux dans des habitats exigus et précaires. Ce manque d’espace s’oppose aussi à la production fourragère, indispensable à une production animale améliorée. La présence de ces activités urbaines désorganise l’agriculture qui tend à se retirer (Boudjenouia et al 2008). L’élevage bovin est le premier à être éliminé par la progression du tissu urbain.
Les différences de niveau de durabilité observées entre la première et la deuxième enquête sont dues, pour ce qui concerne l’échelle agro-écologique essentiellement à la dégradation des scores des composantes Diversité domestique et Organisation de l’espace. En effet, les indicateurs influencés par la présence d’une diversité animale et des cultures sur l’exploitation affichent de plus faibles scores en 2015 ce qui montre que certains éleveurs ont délaissé les cultures ou ont réduit le nombre d’espèces cultivées ou de races bovines élevées. Ce phénomène qui n’est pas sans conséquence sur les autres indicateurs comme la valorisation de l’espace est à mettre en relation avec la régression de la superficie agricole utile consécutivement à un fort accroissement démographique ce qui fragilise davantage ces exploitations. Cette situation est également la conséquence de la convergence de plusieurs facteurs, en particulier le désintérêt accordé au travail de la terre par les jeunes et l’émergence de nouveaux métiers dans le secteur tertiaire jugés plus nobles et plus lucratifs.
Le niveau de durabilité de l’échelle économique, légèrement plus faible en 2015 est dû principalement à la diminution des scores des composantes Viabilité économique, Indépendance et Transmissibilité qui s’explique respectivement par une baisse de l’EBE (soit plus d’intrants ou moins de chiffre d’affaires), une dépendance plus importante des aides de l’Etat et une plus faible efficience du processus productif. En fait, la diminution de la performance économique des 40 exploitations enquêtées en 2015 résulte surtout de l’augmentation des intrants et de leur renchérissement. C’est sans doute la raison qui explique le passage de 9 exploitations typées dans la classe 2 en 2012 (exploitations à durabilité faible limitée par l’échelle économique) vers la classe 3 (exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle économique) en 2015. Nous constatons également que ce sont les exploitations qui possèdent une superficie agricole utile relativement élevée associée à un effectif bovin appréciable qui ne sont pas sujettes aux fortes dégradations sur le plan de la durabilité contrairement aux élevages en hors-sol et aux exploitations de petite taille (SAU et effectif bovin) qui sont plus vulnérables.
Enfin, il apparaît que de manière générale, la durabilité à court et à long terme des exploitations bovines laitières de la zone périurbaine de la ville d’Alger ne semble pas être entièrement du ressort de l’éleveur mais beaucoup plus des facteurs externes (spéculation foncière, aides de l’Etat, facteurs socio-économiques et juridiques, coût des intrants, représentation sociale de l’agriculture auprès des jeunes,…).
Les trois principales observations qui ressortent de l’étude de la trajectoire à court terme des exploitations bovines laitières de la périphérie de la ville d’Alger concernent en premier lieu et sans doute la disparition de cinq exploitations typées en 2012 dans les classes de durabilité 3e (exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle économique) (1exploitation) et 3s (exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle socio-territoriale) (4 exploitations). Cette disparition est liée pour les deux élevages en hors-sol (E16 et E29) aux conditions économiques contraignantes et pour les trois autres (E26, E27 et E29) à la conversion de leurs terres en chantiers pour des programmes de logements et de biens d’équipements.
La deuxième observation porte sur la disparition en 2015 de la classe de durabilité 2 (exploitations à durabilité faible limitée par l’échelle économique) et la migration des exploitations de cette classe vers la classe 3e (exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle économique) (9 exploitations), la classe 1 (exploitations à durabilité moyenne limitée par l’échelle socio-territoriale) (3 exploitations) et la classe 3s (exploitations à durabilité très faible limitée par l’échelle socio-territoriale) (1 exploitation). Ceci s’accompagne d’une légère amélioration de la durabilité totale (+ 0,95%) qui n’est pas exempte d’une certaine diminution du degré de durabilité des échelles agro-écologiques (-6,01%), socio-territoriale (-0,80%) et économique (-3,23%). Le changement de type d’élevage au cours du temps est fonction de plusieurs facteurs, entres autres, la taille du troupeau, la présence ou l’absence de surfaces agricoles et le coût des intrants.
La troisième observation qui ressort de cette étude concerne les grandes tendances d’évolution de la durabilité des exploitations de l’échantillon d’étude. Celles-ci possèdent une durabilité socio-territoriale faible mais stable dans le temps. Par contre, leurs durabilités agro-écologiques et économiques sont en légère régression. Les marges de manœuvre de ces exploitations pour améliorer leur situation paraissent limitées. Toutefois, il faut noter que l’étude n’a pas recherché les exploitations apparues.
Enfin, cette étude de la trajectoire à court terme des exploitations révèle que de façon globale, celles-ci présentent une faible aptitude à la durabilité d’après les critères de la méthode IDEA. Cette méthode met en exergue en particulier leur vulnérabilité foncière. Ce constat n’est pas évidemment rassurant pour la pérennité de l’élevage bovin laitier de la zone d’étude qui est à la fois porté par l’aide de l’Etat et contraint par l’expansion urbaine initiée en grande partie par ce même Etat.
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Received 15 January 2017; Accepted 11 February 2017; Published 1 April 2017