Livestock Research for Rural Development 27 (7) 2015 | Guide for preparation of papers | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
Ce travail porte sur la caractérisation structurelle et fonctionnelle des élevages bovins laitiers en Algérie. La zone de Fréha (wilaya de Tizi-Ouzou), où l’élevage bovin laitier est développé, a été retenue comme zone d’étude. La typologie, qui ressort des résultats d’une enquête réalisée dans 32 élevages en 2014, a mis en évidence 4 groupes d’élevages. Ces derniers se différencient principalement par la SAU exploitée, les effectifs de vaches et les volumes des ventes quotidiennes de lait. Les élevages exploitent, en moyenne, une SAU de 11 ± 9 ha, la taille moyenne des élevages étant de 8 ± 5 vaches. Ces dernières reçoivent en moyenne, sans rationnement, 9 ± 3 kg de concentré et produisent en moyenne 15 ± 5 litres par jour. L’insuffisance des surfaces fourragères (10 ha pour 8 vaches) s’avère une contrainte qui conditionne la production laitière. Elle a une importance croissante dans le contexte incitatif des pouvoirs publics d’augmenter les effectifs bovins laitiers. Les besoins alimentaires des vaches sont couverts principalement par des concentrés. Dans ce contexte, avec la carence en surfaces fourragères en vert et la forte utilisation des aliments concentrés, la productivité des vaches peine à se développer.
Mots clés: bovin laitier, effectif, fourrage, production laitière, typologie, vente
This work focuses on the structural and functional characterization of dairy cattle farms in Algeria. Fréha area (Tizi-Ouzou), where dairy farming is developed, was selected as study area.
The typology emerging from the results obtained by a survey conducted in 32 farms in 2014, highlighted four groups of farms. These differ mainly in terms of UAS (Useful Agricultural Surface) used, cows number and volume of daily milk sales. Farms operate, on average, 11 ± 9 UAS hectares; the average size of farms is about 8 ± 5 cows. The latter receive on average without rationing, 9 ± 3 kg concentrated food and produce an average of 15 ± 5 liters of milk per day. The lack of fodder areas (10 hectares for 8 cows) proves the constraint affecting the milk production. This is of growing importance in the context of government incentives to increase the dairy cattle size. The cow feed needs are mainly covered by the concentrated foods. In this context, with deficiency in green fodder areas and the high use of concentrated feed, cow productivity pain to develop.
Keywords: dairy cattle size, fodder, milk production, milk sales, typology
L’accroissement de la production laitière est le principal objectif fixé par les politiques publiques dans le contexte de la production laitière en Algérie, afin de réduire les importations de poudre de lait sans cesse croissantes. En effet, la production laitière reste encore insuffisante malgré la mise en œuvre de politiques publiques d’aide à la production et à la collecte du lait (Srairi et al 2013). Certes, ces mesures incitatives ont participé à l’augmentation du taux de couverture de la demande par la production nationale soit 30 % en 2007, 40 % en 2008 et 53 % en 2011 selon les statistiques de 2014 du Ministère de l’agriculture et du développement rural (MADR).
Cependant, l’élevage bovin laitier souffre encore de plusieurs insuffisances. Ces dernières peuvent être attribuées au manque de maîtrise de la conduite de l’élevage, notamment l’alimentation du troupeau laitier qui ne s’améliore guère (Houmani 1999 et Issolah 2008) mais aussi à la maîtrise de la reproduction (Yahimi et al 2013). Cet aspect constitue un objet de recherche dans la mesure où la problématique posée concerne les dysfonctionnements d’un système d’élevage.
En ce sens, la production de fourrages réservée à l’élevage bovin laitier est limitée par les superficies exploitées à cet effet selon le Recensement Général de l’Agriculture (RGA) en 2001 et Issolah (2008). De plus, les rendements dans la production fourragère sont aussi loin des normes (Belkheir et al 2011).
La présente étude a pour objectif de caractériser les composantes structurelles et de performances de production laitière des élevages bovins laitiers situés dans une zone considérée comme forte productrice de lait de vache. En effet, la zone de Fréha (Tizi-Ouzou) est considérée comme bassin laitier à Tizi-Ouzou et en Algérie, compte tenu de son classement national au 5eme rang et au 2eme rang en termes de production et de collecte de lait de vache respectivement (MADR 2014).
Notre étude a été conduite dans la zone de Fréha. Le choix de cette zone est justifié par l’importance de l’élevage bovin laitier et des surfaces agricoles utiles (SAU) utilisées pour produire les fourrages.
La wilaya (district) de Tizi-Ouzou est distante de 100 km d’Alger à l’Est (figure 1). Son potentiel foncier agricole limité est de 295 793 hectares avec 80% des terres en pente supérieure à 12%. Cette région est caractérisée par un morcellement des terres formant 66 650 exploitations (RGA 2001). Le climat de Tizi-Ouzou est de type méditerranéen, caractérisé par deux saisons bien distinctes: un hiver humide et froid et un été sec et chaud. Les précipitations atteignent en moyenne 762 mm/an. La population est fortement rurale (63%, soit 791 031 habitants répartis sur 1400 villages) avec une forte densité démographique (441 habitants au km²) selon la Direction de la Planification et de l'Aménagement du Territoire (DPAT) en 2012. La SAU est de 98000 ha dont 5 à 6 % (soit 7050 ha) sont irriguées selon les données de 2014 de la Direction des Services Agricoles (DSA). Cette SAU reste faible, elle est de 0,27 ha/habitant en moyenne (Aït Amara 2007). Ghozlane et al (2006) notent également que cette wilaya a été reconnue pour sa vocation laitière relative (3% de la production nationale) et l'importance relative de son cheptel bovin (4% de l'effectif national).
Par ailleurs, la zone d’étude de Fréha dispose d’une SAU de 6 788 ha qui représente 7% de la SAU de la wilaya de Tizi-Ouzou. La région de Tizi-Ouzou, notamment, la localité de Fréha était connue principalement pour la production de viande (Djellalet al 2007). Mais à partir de 2000, avec l’avènement du programme FNDRA (Fonds National de Régulation et de Développement Agricole), l’élevage bovin laitier a pris un essor pour devenir une activité génératrice de revenu, particulièrement pour les petits agriculteurs (Ghozlaneet al 2010). Concentrée dans les exploitations de Fréha, la production laitière est passée de 82 millions de litres en 2009 à 145 millions de litres en 2014, soit une évolution de plus de 76% (DSA 2014).
Figure 1. La wilaya de Tizi-Ouzou et ses principales limites administratives (DSA 2014) |
Notre méthodologie de recherche est basée sur une enquête menée auprès d’éleveurs bovins laitiers de la région de Fréha, en 2014. Un échantillon aléatoire de 32 élevages bovins laitiers a été constitué. Tous les élevages enquêtés sont adhérents aux réseaux de collecte des différentes unités de transformation de lait cru.
Les données obtenues ont d’abord été soumises à une analyse descriptive classique (fréquences, écart-types, etc.….). Ensuite, une analyse multi-variée de type analyse en composantes principales (ACP), suivie d’une classification ascendante hiérarchique (CAH), ont été réalisées. Cette dernière vise à déterminer les similarités qui caractérisent les élevages et à identifier les différents groupes d’élevages. Six variables quantitatives ont été choisies pour réaliser l'ACP et la CAH. Le choix s'est porté sur les variables les plus déterminantes pour faire une typologie des élevages. Les variables concernées par cette analyse sont: surface agricole utile (SAU), effectif des vaches laitières, quantités de concentrés distribuées quotidiennement par vache, production laitière des vaches, autoconsommation et vente de lait.
La caractérisation des élevages bovins laitiers passe par l’identification structurelle et fonctionnelle de ces mêmes élevages.
L’évolution des effectifs des bovins à Fréha est illustrée dans la figure 2. La tendance observée montre un accroissement du cheptel bovin atteignant, en 2013, un total de 13 350 têtes, comprenant 5 310 vaches laitières dont 2 200 vaches de race importée à haut potentiel de production (soit 42 %) et 3 110 bovins croisés (59%).
La production laitière bovine dans la zone se distingue par une évolution progressive depuis 2001 jusqu’à 2013 (Figure 2). En effet, cette production est passée de 3,5 millions de litres en 2001 à 13,4 millions de litres, en 2013 soit 3,8 fois plus.
Figure 2. Evolution de la production de lait de vache en fonction des effectifs dans la zone de Fréha. Période (2001 – 2013) (DSA 2014) |
L’évolution récente de la production laitière bovine et de la collecte du lait résulte principalement de fortes aides financières des pouvoirs publics apportées aux différentes composantes de la filière laitière. Ces aides sont octroyées à travers notamment le FNDIA (Fonds National de Développement de l’Investissement Agricole) et les dispositifs d'investissement ANSEJ (Agence Nationale de Soutien à l’Emploi des Jeunes, pour les moins de 35 ans) et CNAC (Caisse nationale d’allocation chômage pour les plus de 35 ans). Par ailleurs, la wilaya de Tizi-Ouzou comptait 142 collecteurs en 2014 contre 7 seulement en 2004 (Tableau 1). Le développement de réseaux de collecte a permis d’enregistrer une hausse de la collecte du lait. Le volume collecté est passé de 8,3 millions de litres en 2004 à 87 millions de litres en 2014, soit 10,5 fois plus (DSA 2015). Le taux de collecte de lait est de 65%. Ce dernier est considéré parmi les meilleurs taux au niveau national. A l’échelle de la wilaya de Tizi-Ouzou, le plus grand volume de lait collecté (soit 1 549 000 litres/mois) a été obtenu dans la région de Fréha (soit 21% du lait collecté au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou). Dans la localité de Timizart (proche de Fréha), un village (Imaloussen) compte 140 éleveurs avec un effectif de 1225 vaches et arrive à produire 25 000 litres de lait/jour.
Tableau 1. Evolution (2004-2013) du nombre de collecteurs de lait et des quantités de lait collecté (DSA, 2014) | ||||||||||
Année | 2004 | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 |
Nombre de collecteurs | 7 | 18 | 21 | 29 | 34 | 26 | 37 | 71 | 89 | 99 |
Quantité de lait collectée×106 kg | 8 | 11 | 14 | 14 | 18 | 27 | 36 | 55 | 67 | 73 |
Dans la wilaya de Tizi-Ouzou, la superficie totale consacrée à la production fourragère est de 30 709 ha, repartie en 13 475 ha de fourrages artificiels (les cultures faites à base de trèfle, de sorgho, de luzerne, d’orge en vert, et d’avoine) et 17 294 ha en fourrages naturels. Les besoins de tout le cheptel ruminant de la wilaya de Tizi-Ouzou (111 926 têtes bovines, 208 727 têtes ovines et 64 873 têtes caprines) sont couverts par cette production à hauteur de 50% (DSA 2014). Tant en Algérie qu’à Tizi-Ouzou, les productions fourragères sont insuffisantes pour couvrir les besoins d’un cheptel de plus en plus croissant (Issolah 2008). Ce déficit est plus exprimé dans les zones littorales, steppiques et sahariennes pour des taux respectifs de 58%, 32 % et 29 % (Adem 2003). La proportion des terres réservées aux cultures fourragères, exploitées de manière extensive reste faible. Pour combler ce déficit, les éleveurs ont recours à l’usage de concentrés et de fourrages fournis par le marché. C’est ce qui constitue une contrainte au développement de cet élevage (Mouhous et al 2012). La production laitière dans lawilaya de Tizi-Ouzou est ainsi majoritairement à base de concentrés (Kadi et al 2007; Belkheir et al 2011).
La production fourragère au niveau de lazone de Fréha occupe 78% de la SAU (soit 3682 ha) avec une production totale de 124 701 tonnes et un rendement de 32,3 t/ha (Tableau 2). Les principales cultures fourragères sont: vesce-avoine, orge en vert, avoine en vert, pois avoine, luzerne, sorgho et trèfle. En outre, les fourrages naturels occupent 22% de la SAU (soit 1020 ha) avec un faible rendement (soit 0,3 t/ha). Cette faible production s’explique par des périodes de sécheresse ou de fortes précipitations durant les périodes de récolte.
Tableau 2. Situation de la production fourragère dans la zone de Fréha (DSA, 2014) | |||
Fourrages | Superficie (ha) | Production (t) | Rendement (t/ha) |
Vert | 2312 | 118365 | 51 |
Sec | 1370 | 6075 | 4 |
Naturel | 1020 | 261 | 0,3 |
Le calendrier fourrager (Figure 3) montre les types d’aliments utilisés durant l’année pour produire du lait. Les cultures fourragères présentes dans les 32 exploitations visitées sont: Vesce-avoine, Trèfle, Luzerne, Orge en vert et Sorgho. Dans la totalité des élevages, quelle que soit leur SAU, la culture de l’orge est dominante, suivie respectivement du trèfle, de l’orge en vert et de la vesce-avoine (en sec et en vert). Quant aux autres fourrages verts, la luzerne et le sorgho sont les plus pratiqués. Parmi les élevages étudiés, un seul pratique l’ensilage de petites quantités d’une seule et même espèce fourragère qui est le sorgho.
Selon leur disponibilité, le trèfle et l’orge en vert sont utilisés durant une longue durée qui s’étale du mois d’octobre à mai. La vesce-avoine (cultivée en sec) est distribuée entre le mois de novembre et février, alors que la luzerne et le sorgho, cultivées en irrigué, sont distribuées en vert en période sèches (juillet à octobre). C’est une période qui correspond à la baisse des niveaux de lactation liée au manque de fourrages verts. L’apport de luzerne et de sorgho vient atténuer un tant soit peu le déficit alimentaire des vaches durant cette période.
Figure 3. Calendrier fourrager de la région d’étude. Compagne (2012-2013) |
L’analyse typologique des élevages enquêtés a permis d’identifier 4 groupes distincts. Les principales caractéristiques des groupes identifiés sont représentées dans le Tableau 3.
Type 1: ce groupe est composé de 6 élevages, soit 19% du nombre total des élevages enquêtés. Les élevages de ce type possèdent en moyenne 9 ± 6 vaches en lactation et se caractérisent par une SAU moyenne de 11 ± 12 ha. Les élevages de ce groupe montrent des productivités (par vache) les plus importantes (16 ± 6 litres/vache/jour) comparativement à la moyenne des groupes identifiés. Ces mêmes élevages enregistrent les plus fortes quantités de lait autoconsommées quotidiennement (9 ± 4 litres). Les quantités de lait vendues sont parmi les plus importantes des 4 groupes.
Tableau 3. Caractéristiques structurelles et fonctionnelles des élevages étudiés | ||||||
SAU (ha) |
Effectifs de vaches en lactation | Quantité de concentré distribué /jour/vache |
Productivité (litre/vache/jour) |
Autoconsommation (litre/jour/élevage) |
Vente (litre/jour/élevage) |
|
Type 1 (N=6) |
11 ± 12 | 9 ± 6 | 10 ± 5 | 16 ± 6 | 9 ± 4 | 143 ± 88 |
Type 2 (N=3) |
7 ± 3 | 13 ± 3 | 9 ± 2 | 14 ± 6 | 3 ± 2 | 172 ± 64 |
Type 3 (N=10) |
9 ± 10 | 7 ± 4 | 9 ± 3 | 13 ± 4 | 4 ± 3 | 93 ± 65 |
Type 4 (N=13) |
12 ± 10 | 8 ± 5 | 9 ± 3 | 15 ± 6 | 5 ± 2 | 117 ± 99 |
Echantillon (N=32) |
11 ± 9 | 8 ± 5 | 9 ± 3 | 15 ± 5 | 5 ± 3 | 119 ± 81 |
Type 2: ce groupe est composé de 3 élevages, soit 9% des élevages de l’échantillon. Ces élevages se caractérisent par l’effectif de vaches en lactation. Le plus important parmi les 4 groupes, il est en moyenne de 13 ± 3. Par contre, ces élevages exploitent les plus faibles SAU (7 ± 3 ha). Les ménages de ces élevages auto-consomment les plus faibles quantités de lait. La quasi-totalité du lait produit est destinée à la vente. A travers l’orientation commerciale de la production laitière, la vente de lait cru qui en découle a tendance à couvrir d’abord les dépenses de production notamment les achats de concentrés et autres aliments de bétail, et ensuite les dépenses du ménage.
Type 3: Il est constitué de 10 élevages (soit 31%). Leurs dotations en facteurs de production est en dessous de la moyenne de l’échantillon. L’effectif moyen de vaches en lactation et la SAU exploitée sont les plus bas parmi les 4 groupes. Ils sont respectivement de 7 ± 4 vaches et 9 ± 10 ha. Par conséquent, les élevages enregistrent la plus faible productivité (13 ± 4 litres/vache/jour). Ceci explique les faibles quantités de lait vendues (93 ± 65 litres/jour/élevage). Cette faiblesse de la production laitière résulte de la mise en œuvre de pratiques d’élevage peu performantes par rapport aux autres groupes.
Type 4: ce groupe est constitué de 13 élevages représentant 41% du total de l’échantillon enquêté. Ces élevages se caractérisent par de faibles effectifs en vaches (8 ± 5). Mais, ils exploitent les SAU les plus importantes des 4 groupes (12 ± 10 ha). En outre, les vaches reçoivent des quantités de concentrés importantes (9 ± 3 kg/jour/vache). La distribution de concentré et des fourrages engendre souvent une productivité par vache parmi les plus importantes (15 ± 6 litres/vache/jour). Ces paramètres font que les éleveurs sont assez productifs par rapport à ceux des autres groupes.
La structure génétique du troupeau est caractérisée par la prédominance de races laitières issues des croisements de la race locale et de races importées avec 63 % de l’effectif total contre 37% pour des races importées pures (Holstein, Montbéliarde, Fleckvieh). Pour l’ensemble de l’échantillon, les femelles reproductrices représentent environ 60 % de l’effectif moyen des troupeaux. Le reste du troupeau est constitué de génisses et de taurillons (40% du total du troupeau). Cela s’explique par l’orientation de ces exploitations vers l’élevage mixte qui représente 61% des exploitations enquêtées.
La taille des élevages de la région d’étude est en moyenne de 8 vaches. Elle est supérieure à celle enregistrée au niveau national qui est de 2 vaches/élevage (RGA 2001). Au Maroc, le cheptel est détenu à 80% par des exploitations de taille réduite de moins de 5 vaches laitières (Srairi 2007).
Dans la région d’étude, la moyenne de la SAU est de 11 ± 9 ha. Elle est plus importante que celle rapportée par Saidi et al (2013) dans la wilaya d’Ain Defla (Algérie) et qui varie entre 4 et 8 ha. Au Maroc, les éleveurs exploitent une SAU moyenne de 6 hectares (Sraïri 2003 et 2007). En Tunisie, 73% des éleveurs possèdent des exploitations de moins de 10 hectares. Et pour plus de la moitié, la superficie est inférieure à 5 hectares (Lactimed 2013). Par ailleurs, les cultures fourragères occupent 76 % de la SAU. Néanmoins, nous enregistrons deux grandes tendances, (i) une spécialisation en élevage, avec 13 éleveurs (41 %) qui réservent plus de 90 % de leur SAU pour les cultures fourragères, (ii) une diversification de type polyculture / élevage pour 19 éleveurs dont les cultures fourragères représentent moins de 50 % de leur SAU. Ces cultures sont pratiquées en irrigué par 73 % des éleveurs enquêtés contre 28% qui mènent leurs cultures en secs (blé, orge et autres). Le vert est fourni essentiellement par le trèfle, le sorgho fourrager, la luzerne, l’orge et l’avoine.
L’alimentation est réalisée à «coup de concentré». Les vaches reçoivent en moyenne 9 ± 3 kg d’aliment concentré/jour (minimum = 9 ± 2 kg/vache/jour; maximum = 10 ± 5 kg/vache/jour). Ce sont les élevages de type 3 qui distribuent les plus faibles quantités. En outre, à Tizi-Ouzou, Bouzidaet al (2010) relèvent que 76% des élevages enquêtés distribuent entre 8 et 14 kg de concentré/vache/jour (en moyenne 8 kg/vache/jour, soit 2 979 kg/vache/an). Le concentré semble déterminer la production laitière des vaches. Ces quantités sont inférieures à celles rapportées par Srairi et al (2003) au Maroc (14 kg/vache/jour). Aucun rationnement n’est pratiqué par les éleveurs. Les pratiques alimentaires expliquent en partie ces performances.
La moyenne de la production laitière de l’échantillon est estimée à 15 ± 5 litres/vache/jour. Ce rendement est supérieur à celui signalé par Kadi et al (2007) dans de grandes exploitations de la région et qui est de 13 litres/vache/jour. Il est aussi supérieur à celui indiqué par Benyoucef et Abdelmoutaleb (2009) dans la Wilaya de Tipaza (8 kg/vache/jour) mais identique à celui de la Wilaya de Blida (14 litres/vache/jour) signalé par les mêmes auteurs. Cette productivité est inférieure à celle citée par Srairi et al (2005) et qui est de 14 litres/vache/jour dans de grandes exploitations marocaines qui comptent en moyenne 37 vaches et 140 ha de SAU.
Par ailleurs, les résultats ont montré que la quantité autoconsommée par les éleveurs est en moyenne de 5 ± 3 litres/jour. Cette quantité est en rapport avec le nombre de personnes vivant sous le même toit. La quantité de lait autoconsommée la plus importante (9 ± 4 litres/jour) est signalée dans les ménages les plus nantis (type 1). Les quantités de lait autoconsommées peuvent atteindre 4% de la production laitière des élevages (Mouhouset al 2012). En outre, au Maroc, Rhiat et al (2010) signalent que, sur 26 exploitations suivies, 10 exploitations conservent de 0 à 2 litres/jour pour leur famille, 12 exploitations: 2 à 5 litres/jour et 4 exploitations: 5 à 8 litres/jour.
Les quantités de lait vendues expriment l’orientation commerciale des élevages enquêtés. La moyenne des ventes de lait est de 119 ± 81 litres/jour. Le type 2, qui enregistre le plus grand effectif de vaches mais avec une faible productivité par rapport aux autres types, enregistre les quantités vendues les plus importantes (172 ± 64 litres/jour). Alors que le type 3 enregistre les plus faibles quantités de lait vendues (soit 93 ± 65 litres/jour). Sur l’ensemble de la wilaya de Tizi-Ouzou, Belkheir et al (2011) ont signalé une moyenne de 142 litres/jour vendues par exploitation.
La zone de Fréha est considérée comme leader au niveau de la Wilaya de Tizi-Ouzou en matière de la production de lait (21% du lait collecté) et l’exploitation des surfaces fourragères (10% de la SAU de la Wilaya). Avec une surface fourragère de 10 ha/élevage, la production laitière moyenne de l’élevage bovin laitier a atteint 15 litres/vache/jour. Cette productivité a été permise aussi par la distribution de concentrés à raison de 9 kg/vache/jour. Ces concentrés sont fournis par le marché. En dépit de cette alimentation, la productivité des vaches reste insuffisante. Par ailleurs, les politiques d’aide durant ces dernières années, ont contribué à l’amélioration des productions de lait par l’augmentation des effectifs de vaches. L’amélioration des performances (en productivité des vaches) de l’alimentation des vaches passera par l’exploitation de plus de SAU avec une amélioration des rendements, et un rationnement de l’alimentation. Ces améliorations peuvent atténuer tant soit peu la dépendance du secteur de l’élevage laitier aux importations.
Les auteurs remercient infiniment leurs collègues les Pr. Berchiche et Dr. Kadi et la Direction des Services Agricoles de Tizi-Ouzou.
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Received 14 April 2015; Accepted 13 May 2015; Published 2 July 2015