Livestock Research for Rural Development 27 (7) 2015 | Guide for preparation of papers | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
La dégradation des écosystèmes steppiques dans l’Est algérien est due surtout au surpâturage. Nous avons cherché une méthode d’estimation de la valeur pastorale (VP) rapide pour respecter la gestion rationnelle du pâturage. Plusieurs formules ont déjà été proposées mais un élément de ces formules est empirique. La formule que nous proposons sur la base des mesures in-situ donne un résultat très concluant, avec des corrélations excellentes entre VP et production pastorale. La VP (de 0 à 100) est calculée grâce à la contribution spécifique (Csi) de chaque espèce et la stratification constatée sur le terrain. Nous espérons que cette méthode de la valeur pastorale servira d’outil de décision pour éviter la régression de l’écosystème steppique qui est devenue récurrente ces dernières années.
Mots clés: préservation, productivité pastorale, steppe, valeur pastorale
The degradation of steppic ecosystems in Eastern Algeria is mainly due to overgrazing. We looked for a quick method of estimating the pastoral value (PV) to respect the rational grazing management. Several formulas have been proposed, but an element of these formulas is empirical. The formula that we offer on the basis of in-situ measurements gives very conclusive results, with excellent correlations between PV and pastoral production. The PV (0 to 100) is calculated using the specific contribution (CSI) of each species and stratification observed in the field. We hope that this method will be used to value the pastoral decision tool to prevent regression of steppe ecosystem that has become recurrent in recent years.
Key words: pastoral productivity, pastoral value, preservation, steppe
La steppe est une immense étendue aride couverte d'une végétation basse et clairsemée et représente une source floristique importante très peu renouvelable pour le prédateur ovin algérien car le surpâturage est la principale cause de non renouvellement (Le Houerou 1995).
Lorsque Le Houerou (1985) parle de mise en défens, il a précisé que c'est un instrument efficace de régénération. Et il a conclu que quand la régénération désirable a été obtenue, l’équilibre de l'écosystème ne peut être maintenu sans une gestion rationnelle du pâturage. Il vise ainsi le contrôle de la charge à l’hectare.
L’objectif de notre recherche est de déterminer des méthodes d'évaluation des parcours steppiques les plus faciles, fiables, peu coûteuses et rapides avec un passage non obligé par le laboratoire (méthode qui demande du temps et qui est coûteuse). Ces méthodes d’évaluations permettront à l’éleveur, aux techniciens et aux décideurs de fixer la charge à l’hectare afin de préserver le patrimoine et d’assurer une synergie progressive de l’écosystème ou permettre même aux ressources naturelles d’être renouvelables.Nos investigations dans l’Est algérien ont commencé en 1998 et ont touché plusieurs régions : Batna, Khenchela, Tébessa, Biskra et le sud de Sétif. De 1998 à 2000 nous avons répondu à Aidoud et al (1982) afin de se positionner sur l’existence d’une relation entre la valeur pastorale (VP) déterminée in situ et la productivité pastorale (PP) déterminée par le passage au laboratoire exprimée en Unité fourragère (UF), Unité fourragère nette exprimée en « unité fourragère lait » (UFL) et Unité fourragère nette exprimée en « unité fourragère viande » (UFV) et cela à l’échelle 1/25 000 alors que Aidoud et al (1982) avaient travaillé à l’échelle 1/200 000. Nos résultats ont pu montrer que cette relation existe avec un coefficient d’erreur de 5 % (P=0,05).
Par conséquent il faut rechercher l’amélioration de la formule de la VP pour tenir des données quantitatives de la végétation relevées sous forme de fréquence spécifique (FS) et traduite en contribution spécifique (CS), d’une part et d'autre part, de l'indice de qualité spécifique (IS) auquel Daget et al (1971,1972) attribuent une note déterminée de manière empirique pour caractériser la qualité bromatologique d'une espèce.
Donc à travers cette recherche, nos investigations ont pris comme objectif de remplacer cette Is empirique par une valeur biométrique constatée sur le terrain.Parmi tous les résultats obtenus sur les différentes régions citées en introduction, la région de Tébessa est l’exemple utilisé pour faire l’objet de développement.
Le lieu expérimental est un périmètre de 400 hectares mis en défens en 1999 à Tlidjène (Tébessa) et ayant servi à exprimer la productivité pastorale (PP) et la valeur pastorale (VP).
Pour la végétation rencontrée nous nous sommes basés sur les ouvrages de Quezel (1957), d’Ozenda (1977) et de Djebaili (1984) pour définir la systématique des espèces végétales rencontrées. Elles sont annoncées par ordre d’abondance. Les annuelles ont fait l’objet d’une seule analyse.
La méthode d'approche consiste à déceler s'il y a une relation étroite entre la production pastorale (PP) exprimée en UF, UFL, UFV, PDIN et PDIE et la valeur pastorale (VP) exprimée de 0 à 100 grâce au coefficient de quantité ou contribution spécifique (Cs) et cela par hectare et par saison. L'étude sur station s'est appuyée sur les recommandations de Chessel et al (1975).
La production pastorale de chaque groupement par hectare et par saison a été calculée selon la formule suivante :
Rei = productivité primaire nette en rendement de l’espèce i en kg de matière sèche (MS)/ha/saison
Vei = Valeur nutritive exprimée en UF, UFL, UFV, PDIN et PDIE.
PP = Productivité pastorale du groupement exprimée en UF, UFL, UFV, PDIN et PDIE/hectare/saison.
Les sources principales des équations employées pour estimer les PP de chaque espèce i avec une composition chimique déterminée au laboratoire ont été guidées par les analyses européennes de BIPEA (1978) et Jarrige et al (1978,1982); et pour le calcul de la digestibilité matière organique la méthode d’Aufrère (1982) a été utilisée.
La valeur pastorale (VP) développée par Aidoud et al (1982) sur parcours steppique peut prendre comme valeur de 0 à 100 et est développée dans la formule ci-dessous :
Où
Isi est noté de 0 à 10
Fsi : nombre de fréquence de l’espèce i sur une ligne de 100 points
∑ Fsi : somme des fréquences des espèces i rencontrées sur une ligne de 100 points
(Isi détermine le degré d’acceptabilité de broutage du prédateur et 0.1 est un coefficient de mise à l’échelle)
Cette formule a été changée grâce à cette réflexion après des tests statistiques et qui a duré six ans.
La valeur alimentaire d’un parcours dépend de la valeur nutritive (VN) et de la quantité ingérée (QI), si la VN dépend de la composition chimique et de la digestibilité (D) et puisque plus la cellulose brute (CB) augmente, plus la digestibilité diminue ainsi que QI. Par conséquent Isi peut être remplacé par une pondération inversement proportionnelle par rapport à la stratification.
En effet plus la stratification augmente plus la CB augmente.
La nouvelle formule de la VP est :
Cette nouvelle formule prend des valeurs de 0 à 100 et sans 0.1.
Si est exprimée en décimètre (strate1=1dm, strate2=2dm, strate3=3dm et strate 4=4dm).
Le groupement englobe les espèces Artemisia herba-alba, Stipa parviflora, Salsola vermiculata et des plantes annuelles. Le nombre de stations est de sept sur un parcours mis en défens à Lahmada sur 350 hectares.
Dans le tableau n° 1 la composition chimique a été calculée en automne et au printemps après prélèvement de la productivité secondaire. Le nombre de répétition d’analyse est de trois. Pour l’ l’Artemisia herba-alba et Salsola vermiculata les repousses printanières sont moins cellulosiques.
Dans le tableau n° 2 reflétant la valeur nutritive des espèces rencontrées dans le groupement Artemisia herba– alba on a remarqué que les PDIN ont doublé au printemps par rapport à l’automne car ces repousses par touffe ont été importantes (voir rendement=Rei kg du tableau n° 3).
Tableau 1. La composition chimique des espèces floristiques |
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Saison |
Espèce |
MS |
MM |
MO |
CB |
MAT |
MG |
Automne |
A-h-a |
541 |
107 |
893 |
300 |
118 |
24 |
S-p |
572 |
48 |
952 |
485 |
59 |
25 |
|
Salsola |
402 |
60 |
940 |
345 |
102 |
29 |
|
Printemps |
A-h-a |
320 |
96 |
904 |
153 |
115 |
21 |
S-p |
460 |
70 |
930 |
430 |
62 |
22 |
|
Salsola |
502 |
82 |
918 |
185 |
111 |
10 |
|
Annuelles |
300 |
125 |
875 |
141 |
145 |
25 |
|
Sp :Stipa parviflora; Aha : Artemisia herba-alba; MS :Teneur en matière sèche (g/kg) ; MM : Teneur en matière minérale (g/kg de Ms) ; MO : Teneur en matière organique (g/kg de MS) ; CB : Teneur en Cellulose bruite (g/kg de MS) ; MAT : matière azotée totale (g/kg de MS) ; MG : Teneur en matière grasse (g/kg de MS) |
Tableau 2. Valeur nutritive du groupement |
||||||||
Saisons |
Espèces |
g/kg MS |
kg MS |
g/kg MS |
||||
MOD |
MAD |
UF |
UFL |
UFV |
PDIN |
PDIE |
||
Automne |
A-h-a |
428 |
69 |
0,27 |
0,49 |
0,35 |
72 |
66 |
S- p |
418 |
12,3 |
0,21 |
0,45 |
0,33 |
36 |
49 |
|
Salsola |
440 |
54 |
0,40 |
0,49 |
0,36 |
63 |
63 |
|
Printemps |
A-h-a |
470 |
103 |
0,35 |
0,55 |
0,43 |
104 |
81 |
S-p |
418 |
16 |
0,22 |
0,45 |
0,32 |
38 |
49 |
|
Salsola |
479 |
62 |
0,35 |
0,54 |
0,42 |
68 |
69 |
|
Annuelles |
437 |
95 |
0,30 |
0,51 |
0,37 |
89 |
76 |
|
MOD
: Matière Organique Digestible. UF : Unité fourragère calculée en fonction de la formule Breïrem ;
|
La productivité pastorale du groupement
Le Tableau n° 3 nous révèle suite à un printemps pluvieux un rendement (Rei) très élevée de l’Artemisia herba alba par rapport à l’Automne où il a plu peu et la température était trop basse.
Tableau 3. Productivité pastorale du groupement |
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Saison |
Rei kg |
PP(UF) |
PP(UF) |
PP(UFV) |
PP(MAD) |
PP(PDIN) |
PP(PDIE) |
|
Automne |
A-h-a S-p Salsola Total |
321 1374 192 - |
86 28 62,8 178 |
157 61,2 77 295 |
112 45 56 214 |
22187 1673 8483 32343 |
23218 4914 9844 37975 |
21350 6652 9935 37936 |
Printemps |
A-h-a S-p Salsola annuelles* Total |
2524 424 262 77 - |
883 93 92 23 1092 |
1389 191 141 40 1761 |
1086 136 110 29 1360 |
261890 6902 16157 7438 292388 |
355632 16125 17826 6964 396547 |
204746 21043 8007 5905 249701 |
Rei = Rendement de l’espèce i en kg de MS par hectare ;
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La valeur pastorale du groupement
Le tableau n° 4 relate la valeur pastorale où la qualité bromatologique a été mesurée selon la biométrie.
Tableau 4. Valeur pastorale du groupement. |
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Saison |
Espèces |
Strate |
FSi |
CSi |
VP |
Automne |
A-h-a S-p Salsola Total |
2 3 2 |
25,4 3,8 4,8 |
74,7 11 14,1 |
37 3,7 7,05 48,7 |
Printemps |
A-h-a S-p Salsola Annuelles Total |
2 3 2 1 |
43 1,66 8,16 4,33 |
75,3 2,8 14 7,53 |
38 0,93 7,09 7,53 53,2 |
Le tableau n° 5 reflète la corrélation entre la VP et la PP et les résultats sont très concluants. Donc notre réflexion a porté ses fruits par le fait que la valeur pastorale exprimée de 0 à 100 peut être calculée grâce à la contribution spécifique (Csi) de chaque espèce mesurée et la stratification constatée sur le terrain. Les résultats de corrélation entre la valeur pastorale à l’aide de la stratification moyenne réelle des espèces et la productivité pastorale sont plus intéressants qu’avec la VP pastorale exprimée empiriquement puisque P oscille de 0.02 à 0.04 alors qu’avec la V.P. empirique P= 0.05 et surtout avec la nouvelle formulation de l’énergie (UFL et UFV)et l’azote (PDI).La répétabilité de cette formule sur d’autres parcours a été faite, les conclusions sont les mêmes et les droites correspondantes à ce groupement sont :
Automne PP = 2,43 VP + 37,69 ; Printemps PP = 14,048 VP + 122,21.
Tableau 5. Résultats de corrélation entre la P.P. et la V.P. |
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Saisons |
PP(UF) |
PP(UFL) |
PP(UFV) |
PP(PDIN) |
PP(PDIE) |
Automne |
0,86 P=0,12 |
0,99 P = 0,00 |
0,99 P = 0,00 |
0,98 P = 0,00 |
0,99 P = 0,00 |
Printemps |
0,97 P=0,03 |
0,96 P = 0,04 |
0,96 P = 0,04 |
0,98 P = 0,02 |
0,97 P = 0,03 |
Aidoud A, Nedjraoui D et Poissonet J 1982 Evaluation des ressources pastorales dans les hautes plaines steppiques du Sud oranais, productivité et valeur pastorale des parcours. Biocénose n°2 : 43-61.
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BIPEA (Bureau Interprofessionnel d’études analytiques) 1978 Recueil des méthodes d’analyses des communautés européennes, p 160.
Chessel D, Debouzie D, Donadieu P et al 1975 Introduction à l’étude de la structure horizontale en milieu Steppique. Ecol plant n° 10 : 25-42.
Daget P et Poissonet J 1971 Une méthode d’analyse phytosociologiques des prairies, Am. Agro n°22 : 5-41.
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Received 31 May 2015; Accepted 28 June 2015; Published 2 July 2015