Livestock Research for Rural Development 27 (7) 2015 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

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Evaluation préliminaire de l’ingestion et de la digestibilité du maïs ou du tourteau de soja et de la consommation d’eau chez le coq local soumis à température ambiante élevée

N Allouche, Z Dorbane, S Kazi-Aoual et D Boudouma

École Nationale Supérieure Agronomique, département des productions animales Hassan Badi 16 200, Alger, Algérie
n.allouche@ensa.dz

Résumé

L’ingéré de 2 aliments simples (CE), leurs digestibilité (CUD), la consommation d’eau (CE) et la température corporelle du coq local soumis à un stress thermique ont été évalués. Quarante coqs de population locale âgés de 2 ans, ont été répartis en 4 groupes de 10 sujets de poids moyen homogène (1 070 ± 109 g). Deux groupes ont été soumis à une température ambiante optimale (23 ± 0,47 ° C) et deux groupes à une température élevée (33 ± 0,60° C) pendant 9 jours. Chaque groupe a reçu soit du maïs, soit du tourteau de soja à volonté.

L’effet de la température sur l’ingestion (p <0,001) ainsi que sur la consommation d’eau (p <0,0001) a été très significatif. La digestibilité de l’aliment a été différente entre le maïs et le tourteau de soja sous l’effet de la température. Mais aucun effet notable n’a été constaté sur la température corporelle des coqs. La consommation des 2 aliments a diminué de 16% (p<0,001) (1,6% / °C d’élévation entre 23°C et 33°C). Celle de l’eau a augmenté (de 3% et 9% respectivement pour le maïs ou le tourteau de soja pour atteindre 5% ou 17% du poids vif ; p<0,0001). Les valeurs moyennes de la digestibilité du maïs à 23°C sont restées inchangées à une température élevée (84%), mais celles du tourteau de soja ont été supérieures à chaud (p < 0,05) (51% vs 57%). Ainsi, le coq local soumis à une température élevée a tendance à diminuer son ingéré alimentaire et à augmenter sa consommation en eau sans effet notable défavorable sur l’utilisation digestive de l’aliment.

Mots-clés: acide urique, Algérie, soif, osmolarité, stress thermique, température corporelle



A preliminary assessment of the intake and digestibility of maize or soybean meal and water consumption in the local cock subjected to high ambient temperature

Abstract

The ingesting of two simple foods, their digestibility (CUD), water consumption (WC) and body temperature of the local rooster subjected to heat stress were evaluated. Forty cocks of local population aged 2 years, were divided into 4 groups of 10 homogeneous medium weight subjects (1070 ± 109 g). Two groups were subjected to optimum ambient temperature (23 ± 0.47 ° C) and two groups at an elevated temperature (33 ° C ± 0.60) during 9 days. Each group received either maize or soybean meal at will.

The effect of temperature on intake (p <0.001) as well as the water consumption (p <0.0001) was very significant. The digestibility of the food was different between maize and soybean meal under the effect of temperature. But no significant effects were observed on body temperature roosters. The consumption of both food declined by 16% (p <0.001) (1.6% / ° C in elevation between 23 ° C and 33 ° C). The water has increased (from 3% and 9% respectively for maize or soybean meal to 5% or 17% of body weight; p <0.0001). The average values of the digestibility of maize at 23 ° C were unchanged at high temperature (84%), but those of the soybean meal was superior to hot (p <0.05) (51% vs. 57%). Thus, the local rooster subjected to high temperature tends to reduce its food intake and to increase its water consumption without adverse significant effect on digestibility of the food.

Keywords: Algeria, body temperature, heat stress, osmolarity, thirst, uric acid


Introduction

Chez les oiseaux, comme chez tous les animaux, l’eau est le constituant le plus abondant de l’organisme, (62% du poids corporel du poulet et 65% de l’œuf). Une perte de 10% de cette eau peut entrainer la mort. En tant que solvant, l’eau revêt un caractère essentiel pour les processus biologiques et physiologiques de l’animal.

Chez la volaille, l’eau de boisson représente une part importante d’environ 73% (Larbier et Leclercq 1992) de celle dont dispose l’oiseau pour satisfaire ses différents besoins. Elle constitue le premier aliment des volailles, qui boivent 1,8 fois plus qu’elles ne mangent en production animale.

Une faible restriction en eau, même de 10%, peut compromettre les performances chez la volaille (Van Eekeren 2006). Plusieurs auteurs (May et al 1998 ; May et Lott 2000) rapportent une dégradation de l’indice de consommation et du croît, alors que Van Eekeren (2006) signale chez la poule pondeuse que de courtes périodes de manque d’eau peuvent entraîner la chute des plumes et l’arrêt de la production d’œufs.

Par ailleurs, Dennery et al (2012) rapportent que 98% de la consommation d’aliment est liée à la consommation d’eau. Une baisse de l’ingestion alimentaire entrainée par la restriction d’eau serait, donc en partie, à l’origine des régressions des performances zootechniques de la volaille.

Dans de nombreuses régions chaudes, l’élevage avicole se heurte à un problème majeur : la chaleur, qui devient complexe à gérer avec la rareté de l’eau. La disponibilité réduite de l’eau serait responsable en partie des performances obtenues. Tel est le cas algérien où plusieurs enquêtes révèlent cette situation, qui en conditions estivales, se traduit par des taux de mortalité élevés ( Zetrouni 2012). Une telle situation conduit à une inadaptation des normes à l’environnement climatique de ces pays.

En dépit des pertes engendrées suite aux problèmes posés par la mauvaise gestion de l’eau (quantité et qualité), peu de données sont rapportées par la bibliographie concernant cette question. Un changement de consommation d’eau à des températures élevées est signalé dans plusieurs travaux de recherche (Smith 1992; Valanconi 1997); mais cela reste sans aucun appui référentiel. Néanmoins, la connaissance de ce changement a un intérêt pratique l’orsqu’il faut prévoir l’abreuvement dans des conditions d’approvisionnement en eau limitées.

Afin de contribuer à la connaissance des modifications comportementales notamment de la consommation hydrique mais aussi alimentaire induite par la chaleur et ses répercussions sur l’utilisation de l’aliment, nous avons mesuré la consommation d’eau ainsi que l’ingéré alimentaire et sa digestibilité par le coq local exposé à la chaleur et recevant du maïs ou du tourteau de soja.


Matériels et méthodes

Lieu et durée de l’essai

L'essai s’est déroulé au laboratoire d’aviculture de l’école Nationale Supérieure Agronomique d’Alger (ENSA). La durée de l’essai a été de 9 jours, précédés d’une période d’adaptation de 4 jours, durant laquelle les animaux se sont accoutumés progressivement aux conditions expérimentales fixées.

Matières premières utilisées

Deux matières premières commerciales ont été utilisées : le maïs ou le tourteau de soja. Elles ont été distribuées sous forme de farine (0,5 mm de diamètre).

Animaux et dispositif expérimental

Quarante coqs de population locale (Gallus gallus), âgés de 2 ans, ont été placés individuellement dans des cages à métabolisme. Les coqs ont été répartis en 2 groupes de 20 sujets chacun. Le premier groupe a été soumis à une température ambiante optimale (23 ± 0,47 ° C et 68 ± 03% d’humidité relative), et le second groupe est soumis quant à lui à une température élevée (33° C ± 0,60 et 62,30 ± 2,75% d’humidité relative). L’éclairage est assuré en continu pour les 2 groupes.

Les 2 groupes ont été répartis à leur tour en deux lots de 10 oiseaux chacun, de poids moyen homogène (1070 ± 109 g). Les deux lots ainsi formés dans chaque groupe ont reçu chacun, respectivement du maïs ou du tourteau de soja ainsi que de l’eau de boisson à température ambiante dans des biberons en plastique gradués (Figure 1).

Sur les 5 derniers jours de l’essai, un bilan digestif a été réalisé, dont 3 jours de bilan alimentaire précédées et suivies de 24 heures de jeûne (abstinence d’aliment seulement), selon la méthode de Bourdillon et al (1990). La distribution, ad libitum, d’eau (700 ml/jour/animal) et des matières premières (150 g/jour/animal), ont été effectuées de façon simultanée au quotidien, pendant le bilan alimentaire et elle s’est étalée sur 2 jours après le deuxième nycthémère de jeûne.

Les excréta de chaque coq ont été récupérés au quotidien sur les trois jours de bilan, afin de mesurer l’acide urique excrété total ainsi que pour la détermination de la digestibilité de la matière sèche des matières premières expérimentales.

Figure 1 : Photo d’un coq local dans une cage à métabolisme
Mesures et calculs

La prise de la température ambiante et du taux d’humidité relative de laboratoire a été effectuée 3 fois par jour (8h, 12h, et à 16h), afin de les contrôler et les maintenir relativement constantes.

Le rejet alimentaire et hydrique a été mesuré quotidiennement pour chaque sujet.

Les fientes de chaque coq ont été conservées à -20°C immédiatement après les avoir récoltées individuellement au quotidien, nettoyées (des plumes et desquamations) et pesées puis cumulées. Avant analyses chimiques, elles ont été décongelées à température ambiante, puis séchées à l’étuve à 62°C jusqu’à dessiccation complète puis pesées, broyées à 0,5 mm et conservées en vue d’analyses.

L’ingéré alimentaire et la consommation d’eau par les coqs ont été calculés, par différence entre la quantité distribuée et celle rejetée, La proportion de la consommation d’eau (CE) par rapport à la consommation d’aliment (CA) est un rapport des deux (CE/CA). Ces calculs sont effectués par jour et pour chaque individu.

La valeur de la digestibilité de la matière sèche du maïs et du tourteau de soja a été calculée par le rapport de la différence entre les quantités cumulées, durant le bilan digestif, de la matière sèche ingérée et celles de la matière sèche excrétée sur la quantité de matière sèche ingérée totale. La température rectale (±1%) a été prise chaque jour à la même heure (entre 16h et 17h) sur chaque sujet, à l’aide d’un thermomètre à sonde, introduit d’environ 5 centimètres dans le cloaque du coq.

Analyses chimiques

La matière sèche (MS) du maïs et du tourteau de soja ont été déterminées par séchage à 130°C pendant 3 heures, selon la méthode recommandée par AFNOR (1985). Celle des excrétas a été déterminée par séchage à 62°C jusqu’à dessiccation complète. La matière azotée totale (MAT) a été déterminée selon la méthode KJEDHAL et l’acide urique (AU) selon la méthode décrite par Marquardt et al (1983).

Analyse statistique

Le traitement statistique des résultats a été effectué avec le logiciel « STATISTICA ». Les résultats ont été soumis à une analyse de variance à un facteur « ANOVA » puis une comparaison de moyennes par le test de Newman et Keuls ; un test de corrélation a été effectué aussi. Le seuil de signification choisi est de 5%.


Résultats et discussion

Le tableau 1 rapporte les valeurs moyennes, déterminées à 23°C et à 33°C, de l’ingéré alimentaire, de l’eau consommée (CE), du ratio CE / CA, de la digestibilité des matières premières, ainsi que des matières azotées totales ingérées (MATI), de l’acide urique (AU) excrété et de la température rectale des coqs.

Tableau 1 : Valeurs  moyennes de l’ingéré alimentaire et hydrique, de la digestibilité de la matière sèche, des quantités de matière azoté ingérée, de l’acide urique excrété, chez des coqs soumis à une température ambiante de 23°C et de 33°C et recevant du maïs ou du tourteau de soja (moyenne± écart type).

Tourteau de soja

T°C

 CA (g/a/j)

CE (ml/a/j)

Ratio CE/CA

CUD MS (%)

MAIT (g/a)

AU (g/g MSET /a)

T° rectale (°C)

23°C

109 ±16

272 ± 44

2,6±0,6

51 ±1,6

46±7

86±8,06

41,3±0,1

33°C

91,6±15

306 ± 83

3,3±0,6

57 ±5

35±5

42 ± 9,8

41, 4±0,1

ANOVA (P)

0,00047

<0,0001

<0,0001

0,006

< 0,0001

< 0,0001

0,17

        Maïs

T°C

 CA (g/a/j)

CE (ml/a/j)

Ratio CE/CA

CUD MS (%)

MAIT (g/a)

AU (g/g MSET /a)

T° rectale (°C)

23°C

82±11

51±11

0,6±0,0

83,8±1

6,9±1

5,7±0,8

41,2±0,2

33°C

69±10

97±22

1,4±0,3

83,6±1,41

5,6±1

5,39±1,07

41,4±0,08

ANOVA (P)

0,00047

<0,0001

<0,0001

0,11

0,004

0,45

0,4

Les valeurs   moyennes ± SE   pour un même paramètre et pour la  même matière première, sont statistiquement comparables  (P>0,05)

AU : Acide Urique ;  CA : Consommation d’aliment ;  CE/ consommation d’eau ;  MAIT : matière azoté ingérée totale;  MSIT : matière sèche ingérée totale ;  MSET : matière sèche excrétée totale ;  NS : non significatif ; T° : température.

Consommation d’eau

Les coqs maintenus à 23°C, et recevant respectivement le maïs et le tourteau de soja, ont eu une consommation d’eau équivalente à 3% et 9% de leur poids vif. En condition de stress thermique, cette consommation a significativement augmenté (p<0,0001) pour atteindre 5% et 17% du poids vif.

D’après le National Research Council (1994), la consommation d’eau augmente de 6,5 à 7% à chaque degré de température au-dessus de 21°C. Cette augmentation est dans notre cas de 9% /°C et de 1,25% /°C d’élévation de température au-dessus de 23°C, respectivement avec le maïs ou le tourteau de soja.

L’augmentation de la consommation d’eau est une réponse des animaux à l’élévation de la température, afin de restituer les pertes d’eau liées à la thermorégulation. Le poulet étant dépourvu de glandes sudoripares, il contrôle les pertes d’eau provoquées par la chaleur par évaporation au niveau des poumons (Mather et al 1980), la polypnée. Qui, selon Croisier et al (2012), engendre une forte perte en eau mais pas en minéraux. L’eau corporelle perdue doit être alors compensée par un abreuvement suffisant, afin que l’ensemble des activités physiologiques de l’oiseau puissent se poursuivre et assurer le contrôle de la température interne de l’organisme via l’évaporation dans les poumons et les sacs aériens. En effet, d’après Belay et Teeter (1993), l’évacuation de chaleur par voie évaporatoire et le niveau de consommation d’eau sont étroitement corrélés (R2>8).

Ce départ d’eau crée une déshydratation corporelle provoquant une hyperosmolarité. Cette dernière est détectée par des récepteurs osmotiques qui déclenchent des mécanismes neuronaux entraînant ainsi, dans un premier temps la sécrétion d'ADH (l’hormone antidiurétique) pour faire varier l'excrétion rénale d'eau puis vont également faire varier la sensation de soif par conséquent l'ingestion d’eau. Cependant, selon Boillot et al (1999) la soif constitue la deuxième boucle de sécurité dans le contrôle de la balance hydrique. Si la déshydratation se poursuit après l’intervention rénale en réabsorbant l’eau, la soif devient perceptible.

En effet, la soif est stimulée par une augmentation de l’osmolalité plasmatique qui est plus élevée que celle perçue lors de l’intervention rénale (McKinley et Johnson 2004). A ce moment là, l’angiotensine excite les osmorécépteurs, en déterminant une polydipsie qui provoque l’abreuvement chez les animaux. L’importante augmentation en consommation d’eau chez les coqs à 33°C, reflète l’importance de l’impact de la température élevée sur le niveau de déshydratation de leurs organismes.

La consommation d’eau  à 23°C ou à 33°C, est supérieure chez les coqs recevant du tourteau de soja à celle de ceux recevant le maïs (Tableau 1). Elle est 5 fois et 3 fois plus grande avec le tourteau de soja qu’avec le maïs, respectivement à 23°C et 33°C. Ce qui est expliqué, en partie, par la quantité plus élevée de matière sèche consommée par les coqs recevant le tourteau de soja que celle consommée par les coqs recevant du maïs (r = 0,6 ; r2= 0,33 ; p<0,0001). La consommation d’eau est étroitement corrélée à la consommation d’aliment, tel rapporté par Leclerq et Larbier (1992).

Selon nos résultats, indépendamment des quantités ingérées, les valeurs des quantités d’eau bues par gramme de maïs ou de tourteau de soja ingérée (le ratio CE/CA) maintiennent cette tendance, ce qui traduirait que la nature des matières premières influe aussi sur la consommation d’eau (tableau 1).

L’importante consommation d’eau enregistrée chez les coqs alimentés à base du tourteau de soja est une compensation d’une importante quantité d’eau corporelle perdue, qui serait liée à une élimination excessive des déchets métaboliques de l’organisme dans les urines ainsi qu’à l’élimination des fèces.

Figure 2 : Corrélation entre les quantités d'azote ingérées et l’eau consommées

Selon Larbier et Leclercq (1992) la consommation d’eau est liée à la concentration en protéines de l’aliment. Ainsi, les valeurs des quantités d’eau ingérées par gramme d’aliment qui sont en moyenne de 1,8 (Larbier et Leclercq 1992, Huart 2004) peuvent dépasser 2 selon Larbier et Leclercq (1992), lors de l’ingestion de régime hyperprotéique. En effet, avec le tourteau de soja renfermant des teneurs plus élevées en protéines comparé au maïs (43%MS vs 8%MS), le ratio CE/CA est significativement (p<0,0001) supérieur à celui enregistré chez les coqs consommant du maïs (Tableau 1). Cette observation est confirmée par un coefficient de corrélation hautement significatif (r = 0,90 ; p<0,000) entre l’azote ingéré et l’eau consommée avec un coefficient de détermination r2= 0,82 (Figure 2).

L’apport azoté en excès serait catabolisé et excrété sous forme d’acide urique (r=0,98 ; r2=0,70 ; P< 0,000) (Figure 3).

Figure 3: Corrélation entre les quantités d’acide urique excrété et celles d’azote ingéré

Cette excrétion est accompagnée d’un départ d’eau que l’oiseau comble à nouveau par l’eau d’abreuvement. Une forte corrélation (r = 0,89 ; r2= 0,79 ; P< 0,000) qui est établie entre l’excrétion d’acide urique et la consommation d’eau (Figure 4) illustre cette relation.

Figure 4 : Corrélation entre le volume d’eau bue et l’acide urique excrété

La teneur relativement élevée en minéraux du tourteau de soja comparée à la teneur du maïs (7%MS vs 1%MS) entraînerait également une augmentation de la consommation d’eau chez les oiseaux recevant du tourteau de soja.

Quant aux pertes d’eau par les fèces, qui représentent 30% des sorties d’eau totales (Larbier et Leqlerc 1992), elles sont en rapport essentiellement avec des quantités des substances indigestibles (Jean-Blain 2002). En effet, 50% de l’ingéré du tourteau de soja est excrété sous forme de fèces, ce qui aurait contribué à l’augmentation des pertes d’eau corporelle chez les coqs recevant cette matière première, contre seulement 16% de l’ingéré du maïs qui est excrété.

L’accroissement en pertes d’eau corporelle engendre un déficit hydrique entraînant une hyperosmolarité du milieu interne de l’organisme. Celle-ci serait accentuée chez les coqs puisque ces derniers dissipent leur chaleur par polypnée, faisant perdre à l’animal de l’eau sans accompagnement de minéraux, notamment chez ceux recevant le tourteau de soja ; cette dernière étant une matière première plus riche en minéraux que le maïs. Cet état déficitaire en eau de l’organisme des coqs, provoque chez eux la soif qui les incite à boire.

Le moindre besoin d’abreuvement des coqs alimentés avec du maïs explique en partie l’écart des quantités d’eau consommées par les coqs recevant du maïs et ceux recevant du tourteau de soja. Ce moindre besoin à l’abreuvement serait lié au fait que ces animaux couvrent déjà une partie de leur besoin hydrique par l’eau endogène. Maynars et al (1979) estiment que 10 % des besoins hydriques de l’animal sont fournis par l’eau métabolique produite par l’oxydation des nutriments, tenant compte du fait que le maïs renferme plus de glucides, fournissant à l’oxydation plus d’eau métabolique (55 ml/100g) que celle des protéines (40 ml/100g) (Jean-Blain 2002). Selon ce même auteur, cette eau n’est pas négligeable et pourrait être très importante dans certains cas de restriction hydrique drastique.

Consommation de maïs et de tourteau de soja

A 23°C la consommation moyenne de tourteau de soja est supérieure à celle du maïs (109 g vs 82 g). La même observation est notée à 33°C (92 gvs 69 g). La consommation du tourteau de soja est supérieure de 32% àcelle du maïs à 23°C et à 33°C.

Dans les 2 ambiances thermiques, la consommation de tourteau de soja est meilleure que celle du maïs. Ce résultat serait lié au phénomène d’appétence lié aux protéines que contient le tourteau de soja ; selon Okwuosa et al (1990) l’élévation des apports protéiques dans la ration s’accompagne d’une augmentation de la consommation journalière d’aliment.

Le maïs étant caractérisé par un taux très élevé en amidon, sa digestion enzymatique génère un taux élevé de glucose circulant dans le sang comparé au tourteau de soja. Cette élévation de la glycémie aurait provoqué une inappétence chez ces animaux. En effet, selon Larbier et Lecqlerc (1992), l’hyperglycémie est un signal métabolique essentiel qui cause la satiété selon la théorie « glucostatique », en stimulant le centre nerveux de la satiété des oiseaux, ce qui les incite à diminuer leur consommation alimentaire.

L’ingéré moyen du maïs et du tourteau de soja a significativement diminué en passant de 23°C à 33°C (p≤ 0,001). Il a baissé en moyenne de 16% avec les deux matières premières, soit 1,6% / °C entre 23°C et 33°C. Cette valeur de la baisse de l’ingéré moyen de maïs et de tourteau de soja chez le coq local est similaire à celle rapportée par Huart (2004) (15% ; 1,5% par °C) et nettement inférieure à la valeur trouvée par Bonnet et al (1997) (34% ; 3% / °C) chez le poulet de chair avec un régime standard (maïs et tourteau de soja), dans les mêmes conditions climatiques (température et humidité). Cet écart des résultats pourrait être expliqué par le poids des animaux et /ou par la digestibilité de l’aliment.

La baisse de la consommation alimentaire en conditions chaudes permet aux coqs de baisser leur production de chaleur. Selon Padilha et al (1995) c’est une forme d’adaptation de l’animal de leur ingestion thermogénique de façon à ce qu’ils réduisent leur production de chaleur, ayant selon Geraert (1991) un effet thermogénique accru par températures élevées.

Howlider et Rose (1987) précisent que lorsque la température ambiante dépasse 23°C, le premier reflexe de l’animal est de limiter ses apports énergétiques. Par ailleurs, Tasaki et Kushima (1979) rapportent que les protéines ayant l’extra chaleur la plus élevée des nutriments, elles représentent la plus forte contribution à la thermogénèse alimentaire par rapport aux glucides ou aux lipides. Le rapport de Howlider et Rose (1987) nous laisserait escompter par conséquent, à ce que la diminution de l’ingéré soit plus importante avec le maïs, qui est une matière première plus énergétique que le tourteau de soja. Tandis que, avec le rapport de Tasaki et Kushima (1979) on comprendrait que c’est avec un aliment protéique, tel le tourteau de soja, qu’il y aurait une baisse plus importante en consommation alimentaire en passant de 23°C à 33°C.

Toutefois, la supposition que la consommation d’une matière première protéique baisserait plus qu’une matière première énergétique ou inversement, en passant d’une ambiance thermique neutre à une ambiance chaude, n’est pas maintenue. Cette baisse de l’ingéré alimentaire, en passant de 23°C à 33°C, est du même niveau (16%) avec le maïs et avec le tourteau de soja. En effet, Noblet et al (2007) rapportent que l’augmentation de la teneur en protéines en substitution de l’amidon ne modifie pas la production de chaleur induite par l’aliment.

La dépréciation de la consommation alimentaire en conditions chaudes serait liée, aussi, à une baisse de l’appétit chez les coqs provoquée par l’élévation de la glycémie. En effet, chez le poulet de chair, le métabolisme glucidique augmente dans les conditions chaudes, tel rapporté par Tesseraud et Temim (1999). Cette modification du métabolisme glucidique, à chaud, engendre une glycémie plus élevée (Padilha et al 1995), qui aurait provoqué une diminution de l’appétit chez les coqs et les a incité à diminuer leur ingestion alimentaire.

Digestibilité de la matière sèche du maïs et du tourteau de soja

La valeur de la digestibilité de la matière sèche du maïs est supérieure à celle du tourteau de soja, respectivement, à 23°C (84% vs 51%) et à 33°C (84% vs 57%)

Les valeurs moyennes de la digestibilité du maïs, mesurées à 23°C et à 33°C, sont similaires entre elles (84%). En revanche celles du tourteau de soja sont significativement supérieures à chaud qu’à température optimale (p < 0,05) (51% vs 57%).

Geraert (1991) rapporte que la digestion comme l’ingestion ont un effet thermogénique. Cela suppose que la lutte des coqs contre la chaleur ambiante serait au détriment de l’assimilation des nutriments et de l’énergie ingérés, par conséquent une diminution de la digestibilité. Tesseraud et Temim (1999), rapportent que la digestibilité des constituants de l’aliment diminue à chaud, d’autant plus qu’elle est plus faible au départ.

L’augmentation de la consommation d’eau à 33°C, en modifiant le processus digestif et en facilitant le transit digestif, aurait diminué la digestibilité, tel évoqué par Bonnet et al (1997). Mais cela controverse avec nos résultats.

Malgré une nette diminution de l’ingéré alimentaire, de même tendance entre le maïs et le tourteau de soja (16%) et une augmentation des quantités d’eau bues à haute température, leur digestibilité n’est en revanche pas affectée de la même façon sous l’effet de la chaleur. La valeur de la digestibilité du maïs (84%) reste inchangée significativement, par contre celle du tourteau de soja a augmenté de 6 points, en passant d’une température optimale (23°C) à une température élevée (33°C).

La diminution des quantités de l’ingéré alimentaire à chaud conjuguée à un allongement du temps de transit digestif à chaud, tel rapportés par Wilson et al (1980) chez le canard, auraient compensé la baisse de certaines activités enzymatiques à chaud (Yamazaki et Zhang 1982), en permettant une meilleure attaque enzymatique en terme de facilitation d’accessibilité au bol alimentaire et en terme de prolongement de temps d’action, par conséquent une meilleure digestibilité. Cette forme de compensation par les animaux aurait permis une meilleure optimisation de l’utilisation des 2 matières premières par les coqs sous l’effet de la chaleur. Toutefois, cette compensation a aboutit au maintien de la valeur de la digestibilité de maïs inchangée devant une augmentation de celle du tourteau de soja. Ce qui pourrait être expliqué par une plus grande sensibilité de l’activité des enzymes amylasiques, responsables de la dégradation de l’amidon contenu majoritairement dans le maïs, comparé aux enzymes protéasiques sous l’effet de la chaleur. En effet, l’activité de maltase et de la sucrase diminuent à chaud ( Yamazaki et Zhang 1982).

L’absence d’un effet dépréciateur de la chaleur ambiante sur la digestibilité du maïs et celle du tourteau de soja chez les coqs en comparaison avec la diminution de la digestibilité d’un aliment composé de ces 2 matières premières signalée par Bonnet et al (1997) à chaud ; serait lié à la simplicité de l’aliment, au fait que les coqs ont consommé qu’un seul ingrédient (du maïs ou du tourteau de soja). Un aliment constitué de plusieurs matières premières, de composition chimique différente, dont la digestion exigerait l’action de plusieurs types d’enzymes simultanément activant dans des milieux à « pH » différents, abaisserait le potentiel digestif intrinsèque des constituants de l’aliment et donc sa matière sèche via le phénomène de compétitivité entre différents enzymes. Ce phénomène pourrait accentuer la baisse de l’activité de certaines enzymes à température ambiante chaudes (Yamazaki et Zhang 1982), par conséquent un potentiel digestif de l’aliment amoindri. Ceci nous laisserait supposer que le mode de distribution séparé dans les conditions climatiques chaudes contribuerait à l’amortissement de l’effet négatif de la chaleur sur l’utilisation de l’aliment par les oiseaux.

Effet de la température élevée sur la température corporelle des coqs

Les températures internes moyennes des coqs alimentés semblent normales. Elles ont été, respectivement avec le maïs et le tourteau de soja, de l’ordre de 41,2±0,2°C et de 41,3±0,1°C à 23°C contre 41,4±0,08°C et 41, 4±0,1°C à 33°C. Les coqs ont parfaitement résisté à la chaleur.


Conclusion


References

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Received 27 March 2015; Accepted 9 May 2015; Published 2 July 2015

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