Livestock Research for Rural Development 27 (5) 2015 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

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Etude du fonctionnement du système agro-sylvo-pastoral du nord-est Algérien par une typologie

S Matallah et K Abbas1

Laboratoire d’épidémie-surveillance, santé, productions et reproduction, expérimentation et thérapie cellulaire des animaux domestiques et sauvages,
Université Chadli Bendjedid, El-tarf, B.P73, 36000, Algérie.
saida_agro17@yahoo.fr
1 Institut National de la Recherche Agronomique de Sétif, Algérie.

Résumé

L’étude décrit et analyse le fonctionnement de 85 exploitations agricoles, situées dans la zone humide du Nord-Est algérien. La typologie permet de distinguer cinq groupes: les pasteurs de la plaine (G1: 35), les petits pasteurs bovins du lac (G2: 2), les gros pasteurs agro-sylvicoles (à la lisière de la forêt) (G3:25), les sylvo-pasteurs (en forêt) (G4: 7) et les engraisseurs de moutons (G5:11).

Les modèles d’élevage rencontrés reposent sur des dynamiques sociales, économiques et écologiques. La faible part de la SAU (surface agricole utilisée) oblige 61% des éleveurs, les plus répandus (G1, G2, G4) à s'orienter vers un élevage de type très extensif. Ils s'appuient sur la diversité de la végétation naturelle disponible à différentes périodes de l'année, pour alimenter leurs troupeaux avec un chargement animal important. Les éleveurs du groupe 3 qui ont des revenues extérieurs, exploitent de grandes surfaces (22,88 ha en moyenne) et élèvent le cheptel le plus important. Ils combinent le pâturage naturel, les résidus de culture et la surface fourragère pour assurer les besoins essentiels de leurs animaux, avec un faible chargement animal sur l’espace agricole et privé (jachère et prairie permanente) (1,15- 0,7 UGB/ ha).

Le groupe saisonnier (G5) pratique l’engraissement des ovins pour l’Aïd El Kebir (fête du sacrifice). Ces éleveurs entrent ainsi dans la compétition pour l'utilisation des ressources naturelles avec les systèmes locaux de production, avec un chargement animal important (2, 8 UGB/ha) sur les prairies collectives pendant 3 mois.

Mots clés: chargement animal, élevage extensif, exploitation agricole, jachère, pâturage, prairie permanente, zone humide



Study of the operation of the agro-forestry-pastoral system in northeastern Algeria by a typology

Summary

The study describes and analyzes the operation of 85 farms located in the Wetland northeastern Algeria. The typology distinguishes five groups: pastoralists of the plain (G1:35), cattle small pasoralists of the lake (G2:9), big agro-forestry pastoralists (On the outskirts of a forest) (G3:25), forest pastoralists (in the forest) (G4:7) and sheep fatteners (G5:11).

Livestock models are based on social, economic and ecological dynamics. The low proportion of AAU (Agricultural Area Utilized) requires 61% of farmers (most answered were in G1, G2, G4) to move towards a very extensive type of breeding. They rely on the diversity of the natural vegetation available at different times of the year, to feed their livestock throughout the year. Breeders Group 3 which external revenues, operating large surfaces (22, 88 ha on average) and raise the most important livestock. They combine the natural grazing, crop residues and forage area for the basic needs of their animals with low stocking rate on agricultural and private space (fallow and permanent grassland) (1,15- 0,7 LU / ha).

Group 5 that can be considered as a seasonal practice fattening sheep for l’ Aïd El Kebir. These breeders and enter the competition for the use of natural resources with local production systems with a high stocking rate (2.8 LU / ha) on collective meadows for 3 months.

Keywords: extensive breeding, fallow, farm, grazing, permanent grassland, stocking rate, wetland


Introduction

La région d’El-Kala dans l’extrême nord-est algérien abrite une zone humide très riche par la diversité des ressources qu’elle renferme. Elle a été érigée en Parc National d’El-Kala (PNEK) en 1983 et réserve de la biosphère par l’UNESCO en 1990. A l’intérieur de ce parc les deux lacs (Oubeïra et Tonga) sont classés d’ailleurs comme des zones d’importance internationale par la convention RAMSAR. C’est une région côtière qui regroupe en majorité des milieux forestiers, des lacs d’eau douce ou salée et des paysages dunaires. La région a aussi une vocation agricole (BNEF 1984), l’agriculture y est le secteur le plus gros pourvoyeur d’emplois permanents et saisonniers (36 % en 1995; plus de 50 % en 1987 et près de 65% dans la décennie 70). Mais 60 % de la population des exploitants ont une superficie moyenne de 2,5 hectares (Bouazouni 2004) car la dominance de l’espace forestier dans toute la région est très marquée: sa part varie de 60 à 77%. D’après Homewood (1993), le pastoralisme est une des formes durables d’exploitation des ressources dans la région aussi bien dans le sens écologique que dans le contexte économique.

Les activités agricoles et d’élevage doivent pouvoir évoluer en respectant les riches écosystèmes de la région et préserver leur exceptionnelle biodiversité. L’analyse qui suit de l’éventail des systèmes de production sur la base de leur typologie, avec la connaissance de leurs calendriers fourragers, a pour ambition de contribuer aux connaissances nécessaires pour orienter un développement viable et durable de l’agriculture dans le cadre de ce parc.


Matériel et méthodes

Milieu d’étude

La région étudiée est située dans la région d’El-Kala, à l’extrême Nord- Est algérien. Elle fait partie du périmètre du lac Tonga (3,4% de la superficie du PNEK) qui est limité sur toute sa partie ouest, sud et est par les derniers contreforts des montagnes de la Kroumirie, au nord-ouest par les collines gréseuses qui le séparent du lac Oubeira et au nord par le cordon dunaire littoral qui le sépare de la Mer méditerranée. Elle compte parmi les plus abondamment arrosées avec 1300 mm/an (Raachi 2007). La température moyenne annuelle est de l’ordre de 18°C (BNEF 1979). Le troupeau existant s'élève à 9470 têtes de bovins, 9200 ovins et 6380 caprins (DSA 2011). Lors des dix dernières années, le cheptel a connu un taux d’accroissement annuel moyen de 4,54 % pour les bovins, 3,64 % pour les ovins et 8,27% pour les caprins. La région abritait une population d’environ 18230 personnes en 2011 (Plan d’aménagement de La Wilaya d’ El-Tarf, 2012).

Procédure d'enquête et analyse statistique des données

L’enquête a touché un maximum de concentrations rurales (mechtas et villages) tout en couvrant l’ensemble des zones agro-écologiques (montagne, forêt, plaine, parcours, lacs…).

L’échantillon enquêté se compose de 85 exploitations choisies de façon aléatoire et situées sur le territoire de trois communes (Souarekh, Al-Aioun et R’mel-Souk). Les thèmes abordés dans l’enquête concernent la localisation, les cultures pratiquées, les revenus, les systèmes d’élevage (taille du troupeau, type de conduite et alimentation). La méthodologie s’appuie sur des analyses statistiques: Analyse des Correspondances Multiples (ACM) suivie d’une classification ascendante hiérarchique (CAH) ainsi que d’Analyses en Composantes Principales (ACP), à l’aide du logiciel SPAD version 6.5 (Coheris-SPAD, France).


Résultats et discussion

Caractéristiques générales des systèmes d’élevage

Les éleveurs exploitent une ou plusieurs espèces de ruminants: 78% des unités exploitent les trois espèces (bovin, ovin et caprin) alors que les bovins ou les ovins sont est exploités seuls dans 11% et 11% des exploitations. L’agriculture est dominée par le maraîchage (figure 1). La superficie moyenne consacrée aux céréales est de 2,44 ± 1,52 ha, ce qui représente uniquement 7% de la SAU. Une étude réalisée sur la région (Bouazouni 2004) confirme la faiblesse de la dimension foncière réservée à la céréaliculture. On note la présence de 18 exploitations sur les 85 enquêtées qui sont dépourvues de surfaces fourragères soit 22% de l’échantillon d’étude. Les cultures maraîchères sont très corrélées à la SAU (r =0,8).

Les cultures spéculatives de l'arachide, du melon et de la pastèque prennent de l'extension dans les zones dunaires de plus en plus défrichées. Ces constats sont similaires à ceux obtenus par Raachi (2007) dans la même région.

Figure 1. Occupation de la surface agricole utiles (SAU)
Typologie des systèmes d’élevage

La Classification Hiérarchique Ascendante (CHA) sur les coordonnées des premiers axes abouti à 5 types d’élevage dont les caractéristiques sont illustrées dans le tableau 1. Les caractéristiques des classes font ressortir que:

–les groupes (G1 et G4) se caractérisent par l’élevage de grands troupeaux et de petites surfaces agricoles, essentiellement sous forme de jachère et cultures maraîchères destinées à nourrir la famille. Le recours au pâturage est important avec une complémentation destinée aux ovins en hiver. La main d'œuvre est de 1-3 UTH.

–le groupe 3 se distingue par la taille élevée des surfaces agricoles, par un cheptel et du matériel agricole importants. Il se distingue des autres groupes par la culture céréalière et la présence des prairies permanentes. Le recours au pâturage est important avec une complémentation alimentaire sous forme de concentréet de foin achetés ou produits et distribués aux bovins et ovins en hiver. La main d'œuvre est de 2-4 UTH.

–les groupes (G2 et G5) se caractérisent par une surface agricole nulle à très faible et la présence d’un faible cheptel bovin chez le groupe 2. Le G5 se distingue de G2 par un élevage d’engraissement des ovins (36,78±8,8 têtes) qui reçoit une ration spéciale. La main d’oeuvre est de 1-2 UTH. On observe localement des extensions de surfaces cultivées non négligeables, notamment à la proximité des exploitations. Ce type d’extension concerne les quatre premiers groupes.

Tableau 1. Caractéristiques des exploitations enquêtées
Groupes Caractéristiques
G1: les pasteurs de la plaine: 35 (41%)
SAU (ha): 7,06±1,8 dominée par les cultures maraîchères et la jachère. Pâturage en forêt (printemps-automne- hiver): 74%
Jachère (ha): 0,92±0,54 Pâturage sur jachère (printemps): 60%
Utilisation de la main d'œuvre: 1-3 UTH Pâturage autour du lac et des dunes (printemps-été):80%
Elevage bovin: 17,8±5,27 têtes Pâturage sur prairies collectives: 60%
Elevage ovin: 36,8±7,96 têtes Complémentation alimentaire sous forme de concentré (51%) distribuée aux ovins en hiver (69%): 0,5kg/animal/j
Elevage caprin: 6,63±1,61 têtes Défrichement de la forêt (cultures): 65%
Faible équipement
G2: les petits pasteurs bovins du lac: 9 (11%)
SAU (ha) très faible: 0,22±0,36: cultures maraichères (autoconsommation) Pâturage en forêt pour toute l’année: 65%
Utilisation de la main d'œuvre: 1-2 UTH Pâturage autour du lac et des dunes (printemps-été): 67%
Elevage bovin: 6,89±1,54 têtes Pâturage sur prairies collectives: 66%
Pas de complémentation alimentaire: 78%
Défrichement à la périphérie du lac (cultures): 87%
G3: les gros pasteurs agro-sylvicoles (à la lisière de la forêt): 25 (29%)
SAU (ha) importante: 22,88 ± 9,06 Recours aux revenus extérieurs (non agricoles): 80% des exploitants enquêtés dans ce groupe.
Système de culture diversifié (céréales, jachères/prairies, cultures maraîchères, arboriculture). Pâturage en forêt pour toute l’année: 68%)
Jachère (ha): 4±2,99 Pâturage sur jachère et prairie permanente (printemps): 88%
Prairie permanente (ha): 4±0,2 Pâturage sur prairies collectives: 69%
Céréales (ha: 2,44 ± 1,52 Complémentation alimentaire sous forme de concentré et foin acheté ou produit (72% distribuée aux bovins (60% en hiver
Utilisation de la main d'œuvre: 2-4 UTH concentré: vache: 3kg/jour;ovin: 0,6kg/jour; foin: ad libitum, chaumes de céréales: ad libitum
Elevage bovin : 77,72± 8,34 têtes Conduite en stabulation des ovins en fin automne- hiver: 72%
Elevage ovin : 40,24 ± 3,32 têtes Défrichement de la forêt (culture: 30%
Elevage caprin : 12,92± 2,1 têtes
Equipement important
G4: les sylvopasteurs (en forêt: 7 (8%)
SAU (ha) faible: 3±0,82 dominée par la jachère et les cultures maraichères (autoconsommation) Pâturage très important en forêt toute l’année: 100%
Jachère (ha): 1,71±0,76 Pâturage sur jachère (printemps): 63%
Utilisation de la main d'œuvre: 2-3 UTH Pâturage sur prairies collectives: 55%
Elevage bovin: 35±10,03 têtes Complémentation alimentaire sous forme de foin (57%) distribuée aux bovins et ovins (57%) en hiver: ad libitum
Elevage ovin: 17,14± 6,36 têtes Faible équipement
Elevage caprin: 7±2,31 têtes Défrichement de la forêt (cultures): 67%
G5:les engraisseurs de moutons (dans la plaine): 9 (11%)
Eleveurs sans terres Utilisation de la main d'ouvre: 1-2 UTH
Recours au revenu extérieur (non agricole): 100% des exploitants enquêtés dans ce groupe. Elevage ovin: 36,78±8,8 têtes
Pâturage sur prairies collectives: 89%
Engraissement des ovins pour l’Aïd (fête du sacrifice) (ration spéciale)
%: Proportion des éleveurs de ce groupe qui utilisent cette pratique

Les espaces utilisés par le cheptel sont présentés par la figure suivante 2.

Figure 2. Nature des espaces utilisés
Les différentes stratégies des exploitations agricoles

Dans un environnement caractérisé par de nombreuses ressources naturelles fourragères, l’élevage est avant tout une stratégie qui permet de se parer contre les risques et de compenser la faible production agricole. La faible taille de l’exploitation (SAU) explique à la fois la faible capacité de production (G4, G1, G2) et le défrichement (plus de 70% des exploitants de ces groupes) qui échappe à tout contrôle. Bien que l’élevage constitue l’ultime produit des activités agro- sylvo-pastorales, par le fait qu’il bénéficie de la liberté des prix de la viande et assure une autoconsommation soutenue, les activités agricoles qui bénéficient des défrichements non contrôlé de la forêt et de l’espace qui entoure le lac (G2) peuvent cacher des enjeux sur le foncier, dans un milieu humide aux vertus naturelles très avérées et taux attraits touristiques très forts. Ces activités peuvent ainsi devenir nuisibles aux équilibres écologiques sans un schéma d’aménagement territorial bien réfléchi. Selon nos observations les agents forestiers ferment les yeux sur ces pratiques illicites et le non respect du code forestier. Ce phénomène a été observé aussi par Oulmouhoub (2005).

Pour répondre aux contraintes (manque de surface agricole, inondations fréquentes du lac en hiver, augmentation du prix des concentrés), les éleveurs du deuxième groupe(G2) limitent l’effectif de leur élevage bovin pour s’orienter vers la culture d’arachide surtout sur des surfaces défrichées autour du lac et sur les piémonts des dunes. Une culture maraîchère pour l’autoconsommation se partage les autres soles. Ce type d’exploitants a été signalé par Raachi (2007). On le rencontre également à l’ouest du pays (Yakhlef et Ghozlane 2004).

Les éleveurs (G1, G4 et G3) dont l’élevage est la source principale de revenu possèdent des troupeaux diversifiés (trois espèces). Cette stratégie présente un avantage: des rentrées d’argent mieux réparties dans l’année (abattages décalés dans le temps entre les différentes espèces). Le prix d’un kilo de viande caprine atteint les 1000 DZD (Dinar algérien). Les ovins et caprins sont très rentables mais incompatibles avec la forêt et c’est probablement ces animaux qui poussent les éleveurs à défricher la terre pour y installer des céréales (menées en rotation avec la jachère). L’élevage bovin serait donc une voie à encourager à condition de faire des efforts sur les races, organiser le marché de la viande et développer des produits de qualité et de terroirs (produits laitiers, viandes traditionnelles…..).

Dans les exploitations (G4 et G1), l’intégration agriculture-élevage est moindre. L’agriculture permet de produire une partie des denrées agricoles nécessaires à la subsistance de la famille.

Le groupe 3 représente un nombre important d’exploitations (29%) dotées des surfaces agricoles les plus importantes, des moyens humains les plus élevés et pratiquant un élevage multi-espèces d’envergure. L’intégration entre l’élevage et l’agriculture observée dans ce groupe basé sur l’utilisation des chaume de céréale, des jachères fauchées ou pâturées, des résidus de cultures maraichères et de la fumure organique place l’élevage comme élément de valorisation et de sécurisation du système agricole mais avec un caractère plutôt «extensif» en matière d’utilisation des ressources. Le foncier joue donc un rôle important et permet une souplesse et une complémentarité particulièrement durant l’hiver: les terres agricoles servent à produire des céréales (prix très soutenu par l’état), des produits maraîchers et des légumes secs (cycle court et valeur marchande élevée). Les résidus de cultures renforcent et facilitent la complémentation et évitent ainsi les achats. Selon Lhoste (2004), cette association entre élevage et agriculture permet des interactions, des synergies positives, notamment en favorisant différents flux favorables entre les activités de culture et d’élevage au sein d’une unité de production donnée. Pour Vall et al 2012, la présence simultanée de l’élevage et de l’agriculture permet de diversifier les sources de revenus. L’intégration de l'agriculture et de l'élevage apparaît donc aux yeux des producteurs et pour de nombreux observateurs, comme un facteur essentiel d'évolution vers des systèmes de production plus rentables et qui peuvent être plus durables. A l’inverse des autres, les membres de ce groupe occupent en même temps des positions sociales importantes (Moudjahiddines: anciens combattants; commerçants), ce qui permet à leurs enfants d’accéder à des postes administratifs importants. Ils peuvent ainsi bénéficier facilement de l’aide de l’état (achat de matériel, de cheptel, adhésion aux programmes de soutien (exemple: PPDRI: projets de proximité de développement rural intégré). Il apparaît aussi que les revenus hors exploitation sont réinvestis dans l’achat de cheptel et de matériel agricole. Celui-ci marque l’indépendance de l’exploitation vis-à-vis de l’extérieur et l’importance et la diversification des activités agricoles qui expliquent les besoins en main d’œuvre ou en mécanisation. Ce groupe semble être plus vivable (revenus agricoles et non agricoles) et plus viable (positions sociales importantes, adhésion aux programmes de développement, équipement important). En revanche, la culture fourragère proposée dans les modèles agronomiques classiques d’association agriculture-élevage (Landais et Lhoste 1990) n’est pas adoptée ici puisque l’herbe est trouvée en suffisance dans les espaces naturels.

Les engraisseurs de moutons (G5) sont des éleveurs citadins qui ont des revenus extérieurs. Ils investissent saisonnièrement dans l’élevage pour obtenir un revenu complémentaire. La stratégie consiste à acheter sur le marché local de la région des agneaux de 8 à 9 mois pour les engraisser pendant une période qui ne dépasse pas trois mois et à les vendre dans les semaines qui précédent l’Aïd El Kebir (fête du sacrifice). L’agneau reçoit une alimentation spéciale à base d’orge (tableau 2) en profitant de la bonne herbe du pâturage naturel quand il y a en a au printemps. Ces éleveurs entrent ainsi en compétition pour l'utilisation des ressources naturelles avec les systèmes locaux de production permanents. Le manque de surface cultivée qui constitue un point faible pour développer ce type d’élevage est compensé par les prairies naturelles collectives. Cependant la logique observée montre un réinvestissement sur d'autres activités lorsque l’élevage devient économiquement non rentable: l’avenir de ces exploitations, plutôt spéculatives, est très lié à leur rentabilité d’élevage.

Tableau 2. Alimentation moyenne des agneaux (kg/jour) du groupe 5
Aliment Age des agneaux
8-10 mois > 10 mois
Paille 0,6 0
Foin 1,6 2
Foin 0,8 1

En plus des espaces naturels et agricoles exploités, la complémentation alimentaire est pratiquée durant la période hivernale par 78,82 % des éleveurs enquêtés. Parmi ceux-ci, 8% se contentent d’acheter du foin comme aliment unique par contre les 29% d’éleveurs du groupe 3 complémentent leurs animaux avec du concentré (tableau 1), et du foin acheté ou du fourrage naturel collecté et stocké puis distribué en été lors du pâturage des chaumes.

Le circuit pastoral au fil des saisons: durée de pâturage et chargement animal

Un suivi des troupeaux sur parcours a montré que le calendrier pastoral suivi par le pasteur n’est pas immuable. Il diffère selon le système d’élevage et varie en fonction des conditions de l’environnement. Le cycle de pâturage est avant tout conditionné par les conditions climatiques, la période végétative qui détermine l’abondance et la nature des ressources fourragères, les activités agricoles et par les particularités de la zone (plaine ou montagneuse). Elle concerne les saisons sèches (printemps – été- début d’automne: 7 mois) et humides (fin automne-hiver: 5 mois). 67% des exploitations enquêtées pratiquent le gardiennage au moins pour un ruminant

Les troupeaux des groupes 1 et 2 passent 4 mois de la saison sèche sur les prairies collectives et humides et 8 mois (fin automne, hiver et printemps) en forêt. Cette situation peut être expliquée par les déplacements de la forêt vers les prairies collectives et humides pendant le printemps. Les ripisylves et les aulnaies sont particulièrement saccagées par l'abattage des arbres (frêne, peuplier, chêne zéen) sur lesquels adhère une importante masse de lierre et de smilax préférés surtout par les ovins et les caprins (Raachi 2007). Au printemps (3 mois), la jachère est la dernière séance de pâturage pour le cheptel du groupe 1. Une charge élevée instantanée de 8,2 UGB / ha de la surface fourragère (SF) a poussé le groupe 1 à laisser son cheptel dans des espaces naturels avec une charge importante de 3,7 UGB /ha (tableau 3). Bourbouze (2003) indique qu’au Maghreb, les chargements sont supérieurs à 10 vaches par hectare. Bir (2014) indique un chargement moyen de 7,29±11,3 UGB/ ha de SF.

Les éleveurs du groupe 3 conduisent généralement leurs troupeaux bovins et caprins en forêt pendant toute l’année. En fin d’automne et hiver (5 mois), les ovins restent en bergeries. En saison sèche, après un passage en forêt de bon matin sur forêt, les troupeaux bovins, ovins et caprins pâturent sur les prairies collectives. Seulement les troupeaux ovins sont ramenés sur jachères et prairies permanentes en fin de la journée, ce qui explique les faibles charges (1, 15- 1,7 UGB/ ha) sur ces derniers espaces (tableau 3). Ces surfaces sont dans leur grande majorité utilisées pendant une longue durée de pâturage par an (7 mois).

Les troupeaux bovins, ovins et caprins du groupe 4 suivent le même calendrier du troupeau bovin du troisième groupe. Cependant, au printemps (3 mois), après les séances de pâturage sur forêt et prairies collectives, les troupeaux ovins et caprins sont ramenés sur jachères avec un chargement de 2,2 UGB/ha.

Un suivi des troupeaux sur parcours a montré que les quatre premiers groupes ont les mêmes horaires de pâturage. La journée de pâturage en fin d’automne et hiver est de 8h 10 h à 16h 30 en moyenne. Le départ peut être retardé en cas de froid intense. Ensuite, au printemps, la durée va de 6h à 18h 30 avec une pause au bout de 3 heures. Pendant l’été et le début automne, le pâturage est de 5h à 19h 30 avec une pause de 4 heures (de 10h à 14h) pour éviter les grandes chaleurs

Tableau 3. Durée de pâturage (mois) et charge moyenne (UGB/ha) sur les espaces fourragers
Groupes Espace naturel Espace agricole
Collectif privé privé
PC DL

F

PNP SF
G1
Charge 3,5 3,2 4,4 - 8,2
Durée de pâturage 7 mois:
d’Mars à Septembre
7 mois:
d’Mars à Septembre
8 mois:
d’Octobre à Mai
- 3 mois:
d’Mars à Mai
G2
Charge 1,6 1,67 2,2 - -
Durée de pâturage 7 mois:
d’Mars à Septembre
7 mois:
d’Mars à Septembre
8 mois:
d’Octobre à Septembre
- -
G3
Charge 7,8 - 8,87 0,7 1,15
Durée de pâturage 7 mois:
d’Mars à Septembre
- Toute l’année 7 mois:
d’Mars à Septembre
(ovins uniquement)
7 mois:
d’Mars à Septembre
(ovins)
G4
charge 4,2 - 5,2 - 2,2
Durée de pâturage 7 mois:
d’Mars à Septembre
- Toute l’année - 3 mois:
d’Mars à Mai
(ovin +caprin)
G5
Charge 2,8 - - - -
Durée de pâturage 3 mois:
d’Mars à Mai
- - - -
UGB: Unité Gros Bétail (équivalent bovin).
PC: prairie collective; DL: dune et autour du lac; F: forêt; PNP: prairie naturelle privé; SF: surface fourragère.
Source: enquêtes individuelles


Conclusion


Bibliographies

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Received 8 March 2015; Accepted 10 April 2015; Published 1 May 2015

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