Livestock Research for Rural Development 27 (3) 2015 Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

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Impact de la pluviométrie sur la production de biomasse herbagère en milieu sahélien: un cas en Région de Matam, Nord du Sénégal

C Ndiaye1, E F Guèye2, S Ngom3, E H Traoré3 et L E Akpo4

1 Institut Supérieur de Formation Agricole et Rurale, Université de Thiès, B.P. 967 A, Thiès Sénégal
mamecheikhe1@gmail.com
2 FAO, Rue Kempinski, B.P. 2588, Djibouti, République de Djibouti
3 Institut Sénégalais de Recherches Agricoles, B.P. 3120, Dakar, Sénégal
4 Faculté des Sciences et Techniques, Biologie Végétale, Université Cheikh Anta Diop, B.P. 5005 Fann-Dakar, Sénégal

Résumé

En zone sahélienne, il est admis que le gradient pluviométrique croissant du nord au sud du pays et la mauvaise répartition spatio-temporelle des pluies constituent les principaux facteurs climatiques qui régissent la production des parcours naturels fourragers qui représentent l’essentiel de la ration alimentaire des animaux dans les systèmes pastoraux. Partant, l’objectif de cet article est de réaliser une analyse de la variabilité pluviométrique et de son impact sur la végétation dans l’Unité Pastorale de Malandou. La méthode d’étude utilisée est basée sur des mesures directes de la production fourragère effectuées sur le terrain entre 1994 et 2010, selon le procédé de la ligne d'échantillonnage stratifiée. Les données pluviométriques ont été recueillies à travers des relevés opérés sur 3 sites de Malandou durant la période de l’étude et au niveau des stations météorologiques de Matam et de Ranérou-Ferlo avec l’appui du Service national géographique sur les 31 années suivies.

 

La pluviométrie annuelle a largement varié de 180 à 929 mm (376 ± 180 mm). Des entretiens et enquêtes ont aussi été menés dans l’ensemble des 15 villages de l’unité pastorale. L’étude de la biomasse a porté sur trois sites de la zone d’étude. L’analyse statistique des données a montré que la pluviométrie était étroitement corrélée à la production de biomasse herbagère, avec des coefficients de corrélation de r=+0,84 (p=0,008), r=+0,85 (p=0,007), r=+0,87 (p=0,007) et r=+0,82 (p=0,009) respectivement dans les sites de Malandou 1, Malandou 2, Malandou 3 et l’ensemble des 3 sites. Des équations de régressions entre la pluviométrie et la production de biomasse ont été établies pour les trois sites.

Mots-clés: parcours, pâturage, production fourragère



Impact of rainfall on grassland biomass production in the Sahel: a case in Matam Region, Northern Senegal

Summary

In the Sahelian zone, it is recognized that the increasing rainfall gradient from north to south and the bad spatio-temporal distribution of rainfall are the main climatic factors that determine the production of rangeland which represent the bulk of the diet of animals in pastoral systems. Therefore, the objective of this paper is to conduct an analysis of rainfall variability and its impact on vegetation in the Malandou Pastoral Unit. The study method is based on direct measurements of a forage production in the field between 1994 and 2010, according to the process of stratified sampling line. Rainfall data were collected through records made on the 3 Malandou sites during the period of the study and at weather stations of Matam and of Ranérou Ferlo with the support of National Geographic Service over 31 years.

 

Annual rainfall varied widely from 180 to 929 mm (376 ± 180 mm). Interviews and surveys were also conducted in all 15 villages of the pastoral unit. The study of biomass focused on three locations in the study area. The statistical analysis of data showed that rainfall is closely correlated with grassland biomass production, with correlation coefficients of r=+0.84 (p=0.008), r=+0.85 (p=0.007), r=+0.87 (p=0.007) and r=+0.82 (p=0.009) in the sites of Malandou 1, Malandou 2, Malandou 3 and all the 3 sites, respectively. Regression equations between rainfall and grassland biomass production were established for the three sites.

Keywords: fodder production, pastures, rangelands


Introduction

Au Sénégal, l’élevage pastoral représente une part importante de l’activité économique et son berceau, "le Ferlo", en plein Sahel, couvre une superficie de 70 000 km², soit plus d’un tiers du territoire national. Le Ferlo compte plus du quart des effectifs du cheptel animal national (PNDE, 2011) et constitue ainsi la zone d’élevage par excellence.

 

La pratique de l’élevage dans cette zone est fondée sur le pastoralisme transhumant qui reste confronté à de graves contraintes qui entravent sa productivité. Selon Courel et al (1988), les changements ont fortement affecté l’espace pastoral avec une désorganisation des activités liées à l’élevage et avec comme conséquence la sédentarisation des populations nomades. L’élevage pastoral tire l’essentiel de l’alimentation du cheptel des pâturages naturels dont le disponible fourrager est constitué par la végétation (herbacée et/ou ligneuse) accessible ou rendue accessible aux animaux. Le niveau de disponibilité des ressources et la saisonnalité de leur accès sont générateurs de tensions entre usagers de l’espace et déterminent les options stratégiques de survie spécifique dont la mobilité pastorale est une donnée que tout État se doit de toujours prendre en compte (Touré 1997, Diop 2001, Wane et al 2006, Diop 2007). En effet, une bonne connaissance de la production de biomasse végétale des parcours naturels, qui constitue un outil précieux de gestion de l’espace, est nécessaire pour assurer une meilleure organisation de l’élevage pastoral.

 

En milieu aride, l’abondance des précipitations constitue le principal facteur qui détermine la quantité et la qualité d’un pâturage (PSSP 2009). Beaucoup d’auteurs (Eltahir et Gong 1996, Zheng et Eltahir 1998, Fontaine et al 1999, Le Barbé et al 2002, Camberlin et al 2007) ont également prouvé que "le potentiel de production de biomasse est fortement tributaire de la pluviométrie". C’est dans cette dynamique que cette étude a été réalisée pour déterminer l’influence du climat, essentiellement les précipitations, sur la productivité des parcours naturels durant ces dernières années. L’objectif est de contribuer à l’élaboration de stratégies de gestion des ressources naturelles efficaces et une planification de l’utilisation des parcours en utilisant une prévision basée sur la capacité de charge des pâturages disponibles. Il en est ainsi en 2000 avec 1 906 kg de matières sèches (MS) produites avec 503 mm de pluies, comparé à 1995 dont la pluviométrie de 394 mm a fourni 1 656 kg de MS, plus importante que pour l’année 1994 qui, avec 541 mm a donné 1 639 kg MS et pour 2010 qui, avec 828 mm, n’a produit que 1 456 kg de MS. Toutefois, ce constat qui ne remet nullement en cause la dépendance pluviométrie/biomasse, peut trouver son explication dans la répartition dans le temps des quantités de pluies tombées, la précocité ou le prolongement de la saison des pluies, mais aussi, les poches de sècheresse qui peuvent survenir.


Matériel et méthodes

Présentation de la zone d’étude

 

L’Unité Pastorale de Malandou (UPM) est située dans le Nord du Sénégal et, est localisée dans la région administrative de Matam entre les latitudes 15° et 16°30 Nord et les longitudes 13°30 et 16° Ouest, occupant ainsi une partie de la zone pastorale du Sénégal. Elle constitue un vaste plateau d’une superficie de 72 820 km² (Figure 1).


Figure 1. Carte de l’Unité Pastorale de Malandou, Région de Matam (Nord du Sénégal)

Du fait de sa position, la zone est sous l’influence d’un climat de type sahélien avec deux saisons distinctes : une saison sèche qui dure huit (8) mois, à savoir, de novembre à juin et une saison humide de quatre (4) mois, allant de juillet à octobre. Elle se situe au niveau de l’isohyète comprise entre 300 et 500 mm. L’UPM est soumise à de nombreuses contraintes naturelles, animales et anthropiques qui façonnent le faciès de la végétation de la zone. Le peuplement ligneux se caractérise par une prédominance de Acacia nilotica (gonakier) dans le Walo sur les sols « Hollaldé », Balanites aegyptiaca (dattier du désert, soump) et Acacia senegalensis sur les sols « fondé avec parfois une strate arbustive constituée d’Acacia seyal (mimosa épineux, sourour), Boscia senegalensis, Ziziphus mauritiana (jujubier), etc. Les ressources en eau sont limitées et essentiellement constituées de nappes souterraines très profondes et des eaux superficielles pendant l’hivernage. Les ressources fourragères sont dominées par les espèces annuelles. Le cheptel est essentiellement constitué de bovins (zébu Gobra, zébu Maure), d’ovins (Peul-peul, Touabir), de caprins (chèvre Sahélienne), d’équins, d’asins et de camelins. Ce cheptel compte environ 323 220 bovins, 504 200 ovins et 224 950 caprins (SRSD/IRSV, 2008).

 

Mesure directe de la production herbacée

 

Les données ont été recueillies à partir de mesures effectuées sur le terrain entre 1994 et 2010 dans l’UPM sur une durée de 4 à 6 mois par année. La production herbacée a été mesurée selon la méthode de la ligne d'échantillonnage stratifiée. Elle consiste, à partir d’un transect de 1 km de long, à effectuer une stratification selon différents niveaux de production de la strate herbacée. La détermination de la matière sèche (MS) a porté sur neuf échantillons correspondant à trois prélèvements dans chacun des trois niveaux de production (1, 2 et 3).

 

Sur la ligne du transect, de la matière verte a été prélevée sur des placeaux d'un mètre carré, coupés au hasard. Cette biomasse herbacée fraîchement récoltée, a été pesée, puis homogénéisée. Une partie du mélange a été pesée puis amenée au laboratoire pour évaluation à l'étuve, du taux de matière sèche (MS). Par un calcul intégrant les productions par mètre carré (exprimées en matière sèche) et la surface de référence, on obtient le disponible en kilogrammes de matière sèche par hectare (kg MS/ha). Sur le terrain, les mesures de production herbagère ont été faites par échantillonnage et par coupe en recourant à la méthode dite "destructive" qui consiste à couper l'herbe à la cisaille ou à la faucille, à l'intérieur d'un carré d’un mètre de côté.

 

Collecte des données pluviométriques

 

Les données pluviométriques ont été recueillies au niveau des stations météorologiques de Matam et de Ranérou-Ferlo avec l’appui du Service national géographique. Les quantités et le nombre de jours de pluie enregistrés dans le village de Malandou ont été obtenus à partir des relevés opérés au niveau des pluviomètres mis en place pendant la période d’étude.

 

Entretiens et enquêtes

 

Ils ont été menés dans l’ensemble des 15 villages de l’UPM, avec un questionnaire portant sur la gestion des ressources naturelles en général et pastorales en particulier ainsi que des guides d’entretien, qui ont fait l’objet d’un traitement informatique.

 

Exploitation des données

 

En admettant que la variabilité de production des parcours semble fortement liée à celle de la pluviométrie, il est proposé de vérifier expérimentalement ces liens, pour ensuite s’interroger sur les relations spatiales entre (i) sécheresse, (ii) production végétale et (iii) élevage. L’étude de la biomasse, a porté sur les sites de contrôle au sol qui, dans le cas de l’UPM, sont au nombre de trois : Malandou 1, Malandou 2 et Malandou 3 dont les positions au sein de l’Unité Pastorale sont précisées comme ci - après.

 

Ce modèle est constitué par des mesures de quantité annuelle de matière sèche prélevée sur ces trois (3) sites identifiés de Malandou et concernent seulement la strate herbacée :

 

     Prodam Malandou 1 : il se trouve à 2 km à l’ouest de Malandou en allant vers Naïki Tokossel et a pour coordonnées Transverse universelle de Mercator (en anglais Universal Transverse Mercator) ou UTM : X = 6556880, Y = 1679687

 

     Prodam Malandou 2 : est à 7 km au nord de Malandou en allant vers Oudalaye, avec pour coordonnées UTM : X = 649122, Y = 1677980

 

     Prodam Malandou 3 : se trouve à 12 km au nord de Malandou en allant vers Dendoudi et a pour coordonnées UTM : X = 664091, Y = 1688328

 

La présente étude a porté spécifiquement sur l’influence de la pluviométrie sur les productions de biomasse herbagère enregistrées dans la zone d’études entre 1994 et 2010. Les analyses effectuées à partir des résultats ont permis de concevoir une équation qui illustre la corrélation entre la pluviométrie et la production de biomasse.


Résultats

Données pluviométriques et analyse de la variabilité pluviométrique

 

Les variations climatiques interannuelles sont une caractéristique inhérente au périmètre sahélien et ne représentent pas une situation exceptionnelle dans le cas de l’UP de Malandou. Le Tableau 1 révèle une pluviométrie interannuelle très fluctuante dans la zone de Malandou avec une moyenne annuelle inférieure à 600 mm, exceptée, celle de l’année 2010 (829 mm).


Tableau 1. Pluviométrie enregistrée entre 1980 et 2010 (31 ans)

Années

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

Hauteur (en mm)

217

371 

276

311

208

354

339

459

423 

356

350

Années

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Hauteur (en mm)

208

195

180

541

394

356

301

330

405

503

403

Années

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

-

-

Hauteur (en mm)

350

459

512

433

315

349

495

4294

829

-

-

 

Pour mieux illustrer la variabilité pluviométrique, une classification des années en fonction des hauteurs d’eau tombées, a été effectuée. Le Tableau 2 représente la répartition des 31 ans étudiés suivant les différentes classes de pluviométrie proposées.

 

Tableau 2. Classification des années pluviométriques dans l’Unité Pastorale de Malandou (CSE, 2008).

Classes

Très déficitaire

< 200 mm

Déficitaire

200 <P < 300 mm

Normale

300 < P < 500 mm

Excédentaire

500 < P <650 mm

Très excédentaire

> 650 mm

Années

1991, 1992 et 1993

1980, 1982 et 1984

1981, 1983, 1985, 1986, 1987, 1988, 1989, 1990, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2001, 2002, 2003, 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009

1994, 2000 et 2004

2010

Total

3 années

3 années

21 années

3 années

1 année

L’analyse montre que:

 

     La pluviométrie est satisfaisante dans la zone pendant 21 sur les 31 années de suivi.

     L’évolution de la pluviométrie s’est traduite par des écarts élevés entre les années, et les quantités de pluies enregistrées ont fluctué entre un minimum de 180 mm (1993) et un maximum de 829 mm (2010).

 

Cette variabilité donne peu de signification à la moyenne pluviométrique qui se situe autour de 376 mm/an, avec un écart-type de 128 mm

 

La production herbagère

 

Le Tableau 3 donne les quantités de biomasse herbacée (en kg de MS/ha) mesurées sur les différents sites de l’Unité Pastorale de Malandou (UPM) que sont : Malandou1 (M1), Malandou 2 (M2) et Malandou 3 (M3).


Tableau 3. Production herbagère (kg MS/ha) et pluviométrie mesurées sur les 3 sites (Malandou 1, Malandou 2 et Malandou 3).

Années

Productions*

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Prod M1

1 169

1 192

1 036

499

713

1 793

1 717

777

186

520

394

968

939

Prod M2

1 798

1 849

735

481

683

1 422

1 891

1 420

395

521

602

1 035

1 636

Prod M3

1 949

1 927

1 029

341

478

1 373

2 110

478

413

1 095

747

1 101

1 795

Moyenne

(kg MS/ha)

1 639

1 656

933

440

625

1 529

1 906

892

331

712

581

1 035

1 457

Écart-type

414

404

172

86

128

230

197

481

126

331

178

66

455

Pluviométrie (mm)

541

394

356

301

330

405

503

433

314

349

495

429

829

* Prod M1 = Production herbagère du site Malandou 1 ; Prod M2 = Production herbagère du site Malandou 2 ; Prod M3 = Production herbagère du site Malandou 3

Analyse des résultats

 

Les résultats enregistrés montrent une production herbagère comprise entre 186 kg MS (2006/314 mm) et 1 793 kg MS (1999/400 mm), entre 395 kg MS (2006 /314 mm) et 1 891 kg MS (2000/500 mm), et entre 341 kg de MS (1997/300 mm) et 2 110 kg MS (2000/500 mm) respectivement pour les sites de Malandou 1, Malandou 2 et Malandou 3. La production de biomasse herbacée en fonction des pluies tombées est, en moyenne, de 2,40 kg de MS / mm de pluie avec des variations allant de 1,5 à 4,20 kg de MS/mm de pluie. Les productions moyennes de biomasse les plus importantes (1 906, 1 656 et 1 638 kg MS/ha) ont été enregistrées durant des années très pluvieuses (respectivement 2000, 1995 et 1994) avec des hauteurs de pluies comprises entre 400 et 550 mm

 

En procédant à un classement des niveaux de production herbagère, il a été observé que :

 

     Les années les plus productives sont 2000 (1 906 kg MS/ha avec 503 mm de pluie; 1995 (1 656 kg MS/ha avec 393 mm de pluie); 1994 (1 638 kg MS/ha avec 541 de pluie).

 

     Les productions moyennes les plus faibles ont été enregistrées durant les années 1997 (440 kg MS avec 301 mm de pluie); 1998 (624 kg MS avec 330 mm de pluie); 2006 (331 kg MS avec 314 mm de pluie) c’est-à-dire des niveaux de pluviométrie autour des 300 mm

 

     La production herbagère maximale (2 110 kg de MS/ha) a été obtenue en 2000 avec 500 mm de pluie dans le site de Malandou 3.

 

     La production minimale (186 kg MS/ha) a été enregistrée en 2006 avec une pluviométrie de 314 mm dans le site de Malandou 1.

 

Les résultats enregistrés sur les 3 sites de l’UPM, ont été classés en trois groupes : la classe 1,  avec une production de biomasse herbagère inférieure à 500 kg MS/ha (2 années), la classe 2 dont la production est comprise entre 500 et  1 500 kg MS/ha (7 années soit 53,8 % du nombre d’années suivies) et la classe 3 qui a une production supérieure à 1 500 kg MS/ha (4 années) (Tableau 4).

 

Tableau 4. Classement par niveau de productivité des années suivies.

Classes

Années

Nombre d’années

Classe 1
Très faible à faible 
(< 500 kg MS/ha)

1997 et 2006

2 années

Classe 2
Faible à moyenne
(500 à 1 500 kg MS/ha)

1996, 1998, 2005, 2007, 2008, 2009 et 2010

7 années

Classe 3
Moyenne à très forte
 (>1 500 kg MS/ha)

1994

1995

1999
2000

4 années

 

L’exploitation statistique des données a permis de mettre en évidence la relation entre la pluviométrie et la production de biomasse herbagère. Les données pluviométriques ont été croisées avec les quantités de biomasse produites. Les résultats ont montré que les quantités et la composition floristique des pâturages dépendent de la hauteur des pluies et de leur répartition. Les espèces herbacées qui concourent à l’accroissement de la biomasse prolifèrent ou régressent d’une unité de végétation à l’autre. Au gradient pluviométrique qui augmente du nord au sud est lié un gradient d’accroissement quantitatif du disponible fourrager. Sur la base de ces considérations, il a été jugé nécessaire de mettre en relation la production de biomasse et la pluviométrie. Les Figures 2 à 3 illustrent la relation entre la pluviométrie et la production de biomasse dans les sites de Malandou 1, 2 et 3 dans la Région de Matam (Nord du Sénégal).


Figure 2. Relation entre la pluviométrie et la production de biomasse dans le site de Malandou 1. Région de Matam (Nord du Sénégal).

A =  Biomasse produite du site de site de Malandou 1 (kg de MS/ha/an)*Pluviométrie (mm/an)

P =  Moyenne de biomasse produite des 3 sites (kg de MS/ha/an)* Pluviométrie (mm/an)


Figure 3. Relation entre la pluviométrie et la production de biomasse dans le site de Malandou 2. Région de Matam (Nord du Sénégal).

A =  Biomasse produite du site de site de Malandou 2 (kg de MS/ha/an)*Pluviométrie (mm/an)

P =  Moyenne de biomasse produite des 3 sites (kg de MS/ha/an)* Pluviométrie (mm/an)


Figure 4. Relation entre la pluviométrie et la production de biomasse dans le site de Malandou 3. Région de Matam (Nord du Sénégal).

A =  Biomasse produite du site de site de Malandou 3 (kg de MS/ha/an)*Pluviométrie (mm/an)

P =  Moyenne de biomasse produite des 3 sites (kg de MS/ha/an)* Pluviométrie (mm/an)

 

Les coefficients de corrélation calculés entre la pluviométrie et la biomasse produite ont été de r=+0,84 (p=0,008), r=+0,85 (p=0,007), r=+0,87 (p=0,007) et r=+0,82 (p=0,009) respectivement pour les sites Malandou 1, Malandou 2, Malandou 3 et Malandou 4 (qui est la synthèse des 3 sites de Malandou). En outre, le coefficient de corrélation calculé entre la pluviométrie moyenne enregistrée dans l’UPM et la production moyenne de biomasse mesurée sur le terrain a donné une valeur très élevée (r = +0,91; p=0,006).

 

Les équations de régressions établies entre la pluviométrie intégrée et la production de biomasse mesurée sur le terrain pour les 3 sites sont les suivantes :

 

Site de Malandou 1 : BP = 51,4 * P 0,48   (R2 = 0,82)

Site de Malandou 2 : BP = 5,66 * P 0,87   (R2 = 0,87)

Site de Malandou 3 : BP = 3,73 * P 0,94   (R2 = 0,85), où :

-          BP est la biomasse produite, en kg matières sèches (MS) /ha/an et

-          P est la pluviosité en mm/an

 

La linéarité de ces équations est très bonne pour les 3 sites, surtout pour celui de Malandou 3.


Discussion

Une corrélation positive a été notée entre la pluviométrie et la production de biomasse herbagère au niveau de l’Unité Pastorale de Malandou. La production moyenne annuelle de biomasse calculée à partir des résultats enregistrés dans les 3 sites de mesures, est comprise entre 331 kg de MS/ha en 2006 avec 314 mm de pluie et 1 906 kg de MS/ha en 2000 avec une pluviométrie de 500 mm La pluviométrie exceptionnelle observée en 2010 (829 mm) a permis une production herbagère de 1 457 kg de MS/ha contre 440 kg de MS/ha en 1997 avec 300 mm de pluies. L’analyse comparative de la production herbagère et de la pluviométrie annuelle a révélé des productivités supérieures à 1 000 kg MS/ha pour les années dont les pluviométries sont supérieures à 400 mm (1999, 2000, 2009 et 2010) et des productions plus faibles (400 à 500 kg MS/ha), en rapport avec les années à pluviométries d’environ 300 mm maximum (1997, 2006 et 2008). Cependant, au-delà de 400 mm de pluie, la production de biomasse herbagère semble ne plus être conditionnée par l’augmentation des quantités de pluies tombées mais par d’autres facteurs tels que la fréquentation par les animaux et les autres effets anthropiques, en particulier les feux.

 

De façon générale, la corrélation entre la production de biomasse et la pluviométrie enregistrée est relativement bonne (entre +0,81 et +0,87). Ces résultats recoupent ceux de plusieurs auteurs. La production de biomasse végétale est étroitement proportionnelle à la quantité d’eau de pluies (Bille 1975, Cornet 1981, Benard et al 1981). Bille et Poupon (1972) ont également prouvé que la production aérienne herbacée dépend principalement de l'alimentation en eau des plantes et est nettement supérieure à la biomasse maximum. Lake et al (2003) ont montré que sur les parcours naturels, la production herbagère est fortement liée aux aléas pluviométriques.

 

Beaucoup de travaux menés en zone sahélienne ont démontré que les variations de biomasse des savanes suivent généralement la répartition annuelle des précipitations (Grouzis 1984, Eltahir et Gong 1996, Zheng et Eltahir 1998, Fontaine et al 1999, Le Barbé et al 2002, Camberlin et al 2007). Selon ces auteurs, les pâturages sahéliens, constitués essentiellement de thérophytes, ont un cycle végétatif étroitement lié à la pluviométrie erratique de ces régions. À cet effet, il est possible de relier étroitement la phytomasse herbacée à la hauteur pluviométrique. Il s’agit d’une relation importante pour exprimer d’une manière fréquentielle les ressources fourragères régionales, estimer la capacité de charge en bétail correspondante et cerner les conditions et contraintes liées à l’élevage. Cependant, les résultats de la présente étude ne confirment pas totalement cette logique desdits auteurs. En comparant les résultats pluviométriques à la production de biomasse, il a été noté que certaines années moins pluvieuses affichent des quantités de biomasse supérieures à celles d’autres années de meilleure pluviométrie : Il en est ainsi en 2000 avec 1 906 kg MS produits sous 503 mm, comparé à 1995 dont la pluviométrie de 394 mm a fourni 1 656 kg de MS, plus importante que pour l’année 1994 qui, avec 541 mm a donné 1639 kg MS et pour 2010 qui, avec 828 mm, n’a produit que 1 456 kg de MS. Toutefois, ce constat qui ne remet nullement en cause la dépendance pluviométrie/biomasse, peut trouver son explication dans la répartition dans le temps des quantités de pluies tombées, la précocité ou le prolongement de la saison des pluies, mais aussi, les poches de sècheresse qui peuvent survenir. En effet, le rapport de suivi de la végétation du Centre de Suivi Écologique [CSE] (2008) fait remarquer qu’en 1999, la saison des pluies s’est prolongée jusqu’à la troisième décade du mois d’octobre dans la majeure partie du pays et la production primaire des parcours naturels du Sénégal en 2000 demeure assez bonne. En outre, la pluviométrie en 2008 a été relativement importante (environ 500 mm) et la production de biomasse a été paradoxalement faible (581 kg MS). La variabilité des résultats de cette étude pourrait aussi être expliquée par certains auteurs dont Sarr (2008), qui soutiennent que l’évaluation de l’impact de la pluie sur la végétation est rendue plus complexe par l’influence d’autres facteurs, pas aisément quantifiables. Parmi eux, les facteurs anthropiques comme la variabilité interannuelle des précipitations; le gradient pluviométrique nord-sud; et l’occupation du sol. Des études menées par le CSE ont révélé que certains sites parmi lesquels, ceux de Malandou, étaient plus productifs en 2007 (malgré la faible pluviosité). Des raisons particulières pourraient être avancées pour expliquer ce fait à savoir : la composition floristique fortement dominée par Spermacoce stachydea qui est très lourde à l’état vert, l’effet des feux de brousse de 2006 et la distribution spatiale du cheptel ainsi que le mode d'exploitation des parcours naturels. Le rapport de Miehe (1997) a noté de surcroît que "contrairement aux années 1994 et 1995 qui ont connu une croissance continue de la strate herbacée, 1998 a été si sec au mois d’août que la strate herbacée, dans la mesure où elle n’a pas été broutée, a complètement séchée." C’est seulement en mi-septembre qu’une nouvelle strate herbacée s’est établie. L’année suivante, entre mi-juillet et mi-août, il s’est produit une période sèche de cinq (5) semaines et une autre de quatre (4) semaines en septembre. Durant cette période, la végétation a séché par endroits. Ce sont donc, autant de facteurs à intégrer dans l’analyse et l’interprétation des résultats de la présente étude.


Conclusion


Références bibliographiques

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Received 9 February 2015; Accepted 21 February 2015; Published 3 March 2015

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