Livestock Research for Rural Development 27 (2) 2015 | Guide for preparation of papers | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
Le risque sanitaire associé aux bovins abattus àl’abattoir public de la ville de Bukavu (ELAKAT) de janvier à août 2012 a été étudié sur 800 bovins de sexe et âge différents provenant de différents milieux, inspectés avant et après abattage.
Les mouches et les tiques constituent les principaux parasites externes des bovins abattus avec une variabilité de population selon les différentes saisons. Parmi les parasites internes, les strongles et les tænias ont été les plus fréquents avec une variabilité élevée en fonction des races bovines. A côté de cette parasitémie, les animaux abattus sont dans un état de stress suite à une fatigue de voyage et dans des conditions précairesetaussi due à l’absence de repos avant abattage. Plus de 22% des animaux sont en outre abattus en gestationconduisant non seulement à une viande impropre à la consommation mais aussi à une violation de l’éthique et du bien-être animal. Ces résultats indiquent que la qualité de la viande consommée à Bukavu est précaire et nécessite un contrôle renforcé avant et après abattage.
Mots-clés: état physiologique, parasite, zoonose
This survey describes the sanitary risk of the bovines sold and slaughtered in the public slaughterhouse of Bukavu city (ELAKAT) since january to august 2012. A total of 800 bovines of different sex and age coming from different surroundings have been inspected before and after slaughtering.
Flies and ticks constitute the main external parasites of the bovines slaughtered with a variability of their population according to the different seasons. Among the internal parasites, strongyles as well as tænia were the most frequent with a high variability according to the slaughtered breeds. Apart from his parasitism, the slaughtered animals were in a state of stress due to the tiredness of a long journey and in precarious conditions but also due to the absence of time of rest before slaughtering. More than 22% of the animals are killed being pregnant leading to not only an improper meat for the consummation but also to a breakdown of ethics and animal welfare. These results indicate that the quality of meat consumed in Bukavu is precarious and requires a strict assessment before and after slaughtering.
Keywords: parasite, physiological state, zoonose
La viande bovine fait partie des produits carnés les plus consommés dans la province du Sud-Kivu. Cependant, l’approvisionnement est exclusivement constitué par les bovins importés du Rwanda voisin (FAO 2001).
Malheureusement, le contrôle de ces animaux au niveau des frontières de même qu’au niveau de l’abattoir reste inefficace pour assurer la biosécurité des consommateurs. Pourtant, la FAO (2004)recommandeune inspection anté et post-mortem stricte et efficace pour la protection de la santé du consommateur. Ce contrôle concerne non seulement l’état sanitaire du produit mais aussi sa qualité (Lhoste et al 1993).
L’abattoir public de la ville de Bukavu est celuiqui accueille presque la quasi-totalité des animaux de la région, est cependant dans un état de dégradation avancée, avec un manque de matériel pour le contrôle sanitaire et de la qualité de la viande livrée sur le marché (UE2006). Pour permettre d’avoir une idée sur la qualité de la viande consommée dans cette partie du pays, une enquête d’évaluation des risques sanitaires associés aux animaux abattus dans cet abattoir a été conduite. Cela concerneprincipalement les parasites externes et internes ainsi que l’état physiologique des animaux abattus.
Cette étude a étéréalisée à l’abattoir public de Bukavu (ELAKAT) situé dans la ville de Bukavu en province du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo entre les mois de janvier etaoût 2012. Cet abattoir constitue l’abattoir central de la ville mais aussi le lieu d’approvisionnement et de déploiement de la quasi-totalité des bovins importés dans cette zone. Les bovins proviennent surtout des marchés de Bubasi, Mutara et Rugari, situés à l’Est du Rwanda à plus de 600 km de Bukavu.
800 bovins de différents âges, sexes et origines ont été échantillonnés parmi les animaux présents et abattus durant toute la période d’étude. Les observations ont porté sur la présence de parasites sur les animaux avant et après abattage, la présence éventuelle de différents symptômes de maladies. Un accent était fait sur les zoonoses. Après abattage, les observations ont porté sur la couleur, la forme, la taille, la texture et la consistance des différents organes ainsi que la présence ou pas de parasites ou de lésionscaractéristiques d’une maladie. Les échantillons ont été collectés sur des animaux suspects pour confirmation au laboratoire du Centre de Recherche en Science Naturelles de Lwiro. Trois saisons ont été distinguées: A (janvier à février, pluvieux), B (mars à mai, pluvieux) et C (juin à août, sec).
Les données récoltées ont été analysées avec le logiciel R.2.11.1. La prévalence des risques d’infestations a été calculée par la régression logistique en se basant sur différents prédicateurs notamment la saison, la race, le sexe, l’âge et le marché de provenance des animaux. Epi-info version 7 a étéégalement utilisé pour évaluer l’influence des ces facteurs sur la qualité de la viande. La probabilité d’une infestation est exprimée par le rapport des chances ou odds ratio (OR) et par l’intervalle de confiance (IC).
Les principaux risques d’infestation parasitaire externe sont présentés dans les figures 1 et 2.
Figure 1. Valeurs prédites du risque
d'apparition d'infestation des animaux par des mouches en fonction des marchés d'origine. |
Figure 2. Valeurs prédites du risque
d'observer des tiques chez les animaux en fonction de la race et du sexe. |
Les résultats de la régression logistique ont montré que la probabilité d’avoir des bovins infestés de mouches était significative selon les saisons et les marchés d’origine (P<0,010). La probabilité d’infestation a été plus élevée durant la saison pluvieuse comparativement à la saison sèche OR (IC95%)=0,52(0,31-0,85) (Figure 1). Une différence de parasitisme des bovins par les tiques a été observée par rapport à la race (P<0,007) alors que le sexe n’a pas induit de différences significatives. Les mâles et les femelles étaient infestés de la même manière tandis que les races locales (OR=10,213, P<0,02) et les races croisées (OR=11,1, P<0,021) ont été trouvées plus infestées par les tiques par rapport aux bovins de race exotique considérée comme base de données dans le modèle (Figure 2).
En effet, durant la saison de pluie, il y a prolifération des mouches suite à une amélioration de leurs conditions écologiques (Cauty 2009). Cette abondance des mouches constitue une menace réelle pour les bovins de races locales et croisées comparativement aux races exotiques étant donné que ces dernières sont souvent élevées en stabulation et reçoivent des traitements appropriés comparativement aux autres groupes qui sont élevés en système extensif (MINAGRI 2008).
Les résultats associés à la prévalence des douves chez les animaux abattus sont présentés dans le tableau 1 alors que ceux relatif aux strongles sont illustrés par la figure 3.
Tableau 1. Résumé de la régression logistique de la prévalence de douves en fonction de la saison, la race et du marché d’origine | ||||
Prédicateurs | Niveaux | β±ES | P-value | I.C (95%) |
Saisons | SaisonA | – | – | – |
SaisonB | 0,005±0,2 | 0,97 | -0,38–0,39 | |
SaisonC | 0,04±0,16 | 0,77 | -0,28–0,37 | |
Races | Améliorée | – | – | - |
Locale | -0,30±0,21 | 0,16 | -0,72–0,11 | |
Mixte | -0,20±0,28 | 0,47 | -0,76–0,35 | |
Marché d’origine | Bumasi | – | – | – |
Mutara | -0,15±0,25 | 0,54 | -0,64–0,34 | |
Rugari | -0,49±0,26 | 0,06 | -1,006–0,01 | |
Vraisemblance X²=6,05; Prob.=0,067; I.C (intervalle de confiance); 0R (Odds ratio) |
Le tableau 1 indique que la probabilité de trouver les animaux infestés par les douves n’est pas significative pour tous les facteurs étudiés (P>0,067). Toutes les zones d’études étant montagneuses, il est difficile pour ce parasite de biense propager (Meyer et Denis 1999, Torrens 2004 et Nkundakozera 2007).
Par contre, les résultats issus de l’analyse ont montré l’existence de différences très significatives pour les infestations de strongles selon la saison, le sexe, la race et le marché d’origine (P<0,0054). On remarque que les races croisées sont plus infestées que les races exotiques (OR=3,85, P<0,007); de même les mâles sont plus parasités que les femelles (OR=1,60, P<0,042) et ce sont les animaux provenant de Mutara qui courent le risque le plus élevé comparés à ceux provenant de Bumasi OR=3,90, P<0,004 (Figure 3). Ces résultats sont justifiés par les différences de conditions d’élevage (Torrens 2004).
Figure 3. Probabilités prédites de la présence de strongles en fonction des marchés d’origine et des races. |
Les bovins de race améliorée ont été plus infestés par le Tænia saginata comparativement aux bovins de race locale et aux croisés et cela indépendamment du milieu d’origine avec OR=0,503, P<0,030 et OR=1,14, P<0,0001 respectivement(Figure 4).Plusieurs facteurs peuvent expliquer cesrésultats,les races améliorées seraient plus atteintes que les autres. Elles doivent d’une part être plus sensibles, et d’autre part les anthelminthiques utilisés contre les parasites internes sont probablement inefficaces contre les taenias.En plus de ce facteurs, le système d’élevage pratiqué serait permettrait aussi un bon déroulement de la cyclicité du parasite dans la ferme (Nkundakozera 2007).
Figure 4. Risque quantitatif d’observer les tænias chez les bovins abattus en fonction du marché d’origine et de la race. |
Les résultats du tableau 2 indiquent que les bovins déchargés sur l’abattoir étaient dans un état de stress et un état physique anormal les animaux qui étaient importés en saison C (juin-aout) ont ététrouvés dans un état précaire par rapport aux autres importés en saison A et B (saison pluvieuse) (P<0,006). En plus, les bovins de races locales et mixtes originaires de Mutara et Rugari étaient plus stressés, fatigués par rapport à ceux de races exotiques et ceuxoriginaires de Bumasi choisis comme bases de comparaison dans le modèle avec P-value de 0,001; 0,002; 0,002 et 0,002 respectivement.
Les animaux arrivent en étant fatigués suite à un long transport dans des camions non aménagés et qui occasionnent des transpirations importantes des bovins. Ceci est dû au fait qu’en saison C (de juin à août) il fait très chaud, les animaux transportés dans demauvaises conditions transpirent beaucoup, et leur énergie est totalement vidée avant qu’ils arrivent même au lieu de destination.
Les camions font 24 heures avant d’atteindre la ville de Bukavu; ainsi il y a accumulation des perturbations subies par l’animal depuis le départ de la ferme jusqu’au lieu d’abattage, les dépenses physiques supplémentaires liées au confinement des animaux, au chargement dans des camions, les perturbations émotionnelles (peur, douleur,…)s’accompagnent de la sécrétion d’hormones (adrénaline, cortisone, noradrénaline) occasionnant une perte énorme des réserves énergétiques (glycogène) pour l’animal. Cela provoque une élévation du pH et une détérioration de la qualité de la carcasse qui devient susceptible aux divers microorganismes (Lhoste et al 1993).Pourtant, il est interdit de transporter dans un but commercial des bovins en gestation, le transport des animaux dans des camions non aménagés ne doit pas dépasser 8 heures et 14 heures dans un véhicule bien aménagé, avec une heure de repos avant abattage (Dudouet 2010). Cela n’est pas le cas, étant donné que 22% de bovins abattus sont en gestation (Figure 5).
Tableau 2. Résultats de la régression logistique
des bovins entreposés à l’abattoir public de Bukavu en état de
fatigue selon la saison, la race, le sexe et le marché d’origine |
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Prédicateurs | Niveaux | β±ES | OR (IC 95%) | P-value |
Saisons | Saison A | – | – | – |
Saison B | 0,01±0,23 | (-0,43–0,46) | 0,95 | |
Saison C | 0,50±0, 18 | (0,14–0,86) | 0,006 | |
Races | Améliorée | – | – | – |
Locale | -1,81±0,23 | (-2,28–-1,35) | 0,001 | |
Mixte | -0,99±0,31 | (-1,60– -0,37) | 0,002 | |
Sexe | Femelle | – | – | – |
Male | 0,31±0,18 | (0,35–1,55) | 0,080 | |
Marché d’origine | Bumasi | – | – | – |
Mutara | 0,95±0,30 | (0,35–1,55) | 0,002 | |
Rugari | 0,88±0,28 | (0,31–1,45) | 0,002 |
La figure 5 présente, le pourcentage d’animaux en gestation.
Figure 5. Fréquence des bovins abattus |
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Received 15 December 2014; Accepted 21 January 2015; Published 4 February 2015