Influence de la nature de la source énergétique sur la digestibilité in sacco de foin d'avoine dans le rumen des béliers Sicilo - Sarde

H Selmi, B Rekik et H Rouissi

Département des Sciences et Techniques des Productions Animales, Ecole Supérieure d'Agriculture,
7030 Mateur, Tunisie
houcine_selmi@live.fr

Résumé

Les réponses nutritionnelles et zootechniques des ruminants aux variations de régime sont largement conditionnées par leurs effets au niveau du rumen. En effet, l’addition de concentrés de natures différentes, céréales ou sorgho blanc, dans les rations, entraîne des modifications du flux des digesta qui quittent le rumen d’une part, de la dégradation ruminale de la ration de base d'autre part. Le but de notre essai est d'évaluer l'effet de la nature de la source énergétique de l'aliment concentré sur la digestibilité de la ration de base dans le rumen. Pour cela, quatre béliers de race Sicilo-Sarde porteurs de canules ruminales permanentes, âgés de 4,5± 0,5 ans et ayant un poids vif moyen de 45,25 ± 3,5kg recevant une ration de base commune de foin d'avoine à raison de 1,5 kg MS/tête/j complémentée par 500 g/tête/j de trois aliments concentrés iso énergétiques et iso protéiques: CS (66 %Sorgho blanc, 30 % Fèverole, 4 %CMV ovin); CT (71 % Triticale, 18 %Fèverole, 7 % Tourteau de soja, 4 %CMV ovin) et CO (71, 5 %Orge, 17,5 %Fèverole, 7 %Tourteau de soja, et 4 % CMV ovin).

La digestibilité du foin d'avoine dans le rumen est déterminée en utilisant la méthode "in sacco" ;des sachets attachés aux tiges ainsi que les sachets témoins (pour estimer les pertes physiques) sont lavés soigneusement durant cinq minutes, puis les tiges sont introduites dans le rumen à travers les ouvertures des fistules et les sachets témoins sont placés à l’étuve à 60°C. Les temps d’incubation des sachets sont de 3, 6, 12, 24,36 et 48 heures.

La dégradation de la MS évolue  pour les différents régimes avec des différences significatives (p< 0,05) en faveur des concentrés CT et CO par rapport au régime CS, puis à partir de 12 h d'incubation des sachets, la digestibilité pour le régime CS  devient statistiquement comparable à celles de CO et CT. La digestion potentielle (a + b) est élevée pour les trois concentrés  (37,47; 37,07; 37,64 respectivement pour CS; CT et CO)  sans différence statistique entre eux  (p > 0,05). La vitesse de dégradation est aussi en faveur des concentrés CT et CO (p<0,05) ; elle est de 0,14 pour CT;  0,11 pour CO et 0,09 pour CS. La cinétique de dégradation de la MS du foin suit un modèle exponentiel de 1^er ordre:

CS: Y= 34,4(1- e^{- 0,09t}); CT: Y= 37,0 (1- e^{- 0,14t}); CO: Y= 37,6 (1- e-^0,11t)

Mots clés: dégradabilité, ressources naturelles, rumen, ovins

Influence of the nature of the energy source on the in situ digestibility of oat hay in the rumen of the Sicilo - Sarde rams

Abstract

Zootechnical and nutritional responses of ruminants to variations in diet are largely conditioned by their effects in the rumen. Indeed, the addition of concentrates of different types, or white sorghum grainin rations, resulting in change in the flow of digesta leaving the rumen on the one hand, the rumen of the basic diet on the other hand.The aim of our trial is to evaluate the effect of the nature of the energy source of the feed concentrate on the digestibility of roughage in the rumen.For this, four rams Sicilian-bred Sardinian holders of permanent rumen canulas, aged 4.5 ± 0.5 years with an average live weight of 45.25 ± 3.5 kg fed a common base of hay oats at 1.5 kg DM / head / day supplemented with 500 g / head / day of three concentrates and iso protein and iso energy: CS (66% white sorghum, 30% horse bean, 4% sheep VMC); CT (71% Triticale, 18% horse bean,  7 %soybean meal, 4% sheep VMC) or CO (71 , 5% barley, 17.5% horse bean, 7% soybean meal, and 4% sheep VMC).

Digestibility of oat hay in the rumen is determined using the method "in situ" of bags attached to stems and control bags  (to estimate physical losses) are washed thoroughly for five minutes, then the rods are introduced into the rumen through the openings of fistulas and the controls were placed in an oven at 60 ° C. The incubation time of the bags was 3, 6, 12, 24.36 and 48 hours.

The degradation of DM evolves for different schemes with significant difference (p <0.05) for concentrates CO and CT versus diet CS and from 12 h of incubation of the bags, the digestibility for the diets CS is statistically comparable to those of CO and CT. Digestion potential (a + b) is high for all three concentrates (37.5, 37.1, 37.6 respectively for CS, CT and CO) with no statistical difference between them (p> 0.05). The rate of degradation is also in favor of concentrates based on cereals (CT and CO) (p <0.05) it is 0.14 for CT, 0.11 for CO and 0.09 for CS. The degradation kinetics of DM hay follows an exponential model of first order:  CS: Y= 34.47(1- e^{- 0.09t}); CT: Y= 37.07 (1- e^{- 0.14t}); CO: Y= 37.64 (1- e-^0.11t)

Keywords: degradability, natural resources, rumen, sheep

Introduction

La digestibilité d’un aliment est la différence entre la quantité de matière sèche ingérée et la quantité de matière fécale. Elle est selon Demarquilly et Jarrige (1981), l’aptitude d’un aliment à être dégradé dans le tube digestif qui détermine en premier lieu la valeur énergétique nette de l’aliment et l’efficacité de la population microbienne ruminale.

Environ 70 % de la matière organique digestible est fermentée dans le rumen (Sauvant et al 2005). Cette valeur moyenne cache une grande variation selon les constituants et le niveau de consommation. La fraction digestible des constituants pariétaux est fermentée à environ 90 %. La matière azotée des fourrages est dégradée en majeure partie (60 à 70 %). Cette proportion varie plus largement dans les aliments concentrés selon leur nature et leur traitement technologique ainsi que la nature du fourrage qui constitue une base essentielle pour estimer la valeur énergétique à partir de leur vitesse de dégradation par heure dans le rumen.

Une étude menée par Daccord (2005) a montré que les glucides solubles sont totalement dégradés dans le rumen, de même que l’amidon à dégradation rapide (triticale, blé, avoine et orge). Par contre, l’amidon à dégradation lente (maïs et sorgho) n’est fermenté qu’en partie dans le rumen (30 à 80 %). 

En effet, la digestibilité ruminale est hautement significative entre l’amidon rapidement dégradable (84,1± 7,6 %) et l’amidon lent (63,2± 12,7 %), ce qui influe directement sur la digestibilité de la MO des régimes selon la relation démontrée par Sauvant (1997) : digestibilité de la matière organique (MO) = 0,395 digestibilité de l'amidon + 30,4 (R² = 0,98). Dans ce même contexte, Doreau et al (2000) ont défini la dégradabilité « in sacco » des aliments comme étant un critère couramment utilisé pour caractériser les aliments destinés aux ruminants. Elle est généralement effectuée avec des animaux recevant un régime standard, à base de foin (70 %) et d’aliment concentré.

Matériel et Méthodes

 Animaux et régimes alimentaires

Quatre béliers de race Sicilo – Sarde ayant un poids vif moyen au début de l'essai de 45,25 ± 3,5 kg et âgés de 4,8 ±  0,5 ans, munis d'une canule permanente au niveau du rumen ont été utilisés dans cette expérience. Ils ont été logés dans des box individuels en grillage de 1,6 m de longueur et d’1 m de largeur dans un bâtiment appartenant à la ferme de l'Ecole Supérieure d'Agriculture de Mateur.Les animaux disposaient d'une ration de base commune à raison de 1,5 kg MS / tête/j de foin d'avoine complémentée par l’un des trois aliments concentrés suivants : CS (66 %Sorgho blanc, 30 % Fèverole, 4 %CMV ovin); CT (71 % Triticale, 18 % Fèverole, 7 % Tourteau de soja, 4 % CMV ovin) et CO (71, 5 % Orge, 17,5 % Fèverole, 7 %Tourteau de soja, et 4 % CMV ovin) ; ces concentrés différents par la nature des ingrédients énergétiques qu'ils renferment ont été distribués à raison de 500 g/tête/j. La ration a été distribuée deux fois par jour à des horaires fixes tout au long de l'essai (9^h du matin et 17^h de l’après midi).La composition centésimale des aliments concentrés  ainsi que la composition chimique des aliments sont illustrées dans le Tableau 1 (AOAC 1995).

Ingestion de la matière sèche de la ration de base 

Après une période d’adaptation de 15 jours, les quantités de foin distribuées et refusées ont été quotidiennement pesées durant tout l'essai (J0 à J15: adaptation au concentré CS; J16 à J 45: essai concentré CS; J46 à J60: adaptation au concentré CT; J61 à J90: essai concentré CT; J91 à J 105: adaptation au concentré CO; J 106 à J 135: essai concentré CO). Les quantités d’aliments ingérées ont été calculées par différence (MS Distribuée – MS Refusée). Un échantillon représentatif de refus des béliers a été collecté une fois par semaine pour déterminer sa teneur en matière sèche.

Dégradation in sacco de la MS de foin d'avoine

 On a utilisé la technique des sachets de nylon de mailles calibrées, qui permet de suivre la cinétique de la digestion des aliments dans le rumen, de mesurer la dégradabilité des aliments et leurs constituants dans le rumen. Les sachets sont de 15 cm de long sur 5 cm de large et ayant des pores de 50 µ de diamètre ; le poids de chaque sachet est mesuré avant chaque utilisation.

Après avoir introduit dans chaque sachet environ 3g de foin d’avoine broyé à travers une grille de 1mm, on obture le sachet à deux niveaux avec un fil non biodégradable. La première attache est située à 9 cm du fond du sachet, et à 1 cm plus haut, une deuxième attache est conçue de façon qui permettra la fixation du sachet à une tige en plastique d’à peu près 20 cm de long portant à ses extrémités un contre poids de 100g environ pour qu’elle ne flotte pas dans le rumen, chaque tige comporte 6 sachets comme l’indique la Figure 1. 

 Les sachets attachés aux tiges ainsi que les sachets témoins (pour estimer les pertes physiques) sont lavés soigneusement durant cinq minutes, puis les tiges sont introduites dans le rumen à travers les ouvertures des fistules et les sachets témoins sont placés à l’étuve à 60°C. Les temps d’incubation des sachets étaient de 3, 6, 12, 24,36 et 48 heures (retrait d’un sachet de nylon par animal, par temps de séjour). Les sachets sont rincés à l’eau de robinet jusqu'à ce qu’ils deviennent clairs. Les sachets ainsi lavés sont placés dans l’étuve à 50° C pendant 24 h jusqu'à poids constant.

La détermination de la digestibilité a eu lieu comme suit :

Dg _MS (%)  = M.S.C – M.S.R / M.S.C  * 100

Avec : M.S.C : Matière sèche corrigée (g) = MS* (1- taux de perte)

         M.S.R : Résidu sec (g) du sachet incubé dans le rumen.

Avec 12 observation pour chaque temps et pour chaque concentré

Analyse statistique

La cinétique de dégradation de la MS du foin utilisé est analysée suivant la régression non linéaire selon le modèle d’Orskov et Macdonald (1979) : Y = a+ b (1- e^-ct). Les moyennes de la digestibilité par temps d'incubation ont été soumis à une analyse de la variance selon la procédure GLM du SAS (1989) et comparés par un test T.

Résultats et discussion

Ingestion Volontaire de la ration de base

L'ingestion de la matière sèche de la ration de base dépend étroitement de la complémentation et de sa nature et par conséquent des paramètres du rumen. Il ressort de notre essai que l'ingestion de la MS de foin d'avoine était de 1,06 ± 0,1 kg/bélier/j pour le régime CS; 1,02 ± 0,09 pour CT et  1,04± 0,07 kg MS/bélier/j pour CO.Ces valeurs demeurent dans les normes de la capacité d’ingestion qui dépend étroitement du poids de l’animal. L'analyse de la variance révèle que la nature de la source énergétique (Sorgho blanc, Triticale ou Orge) n'influence pas la consommation de MS de la ration de base (p> 0,05). Ce résultat rejoint ceux de Masson (1981) et Alrahmouni et al (1985).

Digestibilité "in Sacco" de la MS de foin d'avoine

La dégradabilité in sacco des aliments est un critère couramment utilisé pour caractériser les aliments destinés aux ruminants. Elle est généralement effectuée avec des animaux recevant un régime standard, à base de foin (70 %) et d’aliment concentré (Andrade et al2004). La  valeur de la digestibilité de la ration de base dépend largement de la nature et des traitements technologiques des aliments concentrés (Daccord 2005) et par conséquent des paramètres fermentaires dans le rumen.

Les résultats de la dégradabilité de la MS de foin d'avoine dans les sachets de nylon sont présentés dans le Tableau 2. Après 3h d'incubation dans le rumen, la digestibilité était de 18,19 ± 2,25 et 18,9 ± 2,75 % MS pour les concentrés à base de céréales (CT et CO) comparativement au régime CS (14,55 ± 3,13). Ce résultat est plus élevé que ceux trouvés par Rouissi (1994) avec un régime grossier sans complémentation. Cette différence (p<0,05) entre les trois régimes peut être dûe à la variation du pH ruminal qui diminue significativement pour les concentrés CO et CT favorisant ainsi une activité cellulosique plus intense alors que pour le concentré CSla présence d’amidon en quantité élevée et lentement dégradable favoriserait le développement d’une flore amylolytique aux dépens des bactéries cellulolytiques se traduisant par des diminutions de la digestion des fibres.

La dégradation de la MS évolue  pour les différents régimes avec une différence significative (p< 0,05) en faveur des concentrés CT et CO, ce qui est similaire aux résultats trouvés par Andrade et al (2004).  A partir de 12 h d'incubation des sachets, la digestibilité pour le régime CS  devient statistiquement comparable à celles de CO et CT. Cette tendance rejoint celle décrite par Hammami et al (2009) et serait due  aux caractéristiques des graines de fèverole  riches à la fois en protéines et en énergie avec 40 à 50 % MS d'amidon, 24 à 32 % MS de protéines, 5 à 10 % MS de cellulose et 1 à 3 % MS de matière grasse d'une part et à la dégradation des amidons des grains de Sorgho blanc qui sont lentement dégradables (Moss et Givens2002) (Figure 2).

Il ressort de l'analyse du modèle statistique que la digestion potentielle (a + b) est élevée pour les trois concentrés  (37,47; 37,07; 37,64 respectivement pour CS; CT et CO)  sans différence statistique entre eux  (p > 0,05) par rapport aux résultats de Rouissi (1994) sans complémentation et de Hammami et al (2009) avec un concentré à base de maïs et tourteau de soja. Cette différence de digestibilité avec les concentrés locaux peut être attribuée à la qualité des grains d'orge, de triticale et de fèverole qui renferme des quantité importante d'amidon dont leur digestion peut atteindre 85 % (Michalet-Doreau et Sauvant 1989)

 La vitesse de dégradation est aussi en faveur des concentrés CT et CO (p<0,05) elle est de 0,14pour CT;  0,11 pour CO et 0,09 pour CS. Ceci peut être expliqué par la vitesse de fermentation des amidons et des protéines de chaque concentré.

La cinétique de dégradation de la MS du foin suit un modèle exponentiel de 1^er ordre:

CS: Y= 34,47(1- e^{- 0,09t}); CT: Y= 37,07 (1- e^{- 0,14t}); CO: Y= 37,64 (1- e-^0,11t)

 Conclusion

• A la suite de cette expérimentation, il est classiquement admis que la complémentation des rations pour les ruminants par des concentrés peut modifier les conditions fermentaires et, par conséquent, augmenter la digestibilité de l'aliment grossier dans le rumen. Cette digestibilité est fortement corrélée à la nature des ingrédients dans l'aliment concentré. La complémentation par des aliments concentrés dont l’énergie vient de céréales contenant des amidons à dégradation ruminale rapide (orge et triticale) accélère la digestibilité des fibres dans le rumen, ce qui n’est pas le cas pour une source énergétique à amidon lentement dégradable (sorgho blanc).

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Received 3 March 2011; Accepted 29 March 2011; Published 1 May 2011

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