Livestock Research for Rural Development 23 (5) 2011 | Notes to Authors | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
Espèces à cycle court, prolifiques et d’élevage populaire, les petits ruminants conviendraient mieux que d’autres comme moyen stratégique de lutte contre l’insécurité alimentaire. Cependant les productions et la productivité des petits ruminants restent encore insuffisantes au Mali compte tenu des besoins croissants de la population en protéines et du faible niveau de production des animaux. L’objectif de cette étude est d’améliorer la production laitière et la productivité des petits ruminants par la maîtrise des techniques d’élevage. Dans 2 villages du cercle de Kayes, les ovins et les caprins ont été divisés en 2 groupes l’un témoin et le deuxième, le lot expérimental. Tous les animaux ont été vaccinés et déparasités. Ceux du lot expérimental ont reçu des compléments alimentaires. Les animaux étaient conduits au pâturage, et au retour le lot expérimental recevait les compléments alimentaires.
Chez les deux espèces, la fertilité, la prolificité et la productivité numérique à la naissance ont été meilleures chez les femelles bénéficiant de compléments alimentaires. Les nombres de mises bas et de petits nés par parturition étaient plus élevés chez les animaux recevant des compléments. Les compléments alimentaires ont permis d’augmenter la production laitière par lactation de la brebis de 17,1 l et celle de la chèvre de 21,6 l. L’esquisse de la rentabilité économique a montré que la technologie (vaccination, déparasitages et compléments) coûterait 7495 F.CFA par animal dont 5520 F.CFA pour les compléments. Les produits générés en production laitière et en productivité numérique par une centaine de femelles et par an sont de 914700 F.CFA pour les ovins et 1028400 F.CFA pour les caprins. Le bénéfice annuel tiré d’une centaine de femelles de petits ruminants est évalué à 362700 F.CFA pour les ovins et 476400 F CFA pour les caprins.
L’utilisation de cette technologie qui a permis d’améliorer la productivité et la production laitière des petits ruminants pourrait contribuer à la lutte contre l’insécurité alimentaire et à la diversification des revenus au niveau des exploitations agricoles.
Mots clés: caprin, complémentation, déparasitage, fertilité, ovin, production laitière, productivité numérique, prolificité, rentabilité économique, vaccination
Small ruminants (sheep and goats), animal species of short cycle, prolific and of popular husbandry are well fitted for a strategic way of fighting against food insecurity. However, the productions and productivity of small ruminants remain low because of the increasing needs in proteins of human population and the low level of productions of the animals. The objective of this study was to improve the productivity and milk production of small ruminants by appropriate uses of modern livestock techniques. Two villages of the region of Kayes in Mali were chosen as sites of the experiment. In both villages, animals of both species were divided into 2 groups in which the first was a control and the second was the experimental group. Animals of the control group were vaccinated and wormed. Animals of the experimental group were vaccinated, wormed and were receiving feed supplements. Animals were conducted on natural grazing lands during the day and after their return, the experiment group was receiving feed supplements.
In both species, fertility, birth rate and numeric productivity were better in females receiving feed supplements. The times of kidding and of kids born per pregnancy were higher in supplemented animals. Feed supplements increased milk production per lactation from 26.1 to 43.2 l for sheep and from 69.6 to 91.2 l per goat. A broad estimate of the economic profit has shows that the technology (vaccination, worming and feed supplementation) costs 7495 F.CFA per animal from which feed supplementation accounted for 5520 F.CFA. The values obtained from milk production and productivity per one hundred of females per year was 914700 F.CFA for sheep and 1028400 F.CFA for goats. Annual profits obtained from one hundred of females were 362700 F.CFA for sheep and 476400 F.CFA for goats.
The use of this technology that has improved productivity and milk production of small ruminants could contribute to the diversification of the income of small scale farmers and to fight against food insecurity.
Key words: economic profit, fertility, goats, milk production, productivity, sheep, supplementation, vaccination, worming
Le Mali est un pays enclavé qui s’étend sur 1 241 138 km2. Il comprend 4 zones bioclimatiques qui sont la zone saharienne (51 %), la zone sahélienne (25,7 %), la zone soudanienne (17,3 %) et la zone soudano-guinéenne (6 %). Cette configuration bioclimatique et les fluctuations du climat ont un impact important sur l’élevage des petits ruminants (ressources génétiques, répartition dans le temps et dans l’espace, potentialités) et la politique qui sous-tend son développement.
Avec un effectif de plus de 20 millions de têtes, les petits ruminants tiendraient une place plus importante dans la couverture des besoins nationaux en lait, en viande et en revenus si leurs techniques d’élevage étaient maîtrisées. La majorité de ces animaux est localisée en milieu rural et est exploitée selon un mode de gestion traditionnel et extensif.
L’alimentation apparaît comme la contrainte majeure aux productions animales au Mali. Les pâturages constituent la seule, sinon la principale source alimentaire des ruminants domestiques. Mais la qualité et le disponible fourrager connaissent d’énormes fluctuations saisonnières et interannuelles. Les niveaux de production qui en résultent sont variés et se caractérisent par une évolution pondérale (gain en hivernage et perte de poids en saison sèche) en dents de scies. Une mortalité élevée et des réductions de performances laitière et reproductive surviennent en saison sèche. L’apport de compléments alimentaires devient nécessaire pendant cette période pour éviter ou réduire ces pertes d’une part et couvrir les besoins croissants (lait, viande, revenu) d’une population en pleine croissance d’autre part. L’objectif de cette étude est d’améliorer la productivité des petits ruminants par la maîtrise des techniques d’élevage et de démontrer sa rentabilité.
Deux sites (Ségala et Somankidi) ont été retenus pour la conduite de test d’amélioration de la productivité des petits ruminants par la maîtrise des techniques de complémentation appropriées et le suivi sanitaire (vaccinations et déparasitages). Ces deux villages sont situés dans le cercle de Kayes dans la partie Ouest du Mali. C’est une zone semi-aride avec des précipitations annuelles moyennes de 600 à 800 mm du Nord au Sud qui interviennent de juin à septembre (hivernage). Le climat et la végétation sont de type sahélien.
A Ségala, 13 éleveurs de petits ruminants regroupés en une association ont été retenus. C’est une association d’éleveurs de petits ruminants, un groupement d’intérêt commun œuvrant pour le développement de l’élevage des ovins et des caprins. En début du test, en avril 2006, l’association d’éleveurs de petits ruminants disposait de 252 têtes dont 99 ovins et 153 caprins. Cette population animale provenait de 6 concessions familiales pour les caprins et de 7 pour les caprins.
A Somankidi, le troupeau d’un éleveur disposant de 101 chèvres et 162 moutons a été choisi. Il a été choisi sur la base de la taille de son troupeau, sa coopérativité et son potentiel d’être meneur d’homme.
Tous les animaux ont été vaccinés et déparasités dans les conditions décrites ci-dessous.
Tous les animaux ont bénéficié des mesures d’accompagnement (vaccination et déparasitages). Il s’agit des 92 ovins et des 153 caprins du village de Ségala. Quant à Somankidi, la totalité de son troupeau (101 caprins et 162 ovins ) ont bénéficié de la vaccination et du déparasitage comme décrits ci-dessous.
A Ségala, comme à Somankidi village, tous les animaux de l’échantillon ont été vaccinés contre les maladies infectieuses à vaccination obligatoire sur le territoire malien et qui sont la peste des petits ruminants et la pasteurellose. L’Ovipeste et le Pastovin du Laboratoire Central Vétérinaire de Bamako (Mali) ont été utilisés au rythme d’une fois/an pour lutter contre la peste et de deux fois/an pour prévenir la pasteurellose pour les animaux âgés de plus de 6 mois. Les doses vaccinales étaient de 1 ml pour l’Ovipeste et 2 ml par animal pour le Pastovin. Les vaccinations ont été effectuées au mois de mars en 2006 et en 2007 pour l’Ovipeste et au mois de mars et de septembre des années 2006 et 2007 pour le Pastovin.
Dans les deux villages, les déparasitages interne et externe ont été effectués pour tous les animaux. Pour la lutte contre les parasites gastro-intestinaux, le déparasitage interne a été effectué deux fois par an (en début et en fin d’hivernage aux mois de juin et octobre respectivement). Le Synanthic (oxfendazole), un déparasitant polyvalent de lutte contre les strongles et les vers plats (ténias et douves) a été utilisé à la dose de 5 mg/kg PV soit un comprimé pour 30 kg. Pour la lutte contre les parasites externes, le déparasitage externe a été effectué par le Bayticol (fluméthrine), un pyréthrinoïde rémanent, une fois par trimestre en saison sèche (décembre, mars et juin) et une fois par mois en hivernage (juillet à septembre).
Tous les animaux ont fait l’objet d’un suivi continu pendant deux ans d’avril 2006 à mars 2008.
Complémentation
Compte tenu de la grandeur du troupeau pour la prise en charge des coûts pour la couverture sanitaire et la complémentation alimentaire entière assurée par le projet, l’effectif des animaux a été réduit. Il a été décidé de prendre comme échantillons d’expérimentation 44 brebis et 74 chèvres à Ségala et 50 femelles de chaque espèce à Somankidi. Dans les tous les 2 villages, les animaux retenus de chaque espèce ont été divisés en 2 groupes dont l’un était le lot témoin et le deuxième, le lot expérimental. Les animaux du lot témoin ont été vaccinés et déparasités. Ceux du lot expérimental ont été vaccinés, déparasités et recevaient des compléments alimentaires.
Le lot expérimental recevait des compléments alimentaires qui variaient en fonction de la saison et du stade physiologique des animaux selon le Tableau 1. Les animaux bénéficiaient de leurs compléments alimentaires au retour des pâturages. Pour les catégories animales recevant 2 ingrédients, le concentré a été distribué en première position.
Tableau 1. Complémentation des petits ruminants |
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Catégories |
Saison pluvieuse |
Saison sèche froide |
Saison sèche chaude |
Jeunes |
0 |
100 g d’aliment bétail Huicoma |
100 g de pailles + 100 g d’aliment bétail Huicoma |
Adultes |
0 |
200 g d’aliment bétail Huicoma |
200 g de pailles + 200 g d’aliment bétail Huicoma |
Allaitantes |
200 g de tourteau de coton |
400 g de tourteau de coton |
200 g de pailles + 400 g de tourteau de coton |
L’aliment bétail HUICOMA est un sous produit de la graine de coton des Huileries
cotonnières du Mali composé de deux tiers de coques de graines et d’un tiers de
tourteau de coton. La graine de coton était d’abord décortiquée puis son huile
extraite soit par pression soit par un solvant.
Collecte et analyse des données
Les données collectées portaient sur les systèmes d’élevage, les caractéristiques des troupeaux (races, mode de gestion, taille et structure), les interventions (mesures d’accompagnement et complémentation alimentaire), les caractères de reproduction et la production laitière. Les caractéristiques des troupeaux ont été définies à partir des données collectées sur les effectifs des troupeaux. L’effet de la complémentation sur les caractères de reproduction et la production laitière a été déterminé et analysé. Cette analyse a été faite à partir de les échantillons de femelles reproductrices (brebis et chèvres).
Les caractères de reproduction pris en compte ont été la fertilité apparente, la prolificité et la productivité numérique à la naissance. La fertilité apparente est le rapport du nombre de mise bas sur le nombre de femelles mises à la lutte. La prolificité moyenne ou taille de portée est le rapport du nombre de petits sur le nombre de mise bas. La productivité numérique à la naissance est le nombre de petits nés par an pour 100 femelles en âge de reproduire.
La caractérisation des principaux systèmes d’élevage a été définie sur la base du mode de gestion des parcours naturels. Les 2 grands types rencontrés ont été l’élevage pastoral transhumant et l’élevage sédentaire associé à l’agriculture. Cependant, il existe une diversité de formes intermédiaires entre ces 2 types d’élevage, mais qui ne sont pas réellement codifiés en termes de systèmes. Sur cette base, le principal système d’élevage qui a été rencontré est qualifié de traditionnel extensif avec une dominance de troupeaux sédentaires sur les transhumants dans les villages de Ségala et de Somankidi.
Données générales sur le troupeau
Les données générales sur le troupeau ont concerné les races, les modes de gestion, la taille et la structure.
A Ségala, les principales races de petits ruminants rencontrées ont été la chèvre du Sahel et le mouton Toronké. Les ovins et les caprins de plusieurs éleveurs étaient regroupés le matin et conduits aux pâturages par un berger dont la rémunération était faite en nature (sorgho ou animal) ou en espèces. Au retour des pâturages, ils étaient mis dans des enclos ou attachés à des piquets. Les chevreaux et les agneaux étaient gardés à la maison et n’étaient conduits aux pâturages qu’après le sevrage effectué aux environs de 5 à 6 mois. La reproduction des troupeaux était libre chez les caprins mais elle était souvent contrôlée chez les ovins avec l’utilisation du « kunan », corde liant le scrotum au prépuce pour empêcher l’intromission en cas d’érection du pénis.
A Somankidi, les principales races rencontrées ont été la chèvre du Sahel et le mouton Maure à poils ras. A l’opposé de Ségala, l’échantillon était constitué des ovins et des caprins d’un seul éleveur. En conséquence la gestion du troupeau a été individuelle. A l’exception des jeunes pas encore sevrés qui restaient à la maison, tous les animaux (ovins et caprins) étaient conduits ensemble aux pâturages en toutes saisons. Au retour des pâturages, les animaux étaient gardés dans un enclos.
Les ovins
En ce qui concerne la taille et la structure des troupeaux, tous les animaux ont été concernés. La taille et la structure des troupeaux ovins de Ségala sont présentées en Figure 1. A Ségala, il a été constaté une grande disparité entre sexes en fonction des 3 catégories (jeunes, antenais et adultes). Chez les jeunes les effectifs par sexe sont comparables. Ensuite, une diminution des mâles par rapport aux femelles chez les antenais est constatée. Ce phénomène s’accentue chez les adultes, où les mâles deviennent très rares ou même absents de certains troupeaux.
Figure 1. Structure des troupeaux ovins de Ségala |
A Somankidi village, la disparité entre le nombre par sexe n’est constatée qu’au niveau des animaux adultes. Chez les jeunes et les antenais le nombre de mâles est comparable à celui des femelles (Figure 2).
Figure 2. Structure du troupeau ovin de Somankidi |
Les caprins
La Figure 3 sur la structure des caprins à Ségala montre la même tendance que celle des ovins dans le même village. Les effectifs en mâles et femelles sont très proches chez les jeunes. Ils s’écartent de plus en plus quand l’âge des animaux avance.
Figure 3. Structure des troupeaux caprins de Ségala |
A Somankidi village, le graphique 4 montre des effectifs plus élevés surtout chez les femelles aux catégories d’âge de 6-18 mois et >18 mois.
Figure 4. Structure du troupeau caprin de Somankidi |
Effets de la complémentation
Les effets de la complémentation ont été évalués en fonction de 2 éléments essentiels : les paramètres de reproduction (fertilité, prolificité, et productivité numérique) et la production laitière.
Le taux de fertilité apparente, la prolificité et la productivité numérique du troupeau ont été évalués pendant la période de suivi de 2 ans, en 2006 et 2007. La fertilité apparente, la prolificité et la productivité numérique ont été plus élevées chez les caprins que chez les ovins. Les mises bas simples ont été plus élevées chez les ovins et aucune naissance triple n’y a été rencontrée.
L’effet de la complémentation sur les paramètres de reproduction, analysé en fonction de l’espèce animale est présenté au Tableau 2. Chez les 2 espèces, il a été constaté que la fertilité, la prolificité et la productivité numérique ont été plus élevées chez les femelles bénéficiant d’une complémentation alimentaire. Cependant, la prolificité et la productivité numérique ont été plus élevées chez les caprins.
Tableau 2. Effets de la complémentation sur les paramètres de reproduction des ovins et caprin |
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Ovins |
Caprins |
|||
Témoin |
Expérimental |
Témoin |
Expérimental |
|
Nombre de reproductrices |
47 |
47 |
62 |
62 |
Nombre de mises bas |
45 |
53 |
63 |
66 |
Simple |
40 |
44 |
52 |
50 |
Gémellaire |
5 |
9 |
8 |
14 |
Triple |
0 |
0 |
3 |
3 |
Nombre de petits nés vivants |
50 |
54 |
77 |
87 |
Fertilité |
95,7 |
112 |
101 |
106 |
Prolificité |
1,11 |
1,02 |
1,22 |
1,31 |
Productivité numérique |
106 |
114 |
124 |
140 |
|
La durée de la lactation a été en moyenne de 90 jours chez la brebis et 120 jours chez la chèvre. La production laitière quotidienne et la persistance de la lactation ont été plus élevées chez les caprins que chez les ovins comme l’indiquent le Tableau 4.
L’effet de la complémentation sur la production laitière, analysé en fonction de l’espèce animale est présenté au Tableau 3. Chez les ovins, la complémentation alimentaire a permis d’augmenter la production laitière par femelle de 17,1 l par lactation ce qui correspondrait pour 100 brebis complémentées à 1710 litres. Chez les caprins, l’augmentation de la production laitière par femelle a été de 21,6 l soit 2160 l pour 100 chèvres complémentées. L’augmentation totale de lait par lactation (3 mois chez la brebis et 4 mois chez la chèvre) a été de 3870 litres de lait qui valorisée à 250 F. CFA le litre reviendraient à 967500 F. CFA pour 200 femelles (100 brebis et 100 chèvres).
Tableau 3. Effets de la complémentation sur la production laitière des ovins et caprins |
||||
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Ovins |
Caprins |
||
Témoin |
Expérimental |
Témoin |
Expérimental |
|
Production quotidienne, l |
0,29 |
0,48 |
0,58 |
0,76 |
Durée de la lactation, j |
90 |
90 |
120 |
120 |
Production totale, l |
26,1 a |
43,2 b |
69,6 a |
91,2 b |
Effet complémentation, l |
17,1 a |
21,6 b |
||
Animaux complémentés |
47 |
62 |
||
Lait supplémentaire, l |
804 |
1339 |
||
a,b : Au sein de la même espèce, les chiffres de la même ligne suivi de lettres différentes sont significativement différents au seuil 5%. |
Les coûts de la technologie (vaccination, déparasitages et complémentation alimentaire) peuvent être évalués comme suit. Les vaccins sont estimés à 50 et 75 F.CFA respectivement pour la dose de Pastovin et Ovipeste. Pour les 3 doses (1 pour l’Ovipeste et 2 pour le Pastovin) le coût annuel serait de 175 F.CFA par animal.
En zone sahélienne le déparasitage interne se fait 2 fois l’année, en début et en fin d’hivernage. Le Synanthic se vend au détail à 150 F.CFA le comprimé. Pour un animal d’un poids moyen de 30 kg, le déparasitage interne couterait 300 F.CFA. Le déparasitage externe a été effectué 6 fois l’année (3 fois pendant l’hivernage (1 fois/mois) 3 fois en saison sèche (1 fois/trimestre). Avec la dose (5 ml) du Bayticol à 250 F.CFA, le déparasitage externe de l’année couterait 1500 F.CFA par animal.
Sur la base du plan de complémentation présenté en Tableau 1, les compléments alimentaires d’une femelle en un an sont évalués à 12 kg de paille, 21 kg de tourteau de coton (TC) et 15 kg d’aliment bétail HUICOMA (ABH). Au prix de 10 F.CFA le kg de paille, 150 F.CFA le kg de tourteau de coton et 150 F.CFA le kg d’ABH, le total de la complémentation d’une femelle serait de 5520 F.CFA l’an.
La technologie (vaccination, déparasitages et complémentation) coûterait au total 7495 F.CFA par animal. Pour 100 têtes, la technologie coûterait 749500 F.CFA l’année. Le coût revenant à la complémentation alimentaire étant de 552000 F.CFA.
Les paramètres mesurés au cours de cette étude sont ceux de la production laitière et de la reproduction. En production laitière, le surplus des femelles en lactation a été de 17,1 l pour la brebis soit 1710 l pour 100 brebis et 21,6 l pour la chèvre soit 2160 l pour 100 chèvres. En vendant au prix de 250 F.CFA le litre, la valeur du lait serait de 427500 F.CFA pour les brebis et 540000 F.CFA pour les chèvres.
En reproduction, la complémentation a permis en productivité numérique à la naissance d’obtenir 23,2 têtes chez les ovins et 29,6 animaux chez les caprins. Après une mortalité théorique de 20%, les productivités numériques au sevrage seraient de 18,56 pour les ovins et 23,68 pour les caprins. La vente des jeunes animaux au prix de 75% de la valeur de l’animal adulte (35000 F.CFA pour les ovins et 27500 F.CFA pour les caprins adultes), les gains financiers seraient de 487200 F.CFA pour les ovins et 488400 F.CFA pour les caprins. Les totaux des gains (lait et productivité numérique) seraient de 914700 F.CFA pour les ovins et 1028400 F.CFA pour les caprins.
Les avantages financiers tirés de la complémentation seraient de 362700 F.CFA pour les ovins et 476400 F CFA pour les caprins.
Dans la zone d’étude, le système d’élevage des petits ruminants pratiqué est celui de type traditionnel extensif avec d’une part la sédentarité et d’autre part la transhumance. Cette caractéristique du type d’élevage se justifie par la dominance des activités champêtres comparées à celles de l’élevage. Cependant, la transhumance est souvent pratiquée pour palier aux déficits en aliments et en eau. Cette transhumance est surtout de faible amplitude. La plupart des troupeaux sédentaires ne sont conduits qu’en saison pluvieuse et la divagation en saison sèche est un phénomène courant.
A coté des principales races de petits ruminants que sont le mouton Toronké à Ségala, le mouton Maure à Somankidi et la chèvre du Sahel dans les 2 localités, il existe une diversité de métissage au sein des deux espèces dans la zone. La conduite des 2 espèces regroupées est favorable à la diffusion des technologies. Cependant tous les grands troupeaux sont conduits individuellement comme à Somankidi village. La gestion du troupeau est souvent plus facile.
La structure des troupeaux montre en général une grande exploitation des mâles par rapport aux femelles. Si grâce au sex ratio équilibré à la naissance les effectifs des mâles et des femelles sont comparables aux jeunes âges, il a été constaté une grande disparité en effectif par sexe surtout chez les adultes, où les mâles deviennent très rares ou même absents de certains troupeaux. Les mâles sont des animaux de valeur marchande plus élevée et tiennent une place de choix pour les différentes céremonies religieuses et sociales.
Le taux moyen de fertilité a varié de 95,74 à 112,76 dans Tableau 2. Ce taux est comparable à ceux rapportés par la littérature qui sont de 103 à 109 % pour la brebis Oudah et 83 à 124 % pour la chèvre du Sahel (Sangaré 2005). En station, Kouriba et al (2004) rapportent un taux de fertilité variant de 80 à 105 %. La prolificité moyenne ou taille de la portée a varié de 1,1 à 1,3. La prolificité (1,3) de la chèvre complémentée a été supérieure à celle (1,1) de la brebis non complémentée. Ce rapport de jeunes nés vivants sur le nombre de mises bas rapporté par la littérature est de 1,03 à 1,11 pour la brebis Oudah et de 1,05 à 1,24 pour la chèvre du Sahel (Sangaré 2005). Pour le mouton Toronké, Kouriba et al (2004) rapportent des valeurs variant de 1,02 à 1,06 en station. La productivité numérique moyenne à la naissance a été plus élevée pour la chèvre (132,2) que pour la brebis (110,6). Selon Haumesser et Gerbaldi cité par IEMVT (1980), la productivité numérique du mouton sédentaire du Niger se situerait aux environs de 104 %. Bertaudière cité par IEMVT (1980) rapporte un taux de productivité numérique de 130,3 % pour les caprins du Sahel.
Les productions moyennes quotidiennes ont été de 0,38 l pour la brebis et 0,67 l pour la chèvre du Sahel (tableau 3). La supériorité de la production de lait de chèvre se manifeste d’une part par sa production quotidienne plus élevée et d’autre part par la plus longue durée de la lactation. En milieu contrôlé et avec une alimentation intensive, la chèvre du Sahel burkinabé a produit 685 g/j pendant 14 semaines, avec un pic de 1275 g/j (Nianogo et Ilboudo 1994). Cette production est comparable à celle obtenue sur des chèvres Peuls du Sahel (627 g/j) nourries exclusivement sur pâturage de saison sèche (Sangaré et Pandey 2000). Des performances légèrement meilleures de 783 g/j en 56 j de lactation ont été enregistrées par Ouédrago et al (2000).
La fertilité, la prolificité et la productivité numérique à la naissance ont été plus élevées chez les femelles bénéficiant d’une complémentation alimentaire aussi bien chez la brebis que chez la chèvre. Ces résultats montrent que le statut nutritionnel (complémentation) est un déterminant majeur de l’amélioration des ces 3 paramètres de reproduction. Le taux de fertilité varie en fonction du régime alimentaire (IEMVT, 1980). Ce constat a été confirmé au cours de cette étude où la complémentation a permis d’améliorer le taux de fertilité en passant de 95,74 à 112,76% chez la brebis et de 101,61 à 106,45% chez la chèvre du Sahel. Le complément alimentaire a permis d’augmenter la productivité numérique de 106,38 à 114,89 chez la brebis et de 124,19 à 140,32 chez la chèvre.
La complémentation alimentaire a permis d’améliorer aussi la production laitière. L’augmentation de la production laitière par suite de la complémentation a été évaluée au total à 2142,9 litres par lactation pour les 2 espèces. Chez les ovins, la production laitière par lactation qui était de 26,1 l est passée à 43,2 l soit une augmentation de 65,5%. Chez les caprins, l’augmentation a été de 69,6 l à 91,2 l soit 31%.
Les avantages financiers tirés de la complémentation alimentaire en prenant en compte la production laitière et les paramètres de la reproduction seraient de 362700 FCFA pour les ovins et 476400 F.CFA pour les caprins. La production de fumier par exemple contribue à l’augmentation des avantages financiers mais n’a pas été prise en compte au cours de cette étude.
Ce test en milieu paysan a permis de démontrer que l’apport d’un paquet technique (une complémentation alimentaire accompagnant vaccination et déparasitage) permet d’améliorer la productivité et la production laitière des petits ruminants en zone sahélienne et d’augmenter les bénéfices. Cette amélioration de la productivité et des productions contribue à la lutte contre l’insécurité alimentaire et à l’amélioration et la diversification des revenus au niveau des exploitations agricoles.
IEMVT 1980 Les petits ruminants d’Afrique Centrale et d’Afrique de l’Ouest. Synthèse des connaissances. 10, rue Pierre Curie. 94704 Maisons-Alfort, Cedex, 295p.
Kouriba A, Nantoumé H et Togola D 2004 Caractères de reproduction et mortalité des jeunes moutons Toronké à la station de recherche zootechnique de Kayes. Tropicultura, 22, 3, 134-138.
Nianogo A J and Ilboudo P C 1994 Effect of energy level on milk production by Mossi ewes and sahelian does : In : SHB Lebbie, B Rey and EK Irungu (eds). Small Ruminants Research and Development in Africa. Proceedings of the second Biennial Conference of the African Ruminants Research Network, AICC Arusha, Tanzania, 7-11 dec. 1992. ILCA/CTA, ILCA Addis Ababa. PP 197-201.
Ouédrago L Z, Sawadogo L et Nianogo A J 2000 Influence du taux de graines de coton dans la ration sur la production et la composition du lait chez la chèvre du Sahel Burkinabè. Tropicultura, 18 :32-36.
Sangaré M 2005 Synthèse des résultats acquis sur l’élevage des petits ruminants dans les systèmes de production animale d’Afrique de l’Ouest. PROCORDEL, URPAN, CIRDES. 165p.
Sangaré M and Pandey V S 2000 Food intake, milk production and growth of kids of local, multipurpose goats grazing on dry season natural sahelian rangeland in Mali. Animal Science, 71/165-173.
Received 10 May 2010; Accepted 19 March 2011; Published 1 May 2011