La production laitière locale dans les politiques de la filière lait en Algérie. Cas de la wilaya de Souk Ahras

F Mamine, A Bourbouze et F Arbouche*

IAMM, 3191 route de Mende, 34093 Montpellier, cedex 5 France
fatehmamine1007@yahoo.fr
* Institut des sciences agronomiques. Centre universitaire El-Tarf, 36000. Algérie
bourbouze@iamm.fr   ;   arbouchefodil@yahoo.fr

Résumé

L’Algérie met en œuvre depuis le début des années 90, des politiques en vue d’intensifier la production laitière locale issue de l’élevage bovin laitier. Ce présent article met en évidence les résultats des politiques publiques assignées à la production laitière locale en analysant les mesures mises en exécution et ses effets sur l’évolution de l’élevage laitier dans un des bassins laitiers, celui de la wilaya de Souk Ahras situé au Nord-est de l’Algérie.

Mots clés: Algérie, politique publique, production laitière locale, Souk Ahras

The local milk production in the policies of the milk industry in Algeria. Case of the wilaya of Souk Ahras

Abstract

Algeria implements since the beginning of the years 90, a politics regarding to intensify the local dairy production coming from the dairy bovine farm.  This present item makes obvious the results of the political public one assigned to the local dairy production while analyzing the put measures in execution and its effects on the evolution of the dairy farm in one of the dairy basins, the one of the wilaya of Souk Ahras situated to the Northeast of Algeria. 

Keywords: Algeria, local milk production, public policy, Souk Ahras

Introduction

L’Algérie, parmi d’autres pays, se plie souvent à l’importation des produits alimentaires pour assurer sa sécurité alimentaire. Le blé et les produits laitiers pèsent lourdement dans la facture de l’importation. Le lait est un produit de large consommation, et qui soulève souvent des questions sur l’incapacité de l’Algérie à réaliser son autosuffisance en production laitière, malgré l’intérêt stratégique qu’elle a accordé à ce secteur (Berry 2008). Les politiques de la filière lait mises en place dès l’indépendance ont tenté de structurer la production laitière. Les mesures prises ont oscillé entre la mise à niveau industrielle pour assurer la transformation, et l’importation de poudre de lait pour approvisionner le marché local (Sraïri et al 2007). La production locale a bénéficié de ces politiques, mais sans réussite significative et par conséquent l’Algérie se trouve actuellement dans une phase critique, face à une production locale insuffisante, aggravée par un taux d’intégration très faible (Belhadia et al 2009). Le problème d’insécurité alimentaire et ses effets pervers sur l’économie nationale obligeaient l’Etat dès les années 90 à réfléchir sur une série de politiques de mise à niveau de la production laitière locale, afin de promouvoir l’autosuffisance.

Composition et productivité du cheptel bovin laitier 

L’effectif bovin laitier dans la wilaya de Souk Ahras est estimé à 90 900 têtes, dont 47 000 vaches laitières. Une politique d’importation des génisses pleines initiée dans les années 70  a permis d’améliorer le rendement des troupeaux laitiers par l’amélioration génétique du capital laitier en Algérie (Yakhlef 1989). Dans la wilaya de Souk Ahras, l’effet de cette politique est bien clair sur la composition raciale du cheptel bovin qui compte aujourd’hui trois grands types :

• Le Bovin Laitier Local (BLL) avec 28 183 vaches laitières, constitué par la vache de race galmoise, réputée dans la région (Aissaoui et al 2003), ce qui explique le grand nombre des exploitations dans lesquelles ce type de bovin est dominant (Tableau 1).

• Le Bovin Laitier Moderne (BLM) avec 7 942 vaches laitières, dont 380 vaches sont importées en 2009 ; ce type représente  les races laitières de forte potentialité génétique issues de l’importation (Holstein, Montbéliard, Fleckvieh, Simmental, Tarentaise…). Aujourd’hui les performances zootechniques de ces races importées demeurent limitées et au-dessous de la moyenne de production attendue (Madani et Mouffok 2008). Ainsi les exigences de l’élevage de ce type de bovin mais aussi la faible adaptation aux conditions locales est à l’origine du petit nombre des exploitations qu’il l’élève (Tableau 1). 

  
  

• Le Bovin Laitier Amélioré (BLA) avec 11 775 vaches laitières, issu du croisement entre le bovin laitier local et le bovin de race importée.  Ce type de bovin laitier prend une multitude phénotypique du fait que le croisement se fait généralement d’une manière aléatoire sans contrôle généalogique.

L’effet de l’importation des génisses est important non seulement par le taux de participation de ces vaches laitières à la production laitière totale de la wilaya de Souk Ahras (soit 26 %) mais aussi dans l’amélioration du bovin laitier local en lui donnant un progrès génétique intéressant. En effet la productivité moyenne passait de 1175 (BLL) à 2027 litres/vache/an (BLA).

La production et la collecte du lait cru  

La quantité du lait produit dans la wilaya de Souk Ahras est passée de 45 millions de litres en 2001 à plus de 77 millions de litres en 2009 ; ces chiffres restent loin d’être réaliste, en raison de la vente informelle qui concerne plus de 60 % de la production annuelle mise au marché. Padilla et al (2004) et Padilla (2004) ont constaté un taux similaire de vente informelle dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée : ils ont constaté ainsi que 25 à 75 % du chiffre d’affaire de la filière lait est dégagé par le circuit informel. Ce chiffre peut s’expliquer par l’ancrage anthropologique de certaines pratiques économiques, mais également par l’échec des politiques économiques publiques qui laisse un vide que le circuit informel plus adapté au terrain finit par occuper (Zaoual 2006).

Le taux de collecte  est passé de 7,8 % en 2001 (taux similaire à la moyenne nationale (Bencharif 2001) à 15,8 % en 2009 (Tableau 2).

La progression de la collecte correspond à une réponse aux encouragements de l’Etat à travers des primes (Tableau 3) assignées à la fois aux collecteurs et aux éleveurs qui livrent leur production dans les centres de collecte agréés, et dernièrement, en 2009, aux transformateurs qui intègrent le lait collecté localement.

La réussite de ce dernier programme est à l’origine d’une augmentation considérable des quantités du lait collecté: 232 % par rapport à la moyenne des années précédentes.

Contrôle sanitaire de la production laitière  

L’Etat sous le souci de garantir la santé publique  a confié le  contrôle laitier aux services vétérinaires au niveau des wilayat. Ces services n’ont cessé de mettre en place des mesures pour contrôler la santé du cheptel bovin laitier et surtout pour lutter contre la tuberculose et la brucellose, deux maladies contagieuses qui menacent la santé du consommateur (Benkirane 2001). Un programme de dépistage est mis en œuvre par l’inspection vétérinaire de la wilaya depuis 2003 pour limiter la contamination par ces zoonoses due essentiellement à la consommation du lait (Tableau 4).

L’opération de dépistage ne couvre qu’une faible proportion (11,1 %) des vaches laitières dans le territoire de la wilaya, ce qui représente une véritable menace à la santé publique car la vente informelle y est très dynamique. Le nombre d’animaux abattus suite à l’identification de la brucellose est proportionnel à celui des vaches dépistées, alors que le nombre des cas de tuberculose reste très faible malgré l’augmentation du nombre des vaches dépistées.

Conclusion  

• La wilaya dispose d’un grand effectif de vaches laitières constitué par trois types de bovin laitier (BLL, BLM et BLA). Ce cheptel produit plus de 77 millions de litres/an ; il s’adapte bien à son environnement grâce à la variabilité génétique, qui favorise la sélection et l’amélioration des performances productives des vaches laitières surtout à l’issue du croisement entre les races locales et importées. La collecte peu développée laisse une grande part au circuit informel qui joue un rôle complémentaire au circuit formel, malgré les critiques qu’il subi en raison de l’insécurité sanitaire due à la contamination mais aussi au faible pourcentage des vaches dépistées contre la brucellose et la tuberculose. Le circuit informel est encouragé par la vente traditionnelle du lait et ses dérivés dans les crémeries. Le capital animal et les débouchés du lait, assurés par les réseaux de collecte, formel et informel, ont permis à l’élevage laitier de se développer grâce aux encouragements données par l’Etat aux différents acteurs de la filière lait. L’élevage du bovin laitier n’a pas pu suivre la demande : il reste peu productif en raison d’absence de logique d’intensification et d’intégration de la production locale. La déconnexion entre les réalités de terrain et les politiques publiques de la filière est à l’origine de leur échec.

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Received 24 October 2010; Accepted 18 December 2010; Published 5 January 2011

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