Livestock Research for Rural Development 22 (7) 2010 | Notes to Authors | LRRD Newsletter | Citation of this paper |
Une enquête menée auprès de 54 éleveurs de bovin local répartis sur trois zones à relief différent, montagne, plaine et abords des lacs dans la région d’El-Tarf, a permis à l’aide d’une classification hiérarchique, d’identifier six systèmes d’élevage : (G1) élevages soutenus peu diversifiés et dominés par des types génétiques locaux, (G2) gros élevages pastoraux avec transhumance à rebours, (G3) petits élevages de subsistance, (G4) petits élevages pastoraux , (G5) élevages soutenus diversifiés et fortement croisés et(G6) élevages soutenus diversifiés et dominés par des types génétiques locaux.
Malgré sa parfaite harmonie avec les conditions du milieu naturel, ce cheptel se trouve confronté à des situations difficiles avec la fluctuation des ressources fourragères et la non conservation des excédents de printemps. La majorité des éleveurs ne disposent pas de terre. Le cheptel bovin vit constamment en vaine pâture, d’où la dégradation continue du tapis végétal sous la forte pression des animaux. D’une manière générale, les paramètres de production enregistrés sont faibles par rapport aux capacités de ces populations bovines qui ne sont pas mises dans les bonnes conditions d’élevage qui leurs permettront d’extérioriser leurs capacités. Néanmoins ils constituent un élément socio-économique très important pour la population de cette région.
Mots clés: production, race autochtone, système, typologie, vache
A investigation was conducted at 54 local cattle farmers distributed on three different relief areas, mountains, plains and surroundings of the lakes in the region of El Tarf, enabled by using a hierarchical cluster analysis to identify six livestock farming systems: (G1) less diversified supported farms and dominated by local genetic types (G2) large pastoral farms with reversed transhumance, (G3) small subsistence farms, (G4) small pastoral farms (G5) diversified supported and highly crossed farms, and (G6) diversified supported farms and dominated by local genetic types.
Despite its perfect harmony with the environmental conditions, this livestock is facing difficult situations with fluctuating feed resources and the non-conservation of spring surplus. Most farmers are landless. The cattle live constantly on common grazing, hence, the continued degradation of the vegetation under the high stocking pressure. Generally, the production parameters recorded are low compared to the capabilities of these cattle populations that are not made in good farming conditions that will enable them to externalize their capabilities. Nevertheless, they constitute a very important socio-economic element for the population of this region.
Key words: cow, local breed, production, system, typology
En Algérie, les ruminants, notamment les bovins, les ovins, les caprins et les camelins se caractérisent par une diversité des populations animales en rapport avec celle des caractéristiques climatiques et agro-écologiques du pays. Ce patrimoine est exploité actuellement dans le cadre de systèmes de production variés et dynamiques, en revanche sa gestion se fait uniquement à l’échelle exploitation. Il n’existe pas encore de politique nationale et une organisation globale, à l’échelle raciale et nationale, ainsi que les structures indispensables à la conservation et la valorisation du matériel génétique (Mediouni 2000). De ce fait, l’intérêt et l’enjeu que représentent la conservation et la gestion de ce patrimoine méritent une politique agricole et environnementale adaptée à la situation algérienne (Madani et al 2003).
Si l’élevage bovin local joue un rôle important dans l’économie familiale des ménages ruraux et présente l’une des plus importantes activités agricoles, il reste cependant parmi les secteurs les moins développés (élevage extensif et transformation traditionnelle des produits… etc.). Au cours des dernières années, un déclin progressif a été constaté. Cette diminution est due principalement à l’utilisation de croisement non raisonnée avec des races laitières importées (Bouzebda et al 2003) et à la dégradation et la réduction des parcours et les superficies prairial (Abbas et al 2005).
Ce travail consiste donc à illustrer les déterminants techniques et socio-économiques du développement des populations bovines locales dans la région d’El-Tarf, considérée à juste titre comme étant leur berceau.
La wilaya d’El-Tarf est située au Nord-est de l’Algérie, le choix de cette région a été dicté par :
*Une forte concentration de cheptel bovin locale dont l’effectif est estimé en 2007 à 78 330 têtes soit 1/10 de l’effectif national.
*L’existence de plus de 5000 éleveurs de bovin local dans cette wilaya.
*L’élevage bovin de race locale est présent dans 94% des exploitations et dans 83% des ménages.
Cet élevage présente 42% du revenu agricole alors que la production végétale ne présente que 39% et les autres productions 19%. (DSA 2009).
L’échantillon est représenté par 54 exploitations, ce choix repose l’existence d’un élevage bovin local au sein de l’exploitation et la disponibilité des informations.
A ces critères s’ajoute le souci de disposer d’un nombre équivalent soit 18 exploitations dans chacune des trois principales zones (montagne, Zone lacustre et plaine) afin de couvrir les différents systèmes d’élevages dans chaque région. (Figure 1).
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L’enquête s’est déroulée durant les exercices 2008 et 2009.Un questionnaire comprenant plus de 100 questions a été utilisé pour l’exécution de l’enquête. Les questions étaient divisées en deux groupes. Le premier englobe les variables comportant des informations générales sur l’exploitation : situation régionale, main d’œuvre, taille du cheptel, type d’animaux, SAU, fourrage et pratique agricole (niveau de diversification des exploitations), bâtiment d’élevage et équipement, la conduite de pâturage (structuration de degré du contrôle du cheptel), contribution des différents types des ressources alimentaires (l’autonomie alimentaire et caractéristique des pâturages). Le deuxième donne des renseignements sur les performances de production (production laitière, durée de lactation, l’âge et la conformation des animaux à la vente …)
L’analyse des données a été effectuée à l’aide des logiciels SPAD version 5.5, XL Stat version 13. La saisie des données du questionnaire a été faite à l’aide d’une base de données construite sur un fichier EXCEL ce qui a permis la construction des fichiers de calcul.
La construction de la typologie des exploitations de la région d'étude s’est réalisée sur la base d’une analyse factorielle des composantes multiples (AFCM) suivie d'une classification hiérarchique.
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Ce groupe est constitué de 9 exploitations soit 16,67% de l’échantillon enquêté. Elles disposent d’une SAU(Surface Agricole Utile) moyenne de 8,22 ha dont 52,17% sont conduites en irrigué. L’élevage bovin local occupe la première place avec environ 21 têtes, en leur associant un troupeau bovin croisé de grand format à faible effectif qui pâturent dans les versants et les vastes dépressions marécageuses des lacs situés proche des exploitations.
Ces élevages sont caractérisés par la présence d’un troupeau mixte de petits ruminants, dominé par l’espèce caprine afin de subvenir aux besoins de trésorerie quotidienne, et mobilisant aussi une main d’œuvre de 4 UTH(Unité Travail Homme) en moyenne.
D’après Carrière (1996) les élevages pastoraux sont ceux pour les quelles plus de 80% de la matière sèche consommée par le bétail provient du pâturage.
Ce groupe comprend 9 exploitations soit 16,67% de l’échantillon enquêté. Elles se caractérisent par la rareté de la SAU avec une moyenne de 1,4 ha, ainsi 78% d’entre elles ne disposent pas de terre. Ces élevages sont menés avec des troupeaux constitués principalement de bovin local avec un effectif relativement grand (61 têtes en moyenne). En effet, seulement 23% des éleveurs possèdent un troupeau mixte (bovin, ovin et caprin).
Il n’y a pas d’équipement et le nombre de bâtiment en dur y est faible. Cela montre le caractère traditionnel qui caractérise l’élevage de ce groupe.
Ce système est caractérisé par le déplacement entre deux points fixes afin de profiter de la saisonnalité des pâturages. Les pâturages couvrent une vaste superficie du versant du lac mais ils ne fournissent pas une alimentation adéquate pendant toute l’année. Ils sont menacés durant la période pluvieuse par l’extension de la phase aqueuse sur les plaines alluviales. Les animaux doivent alors chercher leur nourriture sur les montagnes boisées, entourant les plaines et les lacs. L’étude a montré l’existence d’une transhumance à rebours des troupeaux passant l’été en zone lacustre et se déplaçant en hivers vers les hauteurs (forêt).
Ce groupe est constitué de 11 exploitations soit 20,37% de l’échantillon enquêté. 45% uniquement des éleveurs de ce type disposent d’une SAU comprise entre 0,8 et 12 ha avec une moyenne de 3,4 ha. Les systèmes de production de ce groupe reposent sur l’association des trois espèces animales (bovin, ovin et caprin) en effet, les élevages sont menés avec des troupeaux mixte à faible effectif, le troupeau bovin local s’établit à 13 têtes en moyenne. Le troupeau ovin et caprin est de taille moyenne respectivement de 15 et 20 têtes par exploitation. La mixité du cheptel de chaque exploitation étant à la fois ,un moyen de mise en valeur plus complète des ressources propres de l’exploitation et l’assurance de disposer de multiples produits animaux pour couvrir les besoins courants en trésorière familiale. Toutes les exploitations de ce type utilisent les pâturages collectifs constitués de forêt ou parcours montagneux. La production laitière est dans la majorité des cas autoconsommée (lait et dérivés).
Ce groupe comprend 7 exploitations soit 12,96 % de l’échantillon enquêté. Il s’agit d’élevage bovin avec une moyenne de 28 têtes par exploitation. Les troupeaux sont constitués principalement du bovin autochtone (86% des exploitations de ce groupe). Ceci est dû à une meilleure adaptabilité du bovin local aux conditions d’élevages. Le mode d’élevage des ces troupeaux est assez bien adapté au milieu qui impose de longue période de pâturage en forêts loin des exploitations, où le cheptel est abandonné durant presque toute l’année. Dans ce groupe, uniquement 28 % des éleveurs possèdent une SAU ne dépassant pas 7 ha, les autres n’ayant pas de terre. Ces élevages sont caractérisés ainsi par l’absence d’équipement et la faible disponibilité de la main d’œuvre. Aucun éleveur de ce type ne vend ses produits laitiers.
Ce groupe est constitué de 6 exploitations soit 11,11 % de l’échantillon enquêté. Elles disposent d’une SAU moyenne de 21,67 ha dont 18 % sont conduites en irrigation. La spéculation dominante est la céréaliculture qui occupe 32% de la SAU. Ces élevages sont en revanche, dominés par des races de grand format, issues de croisement. En effet, le taux d’absorption de la race locale par les types génétiques croisés atteint plus de 50%, ce qui donne une orientation laitière à ces élevages croisés. Notant aussi la présence d’équipement et d’un nombre considérable de bâtiment en dur, mobilisant ainsi une forte main d’ouvre (2,75 à 9 UTH). Cent pour cent des éleveurs de ce type vendent leurs produits laitiers.
Ce groupe comprend 12 exploitations soit 22,23 % de l’échantillon enquêté. Ils disposent d’une SAU dépassant 10 ha par exploitation, dont 5 ha en moyenne cultivée en céréales. Ces élevages sont menés avec des troupeaux constitués principalement de bovin local avec un effectif relativement moyen (30 têtes) alors que l’élevage des troupeaux croisés est en moyenne de 16 têtes, associés aussi à des troupeaux de caprins et d’ovins (20 têtes d’ovins et 3 têtes caprines en moyenne). Ils disposent en outre, d’une forte disponibilité de main d’œuvre (4 UTH par exploitation).
Les animaux pâturent au tour des exploitations agricoles et en lisière, et reçoivent une complémentation en automne et en hiver ; ils utilisent les jachères au printemps et les chaumes des céréales en été. Cent pour cent des éleveurs de ce type vendent leurs produits laitiers.
Le cheptel bovin local est constitué d’une population bovine très hétérogène où le phénotype peut varier d’un élevage à un autre. Il faut signaler que la reproduction est gérée par l’unique loi de la nature, de sorte qu’il est difficile de trouver dans cette population métissée des animaux présentant le phénotype de la race originelle. En effet, une grande fusion du sang où dans le même sujet on peut trouver la trace de la Guelmoise et Cheurfa par exemple (sans standard précis).
La politique d’amélioration de la race locale par le croisement est significativement présente dans les élevages soutenus diversifiés de type 5 et 6 (p < 0,05). Le bovin croisé est inexistant pour les petits élevages pastoraux. (Figure 3).
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EFF BL : effectif bovin local ; EFF BLA : effectif bovin local amélioré |
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L’examen de la structure du cheptel bovin dans cette région d’étude révèle la place prépondérante qu’occupe la catégorie des vaches laitières qui constituent à elles seules 54,4% de l’effectif total (Tableau 1).
Tableau 1. Effectifs mère selon le type d’élevage (Moyenne et écart type) |
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Type d’élevage |
Effectif mère |
% mère |
élevages soutenus moins diversifiés dominés par des types génétiques locaux (G1) |
14,9 ± 7,06 |
59,8 ± 13,3 b |
gros élevages pastoraux avec transhumance à rebours (G2) |
50 ± 11,1 |
77,1 ± 10,8 c |
Petits élevages de subsistance (G3) |
8,82 ± 4,60 |
62,1 ± 17,2 b |
Petits élevages pastoraux (G4) |
18,3 ± 9,37 |
64,6 ± 7,28 bc |
élevages soutenus diversifiés fortement croisés (G5) |
16,1 ± 6,63 |
43,7± 4,13 a |
élevages soutenus diversifiés dominés par des types génétiques locaux (G6) |
17,2 ± 9,00 |
43,9 ± 6,88 a |
Ensemble |
1064 |
56,4 ± 19,3 |
* Les valeurs portant des lettres communes ne sont pas significativement différentes |
La structure du troupeau peut être un indicateur de la tendance et la finalité des élevages. En effet, plus le pourcentage des effectifs des mères est grand plus la finalité des troupeaux est la subsistance et on peut considérer que les élevages de type naisseur ou des pourvoyeurs sont : les élevages pastoraux de type 2 et 4 et les petits élevages de subsistance où la catégorie des vaches représente respectivement 64,61 ; 77,10 et 62,07 %. Le but primordial de ces élevages des nourrices est de produire des veaux à un coût faible.
Par contre, quand le pourcentage diminue, la finalité est l’engraissement. C’est le cas des élevages soutenus de type 1,5 et 6 où la catégorie des vaches représente moins de 60 %. L’essentiel de l’effectif des vaches des populations locales se trouve dans les systèmes pastoraux. De ce fait, tout effort d’aide ou de développement de la race bovine locale ne pourra avoir une large base et un impact important qu’en systèmes pastoraux.
L’alimentation constitue sans doute le problème le plus crucial rencontré par les exploitations enquêtées dans la conduite de leur cheptel. La faiblesse des surfaces fourragères (4,66% de la SAU) d’une part et la fluctuation des ressources fourragères et la non conservation d’excédent de printemps d’autre part constituent les facteurs limitant du développement de l’élevage bovin dans cette région d’étude. Le régime alimentaire auquel les animaux doivent être soumis est extrêmement variable; il est en fonction du type de production,
L’absence de rationnement et la prédominance des pâturages dans les systèmes alimentaires rend difficile l’évaluation du bilan fourrager. Cependant, La conduite des troupeaux peut être ainsi référée à quatre saisons, qui correspondent à des pratiques identifiées. Le tableau 2, présente pour ces quatre périodes et de manière synthétique les pratiques et les objectifs d’ajustements alimentaires.
Tableau 2. Les bases alimentaires et la conduite d’alimentation de chaque système |
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Fonction alimentaire |
Caractéristiques des ressources |
Type d’élevage |
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1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
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Automne : remise en état des vaches |
Ressources spontanées |
Utilisation possible des prairies clôturées et le recours au bercail quotidien
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La totalité des besoins de tout le troupeau est couverte par l’immense pâturage collectif de plaine marécageuse |
La totalité des besoins de tout le troupeau est couverte par les parcours forestier (riche en ciste et en essences forestières). |
Pacage illicite dans les parcours forestier surtout après les incendies où Les feux des forêts favorisent les repousses automnales |
Une complémentation permanente avec le début de l’utilisation du stock du foin |
Les niveaux de soutien en foin et en grain ont été très différents selon les disponibilités des stocks d’herbe sur pied |
Hiver : fin de gravidité |
Pousse des jachères |
Les animaux reculent vers les collines et les monts des versants à la recherche de leur nutrition ou alors nourrissent du foin et de sous produit de ménage en absence du fourrage sur pied |
Transhumance vers les montagnes boisées et les parcours forestiers (Achaba) sans aucune intervention
|
Selon les disponibilités en herbe, les troupeaux ont pu recevoir de 10 à 30 % des besoins sous forme de complémentation en bercail quotidien |
2 / 3 des besoins en UF sont assurées par la forêt et maquis, système vulnérable face aux aléas climatiques est laissé seul en forêt |
Avec une race bovine améliorée on ne peut plus compter sur ces errements. Si l’alimentation devrait ne pas changer, il serait inutile d’entreprendre des mesures zootechniques d’amélioration sans complémentation à base de concentré |
Lorsque les parcours ne couvrent pas
les besoins alimentaires du cheptel, la pratique de la
complémentation devient nécessaire. Celle-ci varie de 1 mois à 4
mois. |
Printemps : allaitement des veaux et remise en état (saillie) |
Pousse de l’herbe |
Vaine pâture à l’état libre. Les pâturages lacustres, composés en grande partie des graminées Phalaris et chiendent |
Pâturage collectif Dans les zones basses, mal drainées (les Graâs et Bhira) |
Les animaux à plus forts besoins ont été maintenus dans les clairières collectives ou des prairies de fauche individuelle |
Pacage en forêt et maquis, pour une offre fourragère ne dépassant pas les 600 UF/ha Une vache allaitante est beaucoup plus délicate pour la nourriture |
Surfaces fourragères suffisantes pour réduire l’utilisation de concentré |
Prairies de fauche pour construire les stocks hivernaux |
Eté : entretien des mères allaitantes et la croissance des veaux |
Ligneux en forêt,les chaumes après les moissons en plaine |
Zone des parcours et les restes de culture sur les sols alluviaux du bas versant |
L’alimentation des animaux repose sur la valorisation des parcours de la région (vaine pâture à l’état libre) sans aucune intervention |
Le plus souvent la vache en lactation est gardée à proximité de l’exploitation durant 4 mois environ puis renvoyée en montagne |
2/3 des besoins en UF sont assurés par les forêts et maquis, les pâturages tardifs sur Parcours forestiers et les vallées des oueds |
Soutien en concentré dès le début de la dégradation de la qualité des chaumes |
Le pâturage des ressources herbacées a été complété par celui des chaumes |
Les ressources pastorales sont déjà dégradées progressivement en qualité et en quantité. Durant l’automne, les premières précipitations permettent à la masse végétale de se renouveler et devenir assez nutritive, elle répond aux besoins des gros éleveurs pastoraux (type 2). Quarante trois pour cent des petits éleveurs pastoraux ont fournit aux vaches en allaitement un complément de foin et de sous produit correspondant à 10 voir 30% des besoins alimentaires.
En effet, en élevage pastoral le soutien alimentaire est réservé aux animaux les plus sensibles durant la période d’allaitement. Dans les autres systèmes d’élevage, le soutien complémentaire varie autour du niveau des besoins globaux, stratégie dite préventive par les éleveurs. L’introduction du bovin de grand format dans les élevages soutenus et diversifiés nécessite une complémentation permanente. Cependant, la construction des stocks de foin est une garantie essentielle pour ces types d’élevages (type 5 et 6) vis-à-vis des incertitudes climatiques de l’automne et de celle de l’approvisionnement en concentré.
L’hiver est la période la plus difficile et la plus critique. L’offre fourragère est à son niveau le plus bas. Dans une région qui reçoit plus de 1000 mm d’eau par an, les pâturages lacustres étant alors sous les eaux, et les pâturages forestiers ne connaissant que le début de la végétation. Les zones forestières présentent le lieu de refuge du bétail chez les gros élevages pastoraux. Dans les autres systèmes, l’alimentation animale durant l’hiver dépend de la complémentation. Cette dernière est en fonction des moyens financiers de l’éleveur et les conditions météorologiques de l’année. L’économie de subsistance est celle qui laisse le moins de place à l’élevage. En effet, les rations sont complémentées par les bercails quotidiens : sous produit, les glandes, feuillages des frênes ou de chêne liège, les branches de chêne zen et les fauches individuelles… etc. Par contre, en plaine, les éleveurs sont orientés vers l’achat de concentré où les quantités distribuées sont aléatoires et dépendent de la disponibilité de l’aliment, elles oscillent entre 3 à 6 kg par jour et par animal. Dans les élevages des groupes 1, 3, 5 et 6 seuls les animaux jugés chétifs durant la mauvaise saison bénéficient de cette complémentation.
Durant le printemps, l’herbe des pâturages est abondante et nutritive, les animaux qui sortent d’une saison difficile dans un état critique reprennent vite du poids. Le gain moyen journalier atteint alors son maximum. Les troupeaux des élevages soutenus (type 1, 5 et 6) s’alimentent essentiellement des prairies naturelles qui sont réservées aux herbages de fauche, exploitées principalement pour la production du foin, le pâturage des repousses herbacées a été complété dans certains élevages soutenus par celui des parcelles de jachère, ainsi que par une complémentation en concentré chez les élevages soutenus fortement croisés. Le pacage collectif est plus marqué dans les élevages pastoraux.
L’offre fourragère fournie par les pâturages commence à baisser avec la chaleur estivale et devient ligneux, la contribution des chaumes de céréale est très importante. Les troupeaux utilisent de l’herbe sèche jusqu'à la fin de l’été. Les niveaux de soutien pendant cette période sont différents d’un système à l’autre.
Selon Eddebbarh (1989) une des caractéristiques communes des bovins conduits en extensif aussi bien en systèmes agricoles qu'en systèmes agropastoraux, est la faiblesse des performances de reproduction . En effet, la conduite de la reproduction révèle de nombreuses lacunes, les sailles, vêlages, tarissements s’effectuant d’une manière naturelle au hasard et sans intervention de l’éleveur.
La première saillie survient entre deux et quatre ans, mais des différences importantes sont apparues entre les systèmes d’élevages. Ceci est en accord avec les observations de Madani et al (2001). Dans les troupeaux soutenus des groupes 5 et 6, plus de la moitié des primipares sont mises à la reproduction dans la deuxième année, alors que pour les élevages des groupes 1 et 3, la première saillie a lieu à l’âge de 30 mois en moyenne. En revanche, dans les systèmes pastoraux (groupe 2 et 4), plus de 80 % des vaches ont démarré leur carrière productive à partir de l’âge de 36 mois. Ceci est cohérent avec le fait que dans ces systèmes où l’éleveur ne prend en compte ni le poids ni l’âge de la génisse l’essentiel est qu’elle donne un veau dès qu’elle le peut.
Dans les troupeaux soutenus (groupes 1, 5 et 6) les vêlages s’étalent sur toute l’année. Toutefois, dans les systèmes pastoraux ou dans les petits élevages de subsistance (type 2, 3 et 4), plus de 75% des vêlages s’effectuent en début de printemps. Ceci s’explique par le fait que, les saillies fécondantes sont regroupées durant une période de l’année, période où l’alimentation est abondante, la vache est capable d’extériorisée ces chaleurs. Au contraire, dans la période de disette il y a des chaleurs silencieuses.
Les conditions du milieu , le matériel animal , les facteurs socio-économiques et de conduite sont des éléments d'orientation de production vers un système extensif. Le tableau 3, montre les caractéristiques de production dans cette région d’étude.
Tableau 3. Productions bovines et leurs destinations selon les types d’élevages |
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Libellé de la variable |
Type d’élevage |
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1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
Production laitière, L |
7 à 9 |
6 à 7 |
3 à 5 |
1 à 4 |
10 à 16 |
6 à 12 |
Durée de lactation, mois |
Franchit les 6 mois |
4 à 6 mois |
4 mois |
4 mois |
Franchit les 6 mois |
Franchit les 6 mois |
L’existence d’un réseau de collecte, % |
22,2 |
0 |
0 |
0 |
100 |
100 |
pas de vente de lait, % |
55,6 |
100 |
100 |
100 |
0 |
0 |
Vente de lait, % |
44, 4 |
0 |
0 |
0 |
100 |
100 |
Age de reforme, an |
7 à 8 |
6 à 8 |
> 10 |
6 à 8 |
9 à10 |
9 à 10 |
% des taurillons vendus |
88 |
0 |
45 |
3 |
95 |
90 |
% des génisses vendues |
2 |
35 |
12 |
43 |
0 |
2 |
% veaux vendus |
10 |
65 |
43 |
54 |
5 |
8 |
Vente en maigre, % |
11.1 |
100 |
55 |
100 |
0 |
0 |
Vente après finition, % |
88,9 |
0 |
45 |
0 |
100 |
100 |
Les performances enregistrées (production laitière et durée de lactation) chez les élevages soutenus de type 5 et 6, sont meilleures par rapport aux autres types d’élevages. Ces élevages sont dans une dynamique de transformation imitant des logiques d’amélioration du niveau des performances de production du troupeau par l’investissement. Une des voies les plus suivies a été l’augmentation du niveau de soutien du cheptel mère. De plus, ces systèmes sont les plus sédentaires et les moins fluctuants aux incertitudes climatiques et économiques.
Les faibles performances laitières enregistrées (type 3 et 4) s’expliquent par le manque de disponibilité fourragère, mais aussi par le potentiel génétique limité des sujets.
De plus, les élevages de la zone lacustre, bénéficient d’offre fourragère plus riche à l’unité de surface, mais les contraintes liées à l’environnement socio-économique ne permettent pas dans l’état actuel des choses de dépasser les performances de la zone de plaine.
Les ventes de lait ne se font pas, en raison d’une production insuffisante chez les élevages de type 1, 2, 3 et 4. Ces systèmes sont plutôt orientés vers la production de viande où la production laitière reste marginalisée, elle est jugée moins rentable et non compatible au matériel génétique.
Cependant, pour les systèmes, de type 5 et 6, la présence d’un cheptel mère croisé joue un double rôle: créer un revenu supplémentaire à l’exploitation par la commercialisation du lait complétée par une production de viande.
L’âge de la réforme varie de 6 à 8 ans pour les élevages pastoraux (type 2 et 4) à plus de 10 ans chez les élevages de subsistance où ce système repose sur l’association des trois espèces bovin, ovin et caprin, en cas de besoin monétaire, les éleveurs peuvent vendre la totalité des troupeaux de petits ruminants en épargnant le troupeau bovin. Ces éleveurs privilégient l’augmentation de ce dernier. (Tableau 3).
La gestion et le mode de mise en marché des animaux où la contrainte alimentaire constitue l’élément déterminant de la conduite du cheptel. Selon Benfrid (1998) Les ajustements : disponibilités fourragères - nombre d'animaux se font par décapitalisation-achat sur les marchés. L'offre des différentes catégories d'animaux sur le marché tient compte et obéit à cette logique chez l'ensemble des éleveurs.
Les stratégies de vente diffèrent selon les différents types d’élevage. L’analyse de la structure de l'offre saisonnière des animaux montre que : ce sont les veaux et les génisses qui dominent dans la structure des ventes durant l'année chez les élevages pastoraux (type 2 et 4). Au contraire, ce sont les taurillons qui prédominent l’offre sur les marchés et représentent plus de 88 % des bovins échangés chez les autres types d’élevage (groupe 1 ,5 et 6).
L’analyse de l’âge et de la conformation des animaux à la vente a fait ressortir deux variantes de production :
La variante vente en maigre ou avant finition (11% des éleveurs de type 1, 100 % des éleveurs de type 2, 55% des éleveurs de type 3, 100 % des éleveurs de type 4). (Tableau 3).
Ces types d’élevages, vendent les mâles relativement jeunes à coût faible, après avoir profité des ressources spontanées des parcours au printemps et en été, la durée de soutien ne dépasse pas les trois mois. Généralement, les produits de la race locale sont commercialisés en majorité directement en maigre, ils génèrent moins de valeur ajoutée, du fait de son petit format, peu conforme aux critères recherchés par les ateliers de finition.
La variante vente après finition, chez les élevages de type 1,5 et 6. Ces systèmes d’élevages repose sur la maîtrise de la finition des taurillons, ces éleveurs gardent les veaux jusqu'à la fin de la période de croissance (18 à 24 mois), suivie d’une phase de finition à l’exploitation. Généralement, les produits croisés sont recherchés par les engraisseurs pour leur format et pour leur vitesse de croissance. Cela permet de récupérer une partie importante de la valeur ajoutée. Cela postule un financement d’investissement plus important (achat d’aliment et construction de logement).
Il ressort de cette étude que l’élevage bovin local dans la région d’El-Tarf se trouve confronté à de multiples contraintes qui maintiennent son niveau de production au plus bas. Le cheptel est constitué essentiellement de bovin dit Guelmoise-Cheurfa sans standard précis et animaux issus de croisement avec des races améliorées telles que la pie noire et la pie rouge.
Dans l’état actuel, il est difficile de définir ou redéfinir le standard d’une race locale donnée du fait qu’il y a eu au fil des années une grande fusion de sang entre individus (troupeaux hétérogènes).
Le bovin local a toujours subsisté en système extensif, mais en parfaite harmonie avec les conditions du milieu naturel a travers une symbiose animal-terre-eau. C’est pourquoi toute tentative d’amélioration à court terme ne doit pas sortir du cadre du système d’élevage existant (conduite en extensif ou semi extensif).
Malgré sa parfaite harmonie avec les conditions du milieu naturel, ce cheptel se trouve confronté à des situations difficiles avec la fluctuation des ressources fourragères et la non conservation des excédents de printemps.
Cet élevage constitue un élément socio-économique très important pour la population de cette région où il est pratiqué par des milliers d’éleveurs, contribue pour une grande part à l’alimentation des habitants de cette zone.
La majorité des éleveurs ne disposent pas de terre. Le cheptel bovin de race locale vit constamment en vaine pâture, d’où la dégradation continue du tapis végétal sous la forte pression des animaux (charge à l’hectare très élevée).
D’une manière générale, les paramètres de production enregistrés sont faibles par rapport aux capacités de cette race locale qui n’est pas mise dans les bonnes conditions d’élevage qui lui permettra d’extérioriser ses capacités.
Actuellement, il n’existe aucun cadre juridique pour la prise en charge des populations locales, aussi bien dans le domaine du foncier que du soutien de l’Etat.
Pour pourvoir prétendre à une véritable promotion de cet élevage, il y a lieu de mettre en place un cadre juridique qui tienne compte des trois points essentiels :
L’importance de ce patrimoine animal
Le foncier agricole : organisation de l’espace à réserver à cet élevage.
Le soutien de l’Etat à consentir à travers les programmes de développement de la filière
A ce titre, l’amélioration de la conduite des troupeaux doit s’orienter vers une évolution progressive des besoins du cheptel sur le plan de l’habitat -alimentation-reproduction-hygiène et santé.
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Received 23 April 2010; Accepted 26 April 2010; Published 1 July 2010