Comparaison des performances de croissance de lapereaux en engraissement nourris par un aliment à base de tourteau de tournesol, soit sous forme farineuse soit sous forme granulée

T M Kpodékon*^,***, A K I Youssao*, B G Koutinhouin*, A Missohou**, J Fayomi*, A Fagbohou** et Y Djago***

* Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi (EPAC) – Laboratoire de Recherche en Biologie Appliquée (LARBA), Unité de Recherche Cunicole et Cavicole (URCC), 01 BP 2009 Cotonou, Bénin
** Ecole Inter Etats des Sciences et Médecine Vétérinaires de Dakar, Sénégal
*** Centre Cunicole de Recherche et d’Information (CECURI), 01 BP 2009 Cotonou, Bénin
iyoussao@yahoo.fr

Résumé

L’incorporation du tourteau de tournesol dans l’alimentation des lapins à l’engraissement a été réalisée sur un effectif de 138 lapereaux âgés de 35 à 36 jours. Ces lapereaux ont été répartis au hasard en deux lots dans des cages à raison de 3 animaux par cage pour chacune des trois répétitions. L’eau et  les aliments ont été distribués ad libitum.

L’aliment granulé à base du tourteau de tournesol a été mieux consommé (68 g/lapin/j) et moins gaspillé (0,23 g/lapin) par rapport à l’aliment farineux à base du tourteau de tournesol (61 g et 5,2 g par lapin respectivement pour la consommation et le gaspillage). En plus, l’aliment granulé a induit un gain moyen quotidien (21,5 g/j) significativement meilleur (P<0,001) que son correspondant farineux (17,0 g/j). A la fin de l’essai, les lapins nourris à l’aliment granulé pesaient 1644 g pendant que ceux nourris à l’aliment farineux pesaient 1382 g. L’indice de consommation enregistré au niveau de l’aliment farineux (4,14) a été significativement plus élevé (P<0,001) que celui de l’aliment granulé (3,68). Le taux de mortalité du lot nourri à l’aliment granulé a été de 10,14 %, contre 18,8 % pour celui nourri à l’aliment farineux. Par ailleurs, l’aliment granulé est économiquement plus rentable par rapport à la forme farineuse.

Mots clés: Gain moyen quotidien, indice de consommation, morbidité, mortalité, poids

Comparison of the growth performances of young rabbits in fattening fed with a floury diet containing sunflower seed cake to those of young rabbits fed with the pellet form

Abstract

The incorporation of sunflower seed cake in the feeding of rabbits in fattening was realized in 138 young rabbits of 35 to 36 days old. These young rabbits were distributed at random in two groups in cages at a rate of 3 animals per cage for each of the three repetitions. Water and feed were distributed ad libitum.

The pellet diet based on sunflower seed cake was more consumed (68 g/lapin/d) and less wasted (0.23 g/lapin) compared to the floury feed based on sunflower seed cake (61 G and 5.2 G per rabbit respectively for consumption and the wasting). Moreover, the pellet diet induced an average daily gain (21.5 g/d) significantly better (P<0.001) than its floury correspondent (17.0 g/d). At the end of the test, the rabbits fed with pellet diet weighed 1644 G while those fed with floury diet f weighed 1382 g. The feed efficiency of the floury diet (4.14) was significantly higher (P<0.001) than that of the pellet diet (3.68). The mortality rate of the group fed with the pellet diet was 10.14 %, against 18.8 % for that fed with the floury diet. In addition, the pellet feed is economically more profitable than the floury form. 

Key words: Average daily gain, feed efficiency, morbidity, mortality, weight

Introduction

L’alimentation occupe une place primordiale dans la rentabilité économique des élevages cunicoles et sa maîtrise doit passer par une meilleure connaissance des matières premières. Ainsi, depuis une dizaine d’années, le Centre Cunicole de Recherche  et  d’Information (CECURI), mène des travaux de recherches pour mettre au point l’aliment idéal pouvant assurer une bonne productivité pondérale et une meilleure rentabilité économique des élevages cunicoles qui sont aujourd’hui en pleine expansion au Bénin. L’inventaire et l’appétabilité des fourrages consommés par les lapins ont été réalisés à travers plusieurs essais au CECURI (Odjo 1992, Adéhan et al 1994, Adéhan 1998, Djago 1998, Djago et Kpodékon 2000). Pour poursuivre ces travaux, le CECURI s’intéresse aujourd’hui au tourteau de tournesol. Cette matière première peu connue des éleveurs béninois, se trouve aujourd’hui en grande quantité au Bénin, grâce aux huileries installées à Bohicon, ville située à une centaine de kilomètres de Cotonou. Face à cette disponibilité et tenant compte du fait qu’il est largement utilisé en Europe, le CECURI a entrepris des travaux de recherche en vue de la valoriser. Pour ce faire, la substitution du tourteau de palmiste par le tourteau de tournesol a été d’abord réalisée (Kpodékon et al 2009) et a permis d’observer que les poids des animaux nourris à l’aliment standard ne sont pas significativement différents de ceux nourris à l’aliment à base du tourteau de tournesol ; l’aliment standard a été moins consommé que l’aliment à base du tourteau de tournesol ; les quantités d’aliments gaspillés ne diffèrent pas d’un aliment à l’autre et enfin, l’indice de consommation de l’aliment farineux standard a été significativement plus faible que celui de l’aliment farineux à base du tourteau de tournesol. 

Dans le souci de mieux valoriser le tourteau de tournesol, la présente étude sur les lapereaux à l’engraissement, vise à comparer l’efficacité de l’aliment farineux à base du tourteau de tournesol à celle de sa forme granulée en tenant compte des performances de croissance, de l’indice de consommation, du taux de mortalité  et de la rentabilité économique. 

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Matériel et méthodes 

Cadre d’étude

L’expérimentation s’est déroulée du 24 octobre 2005 au 6 mai 2006 au Centre Cunicole de Recherche  et  d’Information (CECURI), Unité d’Application de l’Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi (EPAC) situé sur le campus Universitaire d’Abomey- Calavi.

Animaux

Cent trente huit (138) lapereaux de race commune, âgés de 35 à 36 jours, ont été utilisés  dans l’expérimentation qui s’est déroulée sur trois répétitions : la première, du 24 octobre au 19 décembre 2005, la seconde, du 10 janvier au 10 mars 2006 et la troisième, du 11 mars au 6 mai 2006. Pour la première répétition, chacun des deux lots (expérimental et témoin) comptait 21 lapereaux. Pour les deux autres répétitions, chaque lot comptait 24 lapereaux. Ces lapereaux ont été répartis au hasard dans des cages de 3 animaux. Le lot 1 a reçu l’aliment farineux à base du tourteau de tournesol (AFT) et le lot 2, l’aliment granulé à base du tourteau de tournesol (AGT). Les deux aliments ont la même composition centésimale (tableau 1a).

Leurs compositions chimiques sont présentées dans le tableau 1b. 

Avant la constitution des lots, le matériel d’élevage a été lavé, désinfecté avec du Crésyl^® 1,35 % (crésylol sodique) et séché au soleil. Trisulmycine^® Forte (sulfadiazine 66,7 g et triméthoprime 13,3 g) a été utilisé pour la lutte préventive contre la coccidiose à la dose de 2 mg/kg de poids vif.

Collecte des données  

Après une pesée individuelle des animaux à Jo, jour du démarrage de l’expérience, les animaux ont été pesés hebdomadairement à jour fixe durant les huit semaines d’engraissement. Les quantités d’aliments servies, consommées et rejetées ont été quotidiennement enregistrées. Au cours de l’essai, les animaux morts ont été enregistrés et retirés des cages.

Traitement des données

Les poids hebdomadaires ont été enregistrés et les différents gains moyens quotidiens ont été calculés. L’indice de consommation a été calculé en fonction du nombre de lapin-jours. Les analyses statistiques ont été réalisées par le SAS (Statistical Analysis System 1989). Aucune différence significative n’a été observée entre les trois répétitions et par conséquent l’effet répétition n’a pas été pris en compte dans le modèle d’analyse. Un modèle linéaire comprenant l’effet fixe de l’aliment (farineux et granulé) a été ajusté aux données. L'analyse de la variance a été obtenue par la procédure des modèles linéaires généralisés (PROC GLM).  Les moyennes ont été calculées et comparées par le test de t. Le logiciel Statistica 2005 a été utilisé pour la comparaison des taux de mortalité entre les lots nourris à l’aliment farineux à base du tourteau de tournesol et ceux nourris à l’aliment granulé en utilisant le test bilatéral de Z.

Résultats 

Effet des aliments granulé et farineux sur les performances de croissance

Le tableau 2 indique les poids  et les GMQ des lapereaux engraissés par les   aliments farineux et granulé.

Au début de l’expérimentation, aucune différence significative n’a été observée entre le poids à l’engraissement des lots nourris à l’aliment granulé (432 g) et ceux nourris à l’aliment farineux (408 g).  La différence pondérale apparaît à partir du 7^e jour, jusqu’à la fin de l’expérimentation (P<0,01). Pendant cette période, les poids des animaux nourris à l’aliment granulé ont été significativement plus élevés que ceux nourris à l’aliment farineux. A la fin de l’expérimentation, les lapereaux nourris à l’aliment granulé pesaient en moyenne 1644 g alors que ceux nourris à l’aliment farineux pesaient 1382 g. Par rapport au poids initial, le gain total de poids pendant la période d’engraissement a été de 1212 g pour l’aliment granulé et 973 g pour l’aliment farineux. La différence entre les deux aliments a été de 238 g en faveur de l’aliment granulé soit un gain de 10 à 12 jours d’engraissement.

Cette différence pondérale est liée à l’évolution du GMQ. Pendant les 4 premières semaines, les lapereaux nourris à l’aliment granulé avaient un GMQ significativement plus élevé (27 g/j) que ceux nourris à l’aliment farineux (20 g/j) (P<0,001). De même, pendant les 4 dernières semaines, cette différence de gain a été maintenue (P<0,05) avec des GMQ de 16 et 14 g/j, respectivement pour les lapereaux nourris au granulé et ceux nourris à l’aliment farineux. Pour toute la durée d’engraissement, les lapereaux nourris à l’aliment granulé avaient un GMQ (21,5 g/j) significativement plus élevé (P<0,001) que celui des lots ayant reçu l’aliment farineux (17 g/j).

Consommation d’aliment

Les quantités moyennes hebdomadaires d’aliments granulés et farineux ingérées par jour et par lapin  sont consignées dans le tableau 3.

Pendant les deux premières semaines, ces quantités d’aliments ont été consommées de manière identique par les lapereaux des deux lots. De la 3^e à la 8^e semaine, elles  ont été plus élevées (P<0,01) chez les lapins nourris au granulé que chez ceux nourris à la farine. Pour les 8 semaines d’engraissement, la quantité moyenne hebdomadaire d’aliment consommée par les lapins a été  de  61,2 g et 67,8 g, respectivement pour l’aliment farineux et l’aliment granulé. L’écart entre les quantités d’aliments consommées par les deux lots (6,6 g) a été très hautement significatif (P<0,001).

Gaspillage d’aliment

L’aliment farineux a été significativement plus gaspillé que l’aliment granulé (P<0,001) pendant toute la durée de l’expérimentation (tableau 4).

La quantité moyenne hebdomadaire d’aliment rejeté est en moyenne de  5,2 g et 0,23 g par lapereau et par jour pour les 8 semaines d’engraissement, respectivement pour l’aliment farineux et l’aliment granulé.

Indices de consommation

La différence de l’indice de consommation entre les deux aliments a été significative à l’issue de l’expérimentation (P<0,01). Cette différence a été notamment observée à la première semaine (P<0,05) et à la 6^e semaine (P<0,001), confer tableau 5.

Toutefois,  l’indice de consommation au niveau des deux aliments croît de la 1^ère à la dernière semaine. La moyenne des indices de consommation enregistrés au niveau de l’aliment farineux (4,14) est plus élevée (p < 0,01) que celle  enregistrée au niveau de l’aliment granulé (3,68).

Morbidité et mortalité

Dans l’ensemble, des cas de pathologies ont été enregistrés et ont engendré des mortalités. Les autopsies réalisées permettent d’incriminer : l’entérotoxémie, la typhlite et les maladies respiratoires, surtout dans les lots farineux. Sur 69 lapereaux de chaque lot, 7 cas de mortalités ont été enregistrées dans les lots nourris à l’aliment granulé, contre 13 pour les lots nourris à l’aliment farineux. Le taux de mortalité a été plus élevé chez les lapereaux nourris à l’aliment farineux (18,84 % vs 10,14 %).

Aspects économiques

Les coûts et bénéfices bruts ont été calculés en tenant compte uniquement du facteur « aliment », les coûts fixes et les autres coûts variables étant les mêmes. Par rapport à l’aliment farineux, une marge bénéficiaire de 33 FCFA par  lapin a été obtenue à l’issue de cette étude avec l’aliment granulé.

Discussion 

Croissance pondérale

Pour toute la durée d’engraissement, les lapereaux nourris à l’aliment granulé avaient un GMQ significativement plus élevé que celui des lots ayant reçu l’aliment farineux. Les résultats de cette étude confirment ceux de Baba (2004), de Dessou (2005) et de Kpodékon et al (2005), qui ont comparé la croissance des lapereaux engraissés avec deux aliments de même composition centésimale, l’un granulé et l’autre farineux. Dans la présente étude, l’aliment est à base du tourteau de tournesol alors que dans les travaux cités ci-dessus, les deux aliments étaient à base de tourteau de palmiste. Selon Kpodékon et al (1998), la faible croissance pondérale des lapereaux nourris à l’aliment farineux est essentiellement due à une sous consommation alimentaire. La supériorité de la consommation de l’aliment granulé observé au cours de l’essai est due à sa présentation physique. Ceci a permis d’obtenir à la fin de l’engraissement un GMQ de 21,5 g/j pour l’aliment granulé contre 17 g/j pour l’aliment farineux. Des GMQ meilleurs ont été rapportés dans d’autres études. Ainsi Kpodékon et al (1998), ont obtenu un GMQ de 28,5 g/j avec un aliment granulé importé de Toulouse pour l’engraissement des lapereaux au CECURI. De même, Djago (1998) a obtenu en France de meilleures performances de croissance pondérale (44, 8 g/j) chez les lapins nourris à base d’aliments  granulés fabriqués par incorporation de 15 % de copeau de bois ; mais dans  ce cas, la durée de l’expérimentation était   de 19 jours et l’expérimentation a été réalisée sur une souche française.

Indice de consommation

La quantité d’aliment consommée par les lapins par semaine est en moyenne de 61,2 g et 67,8 g, respectivement pour l’aliment farineux et l’aliment granulé et cette différence est hautement significative. L’indice de consommation de l’aliment farineux a été plus élevé que celui de l’aliment granulé (P<0,01). Lors de la comparaison  des performances de croissance de deux lots de lapereaux : l’un  nourri avec un aliment farineux et l’autre  nourri à base du même  aliment sous forme granulée, pendant les 4 premières semaines d’engraissement, l’aliment granulé a été plus consommé (+18%), moins rejeté (-77%) avec un indice de consommation plus faible (-20%) que l’aliment farineux (Baba 2004). Les indices de consommation (5,2) et les quantités d’aliment consommé (92g) ont été identiques pendant les 4 dernières semaines (P>0,05) et l’aliment granulé a été moins rejeté (P<0,001 g) que l’aliment farineux (Baba 2004). Les résultats de la présente étude confirment ainsi ceux de Baba (2004) sur l’effet de la présentation de l’aliment sur les performances de croissance des lapereaux. Selon Lebas (communication personnelle), l’IC s’accroît normalement avec l’âge ; et plus l’âge avance, plus les lapins se mettent à fixer de plus en plus de graisses dans leur gain de poids et moins ils gagnent de protéines ; ce qui a pour  conséquence une accélération de l’augmentation « naturelle » de l’IC au delà de 13-14 semaines. Ces observations abondent dans le même sens que celles enregistrées au cours de notre essai.

Impact sur la santé des lapereaux

Le fort taux de mortalités constaté parmi les animaux nourris à l’aliment  farineux pourrait être expliqué par le fait  qu’avec cet aliment, les lapereaux ont rejeté les parties fibreuses nécessaires au bon fonctionnement du tube digestif. Cette alimentation déficiente en fibres aurait déclenché des entérites. La poussière de la farine inhalée par les animaux pourrait être à l’origine des complications pulmonaires. Une tendance similaire a été obtenue par Baba (2004), avec un taux de mortalité de 50 % chez les lapereaux nourris à l’aliment farineux  et 8,3 % pour le lot expérimental, nourri à l’aliment granulé. Selon Dessou (2005) et Kpodékon et al (2006), les pathologies observées (entérites et maladies respiratoires) sont intimement  liées à l’aliment  puisque le taux élevé de mortalité a été constaté dans le lot des animaux nourris à l’aliment farineux dans trois fermes d’expérimentation différentes. Dans une autre étude, 16 lapins sur 60 sont morts de troubles digestifs avant la fin des 49 jours d’essai avec la mouture fine, contre 8 lapins sur 60 seulement avec la mouture grossière (Auvergne et al 1987). Enfin, il est important de souligner que si les 16 lapins morts de troubles digestifs avec le broyage fin étaient tous atteints de diarrhée, 4 des 8 lapins morts avec le broyage grossier avaient un blocage du caecum (parésie caecale), les quatre autres ayant des symptômes de diarrhée.

Aspects économiques

La marge bénéficiaire obtenue (33 F CFA par lapin), confirme la rentabilité économique de l’aliment granulé. Cet aliment peut alors être conseillé aux éleveurs.

Conclusion 

• A l'issue de cette étude, il ressort que l'aliment granulé à base du tourteau de tournesol donne chez les lapins des performances nettement meilleures par rapport à la forme farineuse correspondante et permet de réduire de 10 à 12 jours la durée d'engraissement. Par rapport à l’aliment farineux, l’aliment granulé est plus consommé, moins gaspillé et présente un meilleur indice de consommation. Cet aliment, n'engendre pas un fort taux de mortalité chez les lapins contrairement à l'aliment farineux. Par rapport à l’aliment farineux, une marge bénéficiaire de 33 FCFA par  lapin a été obtenue, ce qui confirme la rentabilité économique de l’aliment granulé.

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Received 8 August 2009; Accepted 12 November 2009; Published 3 December 2009

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