Livestock Research for Rural Development 20 (4) 2008 Guide for preparation of papers LRRD News

Citation of this paper

Le commerce des escargots (Achatina achatina), une activité lucrative en Côte d’Ivoire

K D Kouassi, A Otchoumou et D Gnakri*

Laboratoire de Biologie et Cytologie Animales, UFR des Sciences de la Nature, Université d’Abobo-Adjamé 02
BP 801 Abidjan 02 (Côte d’Ivoire)
Auteur pour toute correspondance: Kouassi Kouadio Daniel 22BP 1417 Abidjan 22
dan_pompidou@yahoo.fr
*Laboratoire de Technologie alimentaire, UFR des Sciences et Technologie des aliments, Université d’Abobo-Adjamé 02
BP 801 Abidjan 02 (Côte d’Ivoire)

Résumé

L’escargot Achatina achatina fait l’objet d’un commerce très florissant en Côte d’Ivoire. La vulgarisation de son élevage comme solution au déficit protéique en milieu rural passe outre sa valeur nutritionnelle, par la connaissance de sa valeur économique ou financière. C’est l’objet de la présente étude. Une enquête sur la commercialisation des escargots a été conduite sur les marchés de 8 communes d’Abidjan (Côte d’Ivoire). L’objectif était d’analyser le système de commercialisation, les quantités vendues et les bénéfices réalisés dans le temps.

 

Les résultats montrent que le commerce des escargots est animé par trois acteurs (collecteurs, grossistes et détaillantes). Ce sont plus de 1 700 tonnes d’escargots Achatina achatina qui sont vendus sur les marchés d’Abidjan. Le bénéfice réalisé par les femmes détaillantes est en moyenne de 184 000 Fcfa, soit 411 $ us par mois. C’est donc un secteur d’activité à haut rendement financier pour le monde rural qui mérite beaucoup d’attention. Cependant, la disparition de la forêt, biotope naturel des escargots et le ramassage excessif sans aucun tri suggère la valorisation de l’élevage comme solution à un manque probable d’approvisionnement.

Mots clés: bénéfice, commerçante, enquête, prix de vente



The market for snails (Achatina achatina) in Ivory Coast, a profitable activity

Summary

The snail Achatina achatina is the subject of a very flourishing trade in Côte d'Ivoire. The popularization of its breeding as solution with the proteinic deficit in rural area passes in addition to its nutritional value, by the knowledge of its economic or financial value. It is the object of this study. A survey on the trade of the snails Achatina achatina was led on the markets of 8 districts of Abidjan (Côte d'Ivoire). The objective was to analyze the marketing system, the quantities sold and the profit carried out in time.

 

The results show that the trade of snails is animated by three actors (collectors, wholesalers and retailers). It is more than 1 700 tons of snails Achatina achatina which are sold on the markets of Abidjan. The mean profit carried out by the retailers women is 184 000 Fcfa (411 $ custom) per month. It is a high-output financial branch of industry for the rural world which deserves much attention. However, the disappearance of the forest, natural environment of snails and their excessive collecting without any selection, suggest the valorisation of the breeding as a solution to a probable lack of provisioning.

Keywords: profit, selling price, survey, trader


Introduction 

Le secteur rural reste le secteur dominant de l'économie ivoirienne par son potentiel en matière de réduction de la pauvreté. Aussi, la production végétale (café, cacao, coton graine, palmier à huile, hévéa) qui fait la fierté du pays connaît-elle une mévente accentuée ces dernières années. La production animale quant à elle, demeure à ce jour très insuffisante. L’élevage est pour l’essentiel orienté vers le gros bétail avec un climat qui lui est défavorable MINAGRA 1999).

 

Pour affronter les défis majeurs du secteur rural que sont la lutte contre la pauvreté et la sécurité alimentaire des populations, l'intégration sur les marchés, la durabilité des performances et des ressources, il est urgent de mettre en place les conditions d'une croissance soutenue de ce secteur. Il s’agit d’une part, d’assurer le développement de la production animale et végétale et d’autre part, de valoriser les activités commerciales afin de garantir la sécurité alimentaire et l’amélioration des revenus des producteurs. Aujourd’hui, avec l’évolution des habitudes alimentaires, on assiste à une diversification des produits de commercialisation au profit du monde rural. C’est le cas des escargots géants qui connaît de plus en plus un commerce florissant. Le but de cet article est d’évaluer l’importance économique et sociale des escargots géants en Côte d’Ivoire à travers la détermination de la quantité d’escargots consommés et de la rentabilité financière.

 

Matériel et méthodes

 

Méthodologie

 

Une enquête sur la commercialisation des escargots géants Achatina achatina a été menée auprès de 88 commerçantes d’escargots des communes d’Abidjan. Ce sont au total, 13 grossistes et 75 revendeuses réparties sur 8 marchés principaux et 15 marchés secondaires en raison de 5 revendeuses en moyenne par marché principal (5 ± 3) et 3 revendeuses par marché secondaire (3 ± 1). L’enquête sur la commercialisation a duré 25 mois (juin 2004 à juin 2006). Elle vise à identifier les circuits de distribution, à déterminer les variations du coût moyen des escargots pendant l’année, à estimer la quantité annuelle d’escargots commercialisés dans la ville d’Abidjan et la taille des escargots collectés en fonction des saisons ainsi que le bénéfice brut réalisable sur un sac d’escargots revendu. L’enquête à passage répété a été utilisée pour collecter les informations aux commerçantes d’escargots ayant souscrit au projet lors d’une enquête préliminaire exploratoire. Les escargots commercialisés vifs sont disposés sur des tablettes par groupes de 5 ± 1 escargots de taille similaire appelés communément « tas » (figure 1).



Figure 1.
 Commercialisation des escargots .Achatina achatina sur les marchés d’Abidjan (Cote d’Ivoire)


Les tas de même prix constituent des lots. Chaque détaillante propose au choix aux clients, en moyenne 4 ± 2 différents tas de chacun des lots dont elle dispose.

 

Les commerçantes sont d’abord soumises à un questionnaire puis deux tas d’escargots pris au hasard dans chaque lot chez chacune des commerçantes enquêtées, sont pesés et les différents poids notés. De même, la longueur de coquille de deux escargots pris également au hasard dans un tas de chaque lot chez chacune des commerçantes, est déterminée. Le nombre total de revendeuses est noté par semaine sur chaque marché et dans chaque commune ainsi que la quantité (nombre de sacs) d’escargots vendus par revendeuse ; les dimensions à vide des sacs utilisés sont de 0,8 m de long sur 0,5 m de large. La quantité totale d’escargots est estimée à partir de la formule ∑(Ci x Si) x Pm; avec Ci = nombre de revendeuses dans le mois i, Si = nombre moyen de sacs d’escargots vendus par revendeuse dans le mois i et Pm = le poids moyen d’un sac d’escargots.

 

Le bénéfice brut sur un sac d’escargots revendu a été estimé à partir de la différence entre le prix de vente (PV) et le prix d’achat (PA) (Bénéfice = PV – PA). Le prix d’achat est celui pratiqué par les grossistes au niveau de la gare routière des communes de Yopougon et d’Adjamé aux revendeuses des différents marchés. Quant au prix de vente, il est le produit du prix moyen au kilogramme du mois par le poids moyen d’un sac d’escargots.

 

Analyses statistiques

 

Les programmes STATISTICA version 6.0 et Microsoft Excel 2003 ont permis de faire les différents traitements statistiques. La statistique descriptive a été utilisée pour caractériser les prix des escargots sur les marchés des communes d’Abidjan (Côte d’Ivoire). Les moyennes des prix des escargots sur les marchés d’Abidjan ont été comparées par une analyse des variances (ANOVA) selon le test LSD, le test HSD (honest significant différence) de Tukey. Les résultats sont présentés sous forme de moyenne plus écart type. Les corrélations entre les différents paramètres de croissance et les paramètres de commercialisation ont été également calculées.

 

Résultats  

Circuit de commercialisation

 

Le circuit de commercialisation des escargots en Côte d’Ivoire est relativement simple. Il se résume à trois principaux acteurs: les collecteurs, les grossistes et les revendeuses ou détaillantes. Ces acteurs acheminent les escargots vers les consommateurs selon quatre voies principales :

-                  collecteurs ð consommateurs ;

-                  collecteurs ð détaillantes ð consommateurs ;

-                  collecteurs ð grossistes ð détaillantes ð consommateurs ;

-                  quelques fois ð collecteurs ð grossistes ð consommateurs (figure2).




Figure 2.
  Circuit général de commercialisation des escargots géants en Côte d’Ivoire


Les collecteurs agissent au niveau des zones de collecte. Les grossistes convoient au moyen des cars de transport en commun ou des «bachées » les escargots collectés vers les grandes villes notamment, à Abidjan.

 

Trois principaux points de débarquement que sont les gares routières des communes d’Abobo, d’Adjamé et de Yopougon sont exploités (figures 3).



                                              Figure 3. 
Circuit d’échange entre grossistes et détaillantes


C’est à ces points de débarquement que se négocient les transactions entre les grossistes et les revendeuses. La majeure partie des escargots est débarquée à Adjamé, principale gare routière de la ville d’Abidjan. Trois formes de commercialisation sont pratiquées : la vente au vif de l’animal, la vente de la chair séchée pour l’exportation vers l’Europe et l’Amérique et la vente de la chair cuite (frite ou grillée) pratiquée en général en période d’abondance (mai, juin et septembre). La vente au vif de l’animal est la plus importante sur les marchés d’Abidjan; toutes les femmes pratiquent cette forme de commercialisation. Seulement 12,5% et 5% des femmes interrogées pratiquent respectivement en plus de la vente des escargots vifs, la commercialisation de la chair séchée et de la chair cuite d’escargot.

 

Quantités d’escargots commercialisés sur les marchés d’Abidjan

 

Les quantités d’escargots commercialisés ont été évaluées. Le tableau 1 résume les différentes quantités mensuelles disponibles.


Tableau 1.  Quantités d'escargots Achatina  achatina commercialisés sur les marchés d'Abidjan

 

Paramètres

Nombre de vendeuses

Quantité / vendeuse, sacs

Poids moyen d'un sac,
kg

Poids total,  
t

Janvier

98

13,50  ± 1,00

43,8

57,95

Février

113

14,25  ± 1,50

43,6

70,21

Mars

172

20,00  ± 0,75

44,1

151,7

Avril

182

19,00  ± 1,50

44,3

153,19

Mai

227

21,75  ± 1,00

44,2

218,23

Juin

269

18,75  ± 2,00

44,7

225,46

Juillet

219

20,25  ± 1,00

44,4

196,9

Août

158

20,00  ± 1,50

43,9

138,72

Septembre

179

21,25  ± 2,00

44,1

167,75

Octobre

174

18,50  ± 1,50

44,2

142,28

Novembre

148

12,80  ± 4,00

43,9

83,16

Décembre

107

14,75  ± 3,20

43,7

65,46

Total

 

213,75  ± 2,00

 

1671,01


Les quantités d’escargots Achatina achatina déversées mensuellement sur les marchés d’Abidjan, varient entre 58 et 225,5 tonnes pour un total de plus de 1671 tonnes dans l’année. Les mois de décembre et de janvier sont les mois de faible approvisionnement. En revanche, les mois de mai et de juin sont les mois d’abondance. Au niveau saisonnier, les quantités moyennes mensuellement fournies décroissent de la grande saison des pluies (198,5 t) à la grande saison sèche (86,3 t) en passant par les petites saisons sèche (154,2 t) et pluvieuse (112,7 t). Le nombre total de revendeuses de Achatina achatina varie entre 98 et 269. Chacune d’entre elles, commercialise en moyenne 17 sacs de 44 kg d’escargots par mois.

 

Prix de vente des escargots sur les marchés d’Abidjan

 

Prix de vente mensuel et saisonnier

 

Les prix moyens mensuels des escargots se négocient entre 650 Fcfa /kg et 1 220 Fcfa / kg, (Figure 4).


  Figure 4.  Variation du prix moyen mensuel des escargots Achatina achatina vendus vifs sur les marchés d'Abidjan


Les prix moyens par kilogramme sont faibles d’une façon générale, en juin et en juillet et sont élevés dans les mois de décembre, janvier et février. Les escargots vendus vifs sur les marchés d’Abidjan sont regroupés en différents tas (groupe de 5±1 escargots) en fonction de leur taille. Ainsi, en fonction de la taille, le prix de cinq escargots varie entre 100 Fcfa et 2 000 Fcfa (tableau 2).


Tableau 2.   Prix des escargots (Fcfa / kg) en fonction de la taille et des saisons à Abidjan

Prix des Tas

d’escargots,

Fcfa

Longueur

moyenne de

coquille, cm

Poids vif

Moyen,

kg

Age

approximatif,

mois

Saisons

Grande saison

sèche

Décembre à Mars

Grande  saison

des pluies

Avril à Juillet

Petite saison

sèche

Août - Septembre

Petite  saison

 des pluies

Octobre. - Novembre

100 F

7,45 ±  0,6

0,22 ± ,05

12

-

355

525

545

200 F

8,62  ±  0,6

0,31 ± ,07

15,5

850

590

685

645

300 F

9,69 ±  0,7

0,40 ± ,08

20,8

1000

700

760

705

500 F

11,14  ±  0,9

0,63 ± ,13

25,3

1000

720

810

780

1 000 F

13,37 ±  0,8

1,06 ± ,20

32

1155

890

940

910

2 000 F

16,26 ± 1,3

1,79 ± ,28

38,4

1260

1085

1050

1080

Moyenne

 

 

 

1100a

740c

830b

845b


L’analyse de la figure 4 et du tableau 2 montre que les prix varient en fonction des saisons et de la taille des animaux. Le poids vif moyen des tas varie entre 0,22 kg (tas de 100 Fcfa) et 1,79 kg (tas de 2 000 Fcfa). L’âge approximatif déterminé en mois est de 12 ; 15,5 ; 20,8 ; 25,3 ; 32 et 38,4 respectivement pour les escargots vendus à 100 Fcfa, 200, 300, 500, 1 000 et 2 000 Fcfa. Achatina achatina est présente sur les marchés durant tous les mois de l’année. Toutefois, pendant la grande saison sèche, les escargots de 7,45 ± 0,6 cm de longueur de coquille sont rares. Les prix moyens par kilogramme, varient en fonction du mois entre 650 Fcfa (en juin) et 1220 Fcfa (en janvier) avec une moyenne de 880 Fcfa. Pendant la grande saison sèche, les prix varient par mois entre 1 000 et 1 220 Fcfa / kg pour une moyenne de 1 100 Fcfa / kg. En revanche, ces mêmes prix oscillent entre 650 et 850 Fcfa / kg avec une moyenne de 740 Fcfa pendant la grande saison des pluies. Le prix moyen mensuel des escargots est plus élevé pendant la grande saison sèche et faible pendant la grande saison pluvieuse. La comparaison des prix moyens par l’analyse des variances au test HSD de Tukey montre une différence significative entre les prix pratiqués pendant la grande saison sèche, la grande saison des pluies et ceux des petites saisons sèche et pluvieuse. Il n’y a cependant aucune différence significative entre les prix moyens mensuels de la petite saison sèche et ceux de la petite saison des pluies. Par ailleurs, le prix des escargots augmente avec la longueur de coquille. Ces prix varient en fonction de la taille, entre 350 Fcfa / kg pour des longueurs de coquille de 7 cm environ à 1 300 Fcfa / kg pour des escargots de plus de 16 cm de longueur de coquille.

 

Pendant la grande saison des pluies, les prix fluctuent entre 355 Fcfa et 1 085 Fcfa pour des escargots de 7,45 ± 0,6 cm à 16,26 ± 1,3 cm de longueur de coquille. Le tableau 3 montre qu’il y a une forte corrélation entre les prix, les longueurs de coquille, le poids vif et l’âge des escargots (r > 0,9).


Tableau 3.   Corrélation entre le prix des "tas" d'escargots et les paramètres de croissance

 Variables

Coefficient de corrélation

Prix des tas

Longueur de coquille

Poids vif

âge

Prix des tas d'escargots

1

 

 

 

Longueur de coquille

0,969

1

 

 

Poids vif

0,997

0,982

1

 

Age

0,914

0,981

0,940

1


Prix de vente des escargots en fonction des communes

 

Les statistiques sur l’ensemble de la période d’enquête, révèlent que les prix moyens de cette espèce d’escargot au niveau des différentes communes d’Abidjan, sont compris entre 755 Fcfa :kg et 1 120 Fcfa / kg (Tableau 4).


Tableau 4.   Prix moyen des escargots Achatina achatina sur les marchés de la Commune d'Abidjan (Fcfa/ kg)

 

Communes

Mois

Abobo

Adjamé

Cocody

Koumassi

Marcory

Port-Bouet

Treichville

Yopougon

Grande saison sèche

Décembre

970

1165

-

1205

-

1015

1165

1115

Janvier

965

1225

-

1215

-

1225

1165

1095

Février

955

1165

-

1155

-

1175

1065

1105

Mars

795

1005

-

925

1005

925

885

925

Moyenne

 

920a

1140b

-

1125b

1005ab

1085b

1070b

1060b

Grade saison des pluies

Avril

665

835

1165

765

825

765

735

705

Mai

575

685

965

675

765

685

665

615

Juin

525

595

865

585

615

615

575

565

Juillet

615

825

1165

815

885

865

805

745

Moyenne

 

595a

735b

1040c

710b

775b

735b

695b

660ab

Petite saison  Sèche

Août

815

965

1265

1055

970

955

855

830

Septembre

665

775

1205

775

825

875

745

735

Moyenne

 

740a

870b

1235c

915b

900b

915b

800ab

785ab

Petite saison des pluies

Octobre

705

825

1215

775

855

865

755

695

Novembre

815

1025

 

965

915

895

775

825

Moyenne

 

760a

925b

1215c

870b

885b

880b

765a

760a

Prix moyen par commune

755
 ± 155a

925
± 200b

1120
± 145c

909
± 210b

850
± 115ab

905
± 175b

850
± 190ab

830
± 190ab

Les moyennes de la même ligne indexées des mêmes lettres ne sont pas statistiquement différentes


Dans la commune d’Abobo, les prix oscillent entre 595 Fcfa / Kg (grande saison des pluies) et 920 Fcfa / kg (grande saison sèche). En ce qui concerne les autres communes, les prix par saison varient entre 660 et 1 235 Fcfa / Kg. Les prix varient à l’intérieur d’une même commune en fonction des saisons de l’année. En matière de commercialisation des escargots, la commune d’Abobo est celle où les escargots se vendent moins cher. En revanche, Cocody, est la commune où ils se vendent plus cher. Les valeurs médianes varient entre 750 Fcfa / kg (Abobo) et 1 170 Fcfa / kg (Cocody). On note que 25 à 75% des prix pratiqués sur les marchés des communes d’Abidjan varient entre 645 et 1 220 Fcfa / kg. Les prix pratiqués dans les communes d’Adjamé, de Koumassi et de Yopougon sont beaucoup plus dispersés par rapport à ceux des communes de Marcory et de Port-Bouet (Figure 5).



Figure 5.
  Caractéristique des prix de Achatina achatina sur les marchés des communes d'Abidjan


La comparaison de ces prix par l’analyse des variances au test LSD montre un regroupement des communes en 4 groupes : Abobo (groupe I) ; Adjamé, Koumassi et Port-Bouet (groupe II) ; Cocody (groupe III) ; Marcory, Treichville et Yopougon (groupe IV). Nous notons une différence significative au seuil de 5%, entre les groupes I, II et III. La différence observée entre la commune d’Abobo (groupe I) et le groupe IV et celle entre le groupe II et le groupe IV ne sont pas significatives.

 

Bénéfice brut par sac d’escargots

 

Les prix d’achat et de vente ainsi que le bénéfice brut réalisé sur un sac de 44 kg d’escargots varient en fonction des saisons de l’année (tableau 5).


Tableau 5.   Bénéfices bruts par détaillante d'escargots Achatina achatina

Saisons

Mois

Paramètres, Fcfa

Prix d'achat

Prix de vente

Bénéfice brut par sac

Bénéfice brut mensuel

Grande saison sèche

Décembre

31500

47000

15500

228600

Janvier

33000

46400

13400

180900

Février

32000

45600

13600

193800

Mars

22500

36200

13700

274400

Moyenne

 

  29750

   43800

  14050

  219425

Grande saison des pluies

Avril

21750

32000

10250

194700

Mai

22750

29500

6750

146800

Juin

18000

27100

9100

170600

Juillet

23800

31900

8100

164000

Moyenne

 

  21575

  30125

  8550

  169025

Petite saison sèche

Août

26750

35700

8950

179000

Septembre

22800

31200

8400

178500

Moyenne

 

  24775

  33450

  8675

  178750

Petite saison des pluies

Octobre

21350

31500

10150

187700

Novembre

28350

36700

8350

106800

Moyenne

 

  24850

  34100

9250

  147250

Moyenne générale

25380
± 4845

35900
 ± 6870

10520
± 2805

183815
± 40870


Le prix d’achat d’un sac d’escargots de Achatina achatina est en moyenne de 30 000 Fcfa, 21 500 Fcfa et 25 000 Fcfa respectivement pendant la grande saison sèche, la grande saison des pluies et les petites saisons sèche et pluvieuse. Quant au prix de vente, il est de 44 000 Fcfa, 30 000 Fcfa, 33 000 Fcfa et 34 000 Fcfa pour les mêmes saisons. Ainsi, le bénéfice brut moyen est de 14 000 Fcfa (31,25 $ us) par sac d’escargots pendant la grande saison sèche et de 8 500 Fcfa (19,97 $ us) pendant la grande saison des pluies. Le bénéfice est plus élevé pendant la grande saison sèche (14 000 Fcfa) et faible durant tout le reste de l’année (< 9 000 Fcfa) ; le plus élevé est obtenu en décembre (15 500 Fcfa) tandis que le mois de mai consacre le plus faible montant (6 750 Fcfa). Il semble s’augmenter avec l’élévation du prix d’achat. Quant au bénéfice brut mensuel, il est fonction du bénéfice réalisé par sac d’escargots et du nombre de sacs vendus. Il est en moyenne de 219 000 Fcfa, 169 000 Fcfa, 178 000 Fcfa et 147 000 Fcfa / mois respectivement pendant la grande saison sèche, la grande saison des pluies, la petite saison sèche et la petite saison des pluies.

 

Relation entre le coût, la quantité d’escargots sur les marchés d’Abidjan et quelques paramètres climatiques

 

Les paramètres atmosphériques concernés sont la pluviométrie, le taux d’humidité relative de l’air et la température. Les moyennes mensuelles de vingt années de ces paramètres constituent les valeurs de référence considérées comme les valeurs normales de la pluviométrie, de l’humidité et de la température. L’analyse de ces paramètres relevés durant la période d’enquête, indique, qu’ils obéissent respectivement aux variations des normales de la pluviométrie, de l’humidité et de la température (figure 6).

 


Figure 6.  Effet de quelques paramètres climatiques sur la quantité et le prix de Achatina achatina (Source des données météorologiques: SODEXAM (Société d'Exploitation et de Développement Aéroportuaire, Aéronautique et Météorologique)


Les courbes exprimant la quantité et le prix des escargots Achatina achatina présentent les mêmes allures. Les quantités d’escargots augmentent de janvier à juin et baissent de juillet à août. Elles augmentent à nouveau en septembre puis diminuent de septembre à décembre. Les mois de mai, de juin, de juillet et de septembre apparaissent comme les mois d’abondance et donc de fortes collectes. En revanche, la période de novembre à février, est une période de faible abondance et par conséquent de faibles collectes. Quant aux prix moyen par kilogramme d’escargot, ils décroissent de janvier en juin, augmentent en août, décroissent jusqu’en octobre puis augmentent à nouveau jusqu’en décembre. L’analyse de ces différentes courbes indique que le prix des escargots est inversement proportionnel à la quantité disponible, à la pluviométrie et à l’humidité relative de l’air. Il est cependant proportionnel à la température. En effet, le prix des escargots diminue quand la température baisse et augmente avec l’élévation de la température. Quant à la quantité d’escargots, elle augmente avec une forte pluviométrie et une humidité élevée alors que dans le même temps, la température et le prix sur les marchés baissent.

 

L’analyse du tableau 6 abonde dans le même sens.


Tableau 6.  Corrélation entre les paramètres de commercialisation de Achatina achatina et les paramètres atmosphériques

Variables

Coefficients de corrélation

Prix

d’achat

Prix

moyen/kg

Prix de

vente

Bénéfice

Nombre de

vendeuses

Quantité écoulée

/vendeuse

Poids vif

Température

Humidité

Pluviométrie

Prix d'achat

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Prix moyen / kg

0,933

1

 

 

 

 

 

 

 

 

Prix de vente

0,945

0,995

1

 

 

 

 

 

 

 

Bénéfice

0,625

0,855

0,846

1

 

 

 

 

 

 

Nombre de vendeuses.

-0,662

-0,665

-0,668

-0,515

1

 

 

 

 

 

Quantité écoulée / vendeuse

-0,371

-0,416

-0,397

-0,341

0,701

1

 

 

 

 

Poids vif écoulé

-0,592

-0,607

-0,602

-0,473

0,960

0,865

1

 

 

 

Température

0,517

0,656

0,638

0,681

-0,339

-0,346

-0,367

1

 

 

Humidité

-0,744

-0,904

-0,890

-0,912

0,647

0,572

0,658

-0,728

1

 

Pluviométrie

-0,543

-0,579

-0,562

-0,455

0,772

0,610

0,760

-0,125

0,578

1


Le prix d'achat est fortement corrélé au prix moyen par kilogramme ainsi qu'au prix de vente (r > 0,9) et à un degré moindre au bénéfice (r = 0,62). Ainsi, l'augmentation du prix d'achat de gros des escargots entraîne l'augmentation du prix moyen par kilogramme et par conséquent du prix de vente. Le prix d'achat, le prix moyen par kilogramme, le prix de vente et le bénéfice sont négativement corrélés au nombre de vendeuses, à la quantité écoulée par vendeuse et au poids vif des escargots vendus. Lorsque la température augmente (Tableau 6), le prix d'achat de gros, le prix moyen pratiqué par kilogramme, le prix de vente et le bénéfice augmentent. L'indisponibilité de la ressource entraîne une diminution du nombre de vendeuses. L'augmentation de la pluviométrie et de l'humidité favorise la présence d'un grand nombre de vendeuses, une augmentation de la quantité d'escargots écoulés par vendeuse et du poids vif d'animaux vendus. Au contraire, la pluviométrie et l'humidité sont négativement corrélées au prix d'achat de gros, au prix de vente et au bénéfice.

 

Discussion 

Les escargots qui arrivent sur les marchés d’Abidjan, proviennent essentiellement des collectes dans les forêts du sud-ouest ivoirien. La région du Bas-Sassandra fournit à elle seule près de 50% des escargots des marchés d’Abidjan. Cette zone est la nouvelle boucle du cacao de la Côte d’Ivoire qui garde encore un couvert végétal propice aux escargots. En effet, l’escargot est un animal qui affectionne les milieux humides à forte pluviométrie. La pluie favorise l’humidité relative du milieu ; lesquels facteurs sont favorables aux activités de ces animaux (Codjia et Noumonvi 2002). C’est ce qui justifie la forte quantité d’escargots en période pluvieuse par rapport à celle en période sèche (décembre, janvier, février).

 

Le prix des escargots est intimement lié aux variations saisonnières. Cette fluctuation du prix d’une saison à l’autre pourrait se justifier par la loi de l’offre et de la demande.

 

Aussi, les demandes sont-elles plus fortes par rapport à la quantité disponible pour les fêtes de fin d’année en décembre, janvier et février; et inversement en mai, juin et septembre. En outre, la non disponibilité continue de la denrée justifie les variations du nombre de revendeuses (faible en périodes sèches et élevé en périodes pluvieuses). Ainsi, 63,57 % des revendeuses font du commerce des escargots, une activité temporaire voire secondaire. Toutefois, la consommation des escargots devient de plus en plus importante du fait de la démographie galopante et de l’évolution des habitudes alimentaires.

 

Les escargots représentent 68 % de la viande de gibier consommée à Abidjan (Avit et al 1999). Les résultats de cette enquête sur la commercialisation des escargots montre aussi que la consommation annuelle d’escargots à Abidjan avoisine 1 700 tonnes contre 300 tonnes dans les départements de l’Atlantique et du Littoral au Bénin (Sodjinou et al 2002), 30 tonnes au Togo pour les régions maritimes et des plateaux (Ekoué et Kuevi-Akue 2002) et 25 tonnes pour la région de l’Equateur en République Centrafricaine (Mbétid-Bessane 2006). La différence de tonnage montre que les sites d’étude n’ont pas les mêmes importances dans la consommation des escargots. Abidjan, en effet, est le principal centre commercial de la Côte d’Ivoire et absorbe à elle seule la majeure partie des produits issus des activités agricoles (Anonyme 2006). La consommation annuelle de la Côte d’Ivoire est estimée en 1998 à 17 000 tonnes (Odji 1998). Ainsi, la quantité d’escargots disponibles dans les zones forestières baisse t-elle au fur et à mesure que les années s’écoulent. En effet, l’homme par ses activités, a contribué et contribue encore, à la réduction de la diversité biologique (Wilson 2000). La diminution des populations animales et végétales voire la rareté ou l’extinction de certaines espèces sont le fait de la surexploitation, de la chasse, de la destruction de l’habitat et parfois de l’introduction de nouvelles espèces (Anonyme 2006).

 

La destruction de la forêt apparaît donc comme une menace grave pour la survie des escargots. La conséquence immédiate de la réduction drastique de la quantité de ce gibier, est l’augmentation des prix sur les marchés d’Abidjan. En effet, alors que Achatina achatina ne coûtait à peine que 300 Fcfa et 840 Fcfa / Kg en 1986 respectivement en saisons humide et sèche (Korn et al 1989), il coûte aujourd’hui plus de 740 Fcfa et plus de 1 100 Fcfa /kg pendant les mêmes saisons. Par ailleurs, selon Mbétid-Bessane (2006), les escargots sont vendus à 200 Fcfa / kg dans la région de l’Equateur en République Centrafricaine et entre 26 Fcfa et 52 Fcfa / unité dans les régions maritimes et des plateaux (Togo) (Ekoué et Kuevi-Akue 2002). Les prix bas pratiqués dans ces localités pourrait être liés au fait que soit, les escargots y sont moins consommés soit, ces localités ne sont pas des métropoles à population nombreuse qui affectionnent ces animaux. L’escargot est consommé en Côte d’Ivoire essentiellement pour sa chair fraîche et sa saveur. Toutefois, la masse viscérale composée du foie, des glandes génitales, du rein et de l’intestin peut l’être également (Mbétid-Bessane 2006). Nos résultats montrent que la vente des escargots tient compte de la classe sociale. En effet, les escargots sont vendus en Côte d’Ivoire entre 100 F et 2 000 Fcfa le tas. La différence entre les prix pratiqués dans les différentes communes ne saurait se justifier que par le niveau de revenu des habitants qui diffère d’une commune à l’autre. Ainsi, les prix pratiqués à Abobo (commune d’habitants à faible niveau de revenu) sont inférieurs à ceux pratiqués dans les autres communes où les habitants ont un niveau de revenu relativement élevé en occurrence les quartiers résidentiels (Cocody).

 

Le commerce des escargots est une activité lucrative. La vente au vif qui s’avère être la solution la plus simple et certainement la moins onéreuse permet de réaliser un bénéfice brut moyen de 184 000 Fcfa par mois, soit 411 $ us. Ce gain est supérieur à celui obtenu sur les poulets de chair (372 $ us / mois) et sur les poulets de ponte (106 $ us / mois) par un fermier semi professionnel (Adou 2007). C’est donc à juste titre que 90,91 % des femmes interrogées ont affirmé que la commercialisation des achatines est rentable et permet de se prendre en charge. Ekoué et Kuevi-Akue (2002) ont obtenu des résultats similaires lors d’une enquête sur la commercialisation des escargots au Togo. Selon ces auteurs, 80 % des revendeurs ont affirmé que le commerce des escargots est rentable. Toutes ces données suggèrent que le commerce des escargots peut contribuer à la réduction de la pauvreté en milieu rural. Il conviendrait de mieux l’organiser et de le vulgariser pour une meilleure prise en charge de celles et de ceux qui s’y adonnent.

 

Conclusion  

 

Remerciement  

Nous remercions très sincèrement Monsieur Konan Kouamé Firmin pour son soutien et son aide lors des travaux d’enquête sur les différents marchés d’Abidjan. Puisse Dieu le bénir et le combler de grâces.

 

Références bibliographiques

Adou CFD 2007 Diagnostic et influence du niveau technique des aviculteurs sur la productivité et la rentabilité d’élevages avicoles dans la commune de Grand-Bassam et le district d’Abidjan. Mémoire de DEA UFR-SN Université d’Abobo-Adjamé 38p.

 

Anonyme 2006. Microsoft corporation in Encyclopédie Encarta 2006

 

Avit JBLF, Pedia PL et Sankaré Y 1999 Diversité biologique de la Côte d’Ivoire. Rapport de synthèse du ministère de l’Environnement et de la forêt, 273p.

 

Codjia JTC et Noumonvi RCG 2002 Les escargots géants. Guide technique d’élevage n°2, Bureau pour l’Echange et la Distribution de l’Information sur le mini élevage.  http://bedim.org/guides/escargots_geants.pdf

 

Ekoué S et Kuevi-Akue K 2002 Enquête sur la consommation, la répartition et l’élevage des escargots géants au Togo. Tropicultura 20 (1): 17-22 http://www.bib.fsagx.ac.be/tropicultura/pdf/v20n1.pdf

 

Korn SV, Morkramer G, Kurt JP and Waitkuwait E. 1987 Opportunities for utilizing the African giant snail. Animal Research and development 29: 61-71.

 

Mbétid-Bessane E 2006 Analyse de la filière des escargots comestibles dans la région de l’équateur en République Centrafricaine. Tropicultura 24(2): 115-119 http://www.bib.fsagx.ac.be/tropicultura/pdf/v24n2.pdf

 

MINAGRA (Ministère de l’Agriculture et des Ressources Animales) 1999. Structures agricoles et des ressources Animales en Côte d'Ivoire. Edition. TPC, 410 p.

 

O’dji 1998 La « gastéropoudre » enrichit les sauces. SYFIA, bulletin de presse, décembre 1998, 12 p.

 

Sodjinou E, Biaou G et Codjia J-C 2002 Caractérisation du marché des escargots géants africains (achatines) dans les départements de l’Atlantique et du Littoral au Sud-Bénin. Tropicultura 20(2): 83-88 http://www.bib.fsagx.ac.be/tropicultura/pdf/v20n2.pdf

 

Wilson E O 2000 Biodiversity at the Crossroads. Environmental Science and Technology 34 (5): 123A-128A http://pubs.acs.org/hotartcl/est/00/mar/christen.html



Received 7 December 2007; Accepted 12 January 2008; Published 4 April 2008

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