Influence de la substitution du tourteau de coton par le tourteau de palmiste dans l'alimentation des porcs en croissance finition

F Meffeja, T Dogmo, N Njifutie^*et J Tchakounté

Centre Régional de Recherche Agricole de Nkolbisson, B.P. s/c 7070 Yaoundé
* Département de Biologie et Physiologie Animales, Université de Yaoundé I
meffeja@yahoo.fr

Résumé

Vingt cinq porcelets croisés Landrace x Large White (13 mâles et 12 femelles) âgés de 2,5 mois et pesant initialement 22,3 ± 0,2 kg ont été utilisés pour évaluer l'influence de la substitution du tourteau de coton par celui de palmiste dans les rations alimentaires sur les performances des porcs en croissance finition. Les animaux ont été répartis en cinq traitements de cinq répétitions et soumis individuellement à des rations alimentaires dans lesquelles la quantité de protéines fournie par le tourteau de coton (ration contrôle) a été remplacée par 25, 50, 75 et 100% de celle fournie par le tourteau de palmiste pendant une période expérimentale de 97 jours. L'évaluation des performances a été faite sur la base de la consommation alimentaire, le gain de poids moyen quotidien, l'indice de consommation, les efficacités énergétique et protéique, le coût alimentaire de production du kilogramme de gain de poids et les caractéristiques de la carcasse.

Les résultats obtenus n'ont révélé aucune différence significative (p>0,05) entre les traitements sur la consommation alimentaire, le gain de poids moyen quotidien, l'efficacité protéique et le coût alimentaire de production du kilogramme de gain de poids. Toutefois, l'indice de consommation, l'efficacité énergétique et le poids moyen final des animaux recevant la ration contrôle, 25 et 50 % de la quantité des protéines du tourteau de palmiste ont été significativement (p<0,05) supérieurs à ceux recevant 75 et 100%. Les carcasses des porcs recevant la ration témoin, 25 et 50% de la quantité des protéines du tourteau de palmiste ont été significativement (p<0,05) plus grasses que ceux nourris avec 75 et 100%.

La synthèse des résultats montre que la quantité de protéines fournie par le tourteau de coton peut être substituée par celle du tourteau de palmiste jusqu'au taux de 50 % sans effets négatifs significatifs sur les performances des porcs en croissance finition.

Mots clés: Cameroun - croissance - protéines - porcin - tourteau de coton - tourteau de palmiste

Effects of replacement of cotton seed cake by palm kernel cake in the diet of growing finishing pigs

Summary

Twenty five piglets crossed Landrace x Large White (13 males and 12 females) from 2.5 months old and averaging initial body weight of 22.3 ± 0.2 kg were used to evaluate the effects of replacing dietary cotton seed cake with palm kernel cake on the growth performances of growing finishing pigs. The piglets were randomly allotted into five treatments with five replicates and individually fed with diets in which the quantity of protein provided by cotton seed cake (control diet) was replaced by 25, 50, 75 and 100 % of that supplied by palm kernel cake during 97 experimental- day periods. Performance evaluations were based on daily feed intake, daily weight gain, feed conversion ratio, protein and energy efficiencies, the cost of feed to produce one kg of live weight gain and carcass characteristics.

Results obtained did not reveal any significant difference (p> 0, 05) between treatments on daily feed intake, daily weight gain, protein efficiency and feed cost to produce one kg live weight gain. However, feed conversion ratio, energy efficiency and final mean bodyweight of pigs receiving control diet, 25 and 50% of the quantity of protein provided by palm kernel cake were significantly higher (p<0,05) than those receiving 75 and 100%. Carcasses of pigs receiving control diet, 25 and 50% of the quantity of protein provided by palm kernel cake were significantly (p< 0,05) fatter than those receiving 75 and 100%.

The synthesis of results shows that the quantity of protein provided by cotton seed cake can be replaced by that of palm kernel cake up to 50% without negative effects on growing finishing pig performances.

Key words: Cameroon, cotton seed cake, growth, palm kernel cake, pigs, protein

Introduction

Le tourteau de coton est la source de protéine végétale la plus utilisée dans la formulation des rations alimentaires du bétail au Cameroun. Toutefois, quand le prix de ce sous-produit augmente, les producteurs et les nutritionnistes recherchent de nouvelles sources de protéines plus économiques pour la formulation de leur ration. Par exemple le prix du tourteau de coton a connu au cours de la dernière décennie une augmentation de 133%, passant de 90 FCFA en 1993 à 210 FCFA/kg en 2003.

Le tourteau de palmiste, dont la production est estimée à 18000 tonnes en 2001 au Cameroun (Agristat 2002) est un sous-produit dérivé de l'extraction de l'huile de palmiste. Il est d'une très grande disponibilité et relativement moins coûteux (60 FCFA/kg), comparé aux céréales et à d'autres tourteaux oléagineux. Il n'a pas connu jusqu'à présent une grande utilisation dans l'alimentation des monogastriques à cause de sa teneur élevée en cellulose (13 à 16%), de sa relativement faible teneur en matières azotées totales et de son état graveleux et moins appétissant (Gohl 1981).

Les données existantes actuellement de par le monde sur l'utilisation du tourteau de palmiste dans l'alimentation des monogastriques ont porté essentiellement sur la détermination du taux optimal d'inclusion dans les rations alimentaires et leur influence sur les caractéristiques de carcasse des poulets de chair (Ngou Ngoupayou 1985, Oruwari et al 1995) et des porcs (Jegede et al 1994, Rhule 1996). Les résultats obtenus ont été contradictoires, soit à cause de l'origine du produit, soit à cause de la technologie appliquée pour son extraction ou des méthodes de conservation. Les études comparatives du tourteau de palmiste à d'autres sources de protéines locales sur le plan nutritionnel et économique chez le porc sont rares.

L'objectif de la présente étude est d'évaluer l'effet de la substitution du tourteau de coton par celui de palmiste dans les rations alimentaires sur les performances des porcs en croissance finition, et d'identifier les modifications éventuelles de la qualité de la carcasse dues à l'incorporation du tourteau de palmiste.

Matériel et méthodes

Localisation

L'expérience a été menée au Centre Régional Recherche Agricole de Nkolbisson à Yaoundé (3° 86 et 3° 85 N ; 11° 25 et 11°35 E). Cette région agro écologique est caractérisée par une température moyenne annuelle de 25° C et une pluviométrie bimodale variant entre 1500 et 2500 mm /an et une humidité relative de 50 à 80 % en saison sèche et de 70 à 90 % en saison de pluie.

Dispositif expérimental

Vingt cinq porcelets croisés Landrace x Large white (13 mâles et 12 femelles) âgés de à 2,5 mois et pesant initialement 22,3 ± 0,2 kg ont été répartis au hasard dans 25 loges expérimentales, de dimensions 1,5 m x 3 m, construites en bois et au sol cimenté. Chaque loge était munie d'un abreuvoir circulaire en matériau de récupération (jante de voiture bourrée de ciment) et d'une mangeoire linéaire de dimension 0,5m x 0,5m x 0,3m. Les porcelets ont été soumis à quatre rations expérimentales et un témoin avec cinq répétitions par traitement. Ces rations expérimentales ont été formulées de manière à substituer la quantité de protéines fournie par le tourteau de coton dans la ration contrôle par 25, 50, 75 et 100 % de celle fournie par le tourteau de palmiste, de telle sorte que la contribution du tourteau de palmiste était de 0; 11,1; 22,2; 33,3 et 44,4 % dans les rations alimentaires. Selon certains auteurs (Chiba et al 1991), la variation du rapport énergie/protéine dans les rations alimentaires influence l'efficacité alimentaire, le gain pondéral quotidien et l'utilisation efficiente de l'énergie. Compte tenu de ces observations, le rapport énergie / protéines a été maintenu à 16,6 ± 0,3 kcal /g de protéines au lieu d'élaborer des formules iso caloriques et iso protéiques. Ceci a entraîné une variation de la proportion de maïs et de farine de poisson dans les rations expérimentales (Tableau 1).

Avant la mise en expérience, les animaux ont été déparasités (Levajet) et vaccinés contre le rouget (Rouvax). Ils ont été nourris individuellement et leurs poids corporels enregistrés tous les 30 jours à l'exception de la dernière semaine dont les pesées ont été faites à 7 jours d'intervalles, soit une période expérimentale de 97 jours à l'aide d'une bascule de marque Marshall type PM 100, de portée 200 ± 0,1 kg.

Les tourteaux de coton et de palmiste utilisés provenaient respectivement de la Société de Développement du Coton du Cameroun (SODECOTON) et de la Société Camerounaise de Production d'huile de Palme (SOCAPALM.). L'alimentation quotidienne des animaux a été faite en un seul repas comme pratiqué dans la plupart des petites exploitations porcines au Cameroun à 9heures du matin.

Méthodes d'analyse

Les échantillons des matières premières étudiées et des rations expérimentales ont été analysés pour la matière sèche, les protéines brutes (N x 6,25), la cellulose brute, les matières grasses et la cendre selon les procédures de l'AOAC (1990). L'énergie brute a été déterminée en utilisant un calorimètre adiabatique de marque PARR.

L'évaluation des performances zootechniques a été faite sur la base de la consommation alimentaire moyenne(C), le gain de poids moyen quotidien (GMQ), l'indice de consommation(C/GMQ), l'efficacité énergétique (GMQ/Mcal d'EM ingérée), l'efficacité protéique (GMQ/g protéine ingérée) et le coût alimentaire de production du kilogramme de gain de poids. La marge brute sur la production du kilogramme de gain poids a été estimée en admettant que l'alimentation représente 70% des coûts totaux de production du kg de gain de poids. Ce coût total a été calculé en multipliant le coût alimentaire du kg de gain de poids par 100/70.

Les caractéristiques de la carcasse ont été enregistrées sur quatre porcs, de poids moyen final équivalent (2 mâles et 2 femelles) abattus dans chaque traitement en fin d'expérience après les avoir soumis à un jeûne de 24 heures. Il s'agissait notamment du rendement en carcasse, de l'épaisseur moyenne du lard dorsal mesurée au niveau du cou (1ère vertèbre), du dos (dernière côte), du rein et de la surface de la noix de côtelette.

Les résultats obtenus ont été soumis à l'analyse de variance suivant la procédure GLM (General Linear Model) du logiciel SAS (Statistical Analysis System) et la comparaison des moyennes faite par la méthode de la plus petite différence significative (Kwanchai et Arturo 1983).

Résultats et discussion

Les caractéristiques chimiques analysées des matières premières étudiées ont montré des valeurs en énergie brute, en matières grasses et en cellulose brute du tourteau de palmiste, plus élevées que celles du tourteau de coton, avec cependant une faible concentration en protéines brutes (Tableau 2).

Les concentrations en énergie brute de 4939 kcal, en matières grasses de 13,4% et en cellulose brute de 14,3% du tourteau de palmiste obtenues dans la présente étude sont supérieures aux valeurs d'énergie brute de 4374 kcal, des matières grasses de 7,9% et de la cellulose brute de 11,2% rapportées par Onwudike (1986). Ce qui suggère une grande variabilité dans la composition chimique des matières premières en fonction de leur origine et de leur traitement technologique. De même, les compositions chimiques analysées des rations expérimentales ont montré des valeurs différentes de celles calculées à partir des données moyennes issues des tables de composition des matières premières de la littérature (INRA 1984), particulièrement les matières grasses et la cellulose brute (Tableau 1). Ce résultat indique que le tourteau de palmiste utilisé contiendrait une concentration élevée en huile de palmiste et montre l'importance des analyses chimiques des rations alimentaires lors des tests zootechniques afin d'avoir une idée de leurs valeurs nutritives réelles par rapport aux valeurs calculées.

Les consommations alimentaires moyennes quotidiennes de 1683, 1645, 1722, 1612 et 1602g (Tableau 3) n'ont pas été significativement (p>0,05) différentes avec le niveau croissant du tourteau de palmiste.

Ceci montre que l'acceptabilité des rations n'a pas été affectée, contrairement aux observations de Gohl (1981) qui a rapporté l'inappétence du tourteau de palmiste chez le porc en croissance, due à sa teneur élevée en cellulose et à son aspect graveleux. Cette différence de consommation non significative des rations expérimentales pourrait aussi s'expliquer par le degré de mouture assez fin du tourteau de palmiste dans notre étude.

Le gain moyen quotidien des animaux a été généralement faible, passant de 418g dans le régime témoin à 331g dans la ration contenant 100% de la quantité des protéines du tourteau de palmiste. Cette faible croissance pourrait être due à plusieurs facteurs, notamment le potentiel génétique des animaux (Ndindana et al 2002), le taux de cellulose brute dans les rations expérimentales qui réduit la digestibilité des nutriments en empêchant l'accès des enzymes digestives au contenu cellulaire (Agunbiade et al 1999) ou bien la qualité et la quantité des protéines dans la ration. Aucune différence significative (p>0,05) n'a été observée sur le gain de poids moyen quotidien entre les traitements malgré une diminution en valeur relative de 24,5 % entre le lot témoin et celui contenant 44,4% du tourteau de palmiste. De même, aucune différence significative (p>0,05) n'a été observée sur l'efficacité protéique avec le niveau croissant de la quantité des protéines du tourteau de palmiste dans la ration. Toutefois une supériorité en valeur relative de 8,95% a été observée entre le lot témoin et celui contenant 44,4% du tourteau de palmiste, suggérant une moindre qualité d'énergie de ce dernier par rapport à celle du lot témoin.

La chute des poils et la propension des animaux à se gratter ont été observés sur des animaux recevant des rations contenant du tourteau de palmiste. Ce qui pourrait s'expliquer soit par la carence en tyrosine, acide aminé responsable de la poussée des poils (Laswai et al 1997), soit par la carence en zinc, responsable de parakératose, soit que les régimes contenant du tourteau de palmiste provoqueraient la gale chez des animaux.

Les indices de consommation de 4,09 ; 4,21 ; 4,28 et les efficacités énergétiques respectives de 86,9 ; 84,4 ; 83,4g de gain de poids/Mcal d'énergie métabolisable de la ration témoin et celles contenant 25 ; 50% de la quantité des protéines du palmiste ont été significativement (p<0,05) supérieurs aux indices de consommation de 4,87 ; 4,93 et aux efficacités énergétiques respectives de 74,6 ; 74,4g/Mcal des rations contenant 75 et 100%, montrant également une meilleure utilisation digestive de l'ordre de 14,4% de l'énergie de la ration témoin par rapport à celle de la ration contenant 44,4% du tourteau de palmiste. Ce qui conduit à un taux d'incorporation économique de 22,2% du tourteau de palmiste dans la ration des porcs en croissance finition. Ce résultat est comparable à celui d'Agunbiade et al (1999) qui ont rapporté un taux d'incorporation satisfaisant de 27,5% du tourteau de palmiste chez les porcs de 40 à 60kg. Il est cependant en contradiction avec les taux de 44 et de 62% rapportés respectivement par Codjo (2003) et Jegede et al (1994) dans l'alimentation des porcs de race locale du Bénin et dans l'engraissement des porcs du Nigeria.

Analyse de la carcasse

Les rendements en carcasse dans les rations contenant 75 et 100% des protéines du tourteau de palmiste (Tableau 4), ont été significativement inférieurs à ceux des rations contenant de 0 à 50%.

La diminution du rendement en carcasse observée avec le niveau croissant du tourteau de palmiste dans la ration est en accord avec le résultat de Just (1984) qui a rapporté que l'augmentation du taux des matières fibreuses dans les rations des porcs diminue le rendement en carcasse par une augmentation du volume du tractus digestif. La surface moyenne de la noix de côtelette ainsi que l'épaisseur moyenne du lard dorsal ont été significativement (p<0,05) plus élevées dans la ration contrôle et celles contenant 25 et 50% des protéines du tourteau de palmiste. Ce résultat montre que, malgré une tendance à l'engraissement des porcs recevant jusqu'à 50% des protéines du tourteau de palmiste, l'accroissement de la surface de la noix de côtelette expliquerait une meilleure utilisation des protéines du tourteau de coton par rapport à celles du tourteau de palmiste.

Le coût alimentaire de production du kg de gain de poids n'a montré aucune différence significative entre les traitements (p>0,05).Cependant, une diminution de 12% du coût a été observée jusqu'au taux de 50% de substitution des protéines du tourteau de coton. En admettant que l'alimentation représente 70% des coûts totaux de production en élevage porcin au Cameroun et que la vente du kg de poids vif sur le marché local est de 1000 Frs CFA, la marge bénéficiaire brute de l'éleveur par kg de poids vif produit est de (1000- 624,5x100/70) = 107,8 FCFA. Cette faible marge bénéficiaire montre le peu de manœuvre que l'éleveur camerounais devrait faire pour maintenir son exploitation à cause des coûts alimentaires élevés. Ce résultat est comparable à celui rapporté par Meffeja et al (2003) chez des porcs en croissance alimentés avec des rations contenant 50% de drêches ensilées des brasseries.

Conclusion

• Les résultats obtenus dans la présente étude permettent de conclure que les protéines du tourteau de palmiste peuvent substituer celles du tourteau de coton jusqu'au taux d'environ 50% dans les rations des porcs en croissance- finition, soit environ 25% des protéines de la ration.

• La ration alimentaire contenant jusqu'à 100% des protéines du tourteau de palmiste est la plus intéressante en termes de coût de production du kilo de poids vif malgré son indice de consommation élevé.

• L'alimentation des porcs à base de tourteau de palmiste pourrait constituer une voie de valorisation de ce sous produit disponible localement, si l'on privilégie la réduction des coûts de production plutôt que l'obtention des performances maximales. Toutefois son utilisation devrait être supplémentée par les protéines de haute valeur biologique telle que la farine de poisson.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier l'Institut de Recherches Agricoles pour le Développement (IRAD) pour son appui financier dans la réalisation de ce travail à travers les projets PNVRA/BAD et de Renforcement des Partenariats dans la Recherche Agricole au Cameroun (REPARAC)

Références

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Received 2 November 2006; Accepted 24 November 2006; Published 8 February 2007

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